Délocalisation du génie industriel

La délocalisation du génie industriel

Dossier : ExpressionsMagazine N°770 Décembre 2021
Par Olivier LLUANSI (89)

Après les usines, ce sont les ingénieurs et les tech­ni­ciens qui se délo­calisent, un avatar des dif­férences de salaire et de la dig­i­tal­i­sa­tion. 150 000 emplois haute­ment qual­i­fiés sont men­acés, mais plus encore cette men­ace fait plan­er un risque sys­témique sur notre renais­sance indus­trielle : com­ment croire qu’on pour­ra recon­stru­ire des usines, fab­ri­quer de nou­veaux pro­duits, quand sim­ple­ment on n’aura plus les femmes et les hommes pour les concevoir ?

Notre recon­quête indus­trielle doit nous assur­er à la fois une sou­veraineté écono­mique et une cohé­sion ter­ri­to­ri­ale. Les ter­ri­toires et les villes moyennes, qui accueil­lent tra­di­tion­nelle­ment les usines, ont été les lais­sés-pour-compte de quar­ante ans de désin­dus­tri­al­i­sa­tion, met­tant à mal nos équili­bres démoc­ra­tiques. Les rup­tures d’approvisionnement, d’abord de masques, d’antalgiques et de res­pi­ra­teurs, puis aujourd’hui de puces élec­tron­iques, illus­trent la vul­néra­bil­ité dans laque­lle nous nous sommes mis en favorisant par trop un mod­èle postindustriel.

Un chemin de reconquête

PwC et un autre cab­i­net inter­na­tion­al ont iden­ti­fié 100 à 115 mil­liards d’euros d’importations stratégiques, préoc­cu­pants pour notre sou­veraineté ou notre sécu­rité économique. Relo­calis­er 20 % à 30 % de ces impor­ta­tions, en France ou en Europe selon les cas, serait une pre­mière étape de recon­quête et de « dévul­néra­bil­i­sa­tion » de nos chaînes d’approvisionnement. Cela représente moins de 10 % de nos impor­ta­tions actuelles ! Il ne s’agit en rien de se retir­er du com­merce inter­na­tion­al, mais seule­ment d’ajuster un curseur. Nous sommes en effet indé­ni­able­ment allés trop loin en ter­mes de délocalisations.

Par ailleurs, les usines qui se réim­plantent en France ne sont en rien celles qui en sont par­ties, il y a vingt ans : dig­i­tal­isées, com­pat­i­bles avec les attentes envi­ron­nemen­tales, agiles et hybri­dant pro­duits et ser­vices… en un mot à la pointe, tech­nologiques et com­péti­tives (nous restons évidem­ment dans une économie qui l’impose).

Si la relo­cal­i­sa­tion des appro­vi­sion­nements stratégiques représente poten­tielle­ment un tiers de notre néces­saire recon­quête indus­trielle, le reste provien­dra de nou­velles fil­ières émer­gentes (comme l’hydrogène, la voiture élec­trique, etc.) : de nou­velles manières de pro­duire ou de con­som­mer, des tran­si­tions pro­duc­tives dig­i­tales ou envi­ron­nemen­tales, de la bas­cule vers l’économie de la fonc­tion­nal­ité… Hors gains de pro­duc­tiv­ité et infla­tion, notre PIB indus­triel pour­rait ain­si aug­menter d’une cinquan­taine de mil­liards d’euros, soit presque de +25 %. C’est égale­ment l’ordre de grandeur du déficit endémique de notre bal­ance commerciale.

Si le chemin a été long – deux crises (finan­cière de 2008–2009 et san­i­taire 2020–2021) n’effaceront pas quar­ante ans de dogme post-indus­triel –, l’évolution de notre économie et de notre société con­duit large­ment à nou­veau pour le rap­proche­ment des marchés et des lieux de fab­ri­ca­tion. Si on a délo­cal­isé pour gag­n­er en coût direct, on relo­calis­era pour répon­dre aux nou­velles exi­gences de la demande : sécu­rité, envi­ron­nement, attente de réac­tiv­ité, hybri­da­tion pro­duits-ser­vices, digitalisation…

L’ombre de la délocalisation de nos ingénieries plane

Les ingénieries sont ces lieux où sont conçus les pro­duits et les ser­vices de demain et la manière de les fab­ri­quer, entremêlant inno­va­tions fonc­tion­nelles, évo­lu­tions tech­nologiques, saut de pro­duc­tiv­ité et d’efficacité, etc. 

Dans la société de la con­nais­sance (Agen­da européen de Lis­bonne 2000) ou le mod­èle postin­dus­triel, nous con­servions d’abord en Europe le design, la con­cep­tion, la recherche tech­nologique, le savoir… tan­dis que la délo­cal­i­sa­tion de la pro­duc­tion nour­ris­sait les espoirs de développe­ment d’autres pays, notam­ment en Asie.

