Le trafic des passagers devrait doubler en vingt ans

Dossier : Le transport aérienMagazine N°645 Mai 2009
Par François COLLET (69)

REPÈRES

REPÈRES
Le trans­port aérien est une activ­ité peu rentable. Cette sit­u­a­tion s’explique par trois caus­es : le faible pou­voir de négo­ci­a­tion des com­pag­nies sur leurs four­nisseurs (con­struc­teurs d’avions, pétroliers, aéro­ports) ; la faib­lesse des bar­rières à l’entrée, il suf­fit de peu de cap­i­tal pour louer des avions et embauch­er des pilotes, dont les qual­i­fi­ca­tions sont stan­dard­is­ées, de même d’ailleurs que les proces­sus de main­te­nance, qui peut elle-même être sous-traitée par le trans­porteur à une entre­prise qual­i­fiée ; le décalage entre la frag­men­ta­tion politi­co régle­men­taire du marché issue de l’histoire et ses dimen­sions pure­ment économiques.

L’in­dus­trie mon­di­ale du trans­port aérien a été con­stam­ment défici­taire de 2001 à 2006, puis à nou­veau en 2008, l’an­née 2007 con­sti­tu­ant la seule année béné­fi­ci­aire de la péri­ode. Cette sit­u­a­tion s’ex­plique par dif­férents événe­ments sur­venus depuis le tour­nant du siè­cle : le trau­ma­tisme du 11 sep­tem­bre 2001, la ten­sion géopoli­tique de 2003, année de l’at­taque améri­caine en Irak, l’épidémie du SRAS la même année, la hausse du prix du pét­role qui a cul­miné à l’été 2008, puis l’é­clate­ment de la crise finan­cière glob­ale dont les effets se pour­suiv­ent aujour­d’hui. Au cours de cette péri­ode, les trois pre­mières com­pag­nies améri­caines, qui sont par­mi les pre­mières du monde par les vol­umes trans­portés et le chiffre d’af­faires, se sont retrou­vées, à un moment ou à un autre, sous le chapitre 11 de la lég­is­la­tion améri­caine sur les fail­lites, l’équiv­a­lent du régime français de redresse­ment judi­ci­aire. En Europe, la sit­u­a­tion a été moins dra­ma­tique au plan financier, mais des com­pag­nies naguère nationales comme Sabena, Swis­sair, et plus récem­ment Ali­talia ou Aus­tri­an Air­lines ont, dans le même temps, dis­paru ou ont été rachetées après avoir fait faillite.

CHIFFRES

Un trafic doublé en quinze ans

Deux mil­liards de passagers
Pour l’an­née 2007, les chiffres sont les suiv­ants : 4 400 mil­liards de pas­sagers-kilo­mètres ; env­i­ron 2,3 mil­liards de pas­sagers trans­portés par les com­pag­nies (soit une étape moyenne d’un peu moins de 1 900 km) ; 4,8 mil­liards de pas­sagers compt­abil­isés par les aéroports.

Le trans­port aérien a con­nu une crois­sance très soutenue, pas­sant d’en­v­i­ron 500 mil­liards de pas­sagers-kilo­mètres trans­portés en 1970 à 4 400 mil­liards en 2007. Il a seule­ment con­nu sur la péri­ode deux années de baisse cor­re­spon­dant à des événe­ments géopoli­tiques majeurs, pre­mière guerre du Golfe en 1991 et atten­tats du 11 sep­tem­bre en 2001.

Il a notam­ment plus que dou­blé au cours des quinze dernières années.

Le trans­port aérien de pas­sagers peut se mesur­er en vol­ume par trois chiffres : les pas­sagers trans­portés par les com­pag­nies aéri­ennes, les pas­sagers-kilo­mètres trans­portés par celles-ci ; les pas­sagers compt­abil­isés sur les aéro­ports. Le chiffre des aéro­ports est d’un peu plus du dou­ble du chiffre des com­pag­nies car chaque pas­sager est compt­abil­isé une fois à l’at­ter­ris­sage et une fois au décol­lage, y com­pris lors des escales inter­mé­di­aires. Dans la durée, le chiffre des pas­sagers-kilo­mètres trans­portés aug­mente un peu plus vite que celui des pas­sagers car la longueur moyenne des étapes aug­mente petit à petit ; elle était d’en­v­i­ron 1 300 km il y a trente ans, 1 500 km il y a vingt ans et 1 700 km il y a dix ans.

Les aéro­ports comptent chaque pas­sager deux fois, à l’atterrissage et au décollage

Sur 4 400 mil­liards de pas­sagers-kilo­mètres trans­portés en 2007, près du quart l’ont été à l’in­térieur de l’Amérique du Nord, prin­ci­pale­ment aux États-Unis, qui restent le pre­mier marché du monde. Le sec­ond fais­ceau est le traf­ic intérieur de la région Asie-Paci­fique avec 18 % du total. Le traf­ic intérieur chi­nois, inclus dans ce chiffre, a représen­té à lui seul plus de 200 mil­lions de pas­sagers-kilo­mètres trans­portés en 2007, soit 5 % du total (con­tre 2 % en 2000), ou encore la moitié de l’At­lan­tique Nord.

