Budget des quatre principaux bureaux du DOE

Le programme de R & D de l’énergie aux États-Unis

Dossier : Énergie et environnementMagazine N°597 Septembre 2004
Par Guillaume De SMEDT (95)

Le Depart­ment of Ener­gy (DOE) est l’A­gence fédérale améri­caine en charge de la mise en œuvre de la poli­tique énergé­tique. Exis­tant depuis vingt-qua­tre ans, le DOE emploie 15 000 agents fédéraux et presque 100 000 con­tractuels. Son bud­get annuel de l’or­dre de 23 mil­liards de dol­lars en fait une des prin­ci­pales agences. La poli­tique énergé­tique améri­caine, telle qu’­ex­posée dans le Nation­al Ener­gy Pol­i­cy, est essen­tielle­ment axée autour de deux axes prin­ci­paux com­plé­men­taires, la pro­duc­tion d’én­ergie à par­tir de sources pri­maires domes­tiques et la crois­sance économique. Le change­ment cli­ma­tique et la réduc­tion des pol­lu­tions asso­ciées à l’én­ergie sont fréquem­ment men­tion­nés, mais ne sont pas au cœur de la poli­tique énergé­tique améri­caine — comme ils peu­vent l’être, au moins au niveau des objec­tifs affichés, en Europe. Ain­si, le Nation­al Ener­gy Pol­i­cy ne pro­pose pas d’ob­jec­tifs quan­ti­tat­ifs pour la réduc­tion des émissions.

Les émis­sions de pol­lu­ants clas­siques sont prin­ci­pale­ment régies par le Clean Air Act et ses amende­ments. L’ad­min­is­tra­tion Bush a en out­re pro­posé en 2002 la Clear Sky Ini­tia­tive, et plusieurs propo­si­tions de loi favorisant une approche mul­ti­pol­lu­ants com­men­cent à appa­raître tant au niveau local qu’au niveau fédéral. Quant aux émis­sions de CO2, il n’ex­iste pour le moment aucun objec­tif chiffré imposé — les États-Unis n’ayant pas rat­i­fié le pro­to­cole de Kyoto — mais un objec­tif annon­cé par le prési­dent G. W. Bush de réduire de 18 % l’in­ten­sité des émis­sions en 20122 par rap­port à 1990 par des engage­ments volon­taires des industriels.

Au titre de la poli­tique énergé­tique, le DOE se voit assign­er qua­tre objec­tifs stratégiques rel­e­vant de qua­tre domaines : la Défense, l’Én­ergie, la Sci­ence et l’En­vi­ron­nement, ce dernier terme ayant en fait un sens très pré­cis (cf. tableau 1).

Tableau 1 – Objec­tifs du DOE
Objec­tifs stratégiques Objec­tifs généraux
Domaine Objec­tif
Défense Pro­téger la sécu­rité nationale par la mise en oeu­vre d’avancées sci­en­tifiques et les sys­tèmes d’armes nucléaires Main­tenir en état opéra­tionnel l’arsenal nucléaire.
Assur­er la non-pro­liféra­tion nucléaire
Opér­er des réac­teurs nucléaires pour la marine.
Énergie Pro­téger la sécu­rité nationale et économique en per­me­t­tant l’approvisionnement et la four­ni­ture d’une énergie fiable, peu chère, et respectueuse de l’environnement à par­tir de sources diversifiées. Amélior­er la sécu­rité énergé­tique en dévelop­pant des tech­nolo­gies per­me­t­tant l’approvisionnement énergé­tique à par­tir de sources divers­es, fiables, peu coû­teuses et pro­pres ; prévenir les urgences ; explor­er des tech­niques avancées pour amélior­er et diver­si­fi­er les pos­si­bil­ités de choix énergé­tiques ; amélior­er l’efficacité énergétique.
Science Pro­téger la sécu­rité nationale et économique en dévelop­pant une recherche sci­en­tifique avancée. Apporter un sup­port pour les mis­sions du DOE. Dévelop­per une recherche de classe mondiale.
Environnement Pro­téger l’environnement en déman­te­lant l’arsenal nucléaire de la Guerre froide et en se débar­ras­sant des déchets à radioac­tiv­ité élevée Accélér­er le net­toy­age des sites de pro­duc­tion et de tests des armes nucléaires.
Con­stru­ire un site de stock­age per­ma­nent (Yuc­ca Moun­tain) avant 2010.
(Source : DOE Strate­gic Plan, sept. 2003).


