Fédérer l’écosystème Fintech, booster l’innovation !

Dossier : Supplément : Fintech & croissanceMagazine N°785 Mai 2023
Par Olivier FLICHE (X89)

Olivi­er Fliche (X89), directeur du Pôle Fin­tech Inno­va­tion de l’ACPR, l’Autorité de con­trôle pru­den­tiel et de réso­lu­tion, nous en dit plus sur les mis­sions de son entité et son rôle cen­tral et fédéra­teur au ser­vice de l’innovation et du développe­ment des Fintechs.

Quelles sont les missions du pôle Fintech Innovation ?

L’ACPR est garante du con­trôle pru­den­tiel. Elle est en charge de con­trôler la solv­abil­ité, de s’assurer de la sta­bil­ité finan­cière des étab­lisse­ments du secteur ban­caire et de l’assurance, et de pro­téger leurs clients.
En 2016, l’ACPR s’est dotée d’un Pôle Fin­tech Inno­va­tion pour avoir un point d’entrée dédié aux Fin­techs et à l’innovation. Cette entité est née d’un con­stat : les dif­fi­cultés ren­con­trées par ces Fin­techs quand elles souhaitaient avoir un pre­mier échange avec l’ACPR, par­fois avant même d’avoir un pro­jet par­faite­ment abouti. Au cœur de nos mis­sions et de nos activ­ités, on retrou­ve ain­si cette volon­té forte de faciliter la mise en rela­tion entre ces acteurs de la Fin­tech et de l’innovation et l’ACPR.

“En 2016, l’ACPR s’est dotée d’un Pôle Fintech Innovation pour avoir un point d’entrée dédié aux Fintechs et à l’innovation.”

En par­al­lèle, notre pôle joue le rôle d’observatoire de l’innovation afin d’anticiper non seule­ment com­ment elle va trans­former les métiers de la banque et de l’assurance, mais aus­si ses impacts sur la mis­sion de con­trôle de l’ACPR. Notre pôle a aus­si pour mis­sion de s’intégrer à cet écosys­tème inno­vant afin que l’ACPR ne soit pas perçue comme un frein à l’innovation, mais comme une autorité qui accom­pa­gne la dif­fu­sion de l’innovation dans le secteur financier. Depuis 2018, nous avons aus­si la mis­sion de pro­mou­voir l’innovation au sein de l’APCR et au ser­vice des métiers du contrôle.
Chaque année, ce sont ain­si plus de 150 nou­veaux inter­locu­teurs qui s’adressent à notre pôle afin notam­ment de déter­min­er s’ils ont besoin d’une autori­sa­tion pour exercer leur activité.

En termes de feuille de route, comment ce positionnement se traduit-il ?

Le pôle se mobilise afin d’être en prise avec cet écosys­tème et d’instaurer un dia­logue con­struc­tif au-delà des con­tacts indi­vidu­els. Nous organ­isons le Forum Fin­tech, un lieu d’échange et de dia­logue ouvert sur l’écosystème Fin­tech qui prend la forme d’un événe­ment annuel, rassem­blant en moyenne 400 à 500 per­son­nes, en col­lab­o­ra­tion avec l’Autorité de con­trôle des marchés financiers (AMF). En par­al­lèle, nous inter­venons et par­ticipons à de nom­breux événe­ments organ­isés par et pour l’écosystème (webi­naires, séminaires…).

“Notre rôle est aussi de contribuer à la feuille de route réglementaire mise en œuvre par la Commission européenne.”

Notre rôle est aus­si de con­tribuer à la feuille de route régle­men­taire mise en œuvre par la Com­mis­sion européenne. Actuelle­ment, plusieurs sujets sont à l’ordre du jour notam­ment le règle­ment Mar­kets in cryp­to-assets (MiCA) sur les cryp­to-act­ifs et les ser­vices asso­ciés, qui va bien­tôt entr­er en vigueur en Europe ; la ques­tion de la finance ouverte et de l’ouverture des don­nées dans le secteur financier ; le règle­ment trans-sec­to­riel sur l’intelligence arti­fi­cielle qui con­cerne entre autres le monde de la finance…
Nous dévelop­pons aus­si de nou­veaux out­ils pour les con­trôleurs avec un focus sur les inno­va­tions tech­nologiques qui vont trans­former les usages ou les méth­odes de contrôle.

Vous accompagnez donc les porteurs de projets financiers innovants. Comment définissez-vous ces projets et à quels niveaux accompagnez-vous leurs porteurs ?

Nous recevons toutes les per­son­nes qui nous sol­lici­tent et qui ont un pro­jet. Le pro­fil et le niveau de matu­rité des por­teurs de pro­jet sont très vari­ables : nous accueil­lons aus­si bien des jeunes étu­di­ants que des pro­fes­sion­nels avec 20 à 30 ans d’expérience dans le secteur.

Notre rôle n’est pas de fil­tr­er les pro­jets selon leur car­ac­tère inno­vant. Nous nous intéres­sons avant tout aux types de ser­vices que le por­teur de pro­jet veut apporter aux clients fin­aux afin de les qual­i­fi­er au regard de la régle­men­ta­tion. Nous allons, en effet, déter­min­er si le ser­vice en ques­tion relève ou non d’une activ­ité régle­men­tée. À par­tir de là, nous lui don­nons une vis­i­bil­ité sur les exi­gences régle­men­taires qui s’appliquent, afin qu’il puisse pré­par­er son dossier : ce dossier sera ensuite instru­it par la direc­tion des autori­sa­tions au sein de l’Autorité. Nous avons for­mal­isé ce proces­sus dans une Charte Fin­tech qui est acces­si­ble sur le site Inter­net de l’ACPR et per­met de se ren­seign­er, d’avoir une meilleure vis­i­bil­ité sur les points d’entrée et d’anticiper les dif­férentes étapes du par­cours jusqu’à l’obtention d’une autori­sa­tion d’exercice.

