Le renouveau du nucléaire

Dossier : L'électricité nucléaireMagazine N°643 Mars 2009
Par Jacques LECLERCQ (63)

Le con­texte énergé­tique et cli­ma­tique est aujour­d’hui favor­able à une relance du développe­ment de l’én­ergie élec­trique nucléaire : après vingt ans de pause dans les pays occi­den­taux, l’am­biance n’est plus au ” nucléaire hon­teux “. Désor­mais on peut con­sid­ér­er que cette forme d’én­ergie est, à nou­veau, incon­tourn­able, même si le nucléaire ne pro­duit que 17 % de l’élec­tric­ité mon­di­ale, et seule­ment 7 % de l’én­ergie pri­maire con­som­mée dans le monde.

Il est dif­fi­cile de préjuger de l’am­pleur de cette relance, mais on peut estimer que 300 GW (env­i­ron 200 réac­teurs type EPR) devront être mis en ser­vice d’i­ci à 2030, ce qui sup­pose qu’ils doivent être décidés sur les quinze ans à venir, puisqu’il faut un peu moins de cinq ans pour réalis­er de tels ouvrages. Ces 300 GW, en rem­place­ment pour la moitié et accroisse­ment de capac­ité pour l’autre moitié, ne sont pas irréal­istes (cer­taines prévi­sions vont bien au-delà) même si l’on prend en compte les pos­si­bles aug­men­ta­tions de puis­sance du parc exis­tant (sans doute inférieures au total à 3 %) et les vraisem­blables exten­sions de durée de vie (dix à vingt ans selon les cas).

Glob­ale­ment, les investisse­ments de pro­duc­tion d’élec­tric­ité nucléaire au niveau mon­di­al d’i­ci 2030 ne représen­tent pas plus de 10 % des investisse­ments totaux ; ce sont pour­tant des investisse­ments con­sid­érables pour les com­pag­nies d’élec­tric­ité nucléaire (sans doute plus de 800 mil­liards d’eu­ros pour la capac­ité estimée ci-dessus) ; ceux-ci devront être con­sen­tis d’une manière ou d’une autre par les trente pays capa­bles de se dot­er de ce type d’én­ergie. Il ne s’ag­it d’ailleurs pas seule­ment de mon­ter des finance­ments, il faut à nou­veau met­tre l’in­dus­trie en état de pou­voir attein­dre ces objec­tifs, que ce soit pour fab­ri­quer les gros com­posants, mais aus­si pour renou­vel­er et accroître les ressources humaines.

Cette ” relance “, même si elle n’est pas encore acquise partout, con­cerne essen­tielle­ment l’Asie (avec la Chine et l’Inde), la Russie et les États-Unis dont les pro­grammes-pro­jets représen­tent env­i­ron 80 % des inten­tions exprimées. La ” Grande Europe ” (les 27, la Norvège, la Suisse ain­si que l’Ukraine et la Turquie), avec 150 GW instal­lés, représente presque 45 % du parc mon­di­al. À ce jour, le Roy­aume-Uni, l’I­tal­ie et de nom­breux pays d’Eu­rope cen­trale ont annon­cé d’am­bitieux plans de développe­ment. Mais d’autres pays, notam­ment ceux qui n’ont pas encore levé leurs déci­sions de ” sor­tir du nucléaire “, sauront-ils sur­mon­ter leurs préven­tions pour pren­dre les déci­sions appro­priées ? Si ce n’é­tait le cas, on peut crain­dre que les risques de défail­lance de réseau, en clair de ” black-out “, ne se con­cré­tisent assez rapi­de­ment (2015 ?) et, en tout état de cause, bien avant 2030.

La France a la chance d’être par­ti­c­ulière­ment bien armée pour jouer un rôle majeur dans ce renou­veau : le dynamisme de son indus­trie, l’am­bi­tion de ses pro­grammes de recherche et l’ex­péri­ence des exploitants de cen­trales sont des atouts essen­tiels pour notre pays. Encore faut-il con­tin­uer à attir­er les nou­veaux tal­ents dont cette indus­trie a besoin au moment où les départs en retraite s’ac­crois­sent (un tiers des effec­tifs cesse son activ­ité entre 2010 et 2015 à Élec­tric­ité de France) et les recrute­ments s’am­pli­fient (Are­va, par exem­ple, a recruté plus de mille ingénieurs en 2008). Le groupe X‑Nucléaire récem­ment réac­tivé voit dans ce dossier l’op­por­tu­nité non seule­ment de présen­ter un état des lieux de la ques­tion, mais aus­si l’oc­ca­sion de motiv­er nos cama­rades, les plus jeunes comme ceux à l’ex­péri­ence pro­fes­sion­nelle plus affir­mée, à rejoin­dre cette indus­trie por­teuse d’avenir.

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