Budget des quatre principaux bureaux du DOE

Le programme de R & D de l’énergie aux États-Unis

Dossier : Énergie et environnementMagazine N°597 Septembre 2004
Par Guillaume De SMEDT (95)

Le Depart­ment of Ener­gy (DOE) est l’A­gence fédé­rale amé­ri­caine en charge de la mise en œuvre de la poli­tique éner­gé­tique. Exis­tant depuis vingt-quatre ans, le DOE emploie 15 000 agents fédé­raux et presque 100 000 contrac­tuels. Son bud­get annuel de l’ordre de 23 mil­liards de dol­lars en fait une des prin­ci­pales agences. La poli­tique éner­gé­tique amé­ri­caine, telle qu’ex­po­sée dans le Natio­nal Ener­gy Poli­cy, est essen­tiel­le­ment axée autour de deux axes prin­ci­paux com­plé­men­taires, la pro­duc­tion d’éner­gie à par­tir de sources pri­maires domes­tiques et la crois­sance éco­no­mique. Le chan­ge­ment cli­ma­tique et la réduc­tion des pol­lu­tions asso­ciées à l’éner­gie sont fré­quem­ment men­tion­nés, mais ne sont pas au cœur de la poli­tique éner­gé­tique amé­ri­caine – comme ils peuvent l’être, au moins au niveau des objec­tifs affi­chés, en Europe. Ain­si, le Natio­nal Ener­gy Poli­cy ne pro­pose pas d’ob­jec­tifs quan­ti­ta­tifs pour la réduc­tion des émissions.

Les émis­sions de pol­luants clas­siques sont prin­ci­pa­le­ment régies par le Clean Air Act et ses amen­de­ments. L’ad­mi­nis­tra­tion Bush a en outre pro­po­sé en 2002 la Clear Sky Ini­tia­tive, et plu­sieurs pro­po­si­tions de loi favo­ri­sant une approche mul­ti­pol­luants com­mencent à appa­raître tant au niveau local qu’au niveau fédé­ral. Quant aux émis­sions de CO2, il n’existe pour le moment aucun objec­tif chif­fré impo­sé – les États-Unis n’ayant pas rati­fié le pro­to­cole de Kyo­to – mais un objec­tif annon­cé par le pré­sident G. W. Bush de réduire de 18 % l’in­ten­si­té des émis­sions en 20122 par rap­port à 1990 par des enga­ge­ments volon­taires des industriels.

Au titre de la poli­tique éner­gé­tique, le DOE se voit assi­gner quatre objec­tifs stra­té­giques rele­vant de quatre domaines : la Défense, l’Éner­gie, la Science et l’En­vi­ron­ne­ment, ce der­nier terme ayant en fait un sens très pré­cis (cf. tableau 1).

Tableau 1 – Objec­tifs du DOE
Objec­tifs stratégiques Objec­tifs généraux
Domaine Objec­tif
Défense Pro­té­ger la sécu­ri­té natio­nale par la mise en oeuvre d’avancées scien­ti­fiques et les sys­tèmes d’armes nucléaires Main­te­nir en état opé­ra­tion­nel l’arsenal nucléaire.
Assu­rer la non-pro­li­fé­ra­tion nucléaire
Opé­rer des réac­teurs nucléaires pour la marine.
Énergie Pro­té­ger la sécu­ri­té natio­nale et éco­no­mique en per­met­tant l’approvisionnement et la four­ni­ture d’une éner­gie fiable, peu chère, et res­pec­tueuse de l’environnement à par­tir de sources diversifiées. Amé­lio­rer la sécu­ri­té éner­gé­tique en déve­lop­pant des tech­no­lo­gies per­met­tant l’approvisionnement éner­gé­tique à par­tir de sources diverses, fiables, peu coû­teuses et propres ; pré­ve­nir les urgences ; explo­rer des tech­niques avan­cées pour amé­lio­rer et diver­si­fier les pos­si­bi­li­tés de choix éner­gé­tiques ; amé­lio­rer l’efficacité énergétique.
Science Pro­té­ger la sécu­ri­té natio­nale et éco­no­mique en déve­lop­pant une recherche scien­ti­fique avancée. Appor­ter un sup­port pour les mis­sions du DOE. Déve­lop­per une recherche de classe mondiale.
Environnement Pro­té­ger l’environnement en déman­te­lant l’arsenal nucléaire de la Guerre froide et en se débar­ras­sant des déchets à radio­ac­ti­vi­té élevée Accé­lé­rer le net­toyage des sites de pro­duc­tion et de tests des armes nucléaires.
Construire un site de sto­ckage per­ma­nent (Yuc­ca Moun­tain) avant 2010.
(Source : DOE Stra­te­gic Plan, sept. 2003).