Mais aujourd’hui, après avoir été l’atelier du monde, l’Asie, la Chine et l’Inde particuliè­rement sont dev­enues aus­si des fab­riques de cerveaux, qui sont moins chers et beau­coup plus nom­breux qu’en Europe et dont la for­ma­tion est au moins com­pa­ra­ble. Ces géants sont désor­mais les creusets d’inventions et de pro­priété intel­lectuelle : la Chine a déposé en 2020 autant de brevets inter­na­tionaux que les États-Unis. 

Alors, avec la per­cée du télé­tra­vail et la démul­ti­pli­ca­tion des plate­formes dig­i­tales de cocon­cep­tion, une nou­velle délo­cal­i­sa­tion nous guette, celle des cerveaux… De la même manière que nous mîmes nos usines « sur roulettes », aujourd’hui nos ingénieries sont menacées.

Si le phénomène a com­mencé avec les ser­vices infor­ma­tiques, les SSII, il s’étend aux ingénieries. L’émergence des Tata Con­sul­tan­cy ou l’effectif de Cap Gem­i­ni dans ce même pays (125 000 per­son­nes) ne sont ni anec­do­tiques, ni anodins. Ils sont un signe des temps : la puis­sance de l’off­shoring est démul­ti­pliée par l’accélération de la dig­i­tal­i­sa­tion et de ses usages. Et désor­mais ce sont les ingénieries qui sont men­acées, le cœur bat­tant, que nous devions préserv­er, y com­pris dans les mod­èles postin­dus­triels les plus agres­sifs et ce quelles que soient les lim­ites de ces concepts.

L’ingénierie, un terme un peu mystérieux ?

L’ingénierie, un terme mys­térieux mais si évi­dent : le génie industriel.

Ces ter­mes, accolés, furent absents de nos pro­pos aux hautes heures de la désindus­trialisation. L’industrie pol­lu­ante, has-been, ne pou­vait rien avoir de génial aux yeux des médias ou du grand pub­lic. Et pour­tant on con­naît les trans­for­ma­tions fon­da­men­tales portées par le tay­lorisme (Fred­er­ick Winslow Tay­lor) ou le fordisme (Hen­ry Ford). Les ges­tion­naires de pro­jets con­nais­sent les dia­grammes de Gantt (Hen­ry Lau­rence Gantt). Les plus experts ou les plus curieux se sou­vien­dront du Français Hen­ri Fay­ol et son fay­olisme, ou bien de Jacob Rubi­novitz, inven­teur de la GMAO, des con­cepts japon­ais de Kaisen et Kan­ban… Autant de jalons du génie indus­triel, des révo­lu­tions de la manière de produire.

“Une nouvelle délocalisation nous guette, celle des cerveaux.”

À celle-ci s’attache l’autre volet du génie indus­triel, celui de con­cevoir des pro­duits, leur proces­sus de fab­ri­ca­tion, inven­ter des ser­vices, créer des solu­tions. N’oublions jamais, au xvi­iie le mot indus­triel avait pour syn­onymes appli­ca­tion, assiduité, habileté à faire quelque chose, voire astuce, inven­tiv­ité. Ain­si la notion d’ingénierie recou­vre deux activ­ités : ingénierie de man­u­fac­tur­ing (qui conçoit les lignes de pro­duc­tion) et ingénierie de con­cep­tion (qui, elle, s’attache aux pro­duits et ser­vices asso­ciés). Le design en fait par­tie, la recherche est plus en amont. Ces arts se sont notam­ment déployés dans les activ­ités de trans­port ter­restre (auto­mo­bile, fer­rovi­aire, etc.), le naval, l’aéronautique, la défense, l’énergie, les télé­coms. Aujourd’hui on « ingénieure » un logi­ciel de télé­com (struc­tura­tion, organ­i­sa­tion, développe­ment) comme on conçoit une voiture. Ces secteurs sont d’ailleurs par­fois car­ac­térisés juste­ment par cette inten­sité de l’activité d’ingénierie, engi­neer­ing inten­sive.

L’ingénierie pèse entre 2 % et 8 % du PIB selon les pays. En France, elle emploie 700 000 ingé­nieurs et tech­ni­ciens dans un ratio de 60 % — 40 %. Les activ­ités d’ingénierie sont majori­taire­ment con­duites au sein des entre­pris­es (entre 50 % et 70 %), une large par­tie est néan­moins exter­nal­isée (entre 30 % et 50 %). 

Cette exter­nal­i­sa­tion répond à deux exi­gences : absorber, en qual­ité et en quan­tité, les pics et les creux de con­cep­tion (la con­cep­tion de nou­veaux pro­duits ou de nou­velles lignes est par déf­i­ni­tion cyclique) et la néces­sité de main­tenir des com­pé­tences spécifiques.

