Le cadre d’un nouvel essor

Dossier : ExpressionsMagazine N°685 Mai 2013
Par Hubert JACQUET (64)

Attractivité et compétitivité

L’École poly­tech­nique, tou­jours pre­mière en France, occupe un rang plus modeste dans les clas­se­ments internationaux1. Le chal­lenge, pour elle, est de ren­for­cer sa noto­rié­té non seule­ment pour gar­der les meilleurs élé­ments fran­çais, mais aus­si pour atti­rer des talents étrangers.

La stra­té­gie rete­nue vise à ren­for­cer les atouts d’un ensei­gne­ment plu­ri­dis­ci­pli­naire de haut niveau, for­mant des ingé­nieurs capables d’appréhender des pro­blèmes com­plexes et maî­tri­sant les tech­no­lo­gies à base scien­ti­fique (science based engi­nee­ring). La place don­née à la for­ma­tion humaine, la sélec­tion à l’entrée et la soli­di­té des études scien­ti­fiques sont réaffirmées.

Un nouveau contrat avec l’État

De nou­veaux par­te­na­riats à l’étranger
Le réseau de par­te­naires est en cours de révi­sion, avec le sou­ci d’une orien­ta­tion plus mar­quée et d’une vraie réci­pro­ci­té. Ain­si, l’accord signé avec Cal­tech (Cali­for­nia Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy) per­met à deux élèves de chaque ins­ti­tu­tion de suivre sans frais de sco­la­ri­té des cours dans l’autre.

Le contrat d’objectif et de per­for­mances éta­bli en 2012 conduit à amé­na­ger le cur­sus des études et les méthodes péda­go­giques, mais en conser­vant le prin­cipe d’une for­ma­tion sur trois cycles.

La période de for­ma­tion humaine est réduite d’un mois au béné­fice du tronc com­mun, ren­du moins « dense ». Le stage en entre­prise est plus long (trois mois) et mieux posi­tion­né dans le cur­sus (juin de la deuxième année).

Un stage de recherche de six mois est orga­ni­sé en fin de troi­sième année. Les pro­jets scien­ti­fiques col­lec­tifs peuvent désor­mais se pour­suivre en troi­sième, voire en qua­trième année.

Les méthodes péda­go­giques ren­forcent l’initiative et l’autonomie des élèves. Elles mettent l’accent sur l’innovation et l’entrepreneuriat.

La cohé­rence du pro­jet péda­go­gique est ren­for­cée, en par­ti­cu­lier par l’identification de « par­cours » et une meilleure arti­cu­la­tion entre troi­sième et qua­trième année.

En effet, les quelques cen­taines d’options offertes en der­nière année se révèlent trop nom­breuses pour orga­ni­ser un bon sui­vi des par­cours et une vraie coopé­ra­tion avec les éta­blis­se­ments accueillant les élèves. Le nombre d’options devrait être rame­né à une cin­quan­taine, et la qua­trième année pour­ra se dérou­ler sur le cam­pus de l’École. Les élèves pour­ront aus­si suivre des stages dans des uni­ver­si­tés étran­gères avant la qua­trième année.

La recherche se trouve lar­ge­ment ren­for­cée par les par­te­na­riats avec d’autres écoles ou ins­ti­tu­tions et la construc­tion de 4 000 m² de laboratoires.

Paris-Saclay : un projet complexe

Le nombre éle­vé de par­ties pre­nantes, la taille de l’opération – Paris- Saclay, c’est deux fois Har­vard –, le carac­tère encore flou du péri­mètre de l’opération rendent les choses com­pli­quées. L’idée n’est pas de fusion­ner les éta­blis­se­ments concer­nés, mais de créer un cadre per­met­tant de déve­lop­per des coopé­ra­tions et de don­ner à l’ensemble une grande visi­bi­li­té internationale.

Paris-Saclay, c’est deux fois Harvard

La mutua­li­sa­tion de cer­taines fonc­tions doit ame­ner des éco­no­mies. Mais cha­cun garde son iden­ti­té propre. En par­ti­cu­lier, l’École reste sous tutelle du minis­tère de la Défense.

En atten­dant que se concré­tise ce grand pro­jet, l’École déve­loppe des coopé­ra­tions fortes avec les ins­ti­tu­tions et entre­prises éta­blies sur le cam­pus de Palaiseau.

Le nombre d’étudiants va dou­bler. Des centres de recherche vont s’y éta­blir. 2 500 loge­ments fami­liaux seront construits.

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1.  L’X est clas­sée au 41e rang mon­dial par le « QS World Uni­ver­si­ty Rankings ».

Quelques questions

Que devient ParisTech ?
Paris­Tech n’a plus voca­tion à être un Ins­ti­tut des sciences et tech­no­lo­gies d’Île-de-France, mais garde sa rai­son d’être pour des coopé­ra­tions péda­go­giques, pour des pro­jets com­muns et des actions à l’international. La meilleure illus­tra­tion en est l’ouverture récente d’une école d’ingénieurs créée à Shan­ghai par l’X, les Mines et Sup Télécom.

