Les travaux de Mers-el-Kébir par Roger Chapelet

Paul Gendrot (41), constructeur et aménageur de ports de guerre

Dossier : Les ports en FranceMagazine N°764 Avril 2021
Par Pierre ROMENTEAU (57)

Paul Gen­drot reste comme l’exemple du grand directeur, dans ce qui fut le ser­vice d’infrastructure pro­pre à la Marine nationale, et ses réal­i­sa­tions durant les qua­torze années de son direc­torat mar­quèrent durable­ment les instal­la­tions mar­itimes françaises.

Paul Gendrot
Paul Gen­drot

Des débuts à Mers el-Kébir

Si cer­tains ingénieurs mil­i­taires ont voca­tion à servir la Marine nationale, quelques ingénieurs des Ponts et Chaussées ont eu aus­si ce priv­ilège. Placés en posi­tion détachée, ils con­sti­tu­aient un petit corps : celui des ingénieurs des Travaux mar­itimes. Paul Gen­drot fut de ceux-là. Né à Dinan le 28 févri­er 1921, il inté­gra l’X, alors exilée à Lyon, en 1941. Il sor­tit dans les Ponts et effec­tua en 1946 son dernier stage d’étude en Algérie. Fasciné par le pays et impres­sion­né par les travaux gigan­tesques en cours dans le port mil­i­taire de Mers el-Kébir, il choisit d’y être affec­té. Cet heureux choix prélu­da à toute une carrière. 

En ce temps rég­nait encore le col­ber­tisme. Les fonc­tions de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre étaient con­fon­dues dans les mains des ingénieurs des corps tech­niques de l’État. Il leur fal­lait con­cevoir, cal­culer, estimer les ouvrages, puis rédi­ger les appels d’offres, les juger, sur­veiller et con­trôler l’exécution des travaux qui seule était con­fiée au secteur privé. 

Com­mencés en 1939, inter­rom­pus pen­dant la guerre, les travaux à Mers el-Kébir étaient en pleine activ­ité à l’arrivée de Paul Gen­drot. Le pro­jet, sans cesse remanié, se sol­da par la réal­i­sa­tion d’un plan d’eau de 400 ha pro­tégé par 5 km de digues fondées à moins de 30 m, bor­dé de 9 km de quais, de 100 ha de terre-pleins gag­nés sur la mer. L’équipement à terre était impres­sion­nant et pour par­tie implan­té dans des souter­rains conçus pour résis­ter aux armes nucléaires. Paul Gen­drot par­tic­i­pa à ces travaux pharaoniques – Le Figaro avait écrit, non sans quelque emphase, que « sous 240 mètres de roc une gigan­tesque ter­mi­tière abrit­era le plus grand port du monde » – puis les dirigea dans l’ambiance par­ti­c­ulière des événe­ments d’Algérie.

De Brest à Paris

Pro­mu ingénieur général, Paul Gen­drot sera nom­mé directeur à Brest en 1963 et il y aura la charge des travaux visant à faire du port du Ponant un « Kébir en plus petit » avec des instal­la­tions souter­raines pro­tégées, des appon­te­ments pour les porte-avions, la nou­velle base d’aéronautique navale de Lan­di­visi­au. Lors de la créa­tion de la force de dis­sua­sion furent lancées en 1963 les études de la base de l’île Longue des­tinée aux SNLE. En 1970, après trois ans d’un chantier très intense, elle était prête à accueil­lir Le Red­outable.

En 1966 Paul Gen­drot quit­ta Brest pour rejoin­dre Paris en qual­ité de directeur cen­tral adjoint sous l’autorité de l’IG Guy (29), respon­s­able depuis 1944 de la recon­struc­tion et de la mod­erni­sa­tion des ports mil­i­taires, à qui il suc­cé­da en 1973 jusqu’à son départ du ser­vice act­if en 1987. Sous son autorité atten­tive et bien­veil­lante, de grandes réal­i­sa­tions nova­tri­ces se suc­cédèrent, par­mi lesquelles on peut citer l’infrastructure mar­itime du Cen­tre d’expérimentation nucléaire du Paci­fique à Tahi­ti et dans les atolls de Mururoa, Fan­gata­u­fa et Hao, un nou­veau bassin pour le caré­nage des sous-marins nucléaires à Brest ou la restruc­tura­tion com­plète de l’infrastructure indus­trielle de l’arsenal de Cher­bourg, aujourd’hui seul con­struc­teur de sous-marins en France. 

Dans ses fonc­tions de direc­tion, il mod­ernisa fon­da­men­tale­ment son ser­vice en assur­ant la pro­mo­tion de l’architecture dans ses aspects esthé­tiques et fonc­tion­nels, en faisant large­ment appel à l’informatique nais­sante et en favorisant l’exportation en matière d’infrastructure mil­i­taire. Son héritage fera longtemps encore par­tie du pat­ri­moine immo­bili­er mil­i­taire national.

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