EDF, au coeur du renouveau nucléaire

Dossier : L'électricité nucléaireMagazine N°643 Mars 2009
Par Bernard DUPRAZ (74)

Après deux décen­nies d’in­sou­ciance, la prise de con­science des défis énergé­tiques et envi­ron­nemen­taux qui sont devant nous est désor­mais partagée. L’én­ergie nucléaire, non émet­trice de CO2, com­péti­tive face au char­bon et au gaz est un élé­ment essen­tiel de la solu­tion à ces défis ; et la crise finan­cière et économique actuelle ne remet pas en cause les besoins indus­triels de long terme néces­saires au mix énergé­tique de la planète pour le XXIe siècle.

REPÈRES
Monde :
aujourd’hui, 440 réac­teurs nucléaires, pour une puis­sance élec­trique de 370 GWe, four­nissent 17 % de l’électricité mon­di­ale et 23% de celle des pays de l’OCDE. Une trentaine de cen­trales nucléaires sont en con­struc­tion dans le monde, prin­ci­pale­ment en Asie, et les per­spec­tives de con­struc­tion de nou­velles capac­ités nucléaires sont estimées à 140 GWe, d’ici 2020, plus de 300 GWe d’ici 2030.
France : EDF exploite un parc de 58 réac­teurs (63 GWe) sur 19 sites, assur­ant 85 % de sa pro­duc­tion ; si l’on y ajoute env­i­ron 10 % de pro­duc­tion hydraulique, c’est 95 % de la pro­duc­tion qui est indépen­dante du prix des hydro­car­bu­res, et qui n’émet pas de CO2, per­me­t­tant à EDF, en France, des émis­sions de CO2 sept fois inférieures à la moyenne européenne du secteur électrique. 

Acteur majeur du renou­veau nucléaire, EDF béné­fi­cie de deux atouts essen­tiels : le savoir-faire tiré de trente ans d’ex­ploita­tion d’un impor­tant parc de réac­teurs et son rôle pio­nnier dans le déploiement de réac­teurs de troisième généra­tion (EPR de Fla­manville 3).

Les réac­teurs à eau s’avèrent aptes à fonc­tion­ner près de soix­ante ans 

Dès l’o­rig­ine, EDF s’est posi­tion­née comme archi­tecte-ensem­bli­er et a misé sur une forte stan­dard­i­s­a­tion des réac­teurs (trois mod­èles seule­ment de 900, 1 300 et 1 500 MWe et une seule tech­nolo­gie, les réac­teurs à eau pres­surisée), favorisant ain­si la sûreté et la com­péti­tiv­ité, grâce à un fort retour d’ex­péri­ence. Cette boucle de pro­grès, par le retour d’ex­péri­ence, con­cerne, d’une part, le parc actuel, à tra­vers des travaux de mod­erni­sa­tion des cen­trales réal­isés tous les dix ans, qui per­me­t­tent ain­si une amélio­ra­tion régulière du niveau de sûreté ; elle est par ailleurs large­ment à la base de la con­cep­tion du mod­èle EPR qui intè­gre 1 200 années-réac­teur d’ex­péri­ence du parc français.

Enjeux intrinsèques et nouveaux enjeux

Depuis plus de trente ans, les pri­or­ités pour EDF sont tout d’abord la sûreté nucléaire, pri­or­ité absolue et sur laque­lle repose, avec l’in­for­ma­tion du pub­lic, la con­fi­ance des Français, en sec­ond lieu, les autres per­for­mances opéra­tionnelles, en par­ti­c­uli­er la disponi­bil­ité des cen­trales (la réduc­tion de la durée des arrêts pour recharge­ment en com­bustible et pour travaux de main­te­nance et la réduc­tion des arrêts fortuits).

