Le M&A à l’épreuve des crises

Le M&A à l’épreuve des crises : enjeux et opportunités

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°774 Avril 2022
Par Rémy BOULESTEIX (91)

Rémy Boulesteix (91), respon­s­able des activ­ités Deal Advi­so­ry de KPMG en France, dresse un bilan et un état des lieux du marché du M&A entre la pandémie, qui dure depuis deux ans, et le début du con­flit ukrainien. Explications.

Entre pandémie et crise, comment se porte le marché du M&A ? Quelles sont les évolutions que vous avez pu remarquer ? 

Après une forte reprise de l’activité M&A française à l’été 2020, puis trois mois d’arrêt dû au pre­mier con­fine­ment, l’activité a con­tin­ué d’accélérer sa crois­sance pour attein­dre un niveau record en 2021 mal­gré les pre­mières ten­sions infla­tion­nistes de fin d’année. La crise ukraini­enne a sus­pendu bien sûr toute trans­ac­tion impli­quant la Russie, l’Ukraine et les cibles con­cernées par les sanc­tions. Plus large­ment, elle crée une quadru­ple incer­ti­tude. D’abord par le manque de vis­i­bil­ité sur ses développe­ments, et leurs con­séquences sur l’activité économique et sur les appro­vi­sion­nements en matières pre­mières et le renchérisse­ment des coûts relat­ifs, y com­pris l’énergie. Ensuite par des enjeux plus financiers sur les val­ori­sa­tions en bourse (et par con­séquent sur le non-coté) et aus­si sur le finance­ment des opéra­tions, notam­ment les opéra­tions de pri­vate equi­ty « large cap ».

“On va sans doute assister à une temporisation des investissements et à une concentration sur le court terme, notamment l’augmentation du financement du BFR sous le triple effet de renchérissement des coûts, de stocks de sécurité et de clients moins solvables. 

Ces effets seront dif­féren­ciés selon les secteurs avec des seg­ments plus impactés que d’autres et selon les géo­gra­phies mon­di­ales et au sein de l’Union européenne selon la prox­im­ité géo­graphique à l’Ukraine et selon le mix énergé­tique de chaque acteur. Enfin, la crise ukraini­enne accentuera le mou­ve­ment de région­al­i­sa­tion des chaînes d’approvisionnement ini­tié par la crise san­i­taire (comme nous le voyons actuelle­ment dans les semi-con­duc­teurs) et engen­dr­era prob­a­ble­ment une remon­tée des défail­lances d’entreprises qui ont été à des niveaux his­torique­ment bas ces deux dernières années. Tous ces fac­teurs influeront aus­si sur les flux d’investissement et la typolo­gie des opéra­tions de fusions.

Sur ce segment, comment se positionne votre cabinet ? 

La guerre en Ukraine a pro­fondé­ment boulever­sé les agen­das des acteurs du con­seil, et le cab­i­net prend très à cœur son rôle et ses respon­s­abil­ités en tant qu’entreprise multi­na­tionale, mais aus­si comme acteur de con­fi­ance au quo­ti­di­en auprès de ses clients. À ce titre, nous ne con­sta­tons pas à court terme d’impact sur les pro­jets de nos clients en cours, mais nos équipes restent atten­tives et alertes sur la sit­u­a­tion. Comme durant la crise Covid, nous avons mis sur pied une équipe de prospec­tive et de recherche per­me­t­tant de déploy­er rapi­de­ment de l’information clé à nos clients pour pren­dre les bonnes déci­sions avec la réac­tiv­ité néces­saire, et les accom­pa­g­n­er sur les con­séquences et évo­lu­tions de cette crise. 

À quel niveau accompagnez-vous les entreprises et comment cela se traduit-il ?

