Inauguration du siège de la Division antarctique australienne à Kingston, Tasmanie, par le Prince Charles en 1981.

L’Australie, un paradis pour la science

Dossier : L'AustralieMagazine N°592 Février 2004Par Gérard SICLET

Pays riche, faible­ment peu­plé, moins de 20 mil­lions d’habi­tants, mais dis­posant d’une main-d’œu­vre de qual­ité, l’Aus­tralie a su maîtris­er son espace, 14 fois la France, et son éloigne­ment pour entr­er dans le groupe des nations sci­en­tifiques et tech­nologiques les plus avancées. Avec une struc­ture fédérale où cinq États béné­fi­cient d’une réelle autonomie l’Aus­tralie a mis en place des struc­tures sci­en­tifiques dynamiques et orig­i­nales. L’im­pul­sion et le finance­ment vien­nent pour la plus grande part de l’É­tat fédéral. Celui-ci a forte­ment encour­agé depuis la fin de la Sec­onde Guerre mon­di­ale la créa­tion de grands organ­ismes de recherche et d’u­ni­ver­sités de haut niveau dans les pôles urbains de Syd­ney, Mel­bourne, Can­ber­ra, Bris­bane, Ade­laïde et Perth.

Cette poli­tique a don­né une image d’ex­cel­lence à la recherche sci­en­tifique aus­trali­enne, déjà hon­orée par sept prix Nobel. Un effort con­tinu est con­duit par les pou­voirs publics depuis une dizaine d’an­nées en faveur de la recherche indus­trielle et de sa val­ori­sa­tion, longtemps con­sid­érées comme des points faibles. Avec un niveau d’in­vestisse­ment glob­al en R&D com­pa­ra­ble à celui de la Suède ou de la Hol­lande, l’Aus­tralie n’ar­rive encore qu’au 17e rang des pays de l’OCDE, en ter­mes de pour­cent­age du PIB (1,5 %), mais elle fig­ure au 4e rang pour la recherche de base. Selon les sta­tis­tiques offi­cielles les chercheurs aus­traliens par­ticipent pour 2 % à la pro­duc­tion mon­di­ale de pub­li­ca­tions sci­en­tifiques, soit par tête d’habi­tant un chiffre com­pa­ra­ble à celui des États-Unis ou de la Grande-Bretagne.

La local­i­sa­tion à Can­ber­ra, la cap­i­tale fédérale, des min­istères tech­niques et des organes con­sul­tat­ifs (dont les ser­vices du Chief Sci­en­tist, de l’A­cadémie des sci­ences et de la Con­férence des prési­dents d’u­ni­ver­sités), des cen­tres de déci­sion des grands organ­ismes de recherche et des agences de finance­ment est un fac­teur très favor­able à la con­cer­ta­tion, au choix et à la mise en œuvre des pri­or­ités, ain­si qu’à l’é­val­u­a­tion qua­si per­ma­nente des résul­tats qui est une des car­ac­téris­tiques de l’ad­min­is­tra­tion australienne.

Les sta­tis­tiques gou­verne­men­tales font état d’un effec­tif de plus de 100 000 per­son­nes engagées en R et D, dont plus de 50 000 chercheurs con­fir­més, la moitié dans les uni­ver­sités qui délivrent chaque année 2 000 diplômes de doc­tor­at, et le reste à part égale entre les organ­ismes de recherche publics et les entre­pris­es. Cette pop­u­la­tion est ren­for­cée chaque année par un ” Brain Gain ” de 4 000 à 6 000 chercheurs, ingénieurs et enseignants, venant de l’é­tranger et attirés par les con­di­tions de vie et de tra­vail qui leur sont offertes en Australie.

