France Innovation

La Fintech française : un secteur qui confirme son excellence et sa forte croissance

Dossier : Supplément : Fintech & croissanceMagazine N°785 Mai 2023
Par Bernard GAINNIER
Par Maximilien NAYARADOU

Depuis 15 ans, Finance Inno­va­tion accom­pa­gne le développe­ment de la Fin­tech française. Bernard Gain­nier, Prési­dent de Finance Inno­va­tion, et Max­im­i­lien Nayaradou, Directeur Général de Finance Inno­va­tion, revi­en­nent sur les ten­dances qui mar­quent ce secteur qui pour­suit sa crois­sance, con­tin­ue à innover et apporte une véri­ta­ble valeur ajoutée à l’industrie finan­cière française et européenne.

Finance Innovation est le cluster de la finance digitale et de la Fintech. Quelques mots pour nous présenter votre périmètre d’action ?

Créé en 2007 par l’État, Finance Inno­va­tion est l’un des dix-huit pôles de com­péti­tiv­ité mon­di­aux ou à voca­tion mon­di­ale, sur les 54 pôles de com­péti­tiv­ité label­lisés par le CIACT en France. Sa prin­ci­pale mis­sion est d’accompagner les Fin­techs, les Insurtechs et les acteurs du secteur financier à lever des fonds publics et privés pour accélér­er leur crois­sance. Pour ce faire, notre action s’articule autour de plusieurs axes com­plé­men­taires. Nous iden­ti­fions et accélérons les Fin­techs et leurs pro­jets inno­vants et con­tribuons à la trans­for­ma­tion dig­i­tale et durable de la finance et de l’économie. Nous mon­tons ain­si des pro­jets de R&D en finance dig­i­tale d’envergure nationale et européenne.

“Notre rôle est de promouvoir l’innovation dans la finance digitale et la Fintech, créer des synergies et mettre en place des projets collaboratifs entre les acteurs de cette innovation et les grands groupes.”

Aujourd’hui, Finance Inno­va­tion regroupe une large com­mu­nauté qui com­prend près de 710 acteurs de l’innovation finan­cière (Fin­techs, lab­o­ra­toires de recherche, petites, moyennes et grandes entre­pris­es, cen­tres d’excellence académiques et investis­seurs). On trou­ve 120 grands groupes, 400 Fin­techs, 60 ETI et une ving­taine d’académiques. Au sein de cet écosys­tème, notre rôle est de pro­mou­voir l’innovation dans la finance dig­i­tale et la Fin­tech, créer des syn­er­gies et met­tre en place des pro­jets col­lab­o­rat­ifs entre les acteurs de cette inno­va­tion et les grands groupes notam­ment, mais aus­si con­tribuer à créer de l’emploi dans ces filières.

Notre périmètre d’action cou­vre 7 domaines d’activité : assur­ance, banque, finance durable et sol­idaire, immo­bili­er, ges­tions d’actifs, ges­tion et finance d’entreprise, blockchain, finance décen­tral­isée et web3. À tra­vers nos comités de labéli­sa­tion, nous labélisons les pro­jets inno­vants les plus promet­teurs pour la trans­for­ma­tion dig­i­tale et le futur de l’industrie finan­cière française. Depuis 15 ans, nous avons ain­si labélisés plus de 731 pro­jets et con­tribué à lever plus de 2,8 mil­liards d’euros de fonds privés.

Pour aider les entre­pris­es labélisées à trou­ver des finance­ments, nous avons mis en place un comité d’investisseurs et de nom­breux parte­nar­i­ats. Chaque année, nous organ­isons, par ailleurs, plus d’une cen­taine d’événements pour ani­mer cet écosys­tème et notre communauté.

Vous avez été aux premières loges pour observer l’évolution du monde de la finance digitale et des Fintechs depuis 15 ans. Quelles sont les principales tendances qui ressortent ?