Par exem­ple, nous pou­vons aider nos clients à suiv­re leur con­for­mité aux sanc­tions, à iden­ti­fi­er leurs pro­pres clients et four­nisseurs con­cernés par le con­flit (présence géo­graphique, sanc­tions), par des enjeux d’approvisionnement et de prix des matières pre­mières et des éner­gies et à ajuster leur stratégie (sourc­ing, mix produits/géographies, pric­ing,…) ain­si qu’à mod­élis­er l’ensemble de ces élé­ments et leurs impacts sur la tré­sorerie. Nous nous étions mobil­isés au moment de la crise san­i­taire pour répon­dre à tous les besoins et avons réac­tivé le même dis­posi­tif, de même que le suivi des mesures gou­verne­men­tales qui com­men­cent à être annoncées. 

Au-delà de ces pre­mières étapes, nous accom­pa­gnons aus­si des besoins de finance­ment, des sit­u­a­tions de dif­fi­cultés et con­tin­uons de tra­vailler sur les opéra­tions d’acquisition ou de ces­sion, tant sur la par­tie small ou mid cap du marché qui reste très active, que sur les opéra­tions spé­ci­fiques oppor­tunistes ou défen­sives que la crise engendre.

Dans un contexte mouvant, quelles sont les tendances qui se dessinent et les enjeux qui se profilent ?

Même si les marchés ont réa­gi de manière con­trôlée sur les pre­mières semaines de con­flit, la volatil­ité est rev­enue dans les val­ori­sa­tions et les opéra­tions de marché (intro­duc­tion en bours­es, OPA) et finance­ments de marché (CDO/CLO) se sont refer­més. Cer­tains secteurs sont par­ti­c­ulière­ment touchés, à l’instar du con­sumer mar­ket & retail, de l’énergie, de l’automobile ou des trans­ports. On va sans doute assis­ter à une tem­po­ri­sa­tion des investisse­ments et à une con­cen­tra­tion sur le court terme, notam­ment l’augmentation du finance­ment du BFR sous le triple effet de renchérisse­ment des coûts, de stocks de sécu­rité et de clients moins solvables.

Comme pen­dant la crise san­i­taire, les critères ESG appa­rais­sent comme une bous­sole per­ma­nente et jouent plus que jamais un rôle prépondérant dans la sélec­tion des cibles poten­tielles, notam­ment pour la par­tie sociale et envi­ron­nemen­tale : si à court terme les risques d’approvisionnement en énergie peu­vent impacter le cal­en­dri­er de décar­bon­a­tion à court terme, l’indépendance énergé­tique indis­pens­able accélér­era le déploiement de solu­tions alter­na­tives et la dynamique du secteur, à l’image de l’électrification ou du développe­ment de la fil­ière hydrogène.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur ce sujet ?

D’autres enjeux, en plus de ceux liés à la sup­ply chain et l’énergie déjà men­tion­nées, sont à con­sid­ér­er dans cette crise : ges­tion du cap­i­tal humain, cyber­sécu­rité, risque de pince­ment des marges, autant de risques sur lesquels il est néces­saire de con­serv­er une vig­i­lance accrue. Face à ces cycles très courts et deux crises de nature imprévue en deux ans, les entre­pris­es ont revu leur car­togra­phie des risques et plans de con­ti­nu­ité d’activité ain­si que leurs leviers de pilotage, réac­tiv­ité et suivi. Des enjeux clés sur lesquels KPMG appa­raît comme un parte­naire de con­fi­ance clé pour les accom­pa­g­n­er dans ces nou­veaux défis.


En bref

KPMG France, Leader de l’Audit et du Con­seil, réu­nit 10 000 pro­fes­sion­nels dédiés à la per­for­mance économique et finan­cière des insti­tu­tions et des entre­pris­es de toute taille, dans tous les secteurs. KPMG apporte à ses clients la puis­sance d’un réseau mon­di­al pluridis­ci­plinaire à tra­vers 146 pays et se sin­gu­larise par son mail­lage ter­ri­to­r­i­al grâce à ses 200 bureaux en France.

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