Un tiers envi­ron du bud­get du DOE est consa­cré au finan­ce­ment de pro­grammes de recherche et déve­lop­pe­ment (8,73 mil­liards de dol­lars, soit le 4e bud­get fédé­ral de R&D der­rière la Défense, la San­té et la NASA3), qui sont effec­tués soit au sein d’un des labo­ra­toires de l’A­gence, soit par le biais de contrats avec des uni­ver­si­tés ou des acteurs industriels.

Tableau 2 — Décom­po­si­tion du bud­get R&D du DOE par type de recherche (en mil­lion de dol­lars US)
2003 – 2004
Recherche fondamentale
2750
2664
 
Recherche appliquée
3020
3395
 
Développement
1956
1840
 
Équipements
1109
994
Source : Ana­ly­ti­cal Pers­pec­tives – Bud­get of the US Govern­ment FY2005.
Tableau 3 — Décom­po­si­tion du bud­get R&D du DOE par grands bureaux (en mil­lion de dol­lars US)
2003 – 2004 – 2005 (pro­po­sé)
Science
3218
3307
3484

Éner­gies renouvelables
322
357
375

Trans­port de l’électricité
88
81
91

Éner­gie nucléaire
258
292
300

Maî­trise de l’énergie4
612
607
544

Éner­gie fossile
621
673
636

Il faut noter que le bud­get nucléaire inclut à
la fois la R&D mili­taire et la R&D civile (envi­ron
23 et 13 respectivement


La majeure par­tie de ce bud­get R&D est consa­crée d’une part aux acti­vi­tés de recherche fon­da­men­tale, qui portent prin­ci­pa­le­ment sur la phy­sique des hautes éner­gies, la phy­sique des maté­riaux, la bio­lo­gie, et le déve­lop­pe­ment de codes – entre autres pour l’é­tude du chan­ge­ment cli­ma­tique – et d’autre part aux acti­vi­tés de recherche mili­taire sur le nucléaire, incluant la construc­tion du site de sto­ckage de Yuc­ca Moun­tain – dont la mise en ser­vice est pré­vue dès 2010. Bien que ne rele­vant pas direc­te­ment du déve­lop­pe­ment de tech­no­lo­gies, notons que l’en­trée en ser­vice de ce site est par ailleurs sus­cep­tible d’in­fluer posi­ti­ve­ment sur la relance du nucléaire à l’é­chelle internationale.

Les pro­grammes por­tant sur la recherche appli­quée et le déve­lop­pe­ment dans le domaine » strict » des sys­tèmes éner­gé­tiques – cor­res­pon­dant au 2e objec­tif stra­té­gique – béné­fi­cient donc d’un bud­get de l’ordre d’un mil­liard et demi de dol­lars, selon le péri­mètre plus ou moins strict que l’on consi­dère5. Quatre bureaux sont char­gés de la mise en œuvre de ces pro­grammes : » Effi­ca­ci­té éner­gé­tique et éner­gies renou­ve­lables « , » Éner­gie nucléaire « , » Éner­gies fos­siles » et » Maî­trise de l’éner­gie « , cer­tains pro­grammes, en par­ti­cu­lier l’Hy­dro­gen Fuel Ini­tia­tive, sont des pro­grammes inter­agences (voire même impli­quant d’autres dépar­te­ments comme le Depart­ment of Trans­por­ta­tion pour l’u­ti­li­sa­tion de piles à com­bus­tible à hydro­gène dans le sec­teur auto­mo­bile). La figure 1 pré­sente les bud­gets des trois der­nières années pour ces quatre bureaux, où l’on constate une cer­taine régu­la­ri­té. La figure 2 pré­sente les bud­gets agré­gés par sources d’éner­gie pri­maire (plus hydro­gène et piles à combustible).