Le secteur a tou­jours fait preuve de beau­coup d’innovation. Il a aus­si été porté par le développe­ment de cer­taines tech­nolo­gies ce qui a per­mis l’émergence de plusieurs ten­dances. Ain­si, dans les années 2007 à 2012, nous avons assisté au développe­ment du paiement et du crowd­fund­ing. L’Insurtech, un secteur sur lequel nous avons rédigé un pre­mier livre blanc en 2010, a réal­isé ses plus impor­tantes lev­ées de fonds en 2019 et en 2021. En par­al­lèle, la finance décen­tral­isée et la blockchain con­nais­sent égale­ment un fort développe­ment depuis 2021. Alors que la chute de FTX relance le débat autour du cadre régle­men­taire des cryp­toac­t­ifs, restera à voir si cette ten­dance se con­firme sur le court terme.

“Aujourd’hui, la Fintech est le premier secteur en termes de levées de fonds avec près de 3 milliards d’euros levés en 2022. On recense aussi dans la Fintech, 10 licornes : Ivalua, Dataiku, Younited, Ledger, Lydia, Kyriba, Shift Technology, Alan, Swile, Qonto, Payfit, Spendesk.”

Nous assis­tons égale­ment actuelle­ment à une vague de dig­i­tal­i­sa­tion des direc­tions finan­cières avec de nom­breuses inno­va­tions en matière de compt­abil­ité et autour de la ges­tion de tré­sorerie et de l’affacturage. Enfin, depuis 2021, le domaine de la PropTech et de la Real Estate Tech con­naît un impor­tant boom. Alors que les lev­ées de fonds sur les autres seg­ments de la finance dig­i­tale se sont sta­bil­isées, elles ont aug­men­té de plus de 20 % dans la PropTech. Il y a, à ce niveau, un effet de rat­tra­page avec un secteur de l’immobilier qui rat­trape son retard par rap­port aux autres domaines de la finance.

Aujourd’hui, la Fin­tech est le pre­mier secteur en ter­mes de lev­ées de fonds avec près de 3 mil­liards d’euros lev­és en 2022. On recense aus­si dans la Fin­tech, 10 licornes : Ival­ua, Dataiku, Younit­ed, Ledger, Lydia, Kyri­ba, Shift Tech­nol­o­gy, Alan, Swile, Qon­to, Pay­fit, Spendesk.

Quelles sont les technologies qui redessinent les contours de la Fintech ?

La prin­ci­pale tech­nolo­gie reste l’intelligence arti­fi­cielle qui est au cœur du mod­èle de nom­breuses Fin­techs et licornes du secteur. C’est notam­ment le cas de Shift Tech­nolo­gie qui cap­i­talise sur le dat­a­min­ing et le Big Data pour lut­ter con­tre la fraude. En effet, l’IA per­met notam­ment d’interopérabiliser les bases de don­nées d’un assureur ou entre assureurs, de manière totale­ment anonyme et con­fi­den­tielle, afin d’identifier des sig­naux faibles et anticiper l’apparition de nou­veaux types de fraudes. Plus par­ti­c­ulière­ment, dans l’univers de l’IA, ce sont le machine learn­ing et le dat­a­min­ing qui restent le plus util­isés, con­traire­ment au deep learn­ing qui est moins plébiscité.

En par­al­lèle, la blockchain ouvre des per­spec­tives très intéres­santes en ter­mes de traça­bil­ité et de trans­parence, alors que le cloud com­put­ing a voca­tion à accélér­er le phénomène de plate­formi­sa­tion de la finance. Le recours aux tech­nolo­gies quan­tiques, auquel nous avons con­sacré un livre blanc en 2019, est encore assez mar­gin­al dans le monde de la finance, notam­ment à cause du coût encore très élevé de cette technologie.

En 2023, selon vous, peut-on encore parler de frein dans l’acceptation des nouvelles technologies et de l’innovation ?

Si la sit­u­a­tion est plus favor­able qu’il y a une dizaine d’années, elle reste néan­moins com­plexe. En effet, dans le monde de la finance et de l’assurance, le prin­ci­pal moteur de l’innovation reste la néces­sité. L’environnement de taux bas a notam­ment poussé les ban­ques et les assur­ances à innover pour réduire et mieux maîtris­er leurs coûts, mais aus­si afin d’améliorer leurs proces­sus et leur pro­duc­tiv­ité. Au-delà, la régle­men­ta­tion les pousse aus­si à être plus compétitives.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le label Finance Innovation et sur les avantages de cette labélisation pour les start-up et les Fintechs ?

