Le risque radio-actif environnemental est un mythe plus qu’une réalité

Dossier : Épidémiologie : au service de la santéMagazine N°670 Décembre 2011
Par Claude PAYEN

Dans notre vie quo­ti­di­enne, nous sommes soumis à une irra­di­a­tion d’origine naturelle, en prove­nance du ciel, de l’air, de la terre et de notre alimentation.

REPÈRES
Nous sommes tous, en per­ma­nence, exposés à des irra­di­a­tions d’origine naturelle, et aus­si d’origine humaine. Nul ne peut y échap­per. La dose qui en découle est au min­i­mum de 3 mSv par an, mais elle peut attein­dre des valeurs beau­coup plus élevées. L’homme a tou­jours été irradié par le ciel et par la terre, sans que cela n’ait apparem­ment gêné le développe­ment de l’humanité.
Aucune lésion sig­ni­fica­tive n’a pu être rap­portée à cette irra­di­a­tion, même par­mi les pop­u­la­tions soumis­es aux expo­si­tions les plus fortes.

Le ciel et l’atmosphère

Altitude(en mètres)
Dose en mSv/an
Équa­teur 30° 50%
0 0,35 0,4 0,5
2 000 1 1,3 1,7
5 000 4 6 8
10 000 14 23 45

Le ray­on­nement du ciel, appelé ray­on­nement cos­mique, en prove­nance du ciel et des étoiles, se trou­ve heureuse­ment très atténué lors de sa tra­ver­sée de l’atmosphère ter­restre, et délivre, au niveau du sol, une dose annuelle de l’ordre de 0,4 mSv. Cette dose aug­mente un peu avec la lat­i­tude et beau­coup avec l’altitude : elle dou­ble chaque fois que l’on s’élève de 1 500 mètres.

Le ray­on­nement atmo­sphérique est essen­tielle­ment le fait du radon, gaz radioac­t­if provenant de la dés­in­té­gra­tion du radi­um, luimême issu de l’uranium présent dans le sol. Sa con­cen­tra­tion varie en fonc­tion de la nature du sol : les roches gran­i­tiques sont par­ti­c­ulière­ment pro­duc­tives en radon (voir tableau en page 19). Dans ces régions, tel le Lim­ou­sin, l’activité radon dépasse sou­vent 400 Bq/m3, et de nom­breuses habi­ta­tions 1 000 Bq/m3, niveau où il est req­uis de réalis­er des travaux d’assainissement dans les locaux accueil­lant du pub­lic, la dose indi­vidu­elle qui en résulte, du fait de la res­pi­ra­tion, varie ain­si de 1 à 10 mSv par an.

Le sol et la mer

Un régime ali­men­taire équili­bré apporte 100 Bq par jour, un régime végé­tarien en apporte 300

Dans les roches, les atom­es d’uranium, de tho­ri­um et de potas­si­um 40 se dés­in­tè­grent, en émet­tant des ray­on­nements qui peu­vent attein­dre les êtres vivants. En pro­fondeur, l’énergie des ray­on­nements est dis­sipée sous forme de chaleur, la radioac­tiv­ité étant ain­si à l’origine pour moitié de la géother­mie. L’activité du sol est de l’ordre de 1 300 Bq/kg mais peut attein­dre des niveaux 200 000 fois plus élevés dans les zones uranifères.

On peut aus­si not­er que les neu­trons cos­miques, inter­agis­sant avec l’uranium de la croûte ter­restre, y provo­quent l’apparition de plu­to­ni­um, d’origine tout à fait naturelle : un pot de fleurs con­tenant 1 kg de terre con­tient aus­si quelques mil­ligrammes d’uranium et quelques dizaines de mil­lions d’atomes de plu­to­ni­um, dont la masse est bien sûr insignifi­ante. S’ajoute une con­t­a­m­i­na­tion interne naturelle, du fait que tant l’air respiré que tous nos ali­ments sont naturelle­ment radioac­t­ifs. Le corps humain lui-même con­stitue une source radioac­tive de 10 000 Bq.