Avec Altran et Alten nous dis­posons en France de deux lead­ers mon­di­aux de la dis­ci­pline sans oubli­er des sociétés de taille sig­ni­fica­tive comme Akka Tech­nolo­gies, Seg­u­la Techno­logies, Expleo Group… À leurs côtés une myr­i­ade d’entreprises plus petites qui déti­en­nent le savoir industriel.

France, ton ingénierie s’en va

Mais aujourd’hui les ingénieries par­tent de France. Pas de fer­me­ture d’usine, pas de panache de pneus en feu ni piquet de grève… le mou­ve­ment est plus dif­fus et ram­pant… là où il y aurait eu cinquante ingénieurs français, on en poste dix en front-office, vingt Roumains en mid­dle office et trente Indi­ens en back office… ni vu, ni con­nu… et des gains de coût de l’ordre de 40 % à 50 %. Pour mémoire ce fut le même ordre de gains de grandeur qui entraî­na dans les années 1980 et 1990 la délo­cal­i­sa­tion mas­sive des principes act­ifs des médica­ments avec l’effet que l’on con­state aujourd’hui sur nos dépen­dances pharma­ceutiques, sur notre non-sou­veraineté économique et sanitaire.

Le mou­ve­ment a été lancé après la crise finan­cière de 2008–2009. L’ingénierie est sor­tie des seules direc­tions tech­niques pour être repris­es aus­si par les direc­tions des achats. Désor­mais les exi­gences de com­péti­tiv­ité sont telles qu’un mod­èle fran­co-français n’est plus pos­si­ble : sans délo­calis­er, impos­si­ble de répon­dre aux exi­gences de prix des acheteurs, lesquels par­fois imposent jusqu’à des taux de délocalisation.

Cette ten­dance n’est pas lim­itée aux ingénieries en sous-trai­tance : les grands groupes délo­calisent leurs pro­pres ingénieries. Ce mou­ve­ment a un temps été jus­ti­fié par les con­di­tion­nal­ités imposées par les pays acheteurs (off­set) : tel con­trat a été gag­né en con­trepar­tie de la local­i­sa­tion d’une par­tie de la con­cep­tion. Aujourd’hui ce phénomène est mar­gin­al, on délo­calise pour la com­péti­tiv­ité, et en fait la com­péti­tiv­ité de court terme ! 

Les gains peu­vent être con­sid­érables : 50 % en théorie, 30 % en pra­tique en comp­tant les déplace­ments, les dou­blons man­agéri­aux, les con­traintes admin­is­tra­tives. Si aujourd’hui le taux d’off­shoring est de 6 % à 7 % en France (les des­ti­na­tions préférées sont l’Inde, le Maroc, la Roumanie), il est de 35 % aux États-Unis. La sit­u­a­tion est sim­i­laire au Roy­aume-Uni. Cette sit­u­a­tion anglo-sax­onne est exac­er­bée par la présence de nom­breux front office indi­ens aux États-Unis et au Roy­aume-Uni, la prox­im­ité lin­guis­tique, mais aus­si un dés­in­térêt pour les for­ma­tions d’ingénieur et leur manque de notoriété… Elle donne une indi­ca­tion de la men­ace. Par ailleurs les travaux d’ingénierie stratégique, sen­si­bles pour les entre­pris­es, sont encore peu con­cernés et le seront peu à l’avenir.

Cela donne une ampleur de la men­ace : env­i­ron 20 % de l’activité est en sur­sis. 150 000 emplois très qual­i­fiés, dont 90 000 ingénieurs. Cela con­stitue une men­ace sys­témique sur la fil­ière des ingénieurs à la française, qui est tant prisée à l’étranger et à laque­lle on doit une par­tie du génie français.

Si les grandes struc­tures parvi­en­nent encore à répon­dre à la pres­sion sur le prix, avec des délo­cal­i­sa­tions par­tielles de leurs effec­tifs, les plus petites struc­tures en sont, elles, inca­pables. Jus­ti­fi­er une implan­ta­tion délo­cal­isée, avec son man­age­ment, ses coûts admin­is­trat­ifs, etc., sup­pose au min­i­mum 50 à 100 employés locaux. Toutes les bou­tiques d’ingénierie de moins de 200 per­son­nes ne peu­vent envis­ager une telle solu­tion. Elles sont sur la brèche, avec le risque de dis­paraître tout simplement.

Des pistes pour enrayer ce péril ?

Il est pos­si­ble de profér­er des incan­ta­tions : « La com­péti­tiv­ité a bon dos, nos entre­pris­es man­quent de stratégie à long terme à trois, cinq ans ! » Cepen­dant, avec la sor­tie de la crise san­i­taire, des secteurs comme l’aéronautique et l’automobile (motori­sa­tion ther­mique) seront par­ti­c­ulière­ment affec­tés, la pres­sion sur les prix sera redoutable.