Le nucléaire

Sur la figure 1, le bud­get alloué au nucléaire peut sem­bler faible com­pa­ré aux autres bud­gets. Il faut cepen­dant rela­ti­vi­ser cette idée, d’une part parce que l’on n’a pas repré­sen­té le bud­get dédié à la R&D sur le nucléaire mili­taire et d’autre part parce que plu­sieurs pro­grammes non R&D visent à relan­cer l’éner­gie nucléaire d’i­ci 2010. En matière de R&D civile, les axes prin­ci­paux sont :

  • la pro­duc­tion d’hy­dro­gène inté­grée à de nou­veaux cycles – ce pro­gramme s’in­té­grant dans le cadre plus géné­ral de la Natio­nal Hydro­gen Fuel Ini­tia­tive ini­tiée par l’ad­mi­nis­tra­tion Bush,
  • le lea­der­ship du forum inter­na­tio­nal » Géné­ra­tion IV » pour le déve­lop­pe­ment des cycles nucléaires du futur6,
  • la mise au point de pro­cé­dés de trans­mu­ta­tion pour le retrai­te­ment et la réuti­li­sa­tion des déchets,
  • la fusion, les États-Unis ayant de nou­veau rejoint le pro­gramme inter­na­tio­nal ITER. Il est à noter que des fonds dans le bud­get du bureau Science and Tech­no­lo­gy sont dédiés à la fusion.

Les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique

FIGURE 1 Bud­get des quatre prin­ci­paux bureaux du DOE impli­qués dans les pro­grammes R&D sur les tech­no­lo­gies de l’énergie
Pour le nucléaire, on n’a pas tenu compte du nucléaire mili­taire afin de “ com­pa­rer ce qui est com­pa­rable ”. On a exclu du bud­get “ Maî­trise de l’énergie ” les bud­gets rela­tifs aux trans­ferts de tech­no­lo­gies. Source : DOE Bud­get Request 2005.

Les éner­gies renou­ve­lables ain­si que l’ef­fi­ca­ci­té éner­gé­tique sont consi­dé­rées dans la stra­té­gie éner­gé­tique comme des élé­ments impor­tants, mais il est aus­si esti­mé que leur contri­bu­tion res­te­ra mar­gi­nale com­pa­rée à l’ef­fort glo­bal requis pour satis­faire la demande. On peut tout de même remar­quer que l’éner­gie solaire et la valo­ri­sa­tion de la bio­masse, soit comme co-com­bus­tible (avec du char­bon) pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té, soit sous forme de bioé­tha­nol comme car­bu­rant, béné­fi­cient de bud­gets assez impor­tants. Les éner­gies renou­ve­lables sont de plus consi­dé­rées dans le Natio­nal Ener­gy Poli­cy comme sus­cep­tibles d’être des tech­no­lo­gies expor­tables vers d’autres marchés.

Les énergies fossiles

On constate – et on ne s’en étonne d’ailleurs guère – à la lec­ture de la figure 1 que les éner­gies fos­siles sont clai­re­ment les grandes béné­fi­ciaires des bud­gets de R&D. Néan­moins, lors­qu’on regarde dans le détail (figure 2), on constate – et cer­tains peuvent s’en éton­ner – que la seule éner­gie fos­sile qui béné­fi­cie de pro­grammes de recherche vrai­ment consé­quents est le char­bon. Cela n’a en fait rien d’é­ton­nant. Si l’é­co­no­mie amé­ri­caine est très lar­ge­ment dépen­dante du pétrole – la page » Inter­na­tio­nal » des jour­naux le rap­pelle fré­quem­ment – en par­ti­cu­lier pour les trans­ports, elle est aus­si très lar­ge­ment dépen­dante du char­bon, puisque 51 % de l’élec­tri­ci­té US est pro­duite dans des cen­trales char­bon, et que cette part n’est pas appe­lée à bais­ser signi­fi­ca­ti­ve­ment au cours des décen­nies à venir.

