LE DÉFI SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DU PORT DU FUTUR

Le défi social et environnemental du port du futur

Dossier : Les ports en FranceMagazine N°764 Avril 2021
Par Philippe JOSCHT
Par Fabrice DALY

Les ambi­tions français­es de recon­quête des parts du marché por­tu­aire, affichées en 2011 et renou­velées en 2021, peinent à se con­cré­tis­er. Une nou­velle stratégie nationale por­tu­aire a été ren­due publique en 2021.
Le Cere­ma tient des assis­es annuelles qui per­me­t­tent d’éclairer le futur de l’activité portuaire.

Le con­texte actuel de l’économie mon­di­ale et du trans­port mar­itime est en forte évo­lu­tion. Les fac­teurs exogènes sont nom­breux : con­cur­rence plus dure à la fois sur les fil­ières et sur les hin­ter­lands, mon­di­al­i­sa­tion mais aus­si ten­dance à des relo­cal­i­sa­tions par­tielles, mas­si­fi­ca­tion des flux et gigan­tisme des bateaux, tran­si­tion numérique, tran­si­tion énergé­tique vers le « zéro car­bone », change­ment cli­ma­tique… Le con­texte se car­ac­térise aus­si par une forte incer­ti­tude notam­ment sur les fil­ières et les éner­gies futures. Les ports français doivent donc s’adapter en trans­for­mant leurs mod­èles insti­tu­tion­nel et économique, et en effec­tu­ant leurs pro­pres tran­si­tions, tout en amélio­rant leur compétitivité.


REPÈRES

Le cen­tre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobil­ité et l’aménagement (Cere­ma) est un étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère admin­is­tratif placé sous la tutelle con­jointe du min­istre de la tran­si­tion écologique et sol­idaire, et du min­istre de la cohé­sion des ter­ri­toires. Le Cere­ma développe des rela­tions étroites avec les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales qui sont présentes dans ses instances de gou­ver­nance. Il a été créé le 1er jan­vi­er 2014. Son siège est situé à Bron, sur le site de l’ancien CETE de Lyon.


La notion de port du futur est-elle fondée ? 

Si ce con­cept fon­da­teur est utile pour ques­tion­ner le mod­èle por­tu­aire, il n’existe pas en réal­ité de mod­èle unique et idéal de port du futur, de même qu’il y a eu dans le passé plusieurs mod­èles, du port han­séa­tique au port privé. Cer­tains ports sont spé­cial­isés ou sur un marché de niche, d’autres sont poly­va­lents ; les trafics struc­turants, la dimen­sion et la géo­gra­phie impactent forte­ment la géométrie et l’aménagement des ports. Cepen­dant, mal­gré cette diver­sité, il existe des invari­ants qui con­cer­nent notam­ment le rôle des ports et les axes de pro­grès à poursuivre.

“Les ports créent des emplois et de la valeur ajoutée.

Ain­si, les crises de 2020 ont mon­tré que les ports restent des act­ifs publics majeurs pour le fonc­tion­nement de l’économie. Au ser­vice d’un ter­ri­toire, d’un pays, de son indus­trie et de son com­merce extérieur, ils met­tent des infra­struc­tures à dis­po­si­tion des chargeurs et créent ain­si des emplois et de la valeur ajoutée. Mais de plus en plus ils doivent affirmer un posi­tion­nement de port entre­pre­neur, tout en con­ser­vant des mis­sions de ser­vice pub­lic, et de port stratège, catal­y­seur de l’action économique et industrielle. 

Des enjeux et des axes de progrès communs

Au cours des dif­férentes ses­sions des assis­es du Cere­ma, les analy­ses sur les enjeux économiques, soci­aux et envi­ron­nemen­taux des ports se sont pré­cisées, et des axes de pro­grès com­muns à tous les ports ont pu être identifiés : 

  • ren­forcer la com­péti­tiv­ité de toute la chaîne logis­tique du port bien sûr, mais aus­si des fil­ières et des chaînes de trans­port jusqu’au dernier kilomètre ; 
  • favoris­er le développe­ment économique et indus­triel aux échelles du port (ges­tion du fonci­er et des ouvrages, investisse­ments), des ter­ri­toires (liai­son ville-port) et plus large­ment de l’hinterland ;
  • verdir l’activité en dévelop­pant l’économie cir­cu­laire et l’écologie indus­trielle, l’écoconception des infra­struc­tures, la four­ni­ture voire la pro­duc­tion de nou­velles éner­gies, la réduc­tion des impacts sur l’environnement ;
  • accom­pa­g­n­er la révo­lu­tion numérique pour un port con­nec­té et sûr, assur­ant l’interopérabilité des sys­tèmes, la mise à dis­po­si­tion des don­nées, la dématéri­al­i­sa­tion des flux ; 
  • amélior­er la gou­ver­nance, en cohérence avec la stratégie nationale por­tu­aire et en lien avec le territoire.

Les cinq qualités fondamentales

Pour attein­dre ces objec­tifs com­muns, cinq qual­ités fon­da­men­tales s’imposent.

