Le management de transition : mission temporaire ou art de vivre ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°643 Mars 2009Par Frédéric MARQUETTEPar Ollivier LEMAL

On entend par « mana­ge­ment de tran­si­tion » la mise en place d’un cadre diri­geant dans une entre­prise pour une période déter­mi­née avec des objec­tifs pré­cis à atteindre, aus­si bien dans une phase d’expansion que pour une période de restruc­tu­ra­tion. Les fonc­tions le plus sou­vent deman­dées sont la direc­tion géné­rale, les direc­tions finan­cières, les res­sources humaines ou la direc­tion des sites indus­triels mais toutes les autres fonc­tions appar­te­nant au comi­té de direc­tion sont éga­le­ment représentées.

Ni intérim, ni conseil, ni temps partagé

Une durée limitée
La durée d’une mis­sion de tran­si­tion varie entre trois et vingt-quatre mois. La mis­sion peut se pour­suivre par l’embauche du mana­ger mis en place mais ce n’est pas en géné­ral l’objectif ini­tial. En outre, la sur­qua­li­fi­ca­tion des per­sonnes mises en place – néces­si­tée géné­ra­le­ment par l’urgence et par la dif­fi­cul­té des trans­for­ma­tions à réa­li­ser en peu de temps – et les coûts en résul­tant pour l’entreprise conduisent par­fois à limi­ter les mis­sions dans le temps.

Il se dif­fé­ren­cie de l’inté­rim par le niveau des diri­geants concer­nés (des rému­né­ra­tions de 100 000 à 400 000 euros par an) et par la nature des opé­ra­tions concer­nées : il s’agit en géné­ral de réus­sir une trans­for­ma­tion, un pro­jet de déve­lop­pe­ment, ou une opé­ra­tion de retour­ne­ment et pas sim­ple­ment de « tenir » le poste en attente d’un recrutement.

Par rap­port au conseil, le mana­ge­ment de tran­si­tion se dif­fé­ren­cie par la prise en main d’une res­pon­sa­bi­li­té opé­ra­tion­nelle directe dans l’entreprise et par une foca­li­sa­tion sur des objec­tifs opé­ra­tion­nels pré­cis. Le mana­ge­ment de tran­si­tion est éga­le­ment très dif­fé­rent du temps par­ta­gé. Ce der­nier concerne des mana­gers qui ont choi­si de par­ta­ger leur temps de tra­vail entre plu­sieurs PME qui ne pour­raient pas iso­lé­ment employer leurs compétences.

Nous par­lons ici de la mis­sion d’une per­sonne, mais c’est par­fois une équipe qui doit être mise en place pour redres­ser une situa­tion délicate.

Mission ponctuelle ou vrai métier

Un véri­table métier avec des défis nou­veaux et renou­ve­lés à chaque mission

Il n’y a pas un choix a prio­ri à faire dès le départ. Un mana­ger peut très bien choi­sir de prendre une mis­sion inté­res­sante à un moment où il se trouve dis­po­nible. Un pro­jet inté­res­sant peut repré­sen­ter une solu­tion inté­res­sante dans l’attente d’un repo­si­tion­ne­ment pro­fes­sion­nel ou d’une reprise de société.

La prise d’une mis­sion pré­serve entiè­re­ment la pos­si­bi­li­té de reprendre un poste dit « per­ma­nent » ensuite. Par­fois même, des mis­sions peuvent révé­ler des oppor­tu­ni­tés de suite non pré­vues au départ. Après une pre­mière mis­sion réus­sie, une autre peut s’enchaîner, et cer­tains y prennent goût et cela peut deve­nir un véri­table métier avec des défis nou­veaux et renou­ve­lés à chaque mission.

Mieux, la réus­site d’une mis­sion peut ren­for­cer et élar­gir l’expérience pro­fes­sion­nelle dans la mesure où ce métier exige et donc accroît des qua­li­tés per­son­nelles importantes.

L’incertitude du lendemain
Le mana­ger de tran­si­tion doit éga­le­ment tenir compte d’autres fac­teurs essen­tiels comme savoir gérer l’incertitude du len­de­main. À un mois de la fin d’une mis­sion, il est rare de connaître la sui­vante… Cette incer­ti­tude com­porte un aspect finan­cier qu’il faut pou­voir gérer, mais elle a aus­si une dimen­sion psy­cho­lo­gique : l’expérience montre que, en dehors de tout aspect maté­riel, cer­taines per­sonnes acceptent plus faci­le­ment que d’autres cette incertitude.

Des dirigeants confirmés

Les mana­gers de tran­si­tion sont tout d’abord des diri­geants confir­més qui ont exer­cé leurs fonc­tions dans des cadres clas­siques (CDI ou man­dat social). Ils ont acquis une bonne connais­sance d’un ou plu­sieurs sec­teurs d’activité et ont de solides com­pé­tences fonc­tion­nelles. Ils ont en géné­ral plus de qua­rante ans.

