Portrait de Valérie CORIZZI (85)

Valérie Corizzi (85), de la recherche aux brevets

Dossier : TrajectoiresMagazine N°712 Février 2016
Par Pierre LASZLO

Elle se sent bien au Brésil, où elle aime voy­ager. Sen­si­ble à la grande dif­férence des cul­tures, elle s’y trou­ve néan­moins chez elle, s’y ressource.

La con­science qu’ont les Brésiliens de vivre dans un lieu priv­ilégié, notam­ment pour la beauté de ses paysages – « un par­adis » selon cer­tains –, résonne avec sa pro­pre joie de vivre, rayonnante.

La joie de vivre

Parce qu’elle-même bien dans sa peau, elle vous met à l’aise. De son père, entre­pre­neur en bâti­ment, elle tient le goût des rela­tions humaines et des voy­ages. Elle fit ses études dans un lycée de la ban­lieue de Nantes, tenu par des Domini­cains, du CE1 au bac.

Puis ce fut la pré­pa à Ginette, dont elle ado­ra l’ambiance, avec de remar­quables enseignants comme, en physique-chimie, MM. Beynier et Heertz.

Sa pas­sion pour la chimie se con­fir­ma à ce moment.

Le goût de la chimie

Elle fit son ser­vice nation­al dans l’artillerie, en Alle­magne, après une for­ma­tion à Draguig­nan. Le sport pra­tiqué à l’École fut la gymnastique.

“ Parce qu’elle-même bien dans sa peau, elle vous met à l’aise ”

Quant aux cours qu’elle y suiv­it, elle estime avoir per­du beau­coup de temps, « étant décidée à pour­suiv­re une car­rière dans la chimie et ayant peu de goût pour les math­é­ma­tiques, j’aurais pu acquérir en trois mois au lieu de trois ans les matières qui m’ont été utiles par la suite ».

Ce fut ensuite une thèse de doc­tor­at en chimie organique, de 1988 à 1991, dans un lab­o­ra­toire de l’École nationale supérieure de chimie de Paris.

La fibre des brevets

Puis elle devint spé­cial­iste des brevets. « La société Hoechst n’a pas seule­ment financé ma thèse de doc­tor­at, j’étais engagée pour tra­vailler chez eux. À quinze jours de la sou­te­nance, ils m’ont fait savoir qu’il n’y avait plus d’embauche en recherche.

Ils m’ont pro­posé de m’occuper de la val­ori­sa­tion des pro­duits de la recherche : j’ai accep­té mais c’était trop com­mer­cial, je n’avais pas du tout cette fibre-là. »

Puis le respon­s­able des brevets chez Hoechst-France prit sa retraite. Valérie Corizzi le rem­plaça : « Ça m’a embal­lée, ça m’a tout de suite plu. »

Après vingt ans d’exercice du méti­er d’ingénieur brevet, en indus­trie et en cab­i­net de con­seil, dont plusieurs passées à la tête d’une équipe, en 2014 elle crée son cab­i­net, PACT-IP.

Trouver la bonne stratégie

L’attrait de son méti­er ? Mul­ti­ple : très riche, il touche à des domaines tech­niques très divers, avec une grande var­iété de rôles, en fonc­tion des clients. Ceux-ci vont d’une petite start-up à une multi­na­tionale, la recherche publique aussi.

Une var­iété de con­traintes matérielles, sous lesquelles éla­bor­er autant de straté­gies dif­férentes. Le suivi d’une société ou d’un pro­jet sur le moyen et le long terme.

« La ges­tion d’un lit­ige : pas­sion­nant, une par­tie d’échecs. […] Trou­ver à plusieurs la bonne stratégie. Don­ner le bon con­seil au bon moment. Fournir des con­seils sur tout ce qui touche à l’innovation.

[…] On ren­con­tre des inven­teurs heureux, alors que leurs travaux vien­nent d’aboutir. On doit se pro­jeter dans l’avenir pour essay­er d’envisager tous les développe­ments que leur inven­tion pour­ra englober.

“ On s’endort avec un problème, on se réveille avec une solution ”

C’est absol­u­ment pas­sion­nant. Je suis stupé­faite par la beauté et la richesse de cer­taines inventions. »

La prég­nance du méti­er ? « On s’endort avec un prob­lème qui vous tourne en tête, on se réveille avec une solution. »

Le brevet dont elle est le plus fière ? Celui sur un procédé de purifi­ca­tion du bleu de méthylène, une petite société ayant trou­vé un procédé pour en ôter les con­t­a­m­i­nants métalliques.

La poursuite de l’excellence

Les exi­gences de ce méti­er : la pour­suite de l’excellence, sans jamais se repos­er sur ses lau­ri­ers, la remise en ques­tion per­ma­nente de ses pro­pres connaissances.

Les avan­tages : le côté pluridis­ci­plinaire, l’émulation con­tin­uée, à se frot­ter à la créa­tiv­ité des inven­teurs, la var­iété des tâch­es, comme la for­ma­tion de juniors ou l’encadrement d’une équipe : « On ne s’ennuie jamais, il y a peu de place pour la routine. »

Le cours de sculp­ture de Jean-Paul Luthringer, à l’X, chez elle fit ger­mer une graine : pein­ture et céramique con­tin­u­ent d’être son espace de lib­erté, des moyens pour se ressourcer. Les oeu­vres qu’elle pro­duit sont superbes.


UN EXPERT RECONNU

Valérie Corizzi est expert en brevets auprès de la cour d’appel de Paris, ils sont une demi-douzaine seule­ment en France.

Depuis deux ans, elle enseigne à l’École des bar­reaux, deux fois par an.

En 2015, elle devient égale­ment médi­a­teur auprès de l’Office mon­di­al de la pro­priété intel­lectuelle : « une autre approche, plus humaine, des litiges ».


RETOUCHE

arti­cle mis à jour le 14 mai 2020

Valérie Corizzi (85) « tente de s’extraire de l’accélération ambiante et des écrans ». Sa société, PACT-IP, fondée il y a six ans, spé­cial­isée en brevets et lit­iges relat­ifs à la pro­priété intel­lectuelle, compte main­tenant trois salariés. Le domaine est en ce moment dans une phase de sta­bil­ité, ce nonob­stant la con­stante évo­lu­tion de la jurispru­dence et du droit. Céramiste depuis à présent cinq ans, s’étant dotée récem­ment d’un nou­veau four, elle conçoit des formes orig­i­nales, avec de la couleur, qu’elle apprend à maîtriser.

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