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LE LUXE : une industrie ultra rythmée et en constante mutation

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°768 Octobre 2021
Par Yves CAUCHON (97)
Par Ludovic PAUCHARD (93)

Le monde du luxe est para­dox­al. Solide­ment ancré dans son his­toire, mais avec une volon­té per­ma­nente d’innover et une force créa­trice sans égale, il offre aux col­lab­o­ra­teurs du groupe LVMH de nom­breux chal­lenges et oppor­tu­nités. Le point avec Yves Cau­chon (97) directeur des opéra­tions de Thélios et Ludovic Pauchard (93) directeur indus­triel chez Louis Vuitton.

Votre industrie évolue et se transforme depuis plusieurs années. Cette transformation a été accentuée notamment sous l’impulsion du digital et des nouvelles technologies. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Yves Cau­chon : Les maisons de luxe ont cette par­tic­u­lar­ité qu’elles doivent sans cesse s’actualiser pour être per­ti­nentes aux yeux des clients d’aujourd’hui tout en con­ser­vant ce qui fait leurs per­ma­nences : leurs héritages, leurs valeurs, leurs codes, leurs savoir-faire. Leur péren­nité repose sur ce déli­cat équilibre.

Le dig­i­tal est devenu un sujet phare et un axe essen­tiel dans la manière dont les Maisons de luxe abor­dent leur rela­tion aux clients. Aujourd’hui il fait par­tie inté­grante de notre indus­trie comme il fait par­tie inté­grante de nos vies. Il a fal­lu trou­ver le bon mode pour con­cili­er l’instantanéité qu’il per­met avec la per­ma­nence de nos maisons. Cet antag­o­nisme est une grande source de créa­tiv­ité. Et notre indus­trie vit de la créa­tiv­ité sous toutes ses formes.

Ludovic Pauchard : Il y a eu une col­lu­sion entre le luxe et la mode il y a une ving­taine d’années. La mode a apporté du rythme et de la tem­po­ral­ité au monde du luxe, via les défilés et le lance­ment réguli­er de nou­velles collections.

Aujourd’hui, la mon­tée en puis­sance du dig­i­tal exac­erbe ce besoin de vitesse : avec les réseaux soci­aux, les clients sont con­nec­tés et plus exigeants, et le besoin de nou­veautés est encore plus fort. Notre plus grand défi est de con­cili­er la taille et la vitesse, rester agile et rapi­de tout en coor­don­nant des dizaines de mil­liers de col­lab­o­ra­teurs à tra­vers le monde.

Lunettes Fen­di au polis­sage — The­lios — Italie.

Parmi ces grandes évolutions, il y a deux grands sujets qui mobilisent toutes les maisons du groupe LVMH à savoir : omnicanal et développement durable. Comment l’omnicanal est-il appréhendé au sein du groupe ?

L.P : L’omnicanal a con­nu une accéléra­tion avec la crise san­i­taire, où il a fal­lu que l’acte de vente se trans­forme dans le con­texte du con­fine­ment. L’enjeu était de pou­voir con­tin­uer à ven­dre nos pro­duits à nos clients, en mag­a­sin, sur le site web ou sur l’application mobile tout en garan­tis­sant une expéri­ence client fluide.

Sur la par­tie indus­trielle, cela induit un vrai change­ment de par­a­digme. Aupar­a­vant, une vente avait lieu seule­ment si le client, le vendeur et le pro­duit étaient au même endroit, au même moment. Désor­mais, nous savons ven­dre à un client de New York 5th Avenue un pro­duit qui est en stock à la bou­tique de Rodeo Dri­ve… et même un pro­duit encore en cours de production !

Le plan de pro­duc­tion des ate­liers devient alors une vraie « promesse client », avec des enjeux de vitesse et de fia­bil­ité inédits.

Y.C : Tous les métiers ont été impactés. L’omnicanal a trans­for­mé nos bou­tiques, ren­forçant leur impor­tance expéri­en­tielle, mais aus­si notre mer­chan­dis­ing, notre logis­tique, de plus en plus ori­en­tée vers le client final, notre ges­tion des sup­ply chain.

Pour répon­dre à ces défis, comme tou­jours chez LVMH, les maisons sont autonomes pour définir la meilleure réponse pour leur mar­que pro­pre, tout en s’appuyant sur une exper­tise forte au niveau du groupe.

Quid du développement durable ?

L.P : C’est une préoc­cu­pa­tion quo­ti­di­enne, qui est désor­mais au cœur de tous nos échanges. Cela com­mence dès la con­cep­tion des pro­duits, dans les échanges avec les styl­istes et design­ers. Les sneak­ers Char­lie, dess­inés par Vir­gil Abloh pour Louis Vuit­ton, en sont un beau témoignage. Ils sont fab­riqués à plus de 90% à par­tir de matières biosour­cées ou recyclées.