Les bonnes pra­tiques du mana­ge­ment de tran­si­tion ne sont pas fon­da­men­ta­le­ment dif­fé­rentes de celles de la ges­tion tra­di­tion­nelle pour un mana­ger qui prend un poste avec une forte pres­sion sur les résul­tats, impo­sée par la situa­tion de l’entreprise. Une étude sur les condi­tions de réus­site d’un mana­ger dans la prise de nou­velles fonc­tions – ce que l’on appelle « les 100 pre­miers jours » – a été réa­li­sée à par­tir de mana­gers de tran­si­tion (DG, DAF et DRH) ayant une forte expé­rience de redres­se­ment, et des diri­geants opé­ra­tion­nels per­ma­nents ayant réus­si éga­le­ment des redres­se­ments spec­ta­cu­laires. Leurs conclu­sions se rejoignent.

Les mana­gers de tran­si­tion maî­trisent beau­coup mieux leur temps de travail

L’intervention en tant que mana­ger de tran­si­tion impose aus­si ses règles spé­ci­fiques : savoir s’adapter très rapi­de­ment à un nou­vel envi­ron­ne­ment et une nou­velle orga­ni­sa­tion, « déco­der » rapi­de­ment le contexte, res­ter foca­li­sé sur les résul­tats atten­dus, savoir s’imposer par ses com­pé­tences (sou­vent supé­rieures à celles de son pré­dé­ces­seur ou de son suc­ces­seur) plus que par un sta­tut et une légi­ti­mi­té à long terme. Mais le sta­tut du mana­ger de tran­si­tion n’est pas tou­jours annon­cé dans l’entreprise, et s’il l’est, la légi­ti­mi­té liée à sa com­pé­tence, à sa neu­tra­li­té poli­tique et à l’absence d’intérêts per­son­nels à long terme com­pense aisé­ment l’absence de légi­ti­mi­té à long terme.

Un art de vivre

Après avoir sou­li­gné les exi­gences du mana­ge­ment de tran­si­tion et les carac­té­ris­tiques qu’il faut ras­sem­bler pour en faire un métier, il convient aus­si d’en décrire les avan­tages : si les mis­sions n’offrent pas un sur­croît de res­pon­sa­bi­li­té, de pou­voir et de noto­rié­té par rap­port aux res­pon­sa­bi­li­tés pas­sées, la situa­tion de « che­va­lier blanc », la satis­fac­tion d’obtenir des résul­tats rapi­de­ment mesu­rables, la rela­tion d’aide et d’assistance appor­tée aux équipes en place sont autant d’éléments très valo­ri­sants. De plus, les mana­gers de tran­si­tion inter­viennent dans une très grande varié­té de contextes, et ne connaissent jamais la routine.

Au-delà de ces avan­tages, les mana­gers maî­trisent beau­coup mieux leur temps de tra­vail. Les mis­sions à temps par­tiel sont rares ; mais les diri­geants de tran­si­tion peuvent res­ter (volon­tai­re­ment ou non) quelques semaines à quelques mois entre deux mis­sions. Ce temps peut être consa­cré à la famille, à des acti­vi­tés béné­voles, à un départ au large ou sur la route de Saint-Jacques de Com­pos­telle. Les choix sont infi­nis et per­son­na­li­sés. Ce temps libre leur appar­tient, il consti­tue un cer­tain luxe, même s’il est réser­vé en prio­ri­té à ceux qui ont bâti une cer­taine réus­site maté­rielle. C’est aus­si un art de vivre.

Créée il y a vingt ans par Egon Zehn­der Inter­na­tio­nal, EIM est aujourd’hui une struc­ture indé­pen­dante avec 15 bureaux dans le monde. Elle a réa­li­sé près de 6000 missions.

Commentaire

Ajouter un commentaire

Louis Mol­la­retrépondre
2 juillet 2012 à 4 h 56 min

Com­pos­telle 813‑2013
Bon­jour,

Le minis­tère de la Culture et de la Com­mu­ni­ca­tion a ins­crit le 1200e anni­ver­saire de la décou­verte du tom­beau de saint Jacques à Com­pos­telle sur la liste des com­mé­mo­ra­tions natio­nales en France en 2013.
Par curio­si­té, j’ai fait une recherche avec le mot Com­pos­telle dans les archives de l’e­JR. Elle m’a ren­voyé un seul article.
Il m’a appris que les mana­gers de tran­si­tion pou­vaient éven­tuel­le­ment uti­li­ser leur temps libre entre deux mis­sions pour aller à Saint-Jacques de Compostelle.
C’est peu, alors que Com­pos­telle est deve­nu un phé­no­mène de socié­té au point que le mot est par­fois employé comme nom com­mun, « faire un Com­pos­telle » ou « tra­cer un Compostelle ».

La page citée en page d’ac­cueil, publiée d’a­près un article écrit pour la revue des élèves de l’E­cole, X‑Passion, en donne un aper­çu. Les cama­rades inté­res­sés pour­ront navi­guer sur l’en­semble de nos publi­ca­tions élec­tro­niques à par­tir du site : http://www.saint-jacques.info.
La page http://www.saint-jacques.info/publications/livres.htm?PHPSESSID=a1efaba19439f4eb5c8bd7a7e91ddb15 donne un aper­çu des livres que nous avons publiés depuis 10 ans.

Louis Mol­la­ret, X54
président
Fon­da­tion David Parou Saint-Jacques

Répondre