De grands pôles de recherche de niveau international

L’os­sa­t­ure de la recherche fon­da­men­tale est con­sti­tuée par les insti­tuts et lab­o­ra­toires de 9 des 36 uni­ver­sités aus­trali­ennes : trois uni­ver­sités à Syd­ney (Uni­ver­si­ty of Syd­ney, Uni­ver­si­ty of tech­nol­o­gy of Syd­ney ou UTS, Uni­ver­si­ty of New South Wales ou UNSW), deux uni­ver­sités à Mel­bourne (Uni­ver­si­ty of Mel­bourne, Monash Uni­ver­si­ty), à Can­ber­ra (Aus­tralian Nation­al Uni­ver­si­ty, ANU), à Bris­bane (Uni­ver­si­ty of Queens­land), à Ade­laïde (Uni­ver­si­ty of Ade­laïde), à Perth (Uni­ver­si­ty of West­ern Australia).


Inau­gu­ra­tion du siège de la Divi­sion antarc­tique aus­trali­enne à Kingston, Tas­man­ie, par le Prince Charles en 1981.

Celles-ci reçoivent une bonne part des fonds dis­tribués par l’Aus­tralian Research Coun­cil (ARC), une agence de moyens du min­istère de l’É­d­u­ca­tion et de la Sci­ence dirigée par la biol­o­giste Vic­ki Sara. En 2002 l’ARC avait retenu qua­tre axes pri­or­i­taires : les nano et bio­matéri­aux, les biotech­nolo­gies post­génomiques, les sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tion, les sci­ences et tech­nolo­gies photoniques.

Le CSIRO (Com­mon­wealth Sci­en­tif­ic and Indus­tri­al Research Orga­ni­za­tion) est une organ­i­sa­tion à voca­tion indus­trielle, mais aus­si impliquée en recherche de base, qui a peu d’équiv­a­lents ailleurs si ce n’est dans une cer­taine mesure le TNO néer­landais. Le CSIRO occupe une posi­tion dom­i­nante dans le paysage aus­tralien avec plus de 7 000 chercheurs, ingénieurs et tech­ni­ciens, répar­tis dans une cen­taine de centres.

Extrême­ment diver­si­fiées les activ­ités du CSIRO sont struc­turées en 25 divi­sions opéra­tionnelles cou­vrant un éven­tail très large de dis­ci­plines. Qua­tre divi­sions opèrent dans les secteurs des ressources minières, pétrolières et de l’én­ergie qui con­stituent un des piliers de l’é­conomie aus­trali­enne. En effet les expor­ta­tions de pro­duits miniers et pétroliers, com­plétées par les ventes de savoir-faire tech­nologique en prospec­tion, extrac­tion et traite­ment, représen­tent plus de trente pour cent du PIB australien.

Le CSIRO a d’autres points forts : en biotech­nolo­gies végé­tales, en infor­ma­tique, en sci­ences de l’en­vi­ron­nement et dans la ges­tion des grands équipements de recherche notam­ment en radioas­tronomie. Les équipes du CSIRO sont sou­vent regroupées par pôles de com­pé­tences : explo­ration minière à Perth et à Bris­bane, biotech­nolo­gies végé­tales à Can­ber­ra et Ade­laïde, océanogra­phie, pêche et aqua­cul­ture à Hobart. Tout en étant large­ment ouverts sur la recherche uni­ver­si­taire les lab­o­ra­toires du CSIRO sont par­venus à dévelop­per une véri­ta­ble cul­ture d’en­tre­prise, mar­quée par le souci de la pro­tec­tion du savoir-faire et la recherche de con­trats avec les com­pag­nies améri­caines, japon­ais­es et européennes.

Le sec­ond organ­isme, par la taille, est le DSTO (Defence Sci­ence and Tech­nol­o­gy Orga­ni­za­tion) qui dépend directe­ment du min­istère de la Défense. Dirigé par le Chief Defence Sci­en­tist le DSTO emploie 2 600 per­son­nes dans ses lab­o­ra­toires de Mel­bourne, Ade­laïde, Perth et son siège à Can­ber­ra. Égale­ment agence de moyens, le DSTO a dévelop­pé une grande com­pé­tence dans le domaine des radars tran­shori­zon, des logi­ciels de sur­veil­lance aéri­enne, des télé­com­mu­ni­ca­tions et de la mod­éli­sa­tion informatique.