Un très fort besoin en com­pé­tences nouvelles
Plus du tiers des 25 000 salariés EDF qui exploitent le parc nucléaire par­tiront en retraite d’i­ci 2015 ; EDF a désor­mais engagé le recrute­ment de plus de 500 ingénieurs et 500 tech­ni­ciens par an, pour les dix prochaines années ; le même enjeu de renou­velle­ment des com­pé­tences con­cerne tout le tis­su indus­triel nucléaire, con­struc­teurs et prestataires de ser­vices de main­te­nance ; pour dis­pos­er de ces com­pé­tences, EDF et tous les acteurs de l’in­dus­trie tra­vail­lent avec les lycées comme avec les grands étab­lisse­ments supérieurs pour dévelop­per la for­ma­tion des tech­ni­ciens et ingénieurs de demain.

Deux défis nou­veaux sont à relever : le renou­velle­ment et le ren­force­ment des com­pé­tences (cf. encadré) et l’al­longe­ment de durée de fonc­tion­nement des cen­trales. Prévus pour une durée de fonc­tion­nement de quar­ante ans, lors de leur con­cep­tion ini­tiale dans les années 1960, les réac­teurs à eau s’avèrent, aujour­d’hui, sur la base du retour d’ex­péri­ence inter­na­tion­al, aptes à fonc­tion­ner près de soix­ante ans, grâce à la sim­plic­ité et à la robustesse de leur con­cep­tion (la qua­si-total­ité des com­posants sont rem­plaçables) ; ain­si, aux États-Unis, dès aujour­d’hui, plus de la moitié des réac­teurs ont été autorisés par l’Au­torité de sûreté améri­caine pour une durée de fonc­tion­nement de soix­ante ans. Dans le cadre régle­men­taire français, EDF engage le développe­ment d’un pro­gramme indus­triel per­me­t­tant d’é­ten­dre la durée de fonc­tion­nement sig­ni­fica­tive­ment au-delà de quar­ante ans. Cette exten­sion de la durée de fonc­tion­nement per­me­t­trait de repouss­er le renou­velle­ment des cen­trales actuelles et de le liss­er (70 % des cen­trales ont été mis­es en ser­vice, en seule­ment dix ans, entre 1980 et 1990).

Flamanville, étape clé pour le futur

L’EPR (Euro­pean Pres­sur­ized Reac­tor) com­bine la robustesse d’un con­cept éprou­vé et les amélio­ra­tions issues d’un retour d’ex­péri­ence. Dévelop­pé dans le cadre d’une coopéra­tion fran­co-alle­mande asso­ciant élec­triciens, indus­triels et autorités de sûreté des deux pays, ce réac­teur de 1 600 MWe améliore les per­for­mances : sûreté, rejets dans l’en­vi­ron­nement, disponibilité.

10 pro­jets d’EPR dans le monde

Sa com­péti­tiv­ité est aujour­d’hui con­fir­mée ; son coût de con­struc­tion de 4 mil­liards d’eu­ros (2008) con­duit à un coût de pro­duc­tion de 54 €/MWh, à com­par­er à une fourchette de 70 à 90€/MWh, pour un cycle com­biné à gaz (fourchette de 60 à 90 $/baril pour le prix du pét­role) ou une cen­trale au char­bon (fourchette de 60 à 75 $/tonne pour le prix du charbon).

L’ex­péri­ence qu’EDF est en train d’ac­quérir à Fla­manville 3 est ain­si un atout pré­cieux pour dévelop­per une série de cen­trales iden­tiques, EDF dis­posant en effet de nom­breux sites en France. La réal­i­sa­tion, pilotée par EDF, d’un sec­ond EPR sur le site de Pen­ly (Seine-Mar­itime) vient con­forter cet objec­tif de stan­dard­i­s­a­tion. EDF associera à cette réal­i­sa­tion des investis­seurs, en par­ti­c­uli­er GDF-SUEZ, dans le cadre de parte­nar­i­ats équilibrés.

Une ambition mondiale

Chine, cen­trale de Daya Bay – 2005.

L’am­bi­tion d’EDF est d’in­ter­venir comme investis­seur, con­struc­teur et exploitant de cen­trales dans des pays engagés dans le renou­veau du nucléaire, cela dans un parte­nar­i­at adap­té au con­texte insti­tu­tion­nel et indus­triel de chaque pays.

