Le développement de la mobilité électrique est une aventure collective

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°760 Décembre 2020
Par Dominique LAGARDE (85)

Le déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique à grande échelle est for­te­ment lié aux dyna­miques ter­ri­to­riales locales. Dans ce cadre, Domi­nique Lagarde, direc­teur du pro­gramme mobi­li­té élec­trique d’Enedis, nous parle davan­tage du posi­tion­ne­ment de son entre­prise comme un acteur clé de cette évolution.

Depuis quelques années, Enedis accompagne le développement de la mobilité électrique en France. Dites-nous en plus sur ce positionnement.

Ene­dis est un acteur enga­gé dans la mobi­li­té élec­trique depuis plus de 10 ans. Concrè­te­ment, nous avons été pion­niers dans la conver­sion de notre flotte en véhi­cules élec­triques et nous sommes aujourd’hui doté de la 2e plus grande flotte éléc­trique avec près de 3000 véhi­cules en France. 

Dans un contexte socio-éco­no­mique et poli­tique favo­rable au déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique et, forts de nos retours d’expérience, nous avons déci­dé il y a trois ans, de posi­tion­ner Ene­dis, prin­ci­pal ges­tion­naire du réseau de dis­tri­bu­tion, comme un acteur clé, une valeur ajou­tée, pour accom­pa­gner ce déve­lop­pe­ment. Pour cela, nous avons déve­lop­pé les coopé­ra­tions ins­ti­tu­tion­nelles et indus­trielles afin de cocons­truire les solu­tions, les pro­duits et le réfé­ren­tiel de la mobi­li­té élec­trique à grande échelle et pour tous types de mobi­li­té : trans­ports indi­vi­duels, trans­ports publics, trans­ports logis­tiques et indus­triels, sur l’eau, sur route, et même dans l’air.

Cette volon­té a été concré­ti­sée avec la publi­ca­tion en novembre 2019 du rap­port « Ene­dis par­te­naire de la mobi­li­té élec­trique » (Enedis.fr) qui ren­seigne et confirme que le réseau de dis­tri­bu­tion sau­ra inté­grer la mobi­li­té élec­trique et que des solu­tions de recharge adap­tées à chaque type d’usage sont disponibles. 

Quelles sont les principales tendances que vous avez repérées autour de la mobilité électrique ?

La mobi­li­té élec­trique concerne l’ensemble des mobi­li­tés. Elle est déjà une réa­li­té pour les trains, les tram­ways et le métro, elle s’étend à un rythme indus­triel aux bus et aux moyens de dépla­ce­ments indi­vi­duels. Les mar­chés des cars, des camion­nettes, et camions vont éga­le­ment se déve­lop­per. De plus en plus, les ports comme Mar­seille, Tou­lon et Royan, s’équipent de points de charge adap­tés pour que les bateaux puissent rechar­ger leurs bat­te­ries lorsqu’ils sont à quai.

En parallèle, la mobilité est liée au développement des territoires. Comment appréhendez-vous cet axe ?

His­to­ri­que­ment, nous avons un lien très fort avec les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. Cette rela­tion s’explique par le fait que nous sommes conces­sion­naires du réseau public de dis­tri­bu­tion. Au-delà de cette rela­tion contrac­tuelle, nous sommes implan­tés dans les ter­ri­toires et en proxi­mi­té avec les élus locaux. 

Que ce soit dans les métro­poles ou les zones rurales, les col­lec­ti­vi­tés n’hésitent pas à s’appuyer sur notre exper­tise réseau pour inves­tir leur nou­veau rôle d’autorité orga­ni­sa­trice de la mobi­li­té (pré­vu par la loi d’orientation des mobi­li­tés). Ene­dis se posi­tionne ain­si comme un par­te­naire des ter­ri­toires qui co-construit et anti­cipe les évo­lu­tions. Elle contri­bue aux pro­jets idéa­le­ment dès leur phase d’émergence et de concep­tion, pour que la mobi­li­té élec­trique puisse se déployer dans les meilleures condi­tions en lien avec le réseau de dis­tri­bu­tion. Notre contri­bu­tion à une pano­plie de pro­jets en France, notre besoin d’anticiper le deve­nir du réseau, nous per­mettent de déve­lop­per de nou­velles com­pé­tences et de ren­for­cer notre valeur ajou­tée auprès des par­te­naires, autour par exemple de la ges­tion des don­nées, ou de la capa­ci­té à pré­voir l’évolution des usages. C’est l’objet du ser­vice public aug­men­té du pro­jet indus­triel et humain d’Enedis.

Quels sont les enjeux auxquels vous faites face dans ce cadre ?

En tant que par­te­naire des ter­ri­toires, et comme pré­vu par la loi d’orientation des mobi­li­té de 2019 (LOM), Ene­dis contri­bue­ra à l’élaboration des sché­mas direc­teurs des infra­struc­tures de recharge des véhi­cules élec­triques. Il s’agit de tra­vailler au coté de l’autorité orga­ni­sa­trice de la mobi­li­té (AOM) et de l’autorité en charge de la com­pé­tence infra­struc­tures de recharge de véhi­cule élec­trique. L’une et l’autre pou­vant quel­que­fois être des enti­tés dif­fé­rentes, notre mis­sion de faci­li­ta­teur, d’interface, en est d’autant plus utile.