Plus mod­este l’Aus­tralian Geo­log­i­cal Sur­vey Orga­ni­za­tion (AGSO), dev­enue Geo­science Aus­tralia, four­nit depuis son cen­tre de Can­ber­ra les don­nées car­tographiques et géo­tec­toniques de base pour l’ex­plo­ration et l’ex­ploita­tion du con­ti­nent et du domaine marin aus­tralien. Le Bureau de météorolo­gie (BOM), à Mel­bourne, est un des plus avancés de l’hémis­phère Sud pour la mise au point et l’u­til­i­sa­tion des mod­èles spec­traux atmo­sphériques. L’In­sti­tut pour les sci­ences de la mer (AIMS), à Townsville près de la Grande Bar­rière de corail, est spé­cial­isé dans l’océanolo­gie trop­i­cale. L’Aus­tralian Antarc­tic Divi­sion à Hobart en Tas­man­ie est chargée de la logis­tique des expédi­tions et des bases antarc­tiques de Davis, Maw­son et Casey.

L’ANSTO, le CEA aus­tralien, créé en 1958 fait fig­ure de par­ent pau­vre. Dans son unique cen­tre de recherche à Lucas Heights près de Syd­ney, l’ANSTO gère un réac­teur de recherche de 10 MW à ura­ni­um enrichi, en cours de rem­place­ment. Mal­gré ses impor­tantes réserves d’u­ra­ni­um l’Aus­tralie n’a pas de pro­gramme de développe­ment de l’én­ergie nucléaire. Sous la direc­tion de la biol­o­giste Helen Gar­nett l’ANSTO s’est ori­en­té vers la médecine nucléaire, la four­ni­ture de radionu­cléides, la mise au point de matéri­aux com­pos­ites et de céramiques à très haute sta­bil­ité, util­is­ables notam­ment pour le stock­age des déchets radioac­t­ifs (procédé SYNROC).

Les pôles d’ex­cel­lence aus­traliens découlent pour une bonne part de la mise en valeur de cet immense ter­ri­toire et de la volon­té de s’af­franchir des dis­tances et de l’isole­ment. C’est ain­si que l’Aus­tralie s’est dotée d’une recherche de tout pre­mier plan dans le domaine des télé­com­mu­ni­ca­tions, du traite­ment du sig­nal, et de l’ingénierie infor­ma­tique, avec des points forts dans le traite­ment d’im­ages, les trans­ports intel­li­gents, la mise au point de sys­tèmes d’ori­en­ta­tion pour les robots et les satel­lites. Les lab­o­ra­toires de la société nationale de télé­com­mu­ni­ca­tion TELSTRA, du CSIRO, du DSTO, les cen­tres de recherche coopérat­ifs d’Ade­laïde, Can­ber­ra et Syd­ney con­stituent un véri­ta­ble réseau, ren­for­cé par la créa­tion récente d’un con­sor­tium nation­al focal­isé sur les cap­teurs et les sys­tèmes intelligents.

L’Aus­tralie est un des pays les plus avancés dans le domaine des sci­ences de la terre. Les insti­tuts de géo­physique et de géolo­gie des uni­ver­sités de Can­ber­ra et de Perth, le cen­tre de tech­nolo­gie minière de Bris­bane, les lab­o­ra­toires du CSIRO et de l’AG­SO font autorité. La puis­sante asso­ci­a­tion des indus­tries minières, AMIRA, qui regroupe 130 com­pag­nies, ini­tie et coor­donne des con­trats qui sont con­duits par les lab­o­ra­toires publics.