Un tiers env­i­ron du bud­get du DOE est con­sacré au finance­ment de pro­grammes de recherche et développe­ment (8,73 mil­liards de dol­lars, soit le 4e bud­get fédéral de R&D der­rière la Défense, la San­té et la NASA3), qui sont effec­tués soit au sein d’un des lab­o­ra­toires de l’A­gence, soit par le biais de con­trats avec des uni­ver­sités ou des acteurs industriels.

Tableau 2 — Décom­po­si­tion du bud­get R&D du DOE par type de recherche (en mil­lion de dol­lars US)
2003 — 2004
Recherche fondamentale
2750
2664
 
Recherche appliquée
3020
3395
 
Développement
1956
1840
 
Équipements
1109
994
Source : Ana­lyt­i­cal Per­spec­tives – Bud­get of the US Gov­ern­ment FY2005.
Tableau 3 — Décom­po­si­tion du bud­get R&D du DOE par grands bureaux (en mil­lion de dol­lars US)
2003 – 2004 – 2005 (pro­posé)
Science
3218
3307
3484

Éner­gies renouvelables
322
357
375

Trans­port de l’électricité
88
81
91

Énergie nucléaire
258
292
300

Maîtrise de l’énergie4
612
607
544

Énergie fossile
621
673
636

Il faut not­er que le bud­get nucléaire inclut à
la fois la R&D mil­i­taire et la R&D civile (env­i­ron
2/3 et 1/3 respectivement


La majeure par­tie de ce bud­get R&D est con­sacrée d’une part aux activ­ités de recherche fon­da­men­tale, qui por­tent prin­ci­pale­ment sur la physique des hautes éner­gies, la physique des matéri­aux, la biolo­gie, et le développe­ment de codes — entre autres pour l’é­tude du change­ment cli­ma­tique — et d’autre part aux activ­ités de recherche mil­i­taire sur le nucléaire, inclu­ant la con­struc­tion du site de stock­age de Yuc­ca Moun­tain — dont la mise en ser­vice est prévue dès 2010. Bien que ne rel­e­vant pas directe­ment du développe­ment de tech­nolo­gies, notons que l’en­trée en ser­vice de ce site est par ailleurs sus­cep­ti­ble d’in­fluer pos­i­tive­ment sur la relance du nucléaire à l’échelle internationale.

Les pro­grammes por­tant sur la recherche appliquée et le développe­ment dans le domaine ” strict ” des sys­tèmes énergé­tiques — cor­re­spon­dant au 2e objec­tif stratégique — béné­fi­cient donc d’un bud­get de l’or­dre d’un mil­liard et demi de dol­lars, selon le périmètre plus ou moins strict que l’on con­sid­ère5. Qua­tre bureaux sont chargés de la mise en œuvre de ces pro­grammes : ” Effi­cac­ité énergé­tique et éner­gies renou­ve­lables “, ” Énergie nucléaire “, ” Éner­gies fos­siles ” et ” Maîtrise de l’én­ergie “, cer­tains pro­grammes, en par­ti­c­uli­er l’Hy­dro­gen Fuel Ini­tia­tive, sont des pro­grammes inter­a­gences (voire même impli­quant d’autres départe­ments comme le Depart­ment of Trans­porta­tion pour l’u­til­i­sa­tion de piles à com­bustible à hydrogène dans le secteur auto­mo­bile). La fig­ure 1 présente les bud­gets des trois dernières années pour ces qua­tre bureaux, où l’on con­state une cer­taine régu­lar­ité. La fig­ure 2 présente les bud­gets agrégés par sources d’én­ergie pri­maire (plus hydrogène et piles à combustible).

Le nucléaire

Sur la fig­ure 1, le bud­get alloué au nucléaire peut sem­bler faible com­paré aux autres bud­gets. Il faut cepen­dant rel­a­tivis­er cette idée, d’une part parce que l’on n’a pas représen­té le bud­get dédié à la R&D sur le nucléaire mil­i­taire et d’autre part parce que plusieurs pro­grammes non R&D visent à relancer l’én­ergie nucléaire d’i­ci 2010. En matière de R&D civile, les axes prin­ci­paux sont :

  • la pro­duc­tion d’hy­drogène inté­grée à de nou­veaux cycles — ce pro­gramme s’in­té­grant dans le cadre plus général de la Nation­al Hydro­gen Fuel Ini­tia­tive ini­tiée par l’ad­min­is­tra­tion Bush,
  • le lead­er­ship du forum inter­na­tion­al ” Généra­tion IV ” pour le développe­ment des cycles nucléaires du futur6,
  • la mise au point de procédés de trans­mu­ta­tion pour le retraite­ment et la réu­til­i­sa­tion des déchets,
  • la fusion, les États-Unis ayant de nou­veau rejoint le pro­gramme inter­na­tion­al ITER. Il est à not­er que des fonds dans le bud­get du bureau Sci­ence and Tech­nol­o­gy sont dédiés à la fusion.

Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

FIGURE 1 Bud­get des qua­tre prin­ci­paux bureaux du DOE impliqués dans les pro­grammes R&D sur les tech­nolo­gies de l’énergie
Pour le nucléaire, on n’a pas tenu compte du nucléaire mil­i­taire afin de “ com­par­er ce qui est com­pa­ra­ble ”. On a exclu du bud­get “ Maîtrise de l’énergie ” les bud­gets relat­ifs aux trans­ferts de tech­nolo­gies. Source : DOE Bud­get Request 2005.

Les éner­gies renou­ve­lables ain­si que l’ef­fi­cac­ité énergé­tique sont con­sid­érées dans la stratégie énergé­tique comme des élé­ments impor­tants, mais il est aus­si estimé que leur con­tri­bu­tion restera mar­ginale com­parée à l’ef­fort glob­al req­uis pour sat­is­faire la demande. On peut tout de même remar­quer que l’én­ergie solaire et la val­ori­sa­tion de la bio­masse, soit comme co-com­bustible (avec du char­bon) pour la pro­duc­tion d’élec­tric­ité, soit sous forme de bioéthanol comme car­bu­rant, béné­fi­cient de bud­gets assez impor­tants. Les éner­gies renou­ve­lables sont de plus con­sid­érées dans le Nation­al Ener­gy Pol­i­cy comme sus­cep­ti­bles d’être des tech­nolo­gies exporta­bles vers d’autres marchés.

Les énergies fossiles

On con­state — et on ne s’en étonne d’ailleurs guère — à la lec­ture de la fig­ure 1 que les éner­gies fos­siles sont claire­ment les grandes béné­fi­ci­aires des bud­gets de R&D. Néan­moins, lorsqu’on regarde dans le détail (fig­ure 2), on con­state — et cer­tains peu­vent s’en éton­ner — que la seule énergie fos­sile qui béné­fi­cie de pro­grammes de recherche vrai­ment con­séquents est le char­bon. Cela n’a en fait rien d’é­ton­nant. Si l’é­conomie améri­caine est très large­ment dépen­dante du pét­role — la page ” Inter­na­tion­al ” des jour­naux le rap­pelle fréquem­ment — en par­ti­c­uli­er pour les trans­ports, elle est aus­si très large­ment dépen­dante du char­bon, puisque 51 % de l’élec­tric­ité US est pro­duite dans des cen­trales char­bon, et que cette part n’est pas appelée à baiss­er sig­ni­fica­tive­ment au cours des décen­nies à venir.

FIGURE 2 Bud­gets de R&D 2004 par source d’énergie (excep­té pour l’hydrogène)
Budgets de R&D 2004 par source d’énergie
Source : DOE Bud­get 2004.

De plus, dans le cadre de la poli­tique énergé­tique la val­ori­sa­tion des ressources domes­tiques est essen­tielle — et celles-ci sont essen­tielle­ment con­sti­tuées des réserves de char­bon : si l’on regarde le ratio ” Réserves sur Pro­duc­tion ” qui donne une esti­ma­tion du nom­bre d’an­nées de réserves restantes pour une util­i­sa­tion qui resterait con­stante, on con­state que ce ratio (qui dimen­sion­nelle­ment s’ex­prime en années) vaut dix années pour le gaz naturel, à peine moins pour le pét­role, et 250 ans pour le char­bon. Néan­moins, il faut se sou­venir que ce chiffre n’a en pra­tique que peu à voir avec le nom­bre d’an­nées effec­tif de pro­duc­tion domes­tique : ain­si, en sup­posant une crois­sance de 0,5 % des réserves par an et une crois­sance de 1,47 % de la pro­duc­tion (moyenne des vingt dernières années), il ne reste que 124 années, soit moitié moins que dans l’ap­proche ” sta­tique “. D’autre part, le char­bon est respon­s­able de plus de 80 % des émis­sions de CO2 du secteur de la pro­duc­tion d’élec­tric­ité, et de presque un tiers des émis­sions glob­ales améri­caines. Le char­bon est aus­si large­ment respon­s­able d’une large part des émis­sions d’oxy­des de soufre, d’oxy­des d’a­zote et de mercure.