FIGURE 2 Bud­gets de R&D 2004 par source d’énergie (excep­té pour l’hydrogène)
Budgets de R&D 2004 par source d’énergie
Source : DOE Bud­get 2004.

De plus, dans le cadre de la poli­tique éner­gé­tique la valo­ri­sa­tion des res­sources domes­tiques est essen­tielle – et celles-ci sont essen­tiel­le­ment consti­tuées des réserves de char­bon : si l’on regarde le ratio » Réserves sur Pro­duc­tion » qui donne une esti­ma­tion du nombre d’an­nées de réserves res­tantes pour une uti­li­sa­tion qui res­te­rait constante, on constate que ce ratio (qui dimen­sion­nel­le­ment s’ex­prime en années) vaut dix années pour le gaz natu­rel, à peine moins pour le pétrole, et 250 ans pour le char­bon. Néan­moins, il faut se sou­ve­nir que ce chiffre n’a en pra­tique que peu à voir avec le nombre d’an­nées effec­tif de pro­duc­tion domes­tique : ain­si, en sup­po­sant une crois­sance de 0,5 % des réserves par an et une crois­sance de 1,47 % de la pro­duc­tion (moyenne des vingt der­nières années), il ne reste que 124 années, soit moi­tié moins que dans l’ap­proche » sta­tique « . D’autre part, le char­bon est res­pon­sable de plus de 80 % des émis­sions de CO2 du sec­teur de la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té, et de presque un tiers des émis­sions glo­bales amé­ri­caines. Le char­bon est aus­si lar­ge­ment res­pon­sable d’une large part des émis­sions d’oxydes de soufre, d’oxydes d’a­zote et de mercure.

C’est d’ailleurs pour lut­ter contre les émis­sions de pol­luants locaux – mais avant tout pour valo­ri­ser une res­source domes­tique – qu’a été ori­gi­nel­le­ment lan­cé le pro­gramme » char­bon propre » en 1985, et ces pol­luants conti­nuent de faire l’ob­jet de nom­breux pro­jets de recherche au sein de ce pro­gramme, qui a lar­ge­ment les faveurs de l’ad­mi­nis­tra­tion Bush. Ce pro­gramme com­prend aus­si depuis main­te­nant plu­sieurs années un sous-pro­gramme de plus en plus impor­tant sur la cap­ture et la séques­tra­tion géo­lo­gique du CO2 comme moyen de réduire dras­ti­que­ment les émis­sions de CO2, en par­ti­cu­lier celles issues des cen­trales char­bon. Celles-ci peuvent être soit des cen­trales à com­bus­tion » clas­siques » (char­bon pul­vé­ri­sé ou lit cir­cu­lant), soit basées sur la gazéi­fi­ca­tion du char­bon, ces cycles com­bi­nés inté­grés à la gazéi­fi­ca­tion (IGCC) étant aus­si vus comme une source d’hydrogène.

FIGURE 3
Le pro­gramme “ char­bon propre ”
Le programme “ charbon propre
Source : DOE Bud­get Request 2005.

Le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain a d’ailleurs annon­cé en 2003 le lan­ce­ment du pro­jet pilote Futu­re­Gen de très grande ampleur, pour un bud­get de l’ordre d’un mil­liard de dol­lars sur presque quinze ans. Ce pro­jet vise à construire, dans le cadre d’un consor­tium indus­triel, une uni­té IGCC pro­dui­sant de l’élec­tri­ci­té (275 MW de capa­ci­té) et de l’hy­dro­gène, le CO2 étant, quant à lui, cap­tu­ré à des fins de réinjection.

