Le courrier des lecteurs

Dossier : ExpressionsMagazine N°569 Novembre 2001

À propos de la recension de Gérard de Ligny (43), n° 567, août-septembre 2001, page 66

La prospérité de demain (suite)

À propos de la recension de Gérard de Ligny (43), n° 567, août-septembre 2001, page 66

La prospérité de demain (suite)

Je sais gré à Gérard de Ligny d’avoir pris le risque de traduire ce que j’ai ten­té de dire dans mon essai sur la prospérité de demain : dans tous les pays dévelop­pés, capa­bles de tenir leur rang dans le marché inter­na­tion­al, cette prospérité dépend de plus en plus de leur apti­tude à organ­is­er leurs lieux de vie, et à dévelop­per des activ­ités de prox­im­ité, peu sen­si­bles à la con­cur­rence étrangère.

Je le remer­cie aus­si d’en avoir mon­tré la dif­fi­culté, et par là, soulevé des ques­tions qui méri­tent un écho.

C’est non sans rai­son qu’il rap­pelle que la con­cen­tra­tion des emplois est, depuis tou­jours, un fac­teur de dynamisme social. Mais il ne faut plus que, dans toutes les mégapoles du monde, nous soient à ce point mesurés la place et le temps de bien vivre notre vie privée : ce que j’ai appelé – faute de mieux – la con­vivi­al­ité. La crois­sance elle-même est en jeu.

On prend mieux la mesure de cette dif­fi­culté quand on voit que la Sil­i­con Val­ley, avec un con­cept d’urbanisme opposé au nôtre, n’a pas mieux résolu ses prob­lèmes du coût du loge­ment, et des temps de déplace­ments quotidiens.

Or ce ne sont pas la voiture ni le pro­grès d’Internet qui résoudront ces prob­lèmes : rien ne rem­plac­era l’élaboration de pro­jets per­ti­nents, en matière de den­sité con­viviale d’habitat, de répar­ti­tion des pôles d’emplois dans des bassins rési­den­tiels à taille humaine, équipés de bons réseaux de déplace­ment. Il est pos­si­ble – et vital – de s’organiser pour imag­in­er ces ter­ri­toires vécus de demain.

En face de ce prob­lème ardu, celui que ren­con­trent les régions moins urban­isées sem­ble mieux engagé, même s’il reste beau­coup à faire dans le seul domaine des com­mu­ni­ca­tions, et s’il sub­siste des cas dif­fi­ciles, comme celui des ter­ri­toires insu­laires, que G. de Ligny évoque avec humour.

Au pas­sage, j’aimerais dis­siper un malen­ten­du : quand je mon­tre que la pro­por­tion des activ­ités forte­ment con­cur­rencées par le marché inter­na­tion­al ne dépasse guère 20 % dans les régions les plus prospères, et que celles qui y sont beau­coup plus exposées devront par­fois rechercher un meilleur équili­bre, je n’ai pas soutenu qu’il était bon qu’une région, comme la Corse, n’y soit engagée qu’à 10 %. C’est, à l’évidence, le signe d’une faib­lesse économique.

Il n’est que trop vrai que les insti­tu­tions européennes se sont forgé un obsta­cle qui leur inter­dit de financer, dans de bonnes con­di­tions, des investisse­ments col­lec­tifs aus­si néces­saires que coû­teux, et de rentabil­ité lente, à la fois.

Alors que l’Institut d’émission pour­rait seul bien le faire, et le devrait sans doute, si l’on con­sid­ère qu’il lui incombe de veiller à ce que la mon­naie repose sur un sup­port de base solide, G. de Ligny nous rap­pelle que le traité de Maas­tricht inter­dit à cet insti­tut tout achat de titre pub­lic ; tan­dis que la FED peut le faire, et le fait couram­ment (dans un autre but, c’est vrai).

En vérité, aucun homme poli­tique n’a su m’expliquer pourquoi cette par­tic­u­lar­ité chez nous. Cette mesure avait été imposée à la Bun­des­bank à l’époque du plan Mar­shall, ce qui pou­vait se com­pren­dre. La France l’a décidée en 1973, pour met­tre fin à l’abus des avances que la Banque de France con­sen­tait à l’État.

Mais doit-on laiss­er indéfin­i­ment un gar­rot en place ?

Le fait est que la struc­ture du bilan de la FED n’a rien à voir avec celle de l’Eurosystème, et qu’il est temps de s’interroger pour savoir où est l’orthodoxie.

Bien enten­du, il faut éviter l’inflation. C’est pourquoi je pré­conise que sans dépass­er les lim­ites raisonnables de M1 – notre mon­naie de roule­ment – un noy­au suff­isant de notre mon­naie cen­trale puisse servir, en pri­or­ité, à financer dans de bonnes con­di­tions les investisse­ments qui con­stituent les pre­miers fonde­ments de l’économie, et donc de la mon­naie. En gros, l’aménagement du ter­ri­toire, et le loge­ment ; et en com­mençant, bien enten­du, par ceux qui peu­vent le mieux déblo­quer l’économie.

Évidem­ment, il ne fau­dra pas se tromper, et rester prag­ma­tiques. Le débat n’est pas clos.

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