Respir­er dans la Creuse
Le risque san­i­taire du radon est celui du can­cer du poumon, éval­ué par extrap­o­la­tion à par­tir des fortes dos­es reçues autre­fois par les mineurs d’uranium. Or, la Creuse, départe­ment le plus radioac­t­if de France, a un des taux de can­cers du poumon les plus faibles de notre pays.
Con­joint radioactif
Un kilo­gramme d’uranium 238 pur n’est que faible­ment radioac­t­if : env­i­ron 10000 Bq, en ten­ant compte de l’auto-absorption, soit une radioac­tiv­ité équiv­a­lente à celle du corps humain. Du point de vue de la radioac­tiv­ité, il n’est pas plus dan­gereux de dormir avec un kilo­gramme d’uranium 238 sous son oreiller qu’en ten­ant son con­joint dans les bras, car la dose d’irradiation reçue est du même ordre de grandeur dans les deux cas.

De l’uranium dans la mer

Par éro­sion, le Rhône rejette en Méditer­ranée, chaque année, plus de 100 mil­liards de Bq d’uranium, soit env­i­ron 10 tonnes. L’eau de mer a une activ­ité de 12000 Bq/m3, et on estime à 5 mil­liards de tonnes la quan­tité d’uranium dis­sous dans les océans.

L’irradiation d’origine humaine

Comme l’homme de Cro-Magnon, nous sommes tous, de père en fils, radioac­t­ifs et irradiants

Depuis une cen­taine d’années, à ce fond d’origine naturelle, nous ajou­tons un com­plé­ment d’irradiations générées par nos activ­ités humaines, par­mi lesquelles on peut citer : l’exploitation des ressources naturelles, les retombées radioac­tives, les activ­ités indus­trielles, les loisirs, les cen­trales et les instal­la­tions nucléaires, et enfin, les pra­tiques médi­cales. La plu­part de ces sources, à l’exception des actes médi­caux, génèrent des expo­si­tions de très faibles niveaux, de l’ordre de quelques cen­tièmes de mSv, même en ce qui con­cerne les retombées radioac­tives. Celles-ci sont dues essen­tielle­ment aux essais atmo­sphériques des années cinquante et soix­ante et à l’accident de Tchernobyl.

ACTIVITÉS EN Bq/KG
ÉLÉMENTS URANIUM 238 THORIUM 232 POTASSIUM 40 TOTAL
SEUL CHAÎNE SEUL CHAÎNE
Il y a 4,5 milliards
d’années
80 1040 50 450 4230 5850
Aujourd’hui 40 520 40 360 370 1330
En France, sur un mètre de profondeur :
• 1 016 Bq d’uranium = 1 mil­lion de tonnes d’uranium 238
• 1 016 Bq de tho­ri­um = 10 mil­lions de tonnes de tho­ri­um 232

Tch­er­nobyl insignifiant
En ce qui con­cerne les dos­es con­séc­u­tives à l’accident de Tch­er­nobyl, leur niveau cumulé sur soix­ante ans représente en France moins de 1/100 de l’irradiation d’origine naturelle ; les con­séquences san­i­taires ne peu­vent qu’être insignifi­antes. Il en va de même en ce qui con­cerne les can­cers de la thy­roïde dont le taux avait com­mencé d’augmenter dix ans avant l’accident et dont l’incidence est plus faible dans les zones de plus fortes retombées.

Les pro­duits radioac­t­ifs entraînés dans l’atmosphère lors des essais ou de l’accident retombent lente­ment sur le sol. La dose reçue par la pop­u­la­tion est due à l’apport de radioac­tiv­ité via la chaîne ali­men­taire (eau de bois­son, lait). Les iodes radioac­t­ifs dis­parais­sent très vite du fait de leur demi-vie courte, et seul le cési­um sub­siste au bout de quelques mois. Par con­tre, con­traire­ment à ce que l’on pense générale­ment, les irra­di­a­tions dues aux pra­tiques médi­cales, à visées diag­nos­tiques (radi­ogra­phies, scan­ners, scinti­gra­phies, etc.) ou thérapeu­tiques (radio­thérapie, traite­ment à l’iode radioac­t­if, etc.) représen­tent la part la plus impor­tante des expo­si­tions dues à nos activ­ités, avec une dose annuelle moyenne de l’ordre de 1 mSv.

Nous con­sta­tons donc que cha­cun d’entre nous reçoit au moins 4 mSv par an, délivrés pour leur qua­si-total­ité par l’irradiation d’origine naturelle et médicale.