  • La fia­bil­ité car la régu­lar­ité des résul­tats et le respect des engage­ments sont essen­tiels pour garder la con­fi­ance des arma­teurs et des chargeurs. 
  • La qual­ité des ser­vices (coût, sûreté, flu­id­ité, rapid­ité…) est le point de com­para­i­son sur lequel se fondent les clients. 
  • La syn­ergie avec les autres acteurs est fon­da­men­tale à plusieurs égards ; il s’agit d’avoir des pro­jets stratégiques ancrés dans le ter­ri­toire (notam­ment la rela­tion ville-port où la con­fi­ance est par­fois à recon­stru­ire), des com­plé­men­tar­ités avec les ports voisins, des col­lab­o­ra­tions entre les acteurs logis­tiques du port et de son hin­ter­land (ports intérieurs) pour dévelop­per des offres inté­grées ; à ce titre la capac­ité à fédér­er, catal­yser et être un car­refour d’information est essentielle. 
  • La réac­tiv­ité, l’agilité per­me­t­tent de saisir les occa­sions, d’offrir rapi­de­ment des répons­es effi­caces aux besoins du traf­ic, d’agir selon les pro­jets au-delà des cli­vages amé­nageur-entre­pre­neur ; la prise de risque est sou­vent néces­saire, car le suc­cès des pro­jets économiques est rarement garanti. 
  • L’inno­va­tion, trans­ver­sale aux sujets précé­dents, est indis­pens­able pour assur­er la com­péti­tiv­ité et s’appuie sur la recherche et sur l’encouragement des por­teurs de pro­jets, par­ti­c­ulière­ment pour les domaines de l’environnement et du numérique.

L’événement Port du futur

La man­i­fes­ta­tion organ­isée annuelle­ment par le Cere­ma est née en 2011, année prop­ice à une réflex­ion intense sur le mod­èle por­tu­aire : après la réforme por­tu­aire de 2008, le Grenelle de la mer de 2009, l’État pré­parait la stratégie nationale por­tu­aire de 2013. Cette évo­lu­tion rapi­de mon­trait l’intérêt d’une réflex­ion prospec­tive et col­lec­tive sur les objec­tifs et sur la notion de port du futur durable, de même qu’il y en avait eu une sur le navire du futur. 

Le Cetmef (Cen­tre d’études tech­niques mar­itimes et flu­viales), inté­gré depuis 2014 au Cere­ma, a donc créé à l’époque les assis­es Port du futur pour rassem­bler les acteurs por­tu­aires, pro­mou­voir la réflex­ion sur les enjeux por­tu­aires à venir et le partage des bonnes pra­tiques, encour­ager la recherche et les inno­va­tions, et finale­ment aider les ports à iden­ti­fi­er les défis majeurs, anticiper les change­ments et s’y adapter. Dès le départ, l’événement a favorisé l’expression de tous les acteurs (État, ports, arma­teurs, asso­ci­a­tions, experts et chercheurs, français et inter­na­tionaux), a sus­cité des réflex­ions stratégiques et prospec­tives croisées avec des exem­ples ou retours d’expérience con­crets, a facil­ité le réseau­tage et les échanges.

Un partenariat étendu

L’organisation, portée par le Cetmef puis le Cere­ma, s’est appuyée sur plusieurs parte­naires : le min­istère chargé des Trans­ports (représen­té par la DGITM), l’Union des ports de France, le Clus­ter mar­itime français, les pôles mer Bre­tagne Atlan­tique et Méditer­ranée, les pôles de com­péti­tiv­ité Nova­l­og et i‑Trans. Quelques évo­lu­tions ont été intro­duites au cours de ces dix ans : pas­sage d’une à deux journées, créa­tion du trophée Port du futur de l’innovation en 2017, délo­cal­i­sa­tion à Mar­seille en 2013 et à Lille en 2019 en parte­nar­i­at avec Ports de Lille, pas­sage au webi­naire en 2020 en rai­son de l’impossibilité des événe­ments en présence, tri­bune don­née au monde de la recherche por­tu­aire en 2020. 

Pro­gres­sive­ment, les assis­es sont dev­enues un espace de cap­i­tal­i­sa­tion et de partage, en par­ti­c­uli­er grâce au site inter­net (https://www.portdufutur.fr/) et à l’édition annuelle des Essen­tiels des assis­es du port du futur. Les thèmes anciens, comme l’aménagement, la ges­tion du fonci­er et la con­struc­tion de nou­velles infra­struc­tures, y sont tou­jours présents. Les thèmes nou­veaux lancés en 2011 se sont ren­for­cés au fil des années : développe­ment por­tu­aire, rela­tions ville-port, lien avec l’hinterland et logique d’axe, gou­ver­nance. Et, bien sûr, les thèmes de la tran­si­tion numérique, de la tran­si­tion envi­ron­nemen­tale, de l’innovation, de la cyber­sécu­rité, ont pris une impor­tance crois­sante en cohérence avec les préoc­cu­pa­tions de la société. 

Dans les prochaines années, les assis­es Port du futur con­tin­ueront à appro­fondir ces con­cepts, en accen­tu­ant la place don­née aux solu­tions con­crètes et à la recherche, et en s’appuyant davan­tage sur des parte­nar­i­ats locaux avec des grands ports ou des régions. 

Poster un commentaire