L’hydrogène7

L’hy­dro­gène comme vec­teur éner­gé­tique, et plus par­ti­cu­liè­re­ment comme car­bu­rant rem­pla­çant le pétrole, est avec le char­bon un des axes majeurs des pro­grammes de R&D du DOE. En jan­vier 2002, le DOE a mis en place un par­te­na­riat avec les construc­teurs auto­mo­biles, la Free­dom­CAR8 Ini­tia­tive. L’ob­jec­tif de ce par­te­na­riat est prin­ci­pa­le­ment la réduc­tion de la dépen­dance amé­ri­caine vis-à-vis du pétrole (les pro­jec­tions estiment que 70 % du pétrole sera impor­té à l’ho­ri­zon 2020) tout en rédui­sant les émis­sions pol­luantes par le déve­lop­pe­ment de tech­no­lo­gies piles à com­bus­tible pour les trans­ports (à moyen-long terme) ain­si que par le déve­lop­pe­ment de moteurs à com­bus­tion interne avan­cée et de véhi­cules hybrides. Ce par­te­na­riat s’ins­crit depuis jan­vier 2003 dans le cadre plus large de l’Hydro­gen Fuel Ini­tia­tive, dont le mon­tant annon­cé est de 1,2 mil­liard de dol­lars. Cette ini­tia­tive vise à réduire les coûts de pro­duc­tion de l’hy­dro­gène à par­tir de dif­fé­rentes sources pri­maires – prin­ci­pa­le­ment le gaz natu­rel sur le court terme et le char­bon à plus long terme -, à déve­lop­per des tech­no­lo­gies de sto­ckage et de dis­tri­bu­tion. À l’ho­ri­zon 2010, les objec­tifs sont d’a­voir bais­sé les coûts de pro­duc­tion de l’hy­dro­gène à par­tir du char­bon à $ 30/baril équi­valent pétrole.

Voies de capture et séquestration du CO2

L’option qui semble pour le moment pri­vi­lé­giée dans la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique aux États-Unis est très clai­re­ment la voie de la “cap­ture et de la séques­tra­tion du CO2 ”. Cet ensemble de tech­no­lo­gies consiste à cap­tu­rer direc­te­ment le CO2 pro­duit par une ins­tal­la­tion indus­trielle – en par­ti­cu­lier de pro­duc­tion d’énergie – avant qu’il ne soit émis dans l’atmosphère. Cette tech­nique n’est envi­sa­geable que pour les sources impor­tantes de CO2, comme la pro­duc­tion d’électricité à par­tir de com­bus­tibles fos­siles par exemple. Ces grosses sources repré­sentent envi­ron la moi­tié des émis­sions de CO2 à l’échelle mon­diale. Trois grandes voies font actuel­le­ment l’objet de recherche au niveau mondial :

  • Lorsque le CO2 est enle­vé dans les fumées de com­bus­tion (on parle alors de décar­bo­na­tion post­com­bus­tion). C’est la voie qui est envi­sa­geable par exemple pour les cen­trales au char­bon pul­vé­ri­sé. La sépa­ra­tion du CO2 des fumées (qui contiennent majo­ri­tai­re­ment de l’azote et de l’eau) peut alors s’effectuer avec des pro­cé­dés chi­miques (lavages aux amines, mem­branes, adsorption).
  • Lorsque le CO2 est enle­vé du car­bu­rant avant la chambre de com­bus­tion (décar­bo­na­tion pré­com­bus­tion). Cette voie est par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante dans le cas des IGCC (gazéi­fi­ca­tion inté­grée à un cycle com­bi­né). Le CO2 est ici sépa­ré d’un gaz de syn­thèse conte­nant majo­ri­tai­re­ment de l’hydrogène, du monoxyde de car­bone et de l’eau. Les pro­cé­dés envi­sa­geables sont de nou­veau des lavages chi­miques ou phy­siques, des mem­branes ou des pro­cé­dés par adsorption.
  • La 3e voie consiste à uti­li­ser pour la com­bus­tion de l’oxygène pur à la place de l’air : les fumées de com­bus­tion ne contiennent alors plus que de l’eau et du CO2, et le coût éner­gé­tique de la sépa­ra­tion est moindre que dans les deux autres voies. Néan­moins, une par­tie de ce coût est trans­fé­rée vers l’étape de sépa­ra­tion de l’air.