Irradiation en différents lieux du monde
Dose cumulée en 60 ans
TYPE D’EXAMEN DOSE ÉQUIVALENTE EFFICACE (mSv)
Thorax–radiographie 0,14
Crâne 0,16
Hanche ou fémur 0,92
Mam­mo­gra­phie 1
Abdomen 1,1
Bassin 1,2
Cholé­cys­togra­phie 1,5
Colonne lom­baire 1,7
Trac­tus gas­tro-intesti­nal inférieur 4,1
Scan­ner 4,3 (0,4 – 10)
Angiogra­phie 6,8

GLOSSAIRE

Radioac­tiv­ité
La matière est con­sti­tuée d’atomes com­posés d’un noy­au entouré d’électrons. Quand le noy­au de l’atome con­tient trop d’énergie, il est insta­ble ; il se dés­in­tè­gre en émet­tant des ray­on­nements : c’est le phénomène de la radioactivité.

Unités de mesure
Le nom­bre de dés­in­té­gra­tions par sec­onde s’exprime en bec­querels (Bq).
La dose mesure l’énergie trans­mise par les ray­on­nements à un indi­vidu irradié. Elle per­met d’apprécier le risque pour la san­té. Elle s’exprime en siev­erts (Sv), mais on utilise sou­vent le sous-mul­ti­ple, à savoir le mil­lisiev­ert (mSv).
Par analo­gie avec un jet d’eau, le nom­bre de gouttes émis­es par sec­onde cor­re­spond à l’activité de la source (bec­querels) et la quan­tité d’eau reçue par un spec­ta­teur cor­re­spond à la dose (mil­lisiev­ert).

Le retour au bon sens

Quel effet peut avoir quelques cen­tièmes de mSv de plus ? La per­cep­tion exagérée du risque radioac­t­if envi­ron­nemen­tal, avec une appli­ca­tion incon­sid­érée du principe de pré­cau­tion, n’est pas neu­tre dans ses con­séquences pour la société ; elle con­duit nos respon­s­ables poli­tiques à effectuer des choix aber­rants dans le domaine des éner­gies ce qui aura, à terme, un coût social impor­tant : énergie chère ou inac­ces­si­ble, baisse de l’activité économique, chô­mage avec ses corol­laires de souf­france et d’accès réduit aux soins médi­caux, par exemple.

Les irra­di­a­tions dues aux pra­tiques médi­cales représen­tent la part la plus impor­tante des expositions

En out­re, dans un cadre budgé­taire con­traint, le choix d’augmenter encore les pro­tec­tions pour se pré­mu­nir d’un risque inex­is­tant se fait au détri­ment d’investissements beau­coup plus oppor­tuns qui pour­raient con­tribuer à réduire des risques bien réels.

Il serait souhaitable que le bon sens retrou­ve sa place pour que notre société sache de nou­veau effectuer des choix raisonnables et raison­nés. Mais il faudrait que la notion de pro­grès cesse d’être un mot inconvenant.

RISQUES SANITAIRES EN FONCTION DE LA DOSE REÇUE
– De 3 à 10 mSv : dose min­i­male annuelle due à la radioac­tiv­ité naturelle.
– Moins de 200 mSv : absence d’effets san­i­taires constatés.
– Plus de 1000 mSv : danger.

6 Commentaires

Ajouter un commentaire

4 décembre 2011 à 20 h 01 min

Mer­ci pour cet arti­cle, on se
Mer­ci pour cet arti­cle, on se sent ras­suré que la ques­tion du nucléaire soit entre les mains de gens intel­li­gents, comme le sont les” X”.
.Je regrette que quelques réac­teurs atom­iques français n’aient pas pété comme ceux de Fukushi­ma, car comme ça on aurait bien vu que l’én­ergie atom­ique n’est pas spé­ciale­ment dangereuse.

André Gen­nesseauxrépondre
5 décembre 2011 à 8 h 12 min

Energie nucléaire et radioac­tiv­ité moyenne
La Jaune et la Rouge se dis­crédite à pub­li­er des con­tri­bu­tions de fana­tiques pro nucléaires. C’est à cause de gens comme cela que les sci­en­tifiques et le pro­grès devi­en­nent de plus en plus sus­pects pour l’opin­ion publique.