Le label « Finance Inno­va­tion » con­tribue à amélior­er leur vis­i­bil­ité et leur crédi­bil­ité en France et à l’international. Ain­si, c’est plus de 100 experts qui sont mobil­isés pour sélec­tion­ner les start-up éli­gi­bles au label.

Con­crète­ment, nous pro­posons deux labels :

  • un label pour les pro­jets indi­vidu­els qui représente 80 à 90 % des pro­jets que nous labélisons. À tra­vers ce label, nous aidons les entre­pris­es à trou­ver des clients, des finance­ments privés, ain­si que des parte­nar­i­ats pour boost­er leurs inno­va­tions et accélér­er leur croissance ;
  • un label pour les pro­jets col­lab­o­rat­ifs qui est attribué à 10 à 20 % d’entreprises que nous aidons à obtenir des fonds publics.
“Depuis le lancement de Finance Innovation, en 2007, plus de 721 projets ont été labélisés. En moyenne, 1 start-up sur 2 a trouvé des clients grâce au label.”

Depuis le lance­ment de Finance Inno­va­tion, en 2007, plus de 721 pro­jets ont été labélisés. En moyenne, 1 start-up sur 2 a trou­vé des clients grâce au label. Au-delà, ce proces­sus de labéli­sa­tion nous per­met d’avoir une vue d’ensemble et glob­ale sur l’évolution du secteur. Cela nous per­met notam­ment de met­tre à la dis­po­si­tion des grands groupes, via notre comité de labéli­sa­tion, une veille en temps réel sur les ten­dances en matière d’innovation et les start-up qui se démar­quent sur ce marché très dynamique.

Quels sont les projets et chantiers qui vous mobilisent actuellement ?

À l’instar des autres pôles de com­péti­tiv­ité français, nous avons été mobil­isés par la phase V des pôles qui va s’étendre de 2023 à 2026. Dans cette con­ti­nu­ité, nous allons nous con­cen­tr­er sur le développe­ment de la Fin­tech dans les régions.
L’idée est aus­si d’aller chercher des sources de finance­ment et des investisse­ments en Europe pour nos Fin­techs. En par­al­lèle, nous aidons les secteurs de la finance qui accusent un retard en matière d’innovation à accélér­er leur trans­for­ma­tion dig­i­tale. C’est notam­ment le cas du courtage, de la finance durable, de l’immobilier, de la banque privée ou encore de l’asset man­age­ment. Sur le court et le moyen terme, un de nos objec­tifs est de mieux dif­fuser l’innovation dans le monde et les métiers de la finance pour que les inno­va­tions portées par les Fin­techs béné­fi­cient à tous, des grands groupes aux entre­pris­es de taille moyenne, quel que soit leur secteur d’activité.

Comment voyez-vous le secteur évoluer dans le contexte actuel ?

Depuis 2015, d’importants pro­grès ont été réal­isés et des lev­ées de fonds record ont été bouclées notam­ment grâce à un envi­ron­nement de taux bas. La Covid a égale­ment don­né un boost à la Fin­tech. Cette péri­ode a mon­tré que les entre­pris­es qui s’en sont le mieux tirées étaient celles qui s’étaient lancées dans une démarche digitalisation.

Aujourd’hui, dans un con­texte infla­tion­niste mar­qué par la remon­tée de taux, il y a un risque de ralen­tisse­ment, notam­ment au niveau des investisse­ments et des lev­ées de fonds. L’enjeu est donc d’aider les Fin­techs à nouer des parte­nar­i­ats busi­ness pour com­penser cette éventuelle baisse des investissements.
Nous sommes con­va­in­cus que la Fin­tech française, qui a large­ment prou­vé sa rentabil­ité et sa valeur ajoutée, peut pass­er ce cap !

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