Une fois le CO2 sépa­ré des autres gaz, il peut être trans­por­té par pipe­line vers un site de sto­ckage appro­prié, c’est-à-dire pos­sé­dant les carac­té­ris­tiques assu­rant l’intégrité du sto­ckage. On dis­tingue – de nou­veau – trois grands types de stockage :

  • Dans les aqui­fères salins pro­fonds, qui sont des roches poreuses. La capa­ci­té de sto­ckage des aqui­fères est de loin la plus grande d’après les esti­ma­tions actuelles, avec une capa­ci­té de sto­ckage impor­tante, variant selon les auteurs entre 400 et 10 000 giga­tonnes de CO2 (Gt CO2).
  • Dans les gise­ments d’hydrocarbures en fin de vie. De plus, lorsque le champ est encore en pro­duc­tion, l’injection de CO2 peut per­mettre d’améliorer la frac­tion d’hydrocarbures récu­pé­rés, ce qui rend cette voie attrayante, en par­ti­cu­lier tant que les coûts de cap­ture et de trans­port du CO2 sont si éle­vés. La capa­ci­té totale (réser­voirs pétro­liers et gaziers) est esti­mée à 1 000 Gt CO2.
  • Dans les veines de char­bon pro­fondes, sur les­quelles le CO2 s’adsorbe. Dans les cas favo­rables, la récu­pé­ra­tion de gaz de mine est amé­lio­rée. Bien que plus faible que les deux types pré­cé­dents, la capa­ci­té de sto­ckage (hors consi­dé­ra­tions éco­no­miques) est esti­mée à 140 Gt CO2.


Il est à noter que le GIEC (Grou­pe­ment inter­gou­ver­ne­men­tal d’experts pour le cli­mat) pré­pare actuel­le­ment la rédac­tion d’un rap­port spé­cial sur la ques­tion (publi­ca­tion pré­vue en 2005), et que dif­fé­rents tra­vaux com­mencent à s’intéresser à la prise en compte des tonnes de CO2 séques­trées en lien avec les méca­nismes de pro­jet du pro­to­cole de Kyoto.

La coopération internationale

Les pro­grammes R&D domes­tiques sur les tech­no­lo­gies » propres » de l’éner­gie sont impor­tants, au moins en termes bud­gé­taires. Cepen­dant, il faut aus­si noter que les actions de coopé­ra­tions inter­na­tio­nales jouent aus­si un rôle impor­tant dans la stra­té­gie R&D éner­gé­tique des États-Unis. Ain­si sur le nucléaire, avec le forum Géné­ra­tion IV, mais aus­si sur l’hy­dro­gène, avec le lan­ce­ment de l’IPHE (Inter­na­tio­nal Part­ner­ship for Hydro­gen Ener­gy) et sur la séques­tra­tion du CO2 avec le Car­bon Seques­tra­tion Lea­der­ship Forum. Ces forums mul­ti­la­té­raux, qui visent à orga­ni­ser la recherche au niveau mon­dial sur ces thé­ma­tiques, ont d’a­bord une voca­tion poli­tique9, et peuvent être vus comme une volon­té de » reprendre la main » en met­tant en avant les solu­tions tech­no­lo­giques (et plus par­ti­cu­liè­re­ment la séques­tra­tion du CO2) pour résoudre le pro­blème du chan­ge­ment cli­ma­tique, devant les solu­tions de type régle­men­taire. D’autre part, les États-Unis sont enga­gés dans des actions de coopé­ra­tion bila­té­rale à un haut niveau poli­tique avec de nom­breux pays, en par­ti­cu­lier avec la Chine, le Japon et la Norvège.

