33 CD l'œuvre complète de Debussy

DEBUSSY : l’intégrale de l’œuvre d’un coloriste

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°733 Mars 2018Rédacteur : Jean SALMONA (56)Editeur : 33 CD WARNER

À l’occasion du cen­tième anniver­saire de la mort de Debussy, Warn­er pub­lie en un cof­fret l’absolue total­ité de son œuvre1.

Défi « hénau­rme », entre­prise colos­sale. Rien n’y manque : œuvres inachevées (comme les opéras La Chute de la Mai­son Ush­er, Rodrigue et Chimène), ver­sions divers­es d’une même pièce (à côté de la ver­sion orches­trale de La Mer, par exem­ple, la tran­scrip­tion pour deux pianos), des incun­ables comme des pièces pour piano enreg­istrées sur rouleau par Debussy, et même les Ari­ettes oubliées et un air de Mélisande où le com­pos­i­teur accom­pa­gne au piano la créa­trice du rôle, Mary Garden. 

Les inter­prètes sont très divers : à l’orchestre, des chefs légendaires comme André Cluytens, Jean Mar­ti­non, Car­lo Maria Giuli­ni et aus­si Armin Jor­dan, Kent Nagano, Daniel Baremboim. 

Une pléi­ade de voix, dont Natal­ie Dessay, Véronique Gens, Natal­ie Pérez, José Van Dam… Pour le Quatuor, l’enregistrement de référence, insur­pass­able, du Quatuor Ébène. 

Quant au piano, Warn­er a fait le choix de ne pas repren­dre l’intégrale Giesek­ing repub­liée récem­ment et de faire appel à des inter­prètes his­toriques – comme Sam­son François, Aldo Cic­col­i­ni – et con­tem­po­rains : Pierre- Lau­rent Aimard, Philippe Cas­sard, Bertrand Chamay­ou, Youri Egorov, tous spé­cial­istes de Debussy. 

Ajou­tons que le livret du cof­fret est remar­quable­ment fait, situ­ant chaque œuvre dans la vie de Debussy et ses rela­tions avec ses con­tem­po­rains. Il n’est évidem­ment pas ques­tion d’écouter d’une traite cette somme. De plus, Debussy n’a pas écrit que des chefs‑d’œuvre.

Il y a quelques pièces de cir­con­stance (morceaux de con­cours, com­man­des ali­men­taires, adap­ta­tions telle la Plus que lente pour cym­balum et orchestre) qui sont de sim­ples curiosités. 

Mais le par­cours – pas­sion­nant – des pièces sec­ondaires et inédites, celui des œuvres inex­plic­a­ble­ment peu jouées comme Le Mar­tyre de saint Sébastien, et la réé­coute des pièces majeures per­me­t­tent de décou­vrir quelques constantes. 

Tout d’abord, Debussy est un pein­tre, un col­oriste. Depuis le Trio, écrit à dix-huit ans et dont le style ne se dif­féren­cie pas de celui de Saint-Saëns, jusqu’à la Sonate pour vio­lon et piano et les Études pour piano, en pas­sant par le Prélude à l’après-midi d’un faune et les Noc­turnes, Debussy s’attache aux couleurs, ce qui n’est guère sur­prenant : pianiste moyen, il était recon­nu non pour sa vir­tu­osité mais pour son toucher. 

Ensuite, même s’il s’en défend dans sa cor­re­spon­dance, Debussy ne cher­chait pas à provo­quer l’émotion. À la dif­férence de celle de Rav­el, sa musique, sans être cérébrale, n’est pas sensuelle. 

Si l’on veut à toute force le com­par­er à ses con­tem­po­rains pein­tres, c’est non des impres­sion­nistes mais des sym­bol­istes (Gus­tave More­au, Odilon Redon) que cet ami de Mal­lar­mé est le plus proche. 

Enfin, et surtout, Debussy est un chercheur. Sa manière est de plus en plus com­plexe au fil du temps. Il invente des har­monies improb­a­bles, des tim­bres inouïs.

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1. 33 CD WARNER 

Le clip de Warner

In the Footsteps of Debussy (Part1 9:37, Part2 7:47, Part3 5:31

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