Les armes de l'X

Étymologie :
À propos du corps de l’armement

Dossier : ExpressionsMagazine N°734 Avril 2018
Par Pierre AVENAS (X65)

Sans sur­prise, le mot arme­ment remonte au latin arma dési­gnant les armes. Mais il serait dom­mage d’en res­ter là, car ce latin arma a lui-même une ori­gine éty­mo­lo­gique lourde de sens, qui ren­voie à d’autres mots peut-être inat­ten­dus sous le titre de cet article. Sans par­ler de l’anglais, où l’on se demande tou­jours si arm « bras » a un rap­port avec l’armement…

DE L’ÉPAULE AU BRAS ET À L’ARME

Le point de départ est le latin armus, qui désigne dans son tout pre­mier sens la join­ture du bras et de l’épaule, d’où ensuite l’épaule (à côté du latin (h)umerus, res­té dans humé­rus) ou le bras (à côté du latin bra­chium, d’où bras).

Il est visible qu’une même racine indo-euro­péenne se retrouve à la fois dans ce latin armus et dans arm, le nom du bras en anglais (comme dans les autres langues germaniques).

Au latin, armus se relie le nom plu­riel arma, dési­gnant d’abord les armes défen­sives, tenues à bout de bras comme le bou­clier, le glaive, ou près du corps comme la cui­rasse pro­té­geant les épaules, l’armure, qui est bien res­tée une « arme » pure­ment défen­sive en fran­çais moderne.

Quant à l’armu­rier, son nom est for­mé sur armure au sens ancien, et sub­siste même si, de nos jours, ce mar­chand vend plus d’armes que d’armures.En fait, du latin arma­tu­ra dési­gnant tout l’armement rap­pro­ché du sol­dat, vient en fran­çais arma­ture, d’où armure, des dou­blets éty­mo­lo­giques encore syno­nymes au XVIe siècle, et de sens bien dis­tincts aujourd’hui.

Dès le latin, le sens de arma « armes », et armare « armer », s’est élar­gi aux armes en géné­ral, défen­sives ou non (d’autant plus que la meilleure défense, c’est l’attaque) et à l’armée elle-même, dont le but est pure­ment défen­sif dans un pays paci­fique et démocratique.

Ain­si en France, le minis­tère des Armées reste bien, éty­mo­lo­gi­que­ment, celui de la Défense.

AVEC ARMES ET BAGAGES

Par ailleurs, arma ayant aus­si le sens plus large d’ustensiles, d’instruments, le latin arma­rium devient en fran­çais armoire, pour toutes sortes de contenus.

De même, arma­men­ta « arme­ment » s’applique aus­si à un navire, de guerre ou pas, qui est armé par un arma­teur (déjà arma­tor en latin).

Encore une belle famille de mots latins pas­sés direc­te­ment au fran­çais, et ce n’est pas tout. En latin, armus se relie à artus, et son déri­vé arti­cu­lus, qui dési­gnent toute arti­cu­la­tion (idem en anglais) du corps, la join­ture du bras et de l’épaule étant jus­te­ment l’articulation la plus spé­ci­fique au corps humain (ou d’un autre primate).

Elle joue un rôle essen­tiel dans la mobi­li­té du bras et sa capa­ci­té à mani­pu­ler un objet, comme un bou­clier ou une épée, et pour­quoi pas aus­si un outil ou un pin­ceau… ce qui éta­blit aus­si un rap­port avec le latin ars, artis « savoir-faire, art », l’art (idem en anglais) pré­sent tout autant dans les beaux-arts que dans les arts militaires.

À ce pro­pos, le mot artille­rie vient de l’ancien fran­çais artillier « équi­per d’engins » qui, sous l’influence du mot art, pro­vient de atillier « parer, revê­tir une armure », du latin aptare « rendre apte ».

ÉPILOGUE

On en vient à poser un radi­cal indo-euro­péen *ar- signi­fiant « joindre, adap­ter, com­bi­ner », visible en anglais dans arm « bras » et en fran­çais dans articu­la­tion, arme, art… et même dans arith­mé­tique… mais, par un enchaî­ne­ment d’idées qui entraî­ne­rait trop loin du sujet de cet article.

Et donc l’anglais arm « bras » a bien un rap­port avec une arme, en anglais arm (du fran­çais) ou wea­pon (du germanique).

On évi­te­ra de tra­duire bras armé par armed arm ! On dira plu­tôt armed wing : le bras armé de l’Angleterre, serait une aile… d’avion de combat.


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En illus­tra­tion : Les armes (ou armoi­ries) de l’X repré­sentent les attri­buts des trois armées : terre, avec l’armure et le casque napo­léo­nien du génie, ain­si que les canons de l’artillerie, mer, avec l’ancre, et air, avec les ailes. © École poly­tech­nique – J. Barande

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