L’enjeu est aisé à quan­ti­fi­er : une délo­cal­i­sa­tion mas­sive des ingénieries rap­porterait env­i­ron 3 mil­liards d’euros aux entre­pris­es français­es de ces secteurs. C’est à la fois beau­coup et pour­tant gérable dans le cadre d’une poli­tique indus­trielle un peu volon­tariste et surtout innovante.

Sans doute aujourd’hui 1 mil­liard d’euros suf­fi­rait à enray­er la ten­dance. Le crédit d’impôt recherche est par­fois cri­tiqué : pas d’augmentation sig­ni­fica­tive des dépôts de brevet, effet de sub­sti­tu­tion entre recherche financée par les entre­pris­es et par le bud­get pub­lic, focal­isé sur les grands groupes… Pourquoi ne pas con­di­tion­ner ses 6 mil­liards d’euros à un niveau de local­i­sa­tion des ingénieries : par exem­ple au moins 70 % d’ingénierie située en France. Les grandes entre­pris­es seraient incitées à ne pas délo­calis­er leurs pro­pres ingénieurs et lim­it­eraient l’ampleur de la délo­cal­i­sa­tion des ingénieries exter­nal­isées. Une telle déci­sion devrait s’accompagner d’un pro­gramme de développe­ment de nos écoles d’ingénieurs : féminis­er les effec­tifs (seule­ment 20 % d’ingénieures-élèves actuelle­ment), soutenir le mod­èle des écoles d’ingénieurs, etc. Notre mod­èle d’école d’ingénieurs est un des élé­ments fon­da­men­taux de l’image de la France à l’étranger (aux côtés de la mode et de la gastronomie).

La clé de notre renaissance industrielle

On a longtemps asso­cié indus­trie et moder­nité. Puis ce lien a été dévoyé pen­dant les dernières décen­nies et l’industrie s’est vue mar­quée par le sceau de la pro­duc­tion et de la consom­mation de masse et d’une pré­var­i­ca­tion sur les ressources naturelles, pour per­me­t­tre juste­ment cette pro­duc­tion de masse.

Or l’industrie, ce n’est plus cela. C’est avant tout un ensem­ble de savoirs et de savoir-faire qui per­me­t­tent de trans­former la matière avec de l’énergie, mais aus­si de gér­er la com­plex­ité, le nom­bre et le vol­ume avec de fortes con­traintes économiques. Sans ces savoir-faire, com­ment répon­drons-nous aux enjeux du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, à celui de l’économie cir­cu­laire, des matières biodégrad­ables ou encore des néces­saires économies d’eau et d’énergie ? Com­ment parvien­drons-nous à sor­tir de nos dépen­dances stratégiques, de manière com­péti­tive ? Com­ment mod­erniserons-nous et dig­it­alis­erons-nous notre out­il indus­triel actuel ?

Nos usines, les femmes et les hommes qui y tra­vail­lent, les métiers qu’ils exer­cent, les trans­for­ma­tions qu’ils vivent, les équipes qu’ils for­ment, les tech­nolo­gies qu’ils met­tent en place, bâtis­sent des his­toires qui font sens pour notre pays autant que pour l’Europe. Mais ces his­toires seront vaines par avance si elles ne sont pas guidées par l’indispensable génie indus­triel, par cette capac­ité à con­cevoir les pro­duits et les ser­vices de demain et la manière de les pro­duire le plus effi­cace­ment possible.

Les ingénieries sont le cœur du réac­teur, là où se ren­con­trent inno­va­tions, briques tech­nologiques, là où se tra­cent les lim­ites de ce qu’on souhaite faire et de ce qu’on veut faire, économique­ment ou tech­nologique­ment. Les nou­veaux lieux de pro­duc­tion seront adossés aux ingénieries de man­u­fac­tur­ing, quand celles de con­cep­tion sont au cœur de la réin­ven­tion pro­duits-ser­vices. Dépourvue de nos ingénieries, notre renais­sance indus­trielle est un pro­jet sans guide avec des risques accrus d’accélération de la délo­cal­i­sa­tion indus­trielle… Elles sont le cœur du réac­teur, le pre­mier car­ré à ne pas laiss­er partir.

Commentaire

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Ham­mondrépondre
4 janvier 2022 à 9 h 44 min

C’est exacte­ment cela qui est déjà en train de se pro­duire : délo­cal­i­sa­tions par cen­taines de développeurs, chefs de pro­jet, data sci­en­tists avec encore pour les grands groupes un pilotage en France sur le coeur de méti­er, et pour les activ­ités plus annex­es, créa­tion de start-up directe­ment à l’é­tranger. Impos­si­ble de lut­ter con­tre la dif­férence de coûts.

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