C’est d’ailleurs pour lut­ter con­tre les émis­sions de pol­lu­ants locaux — mais avant tout pour val­oris­er une ressource domes­tique — qu’a été orig­inelle­ment lancé le pro­gramme ” char­bon pro­pre ” en 1985, et ces pol­lu­ants con­tin­u­ent de faire l’ob­jet de nom­breux pro­jets de recherche au sein de ce pro­gramme, qui a large­ment les faveurs de l’ad­min­is­tra­tion Bush. Ce pro­gramme com­prend aus­si depuis main­tenant plusieurs années un sous-pro­gramme de plus en plus impor­tant sur la cap­ture et la séques­tra­tion géologique du CO2 comme moyen de réduire dras­tique­ment les émis­sions de CO2, en par­ti­c­uli­er celles issues des cen­trales char­bon. Celles-ci peu­vent être soit des cen­trales à com­bus­tion ” clas­siques ” (char­bon pul­vérisé ou lit cir­cu­lant), soit basées sur la gazéi­fi­ca­tion du char­bon, ces cycles com­binés inté­grés à la gazéi­fi­ca­tion (IGCC) étant aus­si vus comme une source d’hydrogène.

FIGURE 3
Le pro­gramme “ char­bon propre ”
Le programme “ charbon propre
Source : DOE Bud­get Request 2005.

Le gou­verne­ment améri­cain a d’ailleurs annon­cé en 2003 le lance­ment du pro­jet pilote Future­Gen de très grande ampleur, pour un bud­get de l’or­dre d’un mil­liard de dol­lars sur presque quinze ans. Ce pro­jet vise à con­stru­ire, dans le cadre d’un con­sor­tium indus­triel, une unité IGCC pro­duisant de l’élec­tric­ité (275 MW de capac­ité) et de l’hy­drogène, le CO2 étant, quant à lui, cap­turé à des fins de réinjection.

L’hydrogène7

L’hy­drogène comme vecteur énergé­tique, et plus par­ti­c­ulière­ment comme car­bu­rant rem­plaçant le pét­role, est avec le char­bon un des axes majeurs des pro­grammes de R&D du DOE. En jan­vi­er 2002, le DOE a mis en place un parte­nar­i­at avec les con­struc­teurs auto­mo­biles, la Free­dom­CAR8 Ini­tia­tive. L’ob­jec­tif de ce parte­nar­i­at est prin­ci­pale­ment la réduc­tion de la dépen­dance améri­caine vis-à-vis du pét­role (les pro­jec­tions esti­ment que 70 % du pét­role sera importé à l’hori­zon 2020) tout en réduisant les émis­sions pol­lu­antes par le développe­ment de tech­nolo­gies piles à com­bustible pour les trans­ports (à moyen-long terme) ain­si que par le développe­ment de moteurs à com­bus­tion interne avancée et de véhicules hybrides. Ce parte­nar­i­at s’in­scrit depuis jan­vi­er 2003 dans le cadre plus large de l’Hydro­gen Fuel Ini­tia­tive, dont le mon­tant annon­cé est de 1,2 mil­liard de dol­lars. Cette ini­tia­tive vise à réduire les coûts de pro­duc­tion de l’hy­drogène à par­tir de dif­férentes sources pri­maires — prin­ci­pale­ment le gaz naturel sur le court terme et le char­bon à plus long terme -, à dévelop­per des tech­nolo­gies de stock­age et de dis­tri­b­u­tion. À l’hori­zon 2010, les objec­tifs sont d’avoir bais­sé les coûts de pro­duc­tion de l’hy­drogène à par­tir du char­bon à $ 30/baril équiv­a­lent pétrole.

