Le plus important c’est l’intérêt du travail

Dossier : ExpressionsMagazine N°629 Novembre 2007
Par Nicolas ZARPAS (58)

« Je suis un con­tre-exem­ple, affirme Nico­las Zarpas, puisque, entré à 21 ans dans le groupe Péchiney comme ingénieur-bal­ai, je n’en suis sor­ti que quar­ante ans plus tard, à la tête de plusieurs sociétés du groupe con­sti­tu­ant une divi­sion de plus de 1 000 per­son­nes. »

L’art de négocier

Entré tout jeune au groupe Péchiney, dans la per­spec­tive de la créa­tion future d’une usine en Grèce, son pays d’o­rig­ine, Nico­las Zarpas s’est vu d’abord pro­pos­er une mis­sion dans une usine d’a­lu­mine en Guinée, en fab­ri­ca­tion puis dans le cadre des rela­tions entre les action­naires, « dont les intérêts divergeaient » et des rela­tions, égale­ment ten­dues, avec le gou­verne­ment guinéen « qui inau­gu­rait son indépen­dance con­seil­lé par des Tchèques et des Chi­nois. Les méth­odes étaient alors assez bru­tales et j’ai vu dis­paraître trag­ique­ment cer­tains col­lab­o­ra­teurs de l’u­sine. »
Il retient des bons côtés de cette péri­ode « l’ac­qui­si­tion de la pra­tique des négo­ci­a­tions extrême­ment dif­fi­ciles » et l’anec­dote romanesque d’avoir été refoulé de Guinée pour avoir été dénon­cé comme « un agent de l’In­tel­li­gence Ser­vice ».

Du contrôle de gestion à la Présidence

À trente ans, l’u­sine grecque promise étant réal­isée, il prend la coor­di­na­tion tech­nique d’un ensem­ble d’usines d’a­lu­mine. « Basé à Paris, j’ai réal­isé un nom­bre con­sid­érable de voy­ages à tra­vers le monde. » Il devient ensuite « con­trôleur de ges­tion de la branche alu­mini­um du groupe ».

Quelques réflex­ions peu goûtées sur la ges­tion l’amè­nent à un nou­veau et dernier virage de car­rière qui le voit pren­dre la prési­dence d’une société du groupe Péchiney, à laque­lle six autres Busi­ness Units vien­dront s’a­jouter au fil des ans. À la tête de ces sociétés « rel­a­tive­ment tech­niques, opérant sur des créneaux très pré­cis », il exerce jusqu’à sa retraite des fonc­tions très internationales. 

L’homme de l’aluminium

Après avoir mul­ti­plié les expéri­ences chez un seul et même employeur, c’est para­doxale­ment à l’âge de la retraite que Nico­las Zarpas va mul­ti­pli­er les cas­quettes. Il se voit con­fi­er de nom­breuses mis­sions par l’U­nion européenne, en tant que spé­cial­iste de l’a­lu­mini­um, en Mand­chourie, en Égypte ou au Monténégro. 

« L’U­nion européenne apporte son aide à tra­vers le monde sur dif­férents sujets tech­niques. Recon­nu comme spé­cial­iste de l’a­lu­mini­um, j’ex­plicite les activ­ités des grandes entre­pris­es du secteur et les points que les Occi­den­taux con­sid­èrent comme essen­tiels. » Une bonne occa­sion de met­tre le doigt sur les « dif­férences cul­turelles ».

« Il est pas­sion­nant, racon­te Nico­las Zarpas, de voir com­ment une même réal­ité peut être appréhendée de façon totale­ment dif­férente à l’autre bout du monde. Par exem­ple, en Mand­chourie, l’homme le plus impor­tant de l’u­sine est le chef de la com­mis­sion dis­ci­plinaire du par­ti. »

Nico­las Zarpas, X 58, de nation­al­ité hel­lénique, 2 enfants, a effec­tué toute sa car­rière dite active au groupe Péchiney et, bien qu’of­fi­cielle­ment retraité, reste tou­jours aus­si act­if, que ce soit au béné­fice de l’U­nion européenne, à l’appui au développe­ment de moteurs de recherche pour les entre­pris­es, ou encore dans son rôle bien con­nu de respon­s­able du Bureau des Carrières.
Pra­ti­quant assidû­ment l’anglais et le grec, il effectue volon­tiers des séjours dans son pays natal où il s’ac­tive à remet­tre en état la mai­son familiale. 

