Le Grand U dans tous ses états : l’uniforme de grande tenue des polytechniciens de 1794 à 2000

Dossier : Expressions : Vie de l'ÉcoleMagazine N°550 Décembre 1999

La célé­bra­tion du Bicen­te­naire de l’École poly­tech­nique, en 1994, a per­mis au public pari­sien de se fami­lia­ri­ser avec l’histoire de cette ins­ti­tu­tion et de décou­vrir l’œuvre des poly­tech­ni­ciens, notam­ment par le biais de trois grandes expositions.

Plus récem­ment, l’exposition : “ L’École poly­tech­nique : un patri­moine inat­ten­du”, tenue à la Fon­da­tion Mona Bis­marck à Paris pré­sen­tait pour la pre­mière fois la richesse et la diver­si­té des col­lec­tions patri­mo­niales de l’École polytechnique.

À la veille de l’an 2000, il nous a sem­blé inté­res­sant de faire le point sur l’histoire de l’uniforme des élèves et tout par­ti­cu­liè­re­ment sur leur uni­forme de grande tenue, dénom­mé : “ Grand U ” dans l’argot des polytechniciens.

Fon­dée en sep­tembre 1794, l’École poly­tech­nique, d’abord civile puis mili­ta­ri­sée par Napo­léon, connaît une his­toire aux rebon­dis­se­ments cal­qués sur les aléas poli­tiques qui régissent les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs de la France.

Ain­si la dizaine de types d’uniformes qui consti­tue la trame de cette expo­si­tion reflète la suite des régimes poli­tiques, depuis la Conven­tion natio­nale jusqu’à la cin­quième République.

En 1794, il s’agissait de pou­voir dis­tin­guer les élèves de l’École poly­tech­nique des autres mili­taires ou citoyens. C’est l’uniforme de canon­nier de la Garde natio­nale qui fut attri­bué aux élèves par l’arrêté du 28 jan­vier 1796 et son main­tien connut quelques aléas.

Lorsque Napo­léon Ier, par son décret du 27 mes­si­dor an XII (16 juillet 1804), fit de l’École poly­tech­nique une ins­ti­tu­tion mili­taire, il impo­sa aux élèves le caser­ne­ment et leur attri­bua un uniforme.

Le sha­ko fut don­né à l’École après 1806, lorsqu’il rem­pla­ça pour toute l’infanterie l’ancien cha­peau à trois cornes dont la forme incom­mode gênait tous les mouvements.

Lorsque, après l’abdication de l’Empereur (11 avril 1814), Louis XVIII eut repris pos­ses­sion du trône de France, mais sur­tout après le licen­cie­ment du 14 avril 1816, pour cause d’insubordination, la trans­for­ma­tion de l’uniforme fut radi­cale. L’ordonnance de réor­ga­ni­sa­tion du 4 sep­tembre sup­pri­ma le régime et l’appareil mili­taires et don­na aux élèves une tenue “ bour­geoise ”, dépour­vue d’épée !

En 1822, à la suite des ordon­nances royales des 17 sep­tembre et 20 octobre, por­tant réor­ga­ni­sa­tion de l’École, un ordre du jour du Gou­ver­neur redon­na aux élèves un uni­forme mili­taire. Cet uni­forme très popu­laire, por­té pour la pre­mière fois par la pro­mo­tion 1823, se main­tien­dra fina­le­ment, avec quelques modi­fi­ca­tions, jusqu’en 1873.

Pen­dant la période qui s’étend de 1830 à 1874, la grande tenue de 1822 ne subit aucune impor­tante modi­fi­ca­tion, si ce n’est la dis­pa­ri­tion des fleurs de lys. Les élèves portent à nou­veau l’épée au len­de­main des trois glo­rieuses jour­nées de juillet 1830. Cet uni­forme per­du­ra à l’École sous Louis-Phi­lippe et le second Empire.

Après la défaite de 1870, les uni­formes de presque tous les corps durent subir diverses modi­fi­ca­tions. En consé­quence, à par­tir de 1874, l’habit élé­gant qu’était l’uniforme de Poly­tech­nique dis­pa­rut : le frac fut rem­pla­cé par une tunique noire sem­blable à celle des offi­ciers du génie.

La grande tenue ne semble pas avoir subi de modi­fi­ca­tion majeure à l’issue de la troi­sième Répu­blique, même lorsque l’École était rede­ve­nue civile, sous l’occupation.

À par­tir de 1972 les jeunes filles furent admises à concou­rir : cette année-là, l’une d’entre elles, Anne Cho­pi­net, fut major. On leur des­si­na un grand uni­forme fémi­nin avec jupe et tricorne.

Depuis 1996, les X‑ettes de la pro­mo­tion 1994 ont deman­dé et obte­nu de por­ter le bicorne, comme les gar­çons, à la place du tricorne.

Le Code X qui régit depuis l’origine la conduite des élèves de l’École poly­tech­nique et qui sau­ve­garde les tra­di­tions consacre un de ses articles au “ Grand Uni­forme ” jusque dans sa ver­sion la plus récente, rédi­gée à l’intention de la pro­mo­tion 1997.

L’an 2000 appor­te­ra t‑il des modi­fi­ca­tions impor­tantes à la grande tenue des poly­tech­ni­ciens ? Cela semble peu pro­bable… Car désor­mais, dans la conscience col­lec­tive et l’imaginaire com­mun, le Grand Uni­forme, avec ses célèbres acces­soires, bicorne et épée, s’est impo­sé comme sym­bole fort de l’École poly­tech­nique, avec sa devise et son drapeau.

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