Le Barbier de Séville et Les Noces de Figaro

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°640 Décembre 2008Par : G. Rossini et W.A. MozartRédacteur : Marc DARMON (83)

Coffret du DVD Le Barbier de SévilleLes deux pièces de Beau­mar­chais ont fourni le livret des plus impor­tants opéras de deux magi­ciens de l’art lyrique, Mozart et Rossi­ni. Cha­cune est d’ailleurs par­faite­ment adap­tée au com­pos­i­teur qui l’a mise en musique et les opéras en soulig­nent encore davan­tage les dif­férences. Le Bar­bi­er de Séville, pleine de légèreté et par­fois de bouf­fon­ner­ie, suc­ces­sion de sit­u­a­tions invraisem­blables et d’épisodes bur­lesques, avec un Figaro sou­vent pataud et tou­jours van­tard, a bien naturelle­ment séduit Rossi­ni. Le Mariage de Figaro, bien plus fin et plus con­stru­it, véri­ta­ble pièce des Lumières, avec ses six per­son­nages beau­coup plus com­plex­es et sub­tils, et un Figaro plus malin et plus agile, était bien sûr adap­té à Mozart.

Ces deux pro­duc­tions sont prob­a­ble­ment par­mi les meilleures de ces dernières années, avec des décors et une mise en scène d’exception.

Le Bar­bi­er de Séville de l’Opéra Bastille, mis en scène par Col­ine Ser­reau en 2002 et repris cette année à Paris, est mag­nifique. Les décors rap­pel­lent que Séville a été occupée qua­tre cents ans par les musul­mans qui y ont lais­sé une forte empreinte. Ce sont les plus beaux décors vus depuis longtemps, les dif­férentes scènes nous mon­trant patios et extérieurs aux couleurs de l’Andalousie musul­mane (azule­jos…). La mise en scène est sim­ple et effi­cace, avec de vrais moments forts comme cet Air de la calom­nie chan­té par un Basilio de plus de deux mètres, véri­ta­ble­ment impres­sion­nant et inté­grale­ment cocasse. En fait la mise en scène fait preuve d’équilibre entre comique, voire bur­lesque (comme ce Figaro recou­vert de télé­phones porta­bles), et clas­si­cisme (comme ces ensem­bles un rien sta­tiques, aux antipodes des effer­ves­cences et agi­ta­tions qu’on a pu voir dans d’autres pro­duc­tions). Le comte Alma­vi­va mag­nifique­ment chan­té par Rober­to Sac­cà est en fait le vrai héros de l’opéra. L’air assez long où il con­verse avec ses hommes de main est, avec l’Air de la calom­nie déjà cité, un des moments forts du DVD. Ajou­tons que l’image de grande qual­ité rend jus­tice aux cos­tumes et aux superbes décors, et que l’opéra est très bien enreg­istré ce qui donne un plaisir peut-être supérieur à ce que l’on peut enten­dre dans l’acoustique par­fois dif­fi­cile et ingrate de l’Opéra Bastille.

La pro­duc­tion des Noces de Figaro à l’Opéra lon­donien de Covent Gar­den mérite égale­ment d’être con­servée. Ici il n’y a plus de comique, seul par­fois un humour fin dans une atmo­sphère et des lumières à la Wat­teau ou Frag­o­nard. Les grandes car­ac­téris­tiques de cette pro­duc­tion sont un jeu d’acteur digne du théâtre, des cos­tumes et des décors somptueux, décors changeant à vue entre les actes de façon impres­sion­nante et effi­cace et un ensem­ble musi­cal de tout pre­mier plan.

Le chef Anto­nio Pap­pano, qui tient aus­si le clavecin lors des réc­i­tat­ifs, dirige un ensem­ble d’une très haute musi­cal­ité : le Figaro d’E. Schrott a une présence phénomé­nale, le comte de G. Fin­ley joue bien les dif­férents états d’esprit du per­son­nage (amoureux et égril­lard, puis menaçant et méchant, puis per­du et péni­tent), le Basilio de P. Lan­gridge sem­blant le seul per­son­nage issu du Bar­bi­er de Séville lance le fameux cosi fan tutte qui fait le lien avec l’opéra suiv­ant de Mozart. Les chanteuses sont encore plus excep­tion­nelles : le voi che sapete de Chéru­bin (où l’on voit comme au théâtre la comtesse se laiss­er peu à peu séduire, et Suzanne accom­pa­g­n­er le page à la gui­tare) est un enchante­ment, le por­gi amor de la comtesse de D. Röschmann, le dove sono de la Suzanne pétil­lante de Miah Pers­son sont de grands moments de l’opéra.

Vrai­ment, ces Noces de Figaro sont peut-être le DVD à pos­séder en pri­or­ité pour se con­va­in­cre de l’intérêt de l’opéra en image.

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