Comment gérer quatre carrières

Nico­las Zarpas, dont la car­rière per­son­nelle s’est avérée mono­lithique, au moins au niveau de l’employeur, estime qu’au­jour­d’hui, un jeune poly­tech­ni­cien quit­tant l’é­cole « chang­era plus de qua­tre fois d’employeur durant sa car­rière de près d’un demi-siè­cle ». À la tête du Bureau des Car­rières, un organ­isme d’accueil et de con­seil auquel il est pos­si­ble de faire appel tout au long de sa vie pro­fes­sion­nelle, son « leit­mo­tiv » est : « Si tu ne fais pas ton affaire per­son­nelle de la ges­tion de ta car­rière, d’autres la géreront pour toi. » « La ges­tion de car­rière est pri­mor­diale durant toute la vie pro­fes­sion­nelle : au moment du choix d’un pre­mier emploi, à celui d’un change­ment d’entreprise ou de fonc­tion ou à l’occasion d’une réé­val­u­a­tion régulière de ses objec­tifs et des moyens à met­tre en oeu­vre pour les atteindre. » 

Des séminaires gratuits

Pour cela il peut te recevoir pour faire le point et te pro­pos­er des sémi­naires gra­tu­its ani­més par des pro­fes­sion­nels du con­seil en évo­lu­tion pro­fes­sion­nelle ; l’accès payant à cer­tains moyens dévelop­pés par d’autres écoles ; des réu­nions avec un groupe de cama­rades (Groupe X‑Évolution pro­fes­sion­nelle) qui se retrou­ve tous les jeud­is midi pour échang­er de manière informelle, sur leurs expéri­ences de recherche d’emploi et leurs pro­jets pro­fes­sion­nels ; le sou­tien du réseau des cor­re­spon­dants, l’accès payant à divers spé­cial­istes (avo­cats, etc.) et à cer­tains moyens dévelop­pés par d’autres écoles. Ain­si les X, élèves ou anciens, trou­veront une aide pour choisir une pre­mière entre­prise ou un pre­mier emploi, pour acquérir des méth­odes utiles au suc­cès pro­fes­sion­nel ; pour savoir met­tre en appli­ca­tion la méthode choisie de ges­tion de car­rière et pour gér­er effi­cace­ment les dis­con­ti­nu­ités subies ou choisies. 

Le retour du PSU

Non, le PSU n’est pas ce qu’on pour­rait imag­in­er, mais les ini­tiales de Papy Start Up, une entre­prise, Noe­mat­ics, fondée avec quelques autres cama­rades de sa pro­mo­tion, tous retraités mais encore bien verts. 

Cette société, éditrice de logi­ciels de ges­tion du con­tenu autour d’un out­il de recherche d’in­for­ma­tion, s’adresse à des entre­pris­es moyennes telles que con­sul­tants en stratégie, con­seils, inté­gra­teurs ou caiss­es de retraite, comp­tant en gros de cinquante à quelques mil­liers de per­son­nes. « Nous sommes en mesure, par rap­port aux grands du secteur, de pro­pos­er des solu­tions et des ser­vices bien adap­tés à la taille et aux besoins de l’en­tre­prise. »

Aujour­d’hui, Nico­las Zarpas con­sacre les trois quarts de son temps au Bureau des Car­rières de la Société ami­cale des anciens élèves de l’É­cole poly­tech­nique, qui, tient-il à soulign­er, s’adresse aux jeunes tout autant qu’aux plus anciens. 

Un style de communication

Quel rôle a joué son appar­te­nance à la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne au cours de cette longue carrière ?
« Certes, elle m’a servi dès le départ, répond Nico­las Zarpas, puisque Péchiney cher­chait tout à la fois un jeune ingénieur provenant d’une école renom­mée et quelqu’un sus­cep­ti­ble de super­vis­er une instal­la­tion en Grèce. »
« J’ai eu sou­vent l’oc­ca­sion de tra­vailler avec des poly­tech­ni­ciens, ou sous leurs ordres. Nous parta­gions un style com­mun qui per­met de pren­dre des rac­cour­cis et facilite incon­testable­ment la com­mu­ni­ca­tion entre X comme avec les autres. »

Les risques du toboggan

Que retenir de cette car­rière bien rem­plie et loin d’être terminée ? 

« L’u­nic­ité de l’employeur, notion aujour­d’hui bien dépassée, ne nuit pas à la diver­sité des activ­ités, à con­di­tion d’ac­cepter de ne pas attein­dre aux plus hauts niveaux ou aux plus hauts salaires. J’ai con­nu une suite de métiers pas­sion­nants, avec une grande var­iété de domaines d’ac­tiv­ité, de zones géo­graphiques et d’hommes de toutes cul­tures. »

Il en retire que « l’in­térêt du tra­vail prime sur toute autre con­sid­éra­tion. »

En sec­ond lieu, « il est impératif aujour­d’hui de savoir gér­er sa car­rière. Et il existe pour cela des méth­odes. J’ai con­nu moi-même le syn­drome du tobog­gan, où, par­ti du point le plus haut, je n’avais qu’à me laiss­er gliss­er en suiv­ant les virages. Aujour­d’hui, si l’on n’a rien prévu pour gér­er sa car­rière, on tombe du tobog­gan au pre­mier virage. »
 

Pro­pos recueillis
par Jean-Marc Chabanas

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