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Dossier : Les services aux entreprisesMagazine N°558 Octobre 2000
Par Vincent LEVITA (86)

Le règne de la volatilité

La volatil­ité s’im­pose partout. Les séances de yo-yo du Nas­daq ont con­sacré sa pop­u­lar­ité auprès de tous.

Penser qu’il ne s’ag­it là que d’un enchaîne­ment de modes plus ou moins bien relayé par des cap­i­tal­istes dou­teux serait une erreur majeure.

En réal­ité, ce n’est que le résul­tat d’un développe­ment uni­latéral du com­plexe et de l’incertain.

Com­plexe parce que l’en­vi­ron­nement con­cur­ren­tiel s’est méta­mor­phosé : les con­cur­rents ne sont plus les pro­duc­teurs ou les dis­trib­u­teurs de mêmes pro­duits, mais sont les four­nisseurs ou les clients qui peu­vent s’al­li­er pour vous con­tourn­er, de nou­veaux pro­duits ou nou­velles tech­nolo­gies, des con­cur­rents étrangers ou de nou­veaux entrants qui enjam­bent les bar­rières à l’entrée.

La con­cur­rence étant partout, la réac­tion naturelle est de pass­er des alliances dans tous les sens et avec tout le monde, ce qui accentue encore plus la complexité.

Incer­tain parce que les con­di­tions économiques se sont flu­id­i­fiées : les bar­rières à l’en­trée tra­di­tion­nelles étaient basées sur les cap­i­taux et sur la tech­nolo­gie. Aujour­d’hui, les marchés ont trans­for­mé l’ar­gent en com­mod­ité acces­si­ble à toute entre­prise et le développe­ment tech­nologique per­met de baiss­er les coûts à des niveaux qui remet­tent en cause les posi­tions établies.

Les man­agers et les stratèges se trou­vent dans une sit­u­a­tion nou­velle qu’il leur faut appréhen­der avec de nou­veaux réflex­es et de nou­veaux outils.

La stratégie et l’action

En réal­ité, le man­ag­er se retrou­ve tou­jours devant la même équa­tion con­sis­tant à réc­on­cili­er la stratégie et l’ac­tion, le long terme et le court terme.

Sim­ple­ment, les ter­mes de cette équa­tion sont boulever­sés car la volatil­ité détru­it l’in­térêt du moyen terme et des out­ils habituels de planification.

Compter sur un busi­ness plan à trois ans ou à cinq ans pour réc­on­cili­er la déf­i­ni­tion d’une vision stratégique et le cadrage d’un plan d’ac­tion devient de la pure spéculation.

Para­doxale­ment, il devient indis­pens­able de dévelop­per une vision de son busi­ness à long terme et de ren­forcer les moyens d’ac­tion à court terme.

En effet, l’ap­pli­ca­tion immé­di­ate des principes précé­dents per­met de dire que :

  • il est pos­si­ble de réfléchir à l’évo­lu­tion de ses métiers indépen­dam­ment des con­traintes actuelles puisqu’elles n’ex­is­teront plus à ce moment-là,
  • il est inutile de mod­élis­er l’évo­lu­tion de son activ­ité depuis aujour­d’hui jusqu’à la sit­u­a­tion cible puisque cela est trop com­plexe et incertain.


En con­séquence, le man­ag­er actuel doit être capa­ble de se pro­jeter dans un futur incon­nu pour dévelop­per une vision de son busi­ness. Cela per­met de laiss­er une part à ses aspi­ra­tions et ses intu­itions, mais cela doit aus­si s’ap­puy­er sur une analyse de ses com­pé­tences et de ses act­ifs de base et des ten­dances à long terme des marchés.

Il doit être égale­ment capa­ble d’a­gir rapi­de­ment, de saisir les oppor­tu­nités, de pren­dre des risques.

Tout l’art con­sis­tera à dévelop­per des actions non plan­i­fiées pour se rap­procher d’une cible loin­taine. Pour les aider dans l’ex­er­ci­ce de cet art, il est néces­saire de s’ap­puy­er sur de nou­veaux outils.