Les rav­ages exer­cés sur un envi­ron­nement rel­a­tive­ment frag­ile par l’ex­ploita­tion minière, ain­si que par l’a­gri­cul­ture et l’él­e­vage exten­sif ont provo­qué une prise de con­science des pou­voirs publics et des milieux sci­en­tifiques. La pro­tec­tion des sols, les change­ments cli­ma­tiques, la pro­tec­tion des espèces vivantes sont devenus le point de ren­con­tre de tout un ensem­ble de lab­o­ra­toires pluridis­ci­plinaires qui ont don­né aux chercheurs aus­traliens une forte audi­ence dans les instances inter­na­tionales. C’est ain­si que plus de 320 sci­en­tifiques aus­traliens exer­cent des respon­s­abil­ités comme mem­bres ou prési­dents des divers­es com­mis­sions et groupes de tra­vail des unions sci­en­tifiques inter­na­tionales et comités inter­dis­ci­plinaires du Con­seil inter­na­tion­al de la sci­ence (ICSU), soit autant que les Français et autant que les Allemands.

L’Aus­tralie est un grand pays d’él­e­vage et un impor­tant pro­duc­teur et expor­ta­teur de laine, de coton et de céréales. L’ex­ploita­tion de ces ressources a eu pour corol­laire le développe­ment d’un fort poten­tiel en bio­sciences, financé en par­tie par les tax­es perçues sur les pro­duc­teurs. Les biotech­nolo­gies sont dev­enues une des pri­or­ités des pou­voirs publics depuis une dizaine d’an­nées. Les travaux sur les plantes trans­géniques, déjà très avancés, font l’ob­jet d’une régle­men­ta­tion récem­ment mise à jour, mais rel­a­tive­ment sou­ple. Les recherch­es en biotech­nolo­gie végé­tale sont con­cen­trées dans les uni­ver­sités et les divi­sions Plant Indus­try et Hor­ti­cul­ture du CSIRO de Can­ber­ra et d’Ade­laïde. Cette dernière ville abrite en out­re un cen­tre de recherche vitivini­cole de niveau inter­na­tion­al qui épaule la crois­sance par­ti­c­ulière­ment rapi­de de ce secteur.

La recherche bio­médi­cale, soutenue par une agence fédérale le Nation­al Health and Med­ical Coun­cil, est un autre point fort qui sus­cite un intérêt de plus en plus mar­qué de la part des entre­pris­es phar­ma­ceu­tiques européennes et améri­caines. Les recherch­es en post­génomique, pro­téomique, bio-infor­ma­tique béné­fi­cient de grands équipements récents : l’Aus­tralian Pro­teome Analy­sis Facil­i­ty à Syd­ney, l’Aus­tralian Genome Research Facil­i­ty à Mel­bourne et à Bris­bane, où se met en place actuelle­ment un très ambitieux Insti­tute for mol­e­c­u­lar Bio­sciences. Mel­bourne con­cen­tre une part impor­tante de la recherche bio­médi­cale avec l’U­ni­ver­sité Monash et l’In­sti­tut d’im­munolo­gie Wal­ter et Elisa Hall dirigé par Suzanne Cory, mem­bre asso­cié de notre Académie des sci­ences. Mais il ne faut pas oubli­er l’In­sti­tut Gar­van à Syd­ney et l’In­sti­tut John Curtin à Can­ber­ra, très con­nu pour ses travaux sur le dia­bète et dont trois anciens chercheurs ont reçu le prix Nobel (Mac Far­lane Bur­net en 1960, Peter Doher­ty et le Suisse Rolf Zinker­nagel en 1996).

On esti­mait en 2002 à 5 700 le nom­bre de per­son­nes employées dans les 650 PME de biotech­nolo­gie aus­trali­ennes, dont la moitié dans le domaine de la san­té. Ces sociétés se répar­tis­sent prin­ci­pale­ment entre les pôles de Syd­ney et de Mel­bourne, mais le pôle de Bris­bane fait fig­ure de con­cur­rent de plus en plus crédible.

Le radiotélescope de Parkes en Nouvelle-Galles-du-Sud, propriété du CSIRO. Ce radiotélescope a été utilisé au cours de la mission Giotto de l’Agence spatiale européenne.
Le radiotéle­scope de Parkes en Nou­velle-Galles-du-Sud, pro­priété du CSIRO.
Ce radiotéle­scope a été util­isé au cours de la mis­sion Giot­to de l’Agence spa­tiale européenne.

