Le satellite, une solution méconnue au service de l’aménagement numérique du territoire

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°753 Mars 2020
Par Sandrine LAFONT

Ren­con­tre avec San­drine Lafont, Experte Télé­com­mu­ni­ca­tions par satel­lite – Marchés, ser­vices et usages au sein du CNES, le Cen­tre Nation­al d’Etudes Spa­tiales, qui replace pour nous la solu­tion satel­li­taire dans le paysage numérique français.

Quelle est la place du satellite dans l’aménagement numérique du territoire français et européen ?

L’objectif annon­cé par le Gou­verne­ment français est de garan­tir l’accès au bon haut débit pour tous dès 2020 et au très haut débit dès 2022. Dans ce cadre, le plan France Très Haut Débit, qui prévoit un investisse­ment de 20 mil­liards d’euros financé env­i­ron pour moitié par les pou­voirs publics et pour moitié par les acteurs privés, donne la pri­or­ité aux solu­tions fibre, avec néan­moins la prise en compte de solu­tions com­plé­men­taires des­tinées aux foy­ers isolés trop dif­fi­ciles à con­necter par fibre. Par­mi celles-ci, il y a la solu­tion satel­li­taire qui peut être déployée partout et instan­ta­né­ment à un moin­dre coût. 

Aujourd’hui, on recense en France moins de 100 000 con­nex­ions par satel­lite. Pour­tant ces con­nex­ions offrent du bon haut débit au prix du marché. Sous-util­isées en France et en Europe, les solu­tions satel­li­taires sont large­ment répan­dues aux États-Unis et en Aus­tralie. Con­traire­ment aux idées reçues, ces solu­tions ne sont pas à associ­er aux pays en voie de développe­ment, mais plutôt à des pays ultra dévelop­pés qui ont des cou­ver­tures géo­graphiques très vastes. 

Comment expliquez-vous cette sous-utilisation de la solution satellitaire ? 

C’est une solu­tion de niche mécon­nue de l’opinion publique car elle n’est pas pro­posée par les grands opéra­teurs nationaux (Orange, SFR, Bouygues, Free), mais par des opéra­teurs dédiés, moins vis­i­bles. Sur un plan plus opéra­tionnel, pour l’utiliser, il faut sauter le pas et se dot­er d’une parabole. Cette solu­tion mar­ginale est égale­ment peu con­nue des pou­voirs publics et des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales : le déploiement d’une infra­struc­ture satel­li­taire se faisant à l’échelle d’un con­ti­nent, il est aujourd’hui assuré par des opéra­teurs privés et échappe aux poli­tiques publiques régionales et ter­ri­to­ri­ales. Alors que pour les autres solu­tions, comme la fibre ou la 4G, une col­lec­tiv­ité peut non seule­ment financer le déploiement de l’infrastructure, mais aus­si choisir les zones pri­or­i­taire­ment con­cernées par ce déploiement.

Quelles sont les politiques publiques en support à cette technologie aussi bien pour l’accès à internet des foyers que des professionnels français ?

Le satel­lite est inclus dans le plan France Très Haut Débit et entre dans le dis­posi­tif Cohé­sion Numérique des Ter­ri­toires lancé en mars 2019. L’État accorde une sub­ven­tion de 150 euros par local à laque­lle peut s’ajouter une sub­ven­tion ter­ri­to­ri­ale en fonc­tion des départe­ments ou des régions. Ces sub­ven­tions cou­vrent ain­si une par­tie du coût du ter­mi­nal, qui est d’environ 400 euros. 

Par ailleurs, via un sou­tien con­stant à la R&D, l’Etat français et le CNES ont per­mis à l’industrie française d’être des lead­ers mon­di­aux pour la con­cep­tion et la fab­ri­ca­tion de ces sys­tèmes satel­li­taires en per­pétuelle innovation.

Est-ce que le déploiement de la 5G va changer quelque chose ?

En terme de cou­ver­ture, la 5G va recréer, voire exac­er­ber, les frac­tures ter­ri­to­ri­ales que nous con­nais­sons déjà avec la fibre et la 4G, car les per­for­mances spé­ci­fiques à la 5G néces­si­tent une cou­ver­ture plus dense des sta­tions de base du ter­ri­toire. Elle sera donc déployée en pre­mier lieu dans les zones dens­es, en amélio­rant la qual­ité là où il y a une rentabil­ité pour les opéra­teurs. Le satel­lite pour­ra néan­moins amen­er la 5G dans les zones isolées, comme cela se fait déjà pour la 4G actuellement. 

En terme de tech­nolo­gie, la 5G vise une con­ver­gence de tous les réseaux, dans laque­lle le satel­lite évidem­ment s’intègrera.

Qu’en est-il des évolutions des solutions satellitaires sur le moyen et long terme ?

Le lance­ment réus­si du satel­lite de nou­velle généra­tion Kon­nect par l’opérateur Eutel­sat va per­me­t­tre dès l’automne prochain de dou­bler la capac­ité disponible pour cou­vrir la France, tout en amélio­rant les per­for­mances. En suiv­ant, le lance­ment de Kon­nect VHTS (Very High Throuput Satel­lite) prévu fin 2021 per­me­t­tra dès 2022 la four­ni­ture du très haut débit à tous par la mul­ti­pli­ca­tion par 10 des per­for­mances. La démarche d’amélioration con­tin­ue des satel­lites per­met d’augmenter les capac­ités tout en réduisant les coûts ce qui per­met aux offres satel­li­taires de rester en adéqua­tion avec le marché et les besoins crois­sants des utilisateurs.


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