Le fonds d’amorçage, un bon atout pour start-up

Dossier : ExpressionsMagazine N°701 Janvier 2015
Par Doryane HUBER (04)

Le « cap­i­tal-amorçage », finançant les pro­jets sur leurs pre­miers stades de développe­ment, sou­vent pré­com­mer­cial, est le stade amont de l’activité plus générale de cap­i­tal-risque accom­pa­g­nant de jeunes entre­pris­es inno­vantes à fort poten­tiel de crois­sance jusqu’au stade de la rentabilité.

Il se dis­tingue d’autres modes de sou­tien (incu­ba­teurs, sub­ven­tions, etc.) en ce qu’il est étroite­ment asso­cié à un objec­tif de val­ori­sa­tion finan­cière de l’entreprise investie par l’investisseur en capital.

À la fin des années 1990, le finance­ment des jeunes entre­pris­es inno­vantes croît de manière spec­tac­u­laire, sous l’impulsion des bons résul­tats aux États-Unis, portés prin­ci­pale­ment par l’avènement de la « nou­velle économie ».

La France n’est pas en reste : les lev­ées de fonds de cap­i­tal-investisse­ment sont mul­ti­pliées par dix entre 1997 et 2000, le « nou­veau marché » appa­raît comme un suc­cès appelé à durer.

Valoriser la recherche publique

Financé par les recettes de l’introduction en Bourse de France Télé­com, l’appel à pro­jets du 24 mars 1999 s’inscrivait dans le cadre plus général des réflex­ions autour de la val­ori­sa­tion de la recherche publique.

“ Créer un réseau de compétences d’investissement en France ”

L’État avait lancé un appel à pro­jets auprès des organ­ismes de recherche « Incu­ba­tions et cap­i­tal-amorçage des entre­pris­es tech­nologiques », doté de 300 mil­lions de francs au total, dont 150 mil­lions pour la créa­tion de fonds d’amorçage, dont l’objectif était d’encourager la créa­tion d’entreprises tech­nologiques inno­vantes sus­cep­ti­bles de val­oris­er le poten­tiel de recherche des lab­o­ra­toires publics.

Ce pro­gramme a con­tribué à créer un réseau de com­pé­tences d’investissement en France mais n’a pas atteint la rentabilité.

Un relatif échec

La rentabil­ité finan­cière n’est pas au ren­dez-vous de cette pre­mière généra­tion. Pour 100 euros investis, 57 euros devraient être ren­dus (et peut-être moins car seule­ment 40% des par­tic­i­pa­tions ont été liq­uidées aujourd’hui).

D’où vient ce relatif échec ?

Les spé­ci­fi­ca­tions des cibles de ce pre­mier pro­gramme ont été trop pré­cis­es et ont ignoré les con­di­tions économiques du succès.

Ce pro­gramme repo­sait sur un posi­tion­nement très tech­nologique, visait unique­ment les lab­o­ra­toires de recherche publics tout en encour­ageant les sor­ties pré­co­ces. Il est car­ac­téris­tique de l’état d’esprit de cette péri­ode précé­dant la crise de 2001 pen­dant laque­lle tech­nolo­gie rimait directe­ment avec prof­it, sans con­sid­éra­tion des struc­tures de marché.

Mais ce pro­gramme a eu une ver­tu : il a per­mis de créer en France un pre­mier embry­on de com­pé­tences d’investissement, avec la créa­tion de nou­velles sociétés de ges­tion ou de pôles dédiés à l’amorçage dans des sociétés existantes.

Choisir le bon moment

DEUX CENTS ENTREPRISES LANCÉES

Le programme initial a financé onze fonds et sociétés de capital-risque, thématiques (informatique, biotechnologies, écotechnologies, etc.) ou régionaux et a contribué à structurer le paysage français de l’amorçage. La part publique (État, plus Caisse des dépôts et consignations) était de 41 %. Celle du nouveau programme public est de 50 % (fonds national d’amorçage).
Avec un taux de survie entre 65 et 70 %, le programme a permis de financer plus de 200 entreprises. Les 204 entreprises « investies » ont créé environ 1 700 emplois. Trois entreprises sont entrées en Bourse, 31 entreprises ont été cédées à un industriel et 13 entreprises à des investisseurs financiers.

Cette expéri­ence doit per­me­t­tre de mieux con­cevoir les prochaines poli­tiques publiques en faveur du finance­ment des start-ups.

Ce pro­gramme était le pre­mier à financer en France la créa­tion d’entreprises inno­vantes par du cap­i­tal- risque, un retour d’expérience était néces­saire. S’il n’a per­mis de répon­dre à toutes les ques­tions que l’on peut se pos­er, il a per­mis de dégager des grandes ten­dances pour le finance­ment de ces jeunes pousses.

À quel moment doit-on financer une entre­prise avec du capital-amorçage ?