Que pensent les déplacés de Tch­er­nobyl et de Fukushi­ma de la radioac­tiv­ité moyen­née dans le temps et dans l’e­space ? Ils voient juste que les sci­en­tifiques qui étaient chargés d’as­sur­er leur sécu­rité sont des menteurs ou des incompétents.

S’il n’y a pas encore eu d’ac­ci­dent en France, c’est juste une ques­tion de chance, il suf­fit de voir le nom­bre de presqu’ac­ci­dents. Il est urgent de pro­gram­mer la fin de l’én­ergie nucléaire.

Dadarépondre
16 mai 2018 à 13 h 52 min
– En réponse à: André Gennesseaux

l’in­dus­trie pétrolière est
l’in­dus­trie pétrolière est clean peu être ? Une per­son­ne sur 7 qui meurt dans le monde d’un can­cer du poumon est un chi­nois du a la pol­lu­tion de leurs airs , les par­tic­ules des mazouts sont bien pire que tout les acci­dents nucléaires de planète, le pét­role on le brûle tout les jours ! Et je par­le même pas de l’in­dus­trie petro-agrochim­ique qui nous empoi­sonne par la bouffe , la polémique sur le nucléaire les arrange bien c’est l’ar­bre qui cache la foret

Bruno B.répondre
5 décembre 2011 à 10 h 56 min

Dis­crédit ou honneur ?

@André La Jaune et la Rouge se serait dis­créditée en pub­liant cet arti­cle si les chiffres men­tion­nés étaient un tis­su de men­songes. Si vous avez des élé­ments factuels prou­vant un tel men­songe, alors four­nissez les. Pour ma part, je trou­ve que pub­li­er un tel arti­cle est exacte­ment ce que j’at­tends de La Jaune et la Rouge — le lecteur est invité à réfléchir par lui-même.

Et je trou­ve plutôt hon­or­able que La Jaune et la Rouge ne cède pas com­plète­ment à la cen­sure large­ment prônée par la pen­sée dom­i­nante. Et cela ne me gêne pas que La Jaune et la Rouge pub­lie des arti­cles avec lesquels je ne suis pas d’ac­cord. C’est ce qu’on appelait autre­fois “con­tribuer au débat”.

chevallierX68répondre
1 janvier 2012 à 18 h 13 min

fana­tique or nor not fana­tique ?
l’ar­ti­cle du Dr Payen est peut-être un peu abrupt, mais de là à con­sid­ér­er son auteur comme un fana­tique et à regret­ter qu’il n’y ait pas eu d’ac­ci­dents nucléaires majeurs en France, il y a une lim­ite à ne pas dépasser.
L’am­biance actuelle en France (en Europe plus générale­ment) me rap­pelle celle qu’on devait ren­con­tr­er à Flo­rence il y a quelques siè­cles du temps de Savona­role : On n’a plus le droit de penser que l’én­ergie nucléaire reste une solu­tion d’avenir car c’est devenu un DOGME “le nucléaire est une énergie satanique”.
Com­ment le français moyen pour­ra-t-il s’é­clair­er, chauf­fer son café et griller ses tartines vers 8 heures les matins d’hiv­er ? Ce ne sera pas avec le solaire (il fait encore nuit!) et non plus avec l’éolien pour peu que ces matins là il n’y ait pas de vent ! Tâchons de répon­dre à ces besoins essen­tiels sans trop d’a priori.

Brunotfrépondre
3 janvier 2012 à 9 h 05 min

Risque radio-act­if
Je partage l’avis sur l’in­térêt de cet article.
Mais il a une grave faib­lesse : la fonc­tion de Claude Payen, “délégué min­istériel pour l’Ob­ser­va­toire de la san­té des vétérans”.
Si j’en crois les medias, le min­istère de la Défense a voulu garder la haute main sur le nom­bre et la nature des indem­nisés par­mi les exposés aux expéri­ences nucléaires françaises.
On peut donc crain­dre que le délégué qu’il a nom­mé ne soit pas indépen­dant mais en mis­sion commandée !
J’au­rais préféré que cet arti­cle soit écrit par André Auren­go (67), chef du ser­vice de médecine nucléaire de la Pitié-Salpétrière, qui a signé l’autre arti­cle sur les biais sta­tis­tiques de la mesure des risques environnementaux.
J’au­rais alors pu le croire sur parole.

Répondre