D’i­ci 2020, c’est 10 pro­jets EPR dans le monde qu’EDF a l’am­bi­tion de dévelop­per, afin de béné­fici­er au plan mon­di­al de la stan­dard­i­s­a­tion : maîtrise des délais et coûts de con­struc­tion, maîtrise de la sûreté nucléaire. À ce jour, trois pays font l’ob­jet de pro­jets en réal­i­sa­tion (Chine) ou en développe­ment (Grande-Bre­tagne et États-Unis).

EDF est engagée en Chine, en asso­ci­a­tion avec son parte­naire de plus de vingt ans, la Chi­na Guang­dong Nuclear Pow­er Com­pa­ny, un des lead­ers de la pro­duc­tion nucléaire chi­noise (4 GWe instal­lés et 20 GWe en con­struc­tion ou en pro­jet). Le 10 août 2008 a été signé l’ac­cord de créa­tion d’une joint ven­ture (EDF 30 % — CGNPC 70 %) pour la con­struc­tion et l’ex­ploita­tion de deux EPR sur le site de Tais­han, dans la province du Guang­dong ; le ” pre­mier béton ” de la pre­mière unité sera coulé en 2009, dix-huit mois après celui de Fla­manville 3.

La relance britannique

Grande-Bre­tagne, cen­trale nucléaire de Sizewell B.

Avec le néces­saire renou­velle­ment de près de la moitié de ses moyens de pro­duc­tion d’i­ci 2025, la Grande-Bre­tagne, qui a pub­lié le 10 jan­vi­er 2008 son ” Nuclear White Paper “, après trois ans de débats et con­cer­ta­tions sur sa poli­tique énergé­tique, devient le pays leader de la relance nucléaire en Europe. L’ob­jec­tif d’EDF est d’y con­stru­ire et d’y exploiter 4 EPR avec une pre­mière mise en ser­vice en 2017, puis une nou­velle unité tous les dix-huit mois. EDF, con­join­te­ment avec Are­va, a engagé mi-2007 le proces­sus de licens­ing du mod­èle EPR-Fla­manville 3 auprès de l’Au­torité de sûreté britannique.

Le suc­cès, avec le sou­tien du gou­verne­ment bri­tan­nique, de l’of­fre publique d’achat ami­cale sur British Ener­gy, le prin­ci­pal pro­duc­teur nucléaire bri­tan­nique (10 GWe), con­tribuera à cet objec­tif par l’ap­port de com­pé­tences pré­cieuses d’ingénierie et d’ex­ploita­tion et par l’ap­port de sites.

Un cadre réglementaire aux États-Unis

USA, cen­trale nucléaire de Calvert Cliffs – pho­tomon­tage de la cen­trale avec un EPR en incrustation

Dis­posant du pre­mier parc nucléaire mon­di­al (104 réac­teurs assur­ant 20 % de la pro­duc­tion d’élec­tric­ité), les États-Unis ont engagé en 2005, à tra­vers ” l’En­er­gy Pol­i­cy Act “, la mise en place d’un cadre régle­men­taire favorisant la relance du nucléaire. En juil­let 2007, EDF et l’élec­tricien Con­stel­la­tion, exploitant de cinq cen­trales nucléaires, recon­nu pour ses per­for­mances d’ex­ploita­tion et ayant fait le choix du mod­èle EPR (accord signé avec Are­va en novem­bre 2005), créent la joint ven­ture UniStar Nuclear Ener­gy LLC (EDF 50 % — Con­stel­la­tion 50 %).

Cette joint ven­ture a pour ambi­tion de dévelop­per des cen­trales EPR aux États-Unis, et, dans une pre­mière étape, de con­stru­ire une série de 4 réac­teurs avec une pre­mière mise en ser­vice prévue en 2016 (cen­trale de Calvert Cliffs 3, dans le Mary­land). Le lance­ment, fin 2008, d’une offre d’ac­qui­si­tion de la moitié des act­ifs nucléaires de Con­stel­la­tion con­solide cette stratégie, en per­me­t­tant des syn­er­gies d’ex­ploita­tion et d’ingénierie entre le parc de pro­duc­tion actuel et les futures cen­trales EPR ; il con­forte, en out­re, les per­spec­tives de développe­ment de la fil­ière nucléaire française aux États-Unis.

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