Le tour du monde des énergies : Hydrogène au Japon

Dossier : ExpressionsMagazine N°637 Septembre 2008
Par Blandine ANTOINE (01)
Par Elodie RENAUD (01)

En tra­ver­sant la mer du Japon, nous tombons dans les bras d’in­no­va­tions futur­istes. La Fon­da­tion pour l’én­ergie nou­velle (New Ener­gy Foun­da­tion [NEF]) nous présente un pro­jet qui, mené depuis 2005 à Tokyo, souhaite réduire la con­som­ma­tion énergé­tique domes­tique glob­ale. Glob­ale ? Pour l’én­ergie comme pour de nom­breux flux, il faut s’ac­corder sur la déf­i­ni­tion des fron­tières d’é­val­u­a­tion pour pou­voir s’en­ten­dre : la NEF veut dimin­uer la quan­tité d’én­ergie pri­maire con­som­mée dans le secteur résidentiel. 

Bib­li­ogra­phie
La Jaune et la Rouge dif­fuse depuis un an des extraits du Tour du monde des éner­gies et des solu­tions décou­vertes dans les 17 pays qu’il a tra­ver­sés. Ceux que ces descrip­tions auront intéressés peu­vent trou­ver com­plé­ments et appro­fondisse­ments dans Le Tour du monde des éner­gies (édi­tions J.-C. Lattès). 

L’hydrogène, à la maison et sur les routes

Par­tant du con­stat que la séis­mic­ité japon­aise s’op­pose à l’étab­lisse­ment de réseaux de chaleur, que la chaleur pro­duite par les cen­trales élec­triques ther­miques est donc dif­fi­cile­ment val­oris­able, et que le ren­de­ment énergé­tique glob­al de la pro­duc­tion élec­trique japon­aise s’en trou­ve néces­saire­ment con­traint, elle eut l’idée de cogénér­er élec­tric­ité et chaleur au plus près de cen­tres qui les utilisent con­join­te­ment — les maisons. Aujour­d’hui que les piles à com­bustible sont de plus en plus fiables, en faire de mini cen­trales domes­tiques est une idée tout à fait aguicheuse. Con­som­mant de l’hy­drogène pour ne pro­duire que de l’eau, de la chaleur et de l’élec­tric­ité, ces sys­tèmes énergé­tiques dont le ren­de­ment ne dépend pas de l’échelle de l’in­stal­la­tion (une aubaine pour ses appli­ca­tions urbaines répar­ties !) doivent être refroidis. La chaleur évac­uée peut être util­isée pour chauf­fer l’eau san­i­taire d’une mai­son. Quand le bal­lon d’eau chaude est plein, la pile PEMFC (Pro­ton Exchange Mem­brane Fuel Cell) de 1 kWe s’ar­rête et l’habi­ta­tion se con­necte au réseau élec­trique. Bien sûr, l’hy­drogène con­som­mé n’est qu’un vecteur d’én­ergie, pas une source ; il faut donc le fab­ri­quer. L’in­stal­la­tion est dotée d’une petite unité de refor­mage qui tourne au gaz naturel, au gaz de ville, au GPL ou au kérosène. Alors que la con­ver­sion de l’én­ergie chim­ique des hydro­car­bu­res (gaz, char­bon, fioul lourd) en énergie élec­trique a un ren­de­ment ” clas­sique ” de 35 %, le ren­de­ment énergé­tique glob­al du sys­tème ” réformeur + pile à com­bustible ” atteint 80 % grâce à la cogénéra­tion de chaleur et d’élec­tric­ité. 1 000 habi­ta­tions ont ain­si été équipées à titre de démon­stra­tion. Si l’ex­péri­ence s’avère con­clu­ante, la pro­duc­tion en masse de ces équipements per­me­t­trait d’en réduire suff­isam­ment le coût pour les ren­dre acces­si­bles aux ménages. Ce n’est évidem­ment pas la seule façon de tir­er par­ti des qual­ités de l’hy­drogène. Nous avions décou­vert en Norvège l’u­til­i­sa­tion de sys­tèmes élec­troly­tiques pour stock­er l’én­ergie du vent dans des bon­bonnes de ce gaz promet­teur. Au Japon, nous tombons sur une vari­ante de cette fonc­tion de stock­age ; elle pour­rait révo­lu­tion­ner le trans­port auto­mo­bile, à con­di­tion que les prob­lèmes du déploiement d’une nou­velle infra­struc­ture de car­bu­rant et de la péné­tra­tion du marché auto­mo­bile par des tech­nolo­gies ” de rup­ture ” soient résolus. 


Unité domes­tique de refor­mage et de cogénéra­tion de chaleur et d’élec­tric­ité à Tokyo.

Stock­age d’hy­drogène dans la sta­tion de recharge gérée par Tokyo Gas.

Un véhicule sans émissions

Le pro­gramme japon­ais pour les piles à com­bustible (Japan­ese Hydro­gen Fuel Cell JHFC) a fédéré les efforts de grands con­struc­teurs auto­mo­biles dans le but de dévelop­per, tester et pro­mou­voir des pro­to­types de véhicules à hydrogène. Son ambi­tion : les aider à con­stru­ire un véhicule effi­cace et ” sans émis­sions ni locales ni glob­ales “. Le véhicule à hydrogène est, avec le véhicule élec­trique, en tête de la course au Graal ain­si défi­ni. Env­i­ron 350 voitures de ce type courent actuelle­ment les routes mon­di­ales, dont l’équipement en sta­tions à hydrogène peut être suivi sur le site www.h2stations.org.


Seul pro­duit « d’échappe­ment » : de l’eau.

Prin­ci­paux défis : réduire leur coût (aujour­d’hui 100 mil­lions de yens soit 635 000 euros) et accroître leur autonomie. Pour ce faire, les con­struc­teurs cherchent à accroître la capac­ité des réser­voirs, s’in­ter­ro­gent sur l’in­fra­struc­ture de dis­tri­b­u­tion de ce nou­veau car­bu­rant opti­male, et en vien­nent à envis­ager l’in­stal­la­tion d’une unité de refor­mage embar­quée qui fonc­tion­nerait aux hydro­car­bu­res ou agro­car­bu­rants disponibles aux pom­pes existantes. 

Récupérer la chaleur des égouts

En sus de nos vis­ites à l’im­pres­sion­nante cen­trale géother­mique d’Hac­cho­baru et au spé­cial­iste de la céramique Kyocera qui s’est lancé avec suc­cès au milieu des années soix­ante-dix dans la con­cep­tion de cel­lules pho­to­voltaïques, nous avons pu ren­con­tr­er l’équipe chargée de la ges­tion énergé­tique de la ville de Tokyo. Nous y avons décou­vert com­ment une col­lec­tiv­ité peut faire le choix d’une vision holis­tique des boucles dont elle a la charge pour imag­in­er des syn­er­gies inno­vantes. La chaleur d’un inc­inéra­teur d’or­dures sera ain­si récupérée dans un nou­veau lotisse­ment indus­triel pour chauf­fer l’eau de bâti­ments et d’une piscine. Plus éton­nant, la chaleur des égouts est en passe d’être récupérée pour con­tribuer à ther­malis­er cer­tains bâtiments.

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