Voies de capture et séquestration du CO2

L’option qui sem­ble pour le moment priv­ilégiée dans la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique aux États-Unis est très claire­ment la voie de la “cap­ture et de la séques­tra­tion du CO2 ”. Cet ensem­ble de tech­nolo­gies con­siste à cap­tur­er directe­ment le CO2 pro­duit par une instal­la­tion indus­trielle – en par­ti­c­uli­er de pro­duc­tion d’énergie – avant qu’il ne soit émis dans l’atmosphère. Cette tech­nique n’est envis­age­able que pour les sources impor­tantes de CO2, comme la pro­duc­tion d’électricité à par­tir de com­bustibles fos­siles par exem­ple. Ces gross­es sources représen­tent env­i­ron la moitié des émis­sions de CO2 à l’échelle mon­di­ale. Trois grandes voies font actuelle­ment l’objet de recherche au niveau mondial :

  • Lorsque le CO2 est enlevé dans les fumées de com­bus­tion (on par­le alors de décar­bon­a­tion post­com­bus­tion). C’est la voie qui est envis­age­able par exem­ple pour les cen­trales au char­bon pul­vérisé. La sépa­ra­tion du CO2 des fumées (qui con­ti­en­nent majori­taire­ment de l’azote et de l’eau) peut alors s’effectuer avec des procédés chim­iques (lavages aux amines, mem­branes, adsorption).
  • Lorsque le CO2 est enlevé du car­bu­rant avant la cham­bre de com­bus­tion (décar­bon­a­tion pré­com­bus­tion). Cette voie est par­ti­c­ulière­ment intéres­sante dans le cas des IGCC (gazéi­fi­ca­tion inté­grée à un cycle com­biné). Le CO2 est ici séparé d’un gaz de syn­thèse con­tenant majori­taire­ment de l’hydrogène, du monoxyde de car­bone et de l’eau. Les procédés envis­age­ables sont de nou­veau des lavages chim­iques ou physiques, des mem­branes ou des procédés par adsorption.
  • La 3e voie con­siste à utilis­er pour la com­bus­tion de l’oxygène pur à la place de l’air : les fumées de com­bus­tion ne con­ti­en­nent alors plus que de l’eau et du CO2, et le coût énergé­tique de la sépa­ra­tion est moin­dre que dans les deux autres voies. Néan­moins, une par­tie de ce coût est trans­férée vers l’étape de sépa­ra­tion de l’air.


Une fois le CO2 séparé des autres gaz, il peut être trans­porté par pipeline vers un site de stock­age appro­prié, c’est-à-dire pos­sé­dant les car­ac­téris­tiques assur­ant l’intégrité du stock­age. On dis­tingue – de nou­veau – trois grands types de stockage :

  • Dans les aquifères salins pro­fonds, qui sont des roches poreuses. La capac­ité de stock­age des aquifères est de loin la plus grande d’après les esti­ma­tions actuelles, avec une capac­ité de stock­age impor­tante, vari­ant selon les auteurs entre 400 et 10 000 giga­tonnes de CO2 (Gt CO2).
  • Dans les gise­ments d’hydrocarbures en fin de vie. De plus, lorsque le champ est encore en pro­duc­tion, l’injection de CO2 peut per­me­t­tre d’améliorer la frac­tion d’hydrocarbures récupérés, ce qui rend cette voie attrayante, en par­ti­c­uli­er tant que les coûts de cap­ture et de trans­port du CO2 sont si élevés. La capac­ité totale (réser­voirs pétroliers et gaziers) est estimée à 1 000 Gt CO2.
  • Dans les veines de char­bon pro­fondes, sur lesquelles le CO2 s’adsorbe. Dans les cas favor­ables, la récupéra­tion de gaz de mine est améliorée. Bien que plus faible que les deux types précé­dents, la capac­ité de stock­age (hors con­sid­éra­tions économiques) est estimée à 140 Gt CO2.


Il est à not­er que le GIEC (Groupe­ment inter­gou­verne­men­tal d’experts pour le cli­mat) pré­pare actuelle­ment la rédac­tion d’un rap­port spé­cial sur la ques­tion (pub­li­ca­tion prévue en 2005), et que dif­férents travaux com­men­cent à s’intéresser à la prise en compte des tonnes de CO2 séquestrées en lien avec les mécan­ismes de pro­jet du pro­to­cole de Kyoto.