Les options réelles ou la revanche de la volatilité

Les out­ils financiers ont été intro­duits dans la stratégie depuis longtemps aujour­d’hui. La cri­tique et le scep­ti­cisme des ” stratèges indus­triels ” sur le car­ac­tère abstrait et incer­tain de toute mod­éli­sa­tion finan­cière ont été vain­cus par les marchés des capitaux.

Aujour­d’hui, les out­ils de mod­éli­sa­tion stratégique et finan­cière devi­en­nent obsolètes car non représen­tat­ifs de la volatil­ité de l’environnement.

Il devient indis­pens­able de raison­ner en ter­mes d’options.

Une option est un objet financier qui permet de profiter d’une opportunité en se couvrant contre le risque associé à cette opportunité.
La valeur d’une option augmente avec la volatilité.

Face à des man­agers et des financiers tra­di­tion­nels qui détes­tent la volatil­ité et l’in­cer­ti­tude qui aug­mente le coût du cap­i­tal, les traders adorent la volatil­ité qui aug­mente la valeur de leurs options : là où cer­tains ne voient que des risques, d’autres ont surtout vu des opportunités.

Dans un monde envahi par la volatil­ité, un man­ag­er inhibé par l’in­cer­ti­tude et le risque ne bougera pas et mour­ra alors qu’un man­ag­er aveuglé par l’ac­tion et par les oppor­tu­nités per­dra le con­trôle de son busi­ness et tombera.

C’est pourquoi l’op­tion devient le seul out­il capa­ble d’é­val­uer une action à court terme, dans une per­spec­tive d’une vision à long terme, en mesurant la valeur espérée de l’ac­tion envis­agée, la valeur poten­tielle en cas de développe­ment favor­able et la valeur d’ar­rêt ou la flex­i­bil­ité pos­si­ble en cas d’évo­lu­tion non favorable.

Les exem­ples d’op­tion sont nom­breux dans la vie des entreprises :

  • inve­stir sur un nou­veau marché géographique,
  • dévelop­per une nou­velle technologie,
  • acheter une nou­velle compétence.


Toutes ces actions pos­sè­dent une valeur implicite sup­plé­men­taire, qui ne peut pas être analysée selon les méth­odes habituelles de DCF (dis­count­ed cash-flow). La seule manière d’analyser cor­recte­ment la valeur de ces actions est d’é­val­uer la valeur des options aux­quelles elles don­nent accès.

Le nouveau consultant

Quel sera le rôle d’un con­sul­tant dans cette nou­velle économie car­ac­térisée par la volatil­ité et dirigée par des man­agers qui doivent être des vision­naires et des hommes d’action ?

Que vont devenir les con­sul­tants si les analy­ses stratégiques tra­di­tion­nelles, le scé­nario plan­ning et les busi­ness plans sont obsolètes ?

Ils res­teront ou rede­vien­dront des aides à la décision :

  • dévelop­per les analy­ses et faciliter la dis­cus­sion pour aider un man­age­ment à définir sa vision,
  • apporter les out­ils d’é­val­u­a­tion pour con­fron­ter des alter­na­tives com­plex­es dans des univers incertains,
  • définir les modes de fonc­tion­nement flex­i­bles néces­saires à une société pour béné­fici­er des oppor­tu­nités en restant cou­vert con­tre les risques,
  • ren­forcer les com­pé­tences d’exé­cu­tion pour ren­dre l’ac­tion plus efficace…


Les champs d’in­ter­ven­tion restent larges pour ceux qui sauront s’adapter à ce nou­v­el environnement.

Cela deman­dera, comme pour les autres activ­ités, de pou­voir adapter son busi­ness mod­el à une nou­velle vision, d’être capa­ble d’a­gir et de réa­gir à son envi­ron­nement et surtout de rester inno­vant et créatif face à des prob­lèmes tou­jours nouveaux.

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