Quelles incidences sur l’environnement ?

Pour aller plus loin

Les docu­ments offi­ciels (bud­gets, plans stra­té­giques, des­crip­tif des tech­no­lo­gies déve­lop­pées, etc.) sont acces­sibles via le site du DOE http://www.energy.gov (et sites des dif­fé­rents bureaux acces­sibles par liens hyper­textes) ain­si que sur le site de l’Energy Infor­ma­tion Admi­nis­tra­tion (EIA) sur http://eia.doe.gov/, à ne pas confondre avec l’Agence inter­na­tio­nale de l’énergie, qui a publié sur ce sujet (entre autres) en 2002 Ener­gy Poli­cies of IEA coun­tries : the US 2002 review et Dea­ling with cli­mate change : poli­cies and mea­sures in IEA Mem­ber countries.

On lira aus­si avec inté­rêt les publi­ca­tions du Centre fran­çais sur les États-Unis/Ins­ti­tut fran­çais des rela­tions inter­na­tio­nales (CFEIFRI) sur la poli­tique éner­gé­tique américaine.

Don­nées chiffrées
http://www.energy.gov
http://eia.doe.gov/
http://www.iea.org/
http://cait.wri.org/

Comme nous l’a­vons rap­pe­lé, même s’il y est fait expli­ci­te­ment réfé­rence dans les dif­fé­rents docu­ments, l’en­vi­ron­ne­ment n’est pas un des objec­tifs prio­ri­taires de la poli­tique éner­gé­tique. Néan­moins, à l’is­sue de cette – trop brève10 – revue des pro­grammes sur les tech­no­lo­gies de l’éner­gie aux États-Unis, la ques­tion de leurs inci­dences poten­tielles sur l’en­vi­ron­ne­ment se pose. Le DOE, dans le cadre de la ges­tion de la R&D fédé­rale, tente de quan­ti­fier les béné­fices de chaque pro­gramme par le biais du Gover­ne­ment Per­for­mance and Results Act repor­ting. Par exemple, il est esti­mé que les pro­grammes du bureau » Effi­ca­ci­té éner­gé­tique et éner­gies renou­ve­lables » se tra­dui­raient par une réduc­tion de 35 Mt CO2-eq en 2010 et 213 Mt CO2-eq en 2025 (soit res­pec­ti­ve­ment 0,5 % et 3,05 % des émis­sions de 2000). Il faut néan­moins noter que ces esti­ma­tions reposent sur des modé­li­sa­tions dont les hypo­thèses seraient à dis­cu­ter en détail.

Si l’on se risque à un exer­cice de » futu­ro­lo­gie » en extra­po­lant à par­tir des pro­grammes actuels, l’a­ve­nir éner­gé­tique durable qui se des­sine à l’ho­ri­zon de ce siècle semble assez loin de cer­taines images que l’on peut avoir. En effet, il semble faire la part belle à deux sources d’éner­gie pri­maire – le char­bon avec séques­tra­tion du CO2 et trai­te­ments avan­cés des fumées et le nucléaire – et à deux vec­teurs éner­gé­tiques com­plé­men­taires, l’élec­tri­ci­té et l’hy­dro­gène, ce der­nier ayant comme objec­tif pre­mier de réduire la dépen­dance pétro­lière. Il faut cepen­dant noter que la pro­duc­tion d’hy­dro­gène à par­tir de gaz natu­rel sur le court et moyen terme ne régle­ra pas com­plè­te­ment la dépen­dance vis-à-vis des impor­ta­tions – excep­té si le pro­gramme sur la valo­ri­sa­tion des hydrates de méthane aboutit.