La coopération internationale

Les pro­grammes R&D domes­tiques sur les tech­nolo­gies ” pro­pres ” de l’én­ergie sont impor­tants, au moins en ter­mes budgé­taires. Cepen­dant, il faut aus­si not­er que les actions de coopéra­tions inter­na­tionales jouent aus­si un rôle impor­tant dans la stratégie R&D énergé­tique des États-Unis. Ain­si sur le nucléaire, avec le forum Généra­tion IV, mais aus­si sur l’hy­drogène, avec le lance­ment de l’IPHE (Inter­na­tion­al Part­ner­ship for Hydro­gen Ener­gy) et sur la séques­tra­tion du CO2 avec le Car­bon Seques­tra­tion Lead­er­ship Forum. Ces forums mul­ti­latéraux, qui visent à organ­is­er la recherche au niveau mon­di­al sur ces thé­ma­tiques, ont d’abord une voca­tion poli­tique9, et peu­vent être vus comme une volon­té de ” repren­dre la main ” en met­tant en avant les solu­tions tech­nologiques (et plus par­ti­c­ulière­ment la séques­tra­tion du CO2) pour résoudre le prob­lème du change­ment cli­ma­tique, devant les solu­tions de type régle­men­taire. D’autre part, les États-Unis sont engagés dans des actions de coopéra­tion bilatérale à un haut niveau poli­tique avec de nom­breux pays, en par­ti­c­uli­er avec la Chine, le Japon et la Norvège.

Quelles incidences sur l’environnement ?

Pour aller plus loin

Les doc­u­ments offi­ciels (bud­gets, plans stratégiques, descrip­tif des tech­nolo­gies dévelop­pées, etc.) sont acces­si­bles via le site du DOE http://www.energy.gov (et sites des dif­férents bureaux acces­si­bles par liens hyper­textes) ain­si que sur le site de l’Energy Infor­ma­tion Admin­is­tra­tion (EIA) sur http://eia.doe.gov/, à ne pas con­fon­dre avec l’Agence inter­na­tionale de l’énergie, qui a pub­lié sur ce sujet (entre autres) en 2002 Ener­gy Poli­cies of IEA coun­tries : the US 2002 review et Deal­ing with cli­mate change : poli­cies and mea­sures in IEA Mem­ber countries.

On lira aus­si avec intérêt les pub­li­ca­tions du Cen­tre français sur les États-Unis/In­sti­tut français des rela­tions inter­na­tionales (CFEIFRI) sur la poli­tique énergé­tique américaine.

Don­nées chiffrées
http://www.energy.gov
http://eia.doe.gov/
http://www.iea.org/
http://cait.wri.org/

Comme nous l’avons rap­pelé, même s’il y est fait explicite­ment référence dans les dif­férents doc­u­ments, l’en­vi­ron­nement n’est pas un des objec­tifs pri­or­i­taires de la poli­tique énergé­tique. Néan­moins, à l’is­sue de cette — trop brève10 — revue des pro­grammes sur les tech­nolo­gies de l’én­ergie aux États-Unis, la ques­tion de leurs inci­dences poten­tielles sur l’en­vi­ron­nement se pose. Le DOE, dans le cadre de la ges­tion de la R&D fédérale, tente de quan­ti­fi­er les béné­fices de chaque pro­gramme par le biais du Gov­erne­ment Per­for­mance and Results Act report­ing. Par exem­ple, il est estimé que les pro­grammes du bureau ” Effi­cac­ité énergé­tique et éner­gies renou­ve­lables ” se traduiraient par une réduc­tion de 35 Mt CO2-eq en 2010 et 213 Mt CO2-eq en 2025 (soit respec­tive­ment 0,5 % et 3,05 % des émis­sions de 2000). Il faut néan­moins not­er que ces esti­ma­tions reposent sur des mod­éli­sa­tions dont les hypothès­es seraient à dis­cuter en détail.

Si l’on se risque à un exer­ci­ce de ” futur­olo­gie ” en extrap­olant à par­tir des pro­grammes actuels, l’avenir énergé­tique durable qui se des­sine à l’hori­zon de ce siè­cle sem­ble assez loin de cer­taines images que l’on peut avoir. En effet, il sem­ble faire la part belle à deux sources d’én­ergie pri­maire — le char­bon avec séques­tra­tion du CO2 et traite­ments avancés des fumées et le nucléaire — et à deux vecteurs énergé­tiques com­plé­men­taires, l’élec­tric­ité et l’hy­drogène, ce dernier ayant comme objec­tif pre­mier de réduire la dépen­dance pétrolière. Il faut cepen­dant not­er que la pro­duc­tion d’hy­drogène à par­tir de gaz naturel sur le court et moyen terme ne réglera pas com­plète­ment la dépen­dance vis-à-vis des impor­ta­tions — excep­té si le pro­gramme sur la val­ori­sa­tion des hydrates de méthane aboutit.

