Portrait Loic Bertrand 94

Loïc Bertrand (94), le goût de la recherche

Dossier : TrajectoiresMagazine N°701 Janvier 2015
Par Pierre LASZLO

Juvénile d’aspect, souri­ant, réfléchi, habile aus­si, atten­tif à l’image qu’il pro­jette, tourné vers autrui et don­nant sa pleine con­fi­ance à ceux qu’il estime, Loïc Bertrand se con­sacre à l’étude des matéri­aux anciens au moyen du ray­on­nement synchrotron.

Il sait gré à l’École poly­tech­nique d’une for­ma­tion à la mesure de ses vœux. Son attrait pour les musées, à la fin de l’adolescence, son goût pronon­cé pour la poésie lors de ses années à Palaiseau, se con­juguèrent ensuite lors de sa for­ma­tion par la recherche.

Il garde un excel­lent sou­venir de ses études sec­ondaires au lycée Lakanal, à Sceaux, d’une ému­la­tion avec cinq ou six autres élèves. Il se des­ti­na à la recherche dès cette époque, et jamais n’envisagea d’autre car­rière. Sa pré­pa à Hen­ri-IV se fit dans un cli­mat de solidarité.

Après sa réus­site au con­cours d’entrée, le ser­vice mil­i­taire lui fut ini­tiale­ment (La Cour­tine, Angers) pénible, « je ne m’attendais pas à ce qu’on m’apprenne à faire la guerre ». Il le pour­suiv­it à Corte.

Un escrimeur

À l’X, Loïc Bertrand fut un élève motivé, tra­vailleur, d’autant que l’interdisciplinarité, très réelle, des cours lui fut une révéla­tion. Il suiv­it, en HSS, le cours d’Hervé Loili­er sur l’histoire de la pein­ture. Celui de Jean-Pierre Dupuy, en philoso­phie, l’enchanta, « une vraie, vraie découverte ».

Il pour­suiv­it à l’École l’escrime, déjà pra­tiquée aupar­a­vant. Il en garde le sou­venir de longues phas­es d’observation (tal­ent qu’il tient de son père), entre­coupées d’assauts ultra­ra­pi­des ; alter­nance qu’il applique à présent dans son méti­er de chercheur.

Il choisit les Mines comme école d’application et fit délibéré­ment tous ses stages dans le privé (Rhône-Poulenc, Elf Aquitaine, Saint-Gob­ain). Pas­sant out­re au règle­ment, aidé en cela par les enseignants du lab­o­ra­toire de physique de la matière con­den­sée à l’École, Jean-Pierre Boilot en par­ti­c­uli­er, il suiv­it en par­al­lèle avec les Mines un DEA de physique à Paris-VI.

Des cheveux, des armures et des violons

Intro­duit par Mau­rice Bernard au lab­o­ra­toire de recherche des Musées de France, au Lou­vre, il y pré­para une thèse de doc­tor­at, sous la super­vi­sion de Philippe Walter.

Loïc Bertrand voulait tra­vailler sur la pein­ture. Georges Tsou­caris le con­va­in­quit d’étudier plutôt des ves­tiges archéologiques de cheveux.

Tou­jours à l’instigation du Dr Tsou­caris, Loïc Bertrand se per­fec­tion­na par une année de post­doc à Cam­bridge (Angleterre), dans le lab­o­ra­toire de Tom Blun­dell, en biocristal­lo­gra­phie, où il tra­vail­la sur la struc­ture des pro­téines CK2 (une enzyme de la famille des kinas­es) et KPHMT (une enzyme décamérique), par dif­frac­tion des rayons X aux petits angles.

Revenu en région parisi­enne et, sur son élan, Loïc Bertrand étu­dia des matéri­aux anciens – le métal d’armures médié­vales, entre autres – d’abord au lab­o­ra­toire de physique des solides d’Orsay, en liai­son avec Jean Doucet, puis, sur le syn­chro­tron SOLEIL, avant même son démarrage.

Ne se con­tentant pas d’études pio­nnières, il réu­nit sous le sigle IPANEMA (Insti­tut pho­tonique d’analyse non-destruc­tive européen des matéri­aux anciens) une équipe d’une douzaine de per­son­nes, financée par le CNRS et le min­istère de la Culture.

Elle mit à bien des études de divers matéri­aux anciens, tels que le bleu de Prusse, le ver­nis des vio­lons de Stradi­var­ius, ou des fos­siles d’espèces de pois­sons disparues.

De belles prises

Féru d’escrime, ce chercheur s’est ren­du habitué de l’incursion rapi­de et fructueuse dans un champ d’investigation. Comme il ne manque pas de patience, il en revient avec de belles, et par­fois spec­tac­u­laires, pris­es. Il les dou­ble du souci d’instaurer de nou­velles méthodologies.

Loïc Bertrand souhait­erait que l’évaluation des chercheurs, en notre pays, tienne davan­tage compte de telles con­tri­bu­tions, tout aus­si impor­tantes, à son estime, que la pub­li­ca­tion de beaux résul­tats dans de grandes revues inter­na­tionales – comme il le fait.

Jusqu’aux aspects épistémologiques

Directeur de lab­o­ra­toire, Loïc Bertrand excelle tant à insuf­fler un esprit d’équipe qu’à dénich­er les moyens matériels pour faire fonc­tion­ner son groupe à haut régime. À l’automne 2013, la min­istre de la Recherche inau­gu­rait un nou­veau bâti­ment, mitoyen du syn­chro­tron SOLEIL, pour IPANEMA.

Qu’IPANEMA se soit hissé d’emblée aux pre­miers rangs mon­di­aux, prenant de vitesse même les Améri­cains, fait la fierté de Loïc Bertrand Cela l’incite à élargir sa visée jusqu’aux aspects épisté­mologiques. Bref, il se con­stru­it une belle carrière.

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