L’Aus­tralie a hérité de la péri­ode bri­tan­nique d’un réseau impor­tant de téle­scopes et de radiotéle­scopes, dont cer­tains ont été remis à niveau et accueil­lent de nom­breux chercheurs étrangers. On peut être sur­pris par con­tre par la place mod­este que tient la recherche aéro­nau­tique et spa­tiale, qui se can­tonne pour l’essen­tiel à la mise au point de cap­teurs et de com­posants pour les satel­lites et les équipements de télédé­tec­tion. On peut remar­quer que le satel­lite aus­tralien C1 de télé­com­mu­ni­ca­tion civile et mil­i­taire, lancé le 11 juin 2003 par une fusée Ari­ane 5, avait été conçu et assem­blé aux États-Unis.

Dans le domaine des grands équipements de physique, con­sid­éré tra­di­tion­nelle­ment comme un point faible, la sit­u­a­tion devrait s’amélior­er pro­gres­sive­ment avec, out­re le nou­veau réac­teur de recherche de l’ANSTO en cours de con­struc­tion, la mise en route envis­agée pour 2007 d’un syn­chro­tron à Mel­bourne financé par l’É­tat du Vic­to­ria. Dans le domaine des nanosciences un recense­ment récent a per­mis d’i­den­ti­fi­er une ving­taine de cen­tres de recherche publics et une ving­taine d’en­tre­pris­es dis­posant d’une bonne exper­tise en nanomatéri­aux, tech­nolo­gies optiques et nanobiotechnologies.

Enfin il ne faut pas oubli­er les sci­ences humaines avec la présence d’un pôle d’é­tude de renom­mée mon­di­ale sur l’In­donésie, le Sud-Est asi­a­tique et les sociétés insu­laires du Paci­fique-Sud : Papouasie, Mélanésie, Polynésie. La Research School of Pacif­ic and Asian Stud­ies de l’U­ni­ver­sité nationale à Can­ber­ra est con­sid­érée comme un cen­tre de référence pour l’é­tude ethno­graphique, mais aus­si socioé­conomique et cul­turelle de ces zones, dont cer­taines con­nais­sent depuis quelques décen­nies de véri­ta­bles boule­verse­ments sous l’im­pact de la sur­ex­ploita­tion de leurs ressources marines, minières et forestières.

Une réussite : les centres de recherche coopératifs

Héri­tière d’une économie de type colo­nial l’in­dus­trie aus­trali­enne est encore large­ment com­posée de fil­iales de groupes étrangers. En 2001 on ne comp­tait que qua­tre entre­pris­es aus­trali­ennes dans le classe­ment des 400 plus grandes sociétés mon­di­ales. Les gou­verne­ments tra­vail­listes, suiv­is par les con­ser­va­teurs, se sont attachés à favoris­er la créa­tion d’un tis­su de PME de haute tech­nolo­gie, mais aus­si à inciter les multi­na­tionales à implanter leurs cen­tres de recherche en Aus­tralie. En plus d’inci­ta­tions fis­cales de type clas­sique une des ini­tia­tives les plus réussies a été la créa­tion en 1991 des CRC (Coop­er­a­tive Research Cen­tres).

Ces struc­tures sou­ples et opéra­tionnelles ont pour fonc­tion de fédér­er des lab­o­ra­toires de recherche d’u­ni­ver­sités, de grands organ­ismes et d’en­tre­pris­es, autour de pro­jets com­muns. L’as­tuce a été de don­ner aux CRC une struc­ture juridique et un mode de fonc­tion­nement le plus proche pos­si­ble d’une petite entre­prise. Chaque CRC est placé sous l’au­torité d’un directeur, lui-même respon­s­able devant un con­seil d’ad­min­is­tra­tion con­sti­tué des représen­tants des organ­i­sa­tions parte­naires. Les cen­tres définis­sent eux-mêmes leur stratégie et leur poli­tique de partage et de pro­tec­tion du savoir-faire. Une entre­prise étrangère peut être mem­bre d’un CRC. L’inci­ta­tion finan­cière est fournie par le gou­verne­ment fédéral qui apporte à chaque CRC une sub­ven­tion pou­vant attein­dre la moitié des coûts de mise en place et de fonc­tion­nement. C’est le min­istère chargé de l’In­dus­trie qui donne le feu vert pour la créa­tion d’un nou­veau CRC, en fonc­tion de la qual­ité du pro­jet présen­té et de l’in­térêt stratégique du domaine concerné.

