Le credo antinucléaire

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°682 Février 2013Par : Pierre BACHER (52), préface d’Édouard BRÉZIN (58)Rédacteur : Paul-Henri BOURRELIER (52)Editeur : Odile Jacob – 2012 - 15, rue Soufflot, 75015 Paris.

Dans une pre­mière par­tie, l’auteur exam­ine les risques de l’industrie nucléaire : d’abord la con­t­a­m­i­na­tion par la radioac­tiv­ité à la suite d’un acci­dent ou de la présence des déchets à longue durée de vie : ce sont, explique- t‑il, des risques iden­ti­fiés, qui ne sont pas « incom­men­su­rables » par rap­port à ceux que l’homme affronte ailleurs.

Couverture du livre de Pierre Bacher (52) : LE CREDO ANTINUCLÉAIRELes effets des faibles dos­es au-dessous d’un cer­tain seuil sont entachés d’incertitude, les êtres vivants y ont survécu. La men­ace est certes invis­i­ble, mais elle est contrôlable.

Le livre décrit ensuite la façon dont la sûreté est assurée au cours des opéra­tions de la chaîne de pro­duc­tion d’électricité. Sans se per­dre dans les détails des méth­odes, il se réfère aux éval­u­a­tions prob­a­bilistes des risques d’accidents et au volon­tarisme déter­min­iste ini­tial qui subsiste.

Quelques pages enfin sont con­sacrées à l’utilisation mil­i­taire des matières nucléaires et aux mesures pris­es par les autorités inter­na­tionales, en col­lab­o­ra­tion avec l’industrie, pour com­bat­tre le ter­ri­ble risque de prolifération.

Une sec­onde par­tie traite de la con­tes­ta­tion des avan­tages avancés en faveur de l’énergie nucléaire : faible con­tenu car­bone, indépen­dance nationale, com­péti­tiv­ité, sur tous les plans, la nor­mal­ité et les mérites du nucléaire, pour relat­ifs qu’ils soient, sont nets.

L’économie du nucléaire impose de com­par­er des sys­tèmes tech­niques com­plex­es de pro­duc­tion et de four­ni­ture asso­ciés à des habi­tudes de consommation.

L’auteur lim­ite son ambi­tion à mon­tr­er qu’il y a une compt­abil­i­sa­tion cor­recte des dépens­es, que des pro­vi­sions raisonnables sont con­sti­tuées pour les futurs déman­tèle­ments et le stock­age des déchets, que l’assurance est prise en compte. Bref, le coût jusqu’à présent avan­tageux de l’électricité nucléaire pro­duite dans les cen­trales d’EDF.

La France peut-elle se pass­er de cette ressource dans les trente ans à venir ? L’auteur ne dit pas qu’un aban­don pro­gres­sif est impos­si­ble mais il détaille le coût de la cohorte des mesures qu‘il faudrait pren­dre : économies de con­som­ma­tion poussées à l’extrême, coû­teuses (et généra­tri­ces de risques) ; développe­ment accéléré des éner­gies nou­velles et renou­ve­lables dont le coût et les incon­vénients crois­sent avec leur part dans le « mix » des ressources.

Tout com­pris, un retrait du nucléaire imposerait un sys­tème iné­gal­i­taire et for­cé de trans­port et de régu­la­tion, une sophis­ti­ca­tion tech­nocra­tique redoutable.

L’Allemagne en déci­dant d’arrêter à terme ses cen­trales nucléaires a pris une déci­sion coû­teuse qu’elle peut espér­er sup­port­er grâce à des con­trepar­ties pour son indus­trie, mais qui va entraîn­er une recrude­s­cence (tem­po­raire ?) du recours au char­bon, une dépen­dance durable envers le gaz russe et des vul­néra­bil­ités de transport.

Le livre s’achève par un retour sur les aspects éthiques : il est hors de ques­tion de nier les risques, ou sim­ple­ment les incon­vénients de cette ressource, mais il faut les appréci­er de bonne foi.

Pierre Bach­er se dis­tingue par ses con­nais­sances, son expéri­ence, sa cul­ture morale et ses scrupules. Depuis qu’il a pris sa retraite il s’est impliqué dans la réflex­ion sur l’énergie et en mil­i­tant dans l’Association « Sauvons le climat ».

Il réag­it aux accu­sa­tions de mau­vaise foi et aux inex­ac­ti­tudes des adver­saires du nucléaire avec une ardeur mise au ser­vice d’une éthique du débat pub­lic. Il ne pré­tend pas être dépourvu de tout cre­do per­son­nel, et c’est bien ain­si : le sien s’exprime sur les men­aces de cat­a­stro­phes cli­ma­tiques, sur l’innocuité des faibles dos­es, sur les pro­grès de la sûreté, sur le décou­plage des util­i­sa­tions mil­i­taires et la neu­tral­i­sa­tion du ter­ror­isme nucléaire, sur la fer­meté des démocraties…

Le résul­tat est un ren­verse­ment des posi­tions morales : au regard de son sens de la respon­s­abil­ité et de ses doutes, les anti­nu­cléaires pren­nent fig­ure de doc­tri­naires et de pal­adins anti­dé­moc­ra­tiques. Il y a beau temps que les lob­bys ne sont plus d’un seul côté.

Souhaitons donc que sa démarche aura la ver­tu de réduire les excès suff­isam­ment pour per­me­t­tre un débat intel­li­gent et d’ouvrir aux poli­tiques l’espace qui leur revient.

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