L’École des mines s’installera-t-elle à Palaiseau ?
La réponse est clai­re­ment non. Les Mines veulent res­ter à Paris et s’engagent dans un par­te­na­riat avec l’ENS-Ulm et Paris-Dau­phine. Tou­te­fois, l’X veille­ra à main­te­nir les coopé­ra­tions exis­tantes avec cette école.

Il a été envi­sa­gé un rat­ta­che­ment des classes pré­pa­ra­toires aux uni­ver­si­tés. Qu’en est-il ?
Ce rat­ta­che­ment a effec­ti­ve­ment été envi­sa­gé, mais la mobi­li­sa­tion d’un cer­tain nombre d’acteurs a conduit à un texte qui main­tient le sta­tut actuel des classes pré­pa­ra­toires. Il est sti­pu­lé que celles-ci peuvent pas­ser une conven­tion avec des universités.

Le stage de recherche de la troi­sième année pour­ra-t-il se faire en entre­prise ou à l’étranger ?
Le stage pour­ra se faire en entre­prise, mais l’École veille­ra à ce que ce ne soit pas un stage de décou­verte de l’entreprise. Il pour­ra éga­le­ment avoir lieu à l’étranger, en milieu aca­dé­mique ou non. C’est un élé­ment impor­tant du par­cours, car, pour les 70 % des élèves qui ne pour­suivent pas un doc­to­rat, il est bon d’avoir été confron­té à la recherche. Savoir dia­lo­guer avec des cher­cheurs et les com­prendre est de plus en plus indispensable.

L’École res­te­ra-t-elle une école militaire ?
L’École res­te­ra rat­ta­chée au minis­tère de la Défense, et il n’y pas de rai­son que cela change. L’idée d’une tutelle conjointe entre Défense et Ensei­gne­ment supé­rieur avait été émise, mais elle est aban­don­née. Le bud­get de l’École reste donc por­té par le minis­tère de la Défense. C’est une bonne chose, même si les années qui viennent ne seront pas faciles.

Le déve­lop­pe­ment de la ges­tion ne se fait-il pas au détri­ment des humanités ?
Le dépar­te­ment HSS (huma­ni­tés et sciences sociales) garde une place impor­tante, et l’offre en for­ma­tion cultu­relle est très riche. Mais le mot ges­tion n’est pas tabou.

Com­ment enten­dez-vous pré­ser­ver le rôle tra­di­tion­nel de pour­voyeur d’ingénieurs de l’État ?
Les débou­chés offerts par l’État sont impor­tants et par­ti­cipent à la légi­ti­mi­té de l’École. Le nombre de places offertes est en baisse (68 en 2012). Mais l’École tra­vaille avec les Corps sur la for­ma­tion de qua­trième année.

Les bâti­ments de l’École ont mal vieilli. Qu’est-il pré­vu pour y remédier ?
De nou­veaux amphi­théâtres seront construits, et l’existant sera amé­lio­ré mal­gré nos contraintes budgétaires.

Com­ment pro­mou­voir l’École si l’on n’encourage pas les élèves de qua­trième année à par­tir dans des uni­ver­si­tés étrangères ?
L’École veut res­ter ouverte à l’international et est fière des suc­cès de ses élèves qui pour­suivent leur qua­trième année à l’étranger. Cette pos­si­bi­li­té reste ouverte, mais il paraît sou­hai­table d’encourager les élèves à faire un stage de six mois dans une uni­ver­si­té étran­gère au cours de la troi­sième année, puis de reve­nir en France pour la qua­trième année.

Quel gain de temps appor­te­ra le métro ? L’École est-elle consul­tée sur les pro­jets d’urbanisme à Palaiseau ?
Le métro amé­lio­re­ra la des­serte de l’X les same­dis et dimanches, mais ne rac­cour­ci­ra pas les temps de tra­jet actuels. Le plan d’urbanisme de Palai­seau mobi­lise l’École, les ensei­gnants et cher­cheurs, le per­son­nel et les élèves. On essaye de peser sur les déci­sions, mais on peut craindre de ne pas être tota­le­ment enten­du. Il était envi­sa­gé de construire des loge­ments sur le cam­pus : l’existence de cer­tains ter­rains de sport était com­pro­mise. Nous avons pu évi­ter ces disparitions.

Le cam­pus n’est vivant que cinq jours sur sept. Com­ment rega­gner en attrac­ti­vi­té par rap­port aux écoles qui sont dans Paris ?
C’est une pré­oc­cu­pa­tion majeure. La construc­tion de loge­ments entraî­ne­ra le déve­lop­pe­ment de com­merces de proxi­mi­té. À l’intérieur de l’École, on va essayer de rendre le Grand Hall plus vivant et d’en faire une place de village.

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