En 2002 on comp­tait 71 CRC répar­tis dans toutes les métrop­o­les aus­trali­ennes et cou­vrant des domaines aus­si var­iés que le génie des procédés, les tech­nolo­gies médi­cales, le traite­ment des eaux, les tech­nolo­gies minières, le génie infor­ma­tique. Con­crète­ment un CRC se présente comme une struc­ture légère, asso­ciant de 4 à 20 organ­i­sa­tions, coor­don­nant les activ­ités de 15 à 100 chercheurs, plus quelques doc­tor­ants, et béné­fi­ciant d’une sub­ven­tion annuelle pou­vant attein­dre l’équiv­a­lent de deux mil­lions d’eu­ros. Créé pour une durée de sept ans chaque CRC est éval­ué une pre­mière fois après trois ans d’ex­is­tence et plus en détail au bout de cinq ans. Par­mi les inno­va­tions qui ont débouché sur le plan indus­triel et com­mer­cial fig­urent des bio­matéri­aux, des implants médi­caux, des bioréac­t­ifs, des com­posants pho­toniques, des logi­ciels de procédés ou de contrôle.

Le lance­ment des CRC a eu pour autre con­séquence de stim­uler l’ef­fort nation­al de val­ori­sa­tion de la recherche que ce soit dans les grands organ­ismes ou dans les uni­ver­sités. La plu­part des grandes uni­ver­sités sont main­tenant dotées de sociétés de val­ori­sa­tion, dont cer­taines telles que Mon­tech (Uni­ver­sité Monash à Mel­bourne) ou Anutech (Uni­ver­sité nationale à Can­ber­ra) emploient plusieurs dizaines de per­ma­nents. Cette évo­lu­tion est con­fortée par la créa­tion de parcs indus­triels et tech­nologiques à prox­im­ité des pôles sci­en­tifiques. Par­mi les réus­sites il faut sig­naler le parc tech­nologique de Perth ouvert en 1985 à prox­im­ité de l’U­ni­ver­sité Curtin et l’Aus­tralian Tech­no­log­i­cal Parc à Syd­ney, ouvert en 1996 grâce à l’as­so­ci­a­tion des trois uni­ver­sités sci­en­tifiques de Sydney.

Une recherche scientifique très ouverte à la coopération internationale

La recherche aus­trali­enne est très large­ment ouverte à la coopéra­tion inter­na­tionale. Cette ten­dance est forte­ment encour­agée par les autorités fédérales qui présen­tent l’Aus­tralie comme un lieu d’im­plan­ta­tion idéal pour les activ­ités de R et D ori­en­tées vers les marchés asiatiques.

Avec ses 70 mètres de diamètre “ Deep Space Station 43 ” est la plus grande des 5 antennes du centre spatial de la NASA à Tibinbilla près de Canberra. Cette station suit les véhicules spatiaux qui explorent le système solaire et au-delà.
Avec ses 70 mètres de diamètre “ Deep Space Sta­tion 43 ” est la plus grande des 5 antennes du cen­tre spa­tial de la NASA à Tib­in­bil­la près de Can­ber­ra. Cette sta­tion suit les véhicules spa­ti­aux qui explorent le sys­tème solaire et au-delà.

Les échanges sci­en­tifiques avec les États-Unis sont per­ma­nents et informels dans tous les secteurs. Un des aspects les plus spec­tac­u­laires de cette coopéra­tion est illus­tré par la présence près de Can­ber­ra d’une des trois sta­tions de récep­tion de la Nasa chargées du suivi des véhicules spa­ti­aux, sans par­ler des instal­la­tions de la Nation­al Secu­ri­ty Agency près d’Al­ice Springs et en Australie-Occidentale.