ACTEURS

Un marché mondial segmenté

Le trans­port aérien est mon­di­al par excel­lence : il emploie les mêmes avions, suit les mêmes règles tech­niques sur toute la planète, et ses pas­sagers par­courent le monde.

Cepen­dant, le doit inter­na­tion­al stip­ule, non sans rai­son, que l’u­til­i­sa­tion de l’e­space aérien ressor­tit à la sou­veraineté de chaque État. Le droit d’embarquer et débar­quer des pas­sagers repose ain­si, dans le monde entier, sur la Con­ven­tion inter­na­tionale rel­a­tive à l’Avi­a­tion civile inter­na­tionale signée à Chica­go en 1944.

Aucune com­pag­nie n’a libre­ment accès à l’ensemble du marché mondial

Dans ce cadre, les droits de traf­ic dépen­dent à la base, soit d’un seul État, lorsqu’il s’ag­it de son traf­ic intérieur, soit d’ac­cords bilatéraux ou mul­ti­latéraux entre plusieurs États lorsqu’il s’ag­it d’aller de l’un à l’autre.

C’est à par­tir de cette struc­ture de base qu’ont eu lieu suc­ces­sive­ment la libéral­i­sa­tion du traf­ic intérieur des États-Unis au début des années qua­tre-vingt, puis la créa­tion et la libéral­i­sa­tion du marché intérieur européen dans les années qua­tre-vingt-dix. Dans les années 2000, l’U­nion européenne a pour­suivi sur sa lancée en se lançant dans la négo­ci­a­tion, au nom des États mem­bres, d’ac­cords de ciel ouvert avec des parte­naires extérieurs. Le plus impor­tant signé à ce jour est l’ac­cord entre l’Eu­rope et les États-Unis entré en vigueur en avril 2008, qui rem­place les accords bilatéraux antérieurs entre chaque État mem­bre de l’U­nion et la par­tie américaine.

Il n’en reste pas moins que le marché mon­di­al reste seg­men­té juridique­ment ; il n’ex­iste pas de Toy­ota, de Microsoft ou d’Exxon Mobil, ni même de Bouygues ou de Vin­ci du trans­port aérien car aucune com­pag­nie n’a libre­ment accès à l’ensem­ble du marché mondial.

Les trois alliances
Le cadre juridique inter­na­tion­al explique en grande par­tie la créa­tion dans la sec­onde moitié des années qua­tre-vingt-dix des trois grandes alliances qui domi­nent le trans­port aérien inter­na­tion­al : One World, Star Alliance et Sky Team.
 
Ces alliances ont voca­tion à cou­vrir le marché mon­di­al des vols long-cour­ri­ers et des lignes d’ap­port qui les ali­mentent par des cor­re­spon­dances sur les hubs (terme d’usage courant dans les trans­ports et les com­mu­ni­ca­tions élec­tron­iques, sig­nifi­ant moyeu en anglais).
 
Cha­cune d’elles regroupe de dix à vingt com­pag­nies, par­mi lesquelles : l’un des trois lead­ers améri­cains, l’un des trois lead­ers européens, une ou plusieurs com­pag­nies asiatiques.
 
Leurs parts de marché, en nom­bre de pas­sagers-kilo­mètres dans le monde, ont été en 2007 : Star Alliance (Unit­ed Air­lines, Lufthansa et leurs alliés) 23 % ; Sky Team (Delta Air­lines, Air France et leurs alliés) 21 % ; One World (Amer­i­can Air­lines, British Air­ways et leurs alliés) 18 %.

Pris­es indi­vidu­elle­ment, les dix pre­mières com­pag­nies mon­di­ales sont les six citées dans les alliances (voir encadré), aux­quelles s’a­joutent Con­ti­nen­tal, North­west Air­lines, South­west, toutes trois améri­caines, et une seule asi­a­tique, Sin­ga­pore Air­lines. La pre­mière du classe­ment, Amer­i­can Air­lines, ain­si que le groupe Air France-KLM, si on le con­sid­ère comme un seul trans­porteur, dépassent les 200 000 pas­sagers-kilo­mètres trans­portés, soit un peu plus de 5 % du marché mon­di­al chacun.

PERSPECTIVES

Avions et performances

Les avions qui voleront dans vingt ans ne représen­teront pas une révo­lu­tion mais une pour­suite du pro­grès par rap­port à ceux que l’on con­naît aujour­d’hui, sachant que l’A-380 com­mence tout juste sa car­rière com­mer­ciale, et que le B‑787 ou l’A-350XWB n’ont pas encore com­mencé les leurs. Dans leurs pro­jec­tions, Air­bus et Boe­ing dis­tinguent qua­tre seg­ments : les avions régionaux, les sin­gle aisle (mono­couloirs), les twin aisle (dou­bles couloirs) et les très gros por­teurs. Les pro­grammes déjà lancés por­tent sur les très gros por­teurs (A‑380) et les dou­bles couloirs (B‑787 et A‑350XWB).