En ce qui con­cerne la réduc­tion des émis­sions, en par­ti­c­uli­er celles dues au secteur élec­trique, il est prob­a­ble que les pro­grammes per­me­t­tent de dévelop­per des tech­nolo­gies ad hoc comme cela a déjà été le cas par le passé pour les émis­sions d’oxyde de soufre par exem­ple. Cepen­dant, un cadre lég­is­latif sera néces­saire au déploiement de ces tech­nolo­gies. Par exem­ple, un ” sig­nal-prix ” de la tonne de CO2 sera néces­saire au déploiement des tech­nolo­gies de stock­age, que ce soit par un mécan­isme de marché de type ” cap-and-trade ” ou par des inci­ta­tions fiscales.

Il est pos­si­ble que ces résul­tats aient une inci­dence au niveau inter­na­tion­al, si les tech­nolo­gies sont effec­tive­ment dévelop­pées et déployées dans les pays en voie de développe­ment, et plus par­ti­c­ulière­ment dans les pays dis­posant de larges réserves de char­bon comme la Chine ou l’Inde11.

En guise de con­clu­sion, remar­quons sim­ple­ment que ce futur énergé­tique à base de nucléaire et d’én­ergie fos­sile avec séques­tra­tion du CO2 peut être mis en par­al­lèle avec cer­tains scé­nar­ios ” fac­teur 4 ” dévelop­pés récem­ment par la MIES12, sus­cep­ti­bles de per­me­t­tre à la France d’at­tein­dre son objec­tif de divi­sion par qua­tre des émis­sions à l’hori­zon 205013. Néan­moins, ces scé­nar­ios pren­nent aus­si en compte une impor­tante con­trainte sur la con­som­ma­tion d’én­ergie finale par habi­tant, dimen­sion qui n’est pas à l’or­dre du jour pour le moment outre-Atlantique. 

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1. Guil­laue De SMEDT est mem­bre du bureau de X‑Environnement. Les vues exprimées ici sont celles de l’au­teur et ne reflè­tent pas néces­saire­ment celles d’Air Liquide.
2. C’est-à-dire le ratio émis­sion de CO2/PIB.
3. Chiffres pour l’an­née fis­cale 2004. La requête pour l’an­née fis­cale 2005 annon­cée début 2004 est similaire.
4. Ce bud­get n’in­clut pas le bud­get d’en­v­i­ron 360 M US$ pour le trans­fert tech­nologique aux acteurs locaux (États, col­lec­tiv­ités, petits industriels…).
5. On pense ici à des pro­grammes de trans­fert tech­nologique qui se trou­vent à l’in­ter­face, ou aux bud­gets dédiés à la ges­tion de la recherche et aux frais de fonc­tion­nement et non affec­tés directe­ment à un pro­gramme précis.
6. Pour une présen­ta­tion détail­lée du pro­gramme Généra­tion IV, se reporter à l’ar­ti­cle de É. Huf­fer dans ce numéro.
7. Nous ne dis­cu­tons pas ici de la fais­abil­ité ” physique ” — ou non — de la ” civil­i­sa­tion hydrogène ” tant van­tée par cer­tains médias et cer­tains hommes poli­tiques (en par­ti­c­uli­er américains !).
Pour ce point, se reporter à l’ar­ti­cle de J. Per­rin et J.-F. Deschamps dans ce numéro.
8. Coop­er­a­tive Auto­mo­tive Research.
9. L’IPHE et le CSLF ont des struc­tures assez proches, avec un comité poli­tique et un comité tech­nique, le sec­ond rap­por­tant au premier.
10. Nous n’avons en effet pas pu abor­der dans le détail ni les aspects tech­niques, ni les aspects plus poli­tiques comme la mise en place des ” forums inter­na­tionaux “, ou de la mise en place de parte­nar­i­ats tech­nologiques bilatéraux à deux niveaux (poli­tique et technique).
11. Sur les ques­tions de con­ver­gence des PVD, voir l’ar­ti­cle de C. Philib­ert et F. Cat­ti­er dans ce numéro.
12. Mis­sion inter­min­istérielle de l’ef­fet de serre.
13. ” La divi­sion par qua­tre des émis­sions de dioxyde de car­bone en France d’i­ci 2050 “, rap­port de mis­sion de P. Radanne, mars 2004.

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