Nous nous enga­geons à fournir aux por­teurs de pro­jet toutes les infor­ma­tions dont ils ont besoin et à traiter leur demande et leur dossier dans des délais assez courts. En com­plé­ment, nous leur pro­posons, dans une rubrique du site conçue pour eux « Mon par­cours Fin­tech », du con­tenu péd­a­gogique pour qu’ils puis­sent tra­vailler de leur côté sur le volet régle­men­taire et se pré­par­er en amont des échanges avec l’ACPR.

Comment interagissez-vous avec l’écosystème de la Fintech et comment contribuez-vous à son développement en France et en Europe ?

Pour affirmer notre inté­gra­tion à l’écosystème, nous avons inscrit le Forum Fin­tech dans la French Fin­tech Week, dont nous sommes co-organ­isa­teurs. Chaque année en octo­bre, pen­dant une semaine, une série d’événements fédère l’ensemble de l’écosystème : Fin­tech R:Evolution de France Fin­tech, Paris&Co… et naturelle­ment notre Forum, qui est un moment phare organ­isé par l’ACPR et l’AMF. C’est l’occasion de partager la vision des autorités sur les grandes ten­dances de l’innovation, de dis­cuter des pro­jets régle­men­taires européens… en présence d’un cer­tain nom­bre d’acteurs de pre­mier plan. Le Forum Fin­tech a égale­ment une final­ité péd­a­gogique sur l’application de la régle­men­ta­tion à des entités qui utilisent les nou­velles tech­nolo­gies pour pro­pos­er des ser­vices financiers. Nous prenons égale­ment part, tout au long de l’année, à des événe­ments organ­isés par des organ­ismes pro­fes­sion­nels ou de Place, à des sémi­naires de recherche ou webi­naires sur ces sujets-là.

“Le Forum Fintech a également une finalité pédagogique sur l’application de la réglementation à des entités qui utilisent les nouvelles technologies pour proposer des services financiers.”

À une échelle européenne, nous par­ticipons à la réflex­ion régle­men­taire et à sa mise en œuvre. On peut notam­ment citer le dis­posi­tif expéri­men­tal inti­t­ulé « le régime pilote », récem­ment entré en vigueur, qui per­met de tester des cas d’usage de « tokeni­sa­tion » d’actifs financiers. Avec l’AMF, nous allons ain­si accom­pa­g­n­er, d’un point de vue régle­men­taire, les acteurs qui souhait­ent tester ce régime pilote.

Nous organ­isons aus­si des hackathons régle­men­taires ou « Tech Sprints ». Con­crète­ment, nous lançons un défi sur un sujet ayant un intérêt régle­men­taire pour tester le marché et voir si la tech­nolo­gie peut apporter des répons­es. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés par exem­ple aux meilleures méth­odes pour expli­quer les résul­tats d’algorithmes d’Intelligence arti­fi­cielle (IA). Des ban­ques parte­naires de l’événement nous ont fourni des algo­rithmes en « boîte noire » : les par­tic­i­pants avaient la mis­sion d’expliquer leur fonc­tion­nement. Cela nous a per­mis de sen­si­bilis­er tous les acteurs aux enjeux régle­men­taires en matière d’explicabilité des algorithmes.

Plus récem­ment, nous nous sommes penchés sur les tech­niques de cryp­togra­phie pour main­tenir la con­fi­den­tial­ité des don­nées afin de voir s’il est pos­si­ble pour deux ban­ques d’entraîner des algo­rithmes sur des don­nées partagées sans enfrein­dre les règles de con­fi­den­tial­ité. Cela a per­mis de met­tre en évi­dence des tech­nolo­gies sophis­tiquées de cryptage et de sécuri­sa­tion de don­nées, d’apprentissage fédéré, qui per­me­t­tent d’envisager de faire tra­vailler des algo­rithmes sur des don­nées de plusieurs ban­ques tout en garan­tis­sant la con­fi­den­tial­ité des données.
Plus que jamais, l’ensemble de ces actions per­me­t­tent de fédér­er l’écosystème et de le faire progresser.

Dans ce cadre, quels sont les principaux freins et enjeux ?

Les prin­ci­paux freins à l’heure actuelle ne sont pas régle­men­taires. Créer une Fin­tech aujourd’hui en Europe n’est pas facile, car nous sommes sur un marché mature sur lequel sont posi­tion­nés de nom­breux acteurs étab­lis, pro­posant déjà une large gamme de ser­vices. Pour autant, la France est très bien placée en Europe et compte de nom­breuses start-up qui ont con­nu le succès.

Le pre­mier frein demeure l’accès au finance­ment, une prob­lé­ma­tique clas­sique à laque­lle sont con­fron­tées toutes les start-up, quel que soit leur secteur d’activité ou marché. Sur le plan régle­men­taire, il y a bien évidem­ment une marche à franchir. Il s’agit essen­tielle­ment de trou­ver le bon équili­bre entre l’innovation et la régle­men­ta­tion. Enfin, alors que les principes de sta­bil­ité finan­cière et de pro­tec­tion du con­som­ma­teur restent inchangés, nous devons, col­lec­tive­ment, con­tribuer à faire évoluer la régle­men­ta­tion pour faire respecter ces principes dans des con­textes tech­nologiques en per­pétuelle transformation.

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