Il est aus­si impor­tant de gar­der une vue d’ensemble sur les 180 pro­jets que nous déve­lop­pons tout en res­pec­tant les spé­ci­fi­ci­tés de cha­cun d’entre eux. Par exemple, à Char­le­ville nous accom­pa­gnons Ardenne métro­pole dans la créa­tion et l’optimisation d’un réseau d’autopartage.

À Vichy nous avons par­ti­ci­pé dès l’amont du pro­jet à l’électrification de deux lignes de bus. Pour le grand port de Mar­seille nous avons été un par­te­naire déter­mi­nant dans l’installation de bornes de recharge afin que les fer­ries puissent se connec­ter à quai et éteindre leur moteur ther­mique. Une belle vic­toire en termes de tran­si­tion éco­lo­gique. Enfin, le plan de relance auto­mo­bile lan­cé par le gou­ver­ne­ment en juin 2020 a déci­dé l’accélération de l’installation de points de charge acces­sibles au public et a fixé l’objectif de 100 000 points de recharge ouverts au public avant la fin de l’année 2021. Ene­dis réa­li­se­ra les rac­cor­de­ments nécessaires. 

Vous développez également des partenariats avec le monde industriel ?

La mobi­li­té élec­trique est une impul­sion don­née par les citoyens, les élus, ain­si que les indus­triels. Cette dyna­mique nous implique davan­tage et nous conduit à adop­ter une démarche proac­tive et anti­ci­pa­tive afin d’être à la hau­teur des attentes spé­ci­fiques de cet éco­sys­tème. Concrè­te­ment, nous avons noué de nou­veaux par­te­na­riats avec les acteurs de l’industrie auto­mo­bile, notam­ment avec la PFA (pla­te­forme auto­mo­bile). Nous avons éga­le­ment signé des accords avec Renault et Peu­geot pour les accom­pa­gner dans l’appréhension des enjeux du réseau de dis­tri­bu­tion, les aider à mieux cer­ner leurs ambi­tions en matière de déve­lop­pe­ment des ventes et des ser­vices. Avec Tes­la et Volks­wa­gen, nous les aidons dans leurs pro­jets de points publics de recharge. 

Nous sommes éga­le­ment dans une logique de syner­gie avec les acteurs du monde de l’habitat sous toutes ses formes : les fédé­ra­tions de syn­dics, les asso­cia­tions de copro­prié­taires, les pro­mo­teurs immo­bi­liers, les res­pon­sables de l’habitat social, etc. Nous fai­sons béné­fi­cier de notre exper­tise tous ces acteurs afin de les aider à répondre aux spé­ci­fi­ci­tés fonc­tion­nelles de l’installation de bornes de recharge dans les par­kings et bien réus­sir le déploie­ment de la mobi­li­té élec­trique à très grande échelle.

L’ambition est d’avoir un million de véhicules électriques ou hybrides rechargeables en France avant la fin de 2022. Comment contribuez-vous à cet objectif ?

Avant la crise de la Covid-19, il y avait 300 000 véhi­cules élec­triques ou hybrides rechar­geables en cir­cu­la­tion. Les ventes conti­nuent d’augmenter ces der­niers mois mal­gré la crise économique.

Notre contri­bu­tion vise à ce qu’une solu­tion de charge soit dis­po­nible pour chaque uti­li­sa­teur quelle que soit sa situa­tion. Pre­nons un exemple, celui de l’utilisateur qui ne dis­pose pas de par­king pri­vé. Sur une ini­tia­tive de la mai­rie de Saint-Étienne, nous avons co-construit avec l’opérateur un ser­vice de bornes à la demande. À par­tir d’une pla­te­forme dédiée, un habi­tant de la ville peut véri­fier s’il existe une borne publique à proxi­mi­té de son lieu d’habitation. Le cas échéant, il peut faire une demande sur cette pla­te­forme pour qu’une borne soit ins­tal­lée près de chez lui. Elle est géné­ra­le­ment mise en place dans un délai de 3 mois et dans un péri­mètre de 150 mètres de son domicile.

Pour conclure, quelles sont vos perspectives ?

Notre ambi­tion est de pour­suivre l’industrialisation et la mise en place de l’infrastructure pour sou­te­nir le déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique à grande échelle, et les ser­vices de pilo­tage asso­ciés. En paral­lèle, nous conti­nuons à tes­ter de nou­velles solu­tions et à appré­hen­der les enjeux tech­no­lo­giques rela­tifs aux types de charge et aux tests tech­niques à réaliser. 

Ces évo­lu­tions impliquent éga­le­ment la prise en compte des enjeux humains, tels que les habi­tudes des consom­ma­teurs et la façon dont la mobi­li­té va évo­luer dans les dif­fé­rents ter­ri­toires urbains et ruraux.


Pro­pos recueillis en juin 2020


En bref

  • Ene­dis, ges­tion­naire du réseau public de dis­tri­bu­tion d’électricité sur 95 % du territoire
  • 413 352 imma­tri­cu­la­tions de véhi­cules élec­triques et hybrides rechar­geables depuis 2010 (octobre)
  • 80 000 imma­tri­cu­la­tions de véhi­cules élec­triques par­ti­cu­liers en 2020 (octobre)
  • 1 mil­lion de véhi­cules élec­triques et hybrides rechar­geables pré­vus pour 2022
  • 1 point de charge dis­po­nible pour 8 véhi­cules élec­triques en France
  • Près de 15 % des voi­tures Ene­dis déjà élec­triques en 2020

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