Une start-up est une organ­i­sa­tion par­ti­c­ulière : c’est un groupe resser­ré tout entier tourné vers la recherche dans l’urgence d’un mod­èle économique viable. Pour ne pas pren­dre de risque démesuré qui détru­irait leur rentabil­ité, les fonds qui investis­sent dans des start-ups ne doivent pas inve­stir pré­maturé­ment, et laiss­er les fon­da­teurs dévelop­per quelques briques de con­cept en vivant sur leur cap­i­tal per­son­nel ou sur d’autres dis­posi­tifs à base de sub­ven­tions (bours­es, concours).

Ne pas respecter ce principe, c’est se con­damn­er à des rentabil­ités néga­tives qui fer­ont fuir les investisseurs.

Des emplois durables et qualifiés

Le cap­i­tal-amorçage est-il le bon out­il pour financer des start-ups ?

D’autres mod­èles seraient imag­in­ables : sou­tien par des busi­ness angels, fonds sec­to­riels de cap­i­tal-investisse­ment investis­sant à tous les stades de développe­ment pour mutu­alis­er les risques et capa­bles de suiv­re les start-ups jusqu’à ce qu’elles soient val­oris­ables, finance­ment sub­ven­tion­nel par la puis­sance publique, sou­tien à des out­ils de valorisation.

Pour l’instant, les pre­miers fonds d’amorçage n’atteindront pas l’équilibre financier et auront donc de fait une part sub­ven­tion­nelle, mais le retour d’expérience pris en compte pour les pro­grammes ultérieurs (France Investisse­ment, Fonds nation­al d’amorçage, etc.) laisse espér­er un résul­tat financier positif.

D’ores et déjà, un rapi­de cal­cul per­met de con­sid­ér­er que le rap­port « cap­i­tal détruit/ emploi » est sat­is­faisant (autour de 10 000 euros par emploi), d’autant qu’il s’agit au moins pour moitié d’emplois durables et forte­ment qualifiés.

Des sorties lucratives

Le mail­lon faible en France est-il celui de l’amorçage ?

Aux États-Unis comme en France, les suc­cès, mesurés par les intro­duc­tions en Bourse, sont très con­cen­trés : les meilleurs fonds ont des équipes qui sont main­tenant capa­bles de gér­er des intro­duc­tions en Bourse. Cela rel­a­tivise égale­ment la « chaîne » théorique qui voulait qu’une entre­prise passe par des finance­ments en cap­i­tal-amorçage, puis risque, puis développe­ment. Par choix ou par impos­si­bil­ité de sor­tir plus tôt, cer­tains fonds ont porté les start-ups jusqu’à leur cotation.

“ Il ne faut pas investir prématurément ”

Après l’amorçage, les entre­pris­es doivent pou­voir avoir accès au marché du cap­i­tal-risque ou cap­i­tal-investisse­ment aux stades ultérieurs. C’est en effet lors de la vente des parts qu’un fonds réalise ses per­for­mances. Dans un sys­tème où les échecs sont très nom­breux, la pos­si­bil­ité de réalis­er quelques sor­ties lucra­tives doit exis­ter. Mais la puis­sance publique doit s’interroger sur ces sorties.

Sché­ma­tique­ment deux cas sont pos­si­bles. Soit l’entreprise parvient à devenir un cham­pi­on mon­di­al indépen­dant. Cela passe par une con­som­ma­tion impor­tante de fonds donc une intro­duc­tion en Bourse.

Soit elle per­met des syn­er­gies impor­tantes avec un acteur impor­tant du secteur qui la rachète et lui fait béné­fici­er de son enver­gure et de son réseau com­mer­cial. Et pour que la trans­ac­tion soit rentable pour les action­naires, il faut générale­ment intéress­er plusieurs acteurs.

Retenir nos champions

Aujourd’hui, la place bour­sière française, par manque de com­pé­tences de val­ori­sa­tion, ne parvient pas à retenir nos cham­pi­ons. Et nous ne dis­posons pas de con­sol­i­da­teur européen dans le domaine du numérique.

Dans ce con­texte, il faut s’interroger sur l’intérêt pour l’État de soutenir indis­tincte­ment de jeunes entre­pris­es dans des secteurs où leur crois­sance passera for­cé­ment par le rachat par des acteurs en sit­u­a­tion de qua­si-mono­pole ou duo­p­o­le (sou­vent des géants améri­cains) et donc qui capteront toute la valeur ajoutée.

Cela passe prob­a­ble­ment par deux actions : acquérir à Paris des com­pé­tences d’analyse finan­cière des nou­veaux mod­èles économiques qui ren­dront pos­si­bles les intro­duc­tions bour­sières en France ; lim­iter le sou­tien par les pou­voirs publics aux busi­ness-mod­els qui n’ont d’autres alter­na­tives que le rachat par un géant améri­cain du numérique.

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