En ce qui concerne la réduc­tion des émis­sions, en par­ti­cu­lier celles dues au sec­teur élec­trique, il est pro­bable que les pro­grammes per­mettent de déve­lop­per des tech­no­lo­gies ad hoc comme cela a déjà été le cas par le pas­sé pour les émis­sions d’oxyde de soufre par exemple. Cepen­dant, un cadre légis­la­tif sera néces­saire au déploie­ment de ces tech­no­lo­gies. Par exemple, un » signal-prix » de la tonne de CO2 sera néces­saire au déploie­ment des tech­no­lo­gies de sto­ckage, que ce soit par un méca­nisme de mar­ché de type » cap-and-trade  » ou par des inci­ta­tions fiscales.

Il est pos­sible que ces résul­tats aient une inci­dence au niveau inter­na­tio­nal, si les tech­no­lo­gies sont effec­ti­ve­ment déve­lop­pées et déployées dans les pays en voie de déve­lop­pe­ment, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans les pays dis­po­sant de larges réserves de char­bon comme la Chine ou l’Inde11.

En guise de conclu­sion, remar­quons sim­ple­ment que ce futur éner­gé­tique à base de nucléaire et d’éner­gie fos­sile avec séques­tra­tion du CO2 peut être mis en paral­lèle avec cer­tains scé­na­rios » fac­teur 4 » déve­lop­pés récem­ment par la MIES12, sus­cep­tibles de per­mettre à la France d’at­teindre son objec­tif de divi­sion par quatre des émis­sions à l’ho­ri­zon 205013. Néan­moins, ces scé­na­rios prennent aus­si en compte une impor­tante contrainte sur la consom­ma­tion d’éner­gie finale par habi­tant, dimen­sion qui n’est pas à l’ordre du jour pour le moment outre-Atlantique. 

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1. Guillaue De SMEDT est membre du bureau de X‑Environnement. Les vues expri­mées ici sont celles de l’au­teur et ne reflètent pas néces­sai­re­ment celles d’Air Liquide.
2. C’est-à-dire le ratio émis­sion de CO2/PIB.
3. Chiffres pour l’an­née fis­cale 2004. La requête pour l’an­née fis­cale 2005 annon­cée début 2004 est similaire.
4. Ce bud­get n’in­clut pas le bud­get d’en­vi­ron 360 M US$ pour le trans­fert tech­no­lo­gique aux acteurs locaux (États, col­lec­ti­vi­tés, petits industriels…).
5. On pense ici à des pro­grammes de trans­fert tech­no­lo­gique qui se trouvent à l’in­ter­face, ou aux bud­gets dédiés à la ges­tion de la recherche et aux frais de fonc­tion­ne­ment et non affec­tés direc­te­ment à un pro­gramme précis.
6. Pour une pré­sen­ta­tion détaillée du pro­gramme Géné­ra­tion IV, se repor­ter à l’ar­ticle de É. Huf­fer dans ce numéro.
7. Nous ne dis­cu­tons pas ici de la fai­sa­bi­li­té » phy­sique » – ou non – de la » civi­li­sa­tion hydro­gène » tant van­tée par cer­tains médias et cer­tains hommes poli­tiques (en par­ti­cu­lier américains !).
Pour ce point, se repor­ter à l’ar­ticle de J. Per­rin et J.-F. Des­champs dans ce numéro.
8. Coope­ra­tive Auto­mo­tive Research.
9. L’IPHE et le CSLF ont des struc­tures assez proches, avec un comi­té poli­tique et un comi­té tech­nique, le second rap­por­tant au premier.
10. Nous n’a­vons en effet pas pu abor­der dans le détail ni les aspects tech­niques, ni les aspects plus poli­tiques comme la mise en place des » forums inter­na­tio­naux « , ou de la mise en place de par­te­na­riats tech­no­lo­giques bila­té­raux à deux niveaux (poli­tique et technique).
11. Sur les ques­tions de conver­gence des PVD, voir l’ar­ticle de C. Phi­li­bert et F. Cat­tier dans ce numéro.
12. Mis­sion inter­mi­nis­té­rielle de l’ef­fet de serre.
13. » La divi­sion par quatre des émis­sions de dioxyde de car­bone en France d’i­ci 2050 « , rap­port de mis­sion de P. Radanne, mars 2004.

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