Nous nous préoc­cupons égale­ment de l’impact envi­ron­nemen­tal de nos ate­liers. En dix ans, nous avons divisé par six la con­som­ma­tion énergé­tique de nos bâti­ments. Ils seront « car­bon neu­tral » dans un proche avenir.

Y.C : Notre groupe et nos maisons s’inscrivent dans une vision à long terme. Le développe­ment durable est une néces­sité, pas un effet de mode. La direc­tion de l’environnement a été créée en 1992. Dès 2012, nous avons struc­turé le pro­gramme LIFE : LVMH Ini­tia­tives for the Envi­ron­ment. En 2020, le groupe a voulu aller encore plus loin avec LIFE 360 : des objec­tifs et des échéances pré­cis­es ont été définies à hori­zon 3, 6 et 10 ans, autour de 4 piliers : pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité, lutte con­tre le dérè­gle­ment cli­ma­tique, économie cir­cu­laire, transparence.

Cet engage­ment se traduit par des défis très con­crets au quo­ti­di­en. Pour pren­dre un exem­ple en cours chez Thélios, le luneti­er du groupe : com­ment intro­duire de la cir­cu­lar­ité dans le sourc­ing de notre matière pre­mière prin­ci­pale, l’acétate.

Face à un secteur qui bouge et qui évolue rapidement, attirer et fidéliser les talents est essentiel. Quelles sont vos ambitions dans ce cadre ? 

Y.C : Pour en avoir fait l’expérience lors d’échanges avec les étu­di­ants, nous con­sta­tons qu’une cer­taine image d’Épinal du luxe n’est pas dépassée : un monde très arti­sanal ou non adap­té aux ingénieurs. Il y a aujourd’hui des poly­tech­ni­ciens dans toutes les maisons et tous les métiers du groupe. Quelques exem­ples : dig­i­tal chez Louis Vuit­ton, mer­chan­dis­ing chez Berlu­ti, ventes chez Loro Piana, finance à la holding.

Cette indus­trie innove sans cesse (sur les pro­duits, sur la ges­tion des opéra­tions, le dig­i­tal, l’environnement, la rela­tion client) et cible l’excellence opéra­tionnelle : les jeunes tal­ents ont leur place pour s’exprimer et pren­dre des initiatives !

L.P : les ingénieurs de manière générale — et les poly­tech­ni­ciens en par­ti­c­uli­er — mécon­nais­sent le groupe LVMH. Comme le dit Yves, ils sont sou­vent freinés par l’image d’intemporalité et d’inaccessibilité du luxe. C’est regret­table, car nous recru­tons beau­coup, et nous offrons de très belles oppor­tu­nités de car­rières, en France et à l’international.

Le par­cours d’Yves en est l’illustration : après quelques années en pro­duc­tion chez Louis Vuit­ton, il a rejoint l’équipe Stratégie de LVMH, puis a dirigé la sup­ply chain chez Berlu­ti. Il est ensuite par­ti à Rome pour pilot­er la sup­ply chain et le pro­jet omni­canal de Fen­di et est désor­mais directeur des opéra­tions de Thelios.

Étant vous-mêmes diplômés de l’École polytechnique, et ayant évolué pendant plusieurs années au sein du groupe LVMH, quel message adresseriez-vous aux jeunes qui voudraient rejoindre votre groupe ?

L.P : Venez nous voir, venez nous par­ler, pos­tulez pour des stages… Il y a dans le groupe 75 maisons, cha­cune avec une his­toire pas­sion­nante et des pro­duits sub­limes, vous ne pou­vez pas y être insen­si­ble. La recherche de l’excellence pousse LVMH à s’entourer des meilleurs col­lab­o­ra­teurs et à leur con­fi­er très tôt de larges respon­s­abil­ités, avec un impact fort sur le busi­ness. La coopéra­tion et la prise d’initiatives sont large­ment encour­agées. C’est un envi­ron­nement qui ne peut que plaire aux polytechniciens.

Y.C : Allez sur le site lvmh.fr, ren­seignez-vous sur les ini­tia­tives du groupe pour les étu­di­ants ou jeunes pro­fes­sion­nels, notam­ment INSIDE LVMH. Vis­itez notre nou­velle plate­forme dig­i­tale www.insidelvmh.com, qui per­met de décou­vrir de nom­breux con­tenus exclusifs sur l’industrie du luxe et LVMH, sur les oppor­tu­nités de car­rière et de métiers que le groupe offre avec la par­tic­i­pa­tion de tal­ents du groupe.

Et usez de la fra­ter­nité poly­tech­ni­ci­enne, rap­prochez-vous des anciens, posez des ques­tions. Vous com­pren­drez rapi­de­ment que LVMH offre un ter­rain de jeu pro­fes­sion­nel passionnant.

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