Énergie et environnement

Le mode de propul­sion ne chang­era pas fon­da­men­tale­ment dans les vingt ans à venir ; le car­bu­rant sera tou­jours le kérosène, issu du pét­role, ou des sub­sti­tuts pos­sé­dant des pro­priétés équiv­a­lentes, issus du char­bon ou de la bio­masse. L’avi­a­tion com­mer­ciale restera donc très con­cernée par sa con­som­ma­tion de pét­role, par ses émis­sions de CO2, et aus­si par la maîtrise des nui­sances sonores. Dans ces dif­férents domaines, des pro­grès con­ti­nus sont atten­dus sur la dou­ble base des efforts con­stants de l’in­dus­trie et de l’évo­lu­tion de la régle­men­ta­tion internationale.

Structure des marchés

Les dis­cus­sions inter­na­tionales en cours mon­trent que la ten­dance est d’aller vers la pour­suite de la libéral­i­sa­tion pro­gres­sive des dif­férents seg­ments du marché mon­di­al. Cette ten­dance sus­cite des craintes car elle fera le jeu des grandes com­pag­nies mon­di­ales par rap­port à celles des pays moyens mais elle obéit à une logique de fond, au même titre que la libéral­i­sa­tion du com­merce en général dans le cadre de l’OMC. Elle devrait se pour­suiv­re, sauf ren­verse­ment his­torique non prévis­i­ble aujourd’hui.

Plus vite que le PIB
Le déter­mi­nant le plus fon­da­men­tal de la demande de trans­port aérien réside dans la psy­cholo­gie humaine. Dans le monde entier, le con­som­ma­teur, vu comme un agent économique, a un désir de déplace­ment, qui cor­re­spond à une exten­sion de sa lib­erté et à son désir de décou­verte. L’élas­tic­ité de la demande de trans­port aérien par rap­port au revenu disponible a tou­jours été, jusqu’à présent, supérieure à un. L’OACI la chiffre à 1,30 sur la base de séries longues. À coût con­stant, le trans­port aérien aug­mente plus vite que le PIB et cette loi ne peut que con­tin­uer à se véri­fi­er jusqu’à la matu­rité de l’ac­tiv­ité. Celle-ci est à peu près atteinte aux États-Unis, mais est encore loin de l’être dans la plus grande par­tie du monde.

Répar­ti­tion du traf­ic mon­di­al en 2007
Fais­ceaux 106PKT %
Amérique Nord Amérique Nord 1020 23%
Asie-Pacifique Asie-Pacifique 780 18%
Europe Europe 630 14%
Sous-total 1 55%
Amérique Nord Europe 420 10%
Europe Asie-Pacifique 310 7%
Amérique Nord Asie-Pacifique 250 6%
Sous-total 2 78%
Amérique Nord Amérique Latine 180 4%
Europe Amérique Latine 160 4%
Europe Moyen-Orient 160 4%
Europe Afrique 120 3%
Amérique Latine Amérique Latine 120 3%
Asie-Pacifique Moyen-Orient 90 2%
Moyen-Orient Moyen-Orient 40 1%
Afrique Afrique 30 1%
Amérique Nord Moyen-Orient 30 1%
Afrique Moyen-Orient 20 0%
Amérique Nord Afrique 8 0%
Asie-Pacifique Afrique 6 0%
Asie-Pacifique Amérique Latine 5 0%
Afrique Amérique Latine 3 0%
TOTAL 4382 100%


Trafic

Air­bus et Boe­ing pub­lient chaque année des prévi­sions à vingt ans, de même que d’autres organ­ismes dont Euro­con­trol (con­trôle aérien en Europe).

Amer­i­can Air­lines et Air France-KLM dépassent cha­cune 5% du marché mondial

Leurs chiffres globaux son­tr ela­tive­ment proches : ils prévoient, année après année, une crois­sance du traf­ic mon­di­al proche de 5 % par an en PKT, et de 4 % en pas­sagers ; la longueur moyenne des vols étant sup­posée aug­menter d’en­v­i­ron 1 % par an. Le nom­bre d’avions en ser­vice aug­menterait, quant à lui, d’en­v­i­ron 3 % par an, le nom­bre de sièges par avion aug­men­tant aus­si sur la période.

Le traf­ic passerait ain­si de 4 500 mil­liards de pas­sagers-kilo­mètres trans­portés en 2007 à 12 000 mil­liards en 2027.

Cette prévi­sion repose sur l’hy­pothèse d’une aug­men­ta­tion du PIB mon­di­al d’en­v­i­ron 3 % par an, taux assez com­muné­ment pris en compte par les prévi­sions macroé­conomiques mon­di­ales, y com­pris celles de l’A­gence inter­na­tionale de l’énergie.

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