Livre : LE NOUVEL ORDRE ÉLECTORAL de Hervé Le Bras (63)

Le nouvel ordre électoral

Dossier : Arts,Lettres et SciencesMagazine N°719 Novembre 2016Par : Hervé le BRAS (63)Rédacteur : Jean-Claude PRAGER (64)Editeur : Éditions du Seuil, La République des Idées – 2016 – 25, boulevard Romain-Rolland, 75014 Paris. Tél. : 01 41 48 80 00.

Depuis le Tableau poli­tique de la France de l’Ouest sous la Troi­sième Répu­blique, écrit en 1913 par André Sieg­fried, la géo­gra­phie poli­tique a fait d’immenses pro­grès et les tech­niques modernes auto­risent désor­mais des des­crip­tions et ana­lyses robustes dans une dis­ci­pline encore très mar­quée par des dis­cours roman­tiques, sédui­sants mais contes­tables au regard des normes scien­ti­fiques modernes. 

Notre cama­rade Her­vé Le Bras, for­mé à l’école aus­tère de la démo­gra­phie, explique ain­si dans son der­nier livre que le déter­mi­nisme socio­lo­gique pré­sent dans la plu­part des ana­lyses sur le vote en faveur du Front natio­nal doit s’incliner devant la réa­li­té de ce qu’il appelle la « mémoire de l’espace », un phé­no­mène bien connu des éco­no­mistes urbains qui per­met de com­prendre pour­quoi vivre dans une zone de taux de chô­mage éle­vé réduit l’incitation à cher­cher un emploi, de même que les pro­ba­bi­li­tés de com­mettre un délit sont plus fortes pour un jeune rési­dant dans une « trappe spa­tiale à délinquance ». 

Au-delà de ce rap­pel à l’ordre métho­do­lo­gique, le prin­ci­pal de la thèse du Nou­vel Ordre élec­to­ral est de mon­trer com­ment le cal­cul prê­té à Fran­çois Mit­ter­rand de favo­ri­ser la mon­tée du Front natio­nal pour enfon­cer un coin fatal à la droite s’est retour­né, trente ans après, comme un boo­me­rang contre ses héritiers. 

Le nou­veau tri­par­tisme accor­dant au Front natio­nal un poids équi­valent à celui des deux forces poli­tiques domi­nantes de la Cin­quième Répu­blique, phé­no­mène cris­tal­li­sé depuis 2012, et le jeu méca­nique des trans­ferts entre les deux tours assu­re­raient ain­si une pré­émi­nence durable à la droite et son suc­cès aux pro­chaines élec­tions pré­si­den­tielles. Cette arith­mé­tique élec­to­rale semble implacable. 

La ten­dance poli­tique révé­lée dans le livre d’Hervé Le Bras sera-t-elle durable ? L’avenir n’est pas écrit d’avance ; l’effritement des par­tis de gou­ver­ne­ment tient beau­coup à la sou­mis­sion, plus que consen­tante depuis quinze ans, de leurs diri­geants à la machine infer­nale de la « média­cra­tie » de l’instant, au détri­ment des visions longues si néces­saires, par­ti­cu­liè­re­ment en période de tran­si­tion comme aujourd’hui.

La pos­ture décla­ma­toire a sup­plan­té la recherche de l’efficacité de l’action publique, et il est cer­tain que, dans ce théâtre des appa­rences et des pas­sions, une force poli­tique sans pas­sé autre que de contes­ta­tion a une puis­sance de séduc­tion bien supé­rieure aux bilans de par­tis poli­tiques englués dans leurs échecs et leurs contradictions. 

L’avenir de la donne élec­to­rale récente dépen­dra donc beau­coup de la capa­ci­té des can­di­dats à la pré­si­den­tielle à redres­ser la pente, en pro­po­sant une vision forte et cré­dible répon­dant aux nom­breux pro­blèmes du pays, et ensuite de celle du vain­queur à la mettre en œuvre avec persévérance.

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