Les liens cul­turels et économiques avec la Grande-Bre­tagne restent très forts. L’A­cadémie des sci­ences aus­trali­enne était jusqu’en 1954 une branche de la Roy­al Soci­ety. Plus de 20 % des cop­ub­li­ca­tions sci­en­tifiques avec des parte­naires étrangers se font avec le Royaume-Uni.

Les échanges avec le Japon, longtemps can­ton­nés au domaine économique, se sont main­tenant élar­gis aux sci­ences et aux tech­niques : recherch­es con­jointes en cli­ma­tolo­gie, util­i­sa­tion per­ma­nente du syn­chro­tron japon­ais de Tsuku­ba, coopéra­tion en physique du solide et dans le domaine du logi­ciel avec les uni­ver­sités et les entre­pris­es japon­ais­es, notam­ment Fujit­su. La coopéra­tion sci­en­tifique avec la Chine, la Corée et les pays du Sud-Est asi­a­tique se lim­ite à des actions de for­ma­tion et des mis­sions de con­seil et d’expertise.

L’Aus­tralie a signé en juil­let 1994 un accord de coopéra­tion sci­en­tifique et tech­nique avec l’U­nion européenne qui a per­mis aux chercheurs et organ­ismes aus­traliens d’être asso­ciés à une trentaine de pro­jets des 4e et 5e pro­grammes cadres, mais en prenant en charge leur pro­pre par­tic­i­pa­tion à ces pro­jets. Il sem­ble que les autorités aus­trali­ennes ne souhait­ent pas s’en­gager plus avant en deman­dant le statut de pays asso­cié, mais préfèrent étudi­er les pos­si­bil­ités de coopéra­tion au cas par cas.

La place particulière de la coopération scientifique franco-australienne

Un his­to­rien pour­rait faire remon­ter la col­lab­o­ra­tion sci­en­tifique avec la France au XVIIIe siè­cle ou au début du XIXe siè­cle lorsque les nav­i­ga­teurs français, Mar­i­on Dufresne, Saint Allouan, La Pérouse, d’En­tre­casteaux, Baudin, Freycinet, car­tographi­aient les côtes aus­trali­ennes. C’est en fait au cours de ces trois dernières décen­nies que la France et l’Aus­tralie ont appris à mieux se con­naître, et à iden­ti­fi­er des cen­tres d’in­térêt sci­en­tifique com­muns, dans le même temps où nos entre­pris­es investis­saient sur le sol aus­tralien. Toute une série d’ac­cords passés au niveau gou­verne­men­tal et entre grands organ­ismes et uni­ver­sités des deux pays ont con­tribué à créer un courant d’échange, qui n’a pas souf­fert des ten­sions poli­tiques périodiques.

En médecine nucléaire le CEA et l’ANSTO entre­ti­en­nent des échanges réguliers depuis 1992 qui s’élar­gis­sent main­tenant à des équipes uni­ver­si­taires. Le CSIRO pour sa part finance une quar­an­taine de pro­jets impli­quant une col­lab­o­ra­tion avec des équipes français­es, en par­ti­c­uli­er à Mont­pel­li­er où il dis­pose d’une antenne de son Insti­tut d’en­to­molo­gie. Plus de 60 lab­o­ra­toires du CNRS entre­ti­en­nent des rela­tions non for­mal­isées avec les lab­o­ra­toires aus­traliens. Env­i­ron 130 biol­o­gistes, physi­ciens, chimistes, astronomes du CNRS vien­nent chaque année en Aus­tralie pour des mis­sions allant de quelques semaines à plusieurs mois. Les recherch­es en sci­ences marines dans le Paci­fique-Sud, biolo­gie marine, géo­sciences marines, aqua­cul­ture, cli­ma­tolo­gie, con­stituent un ter­rain priv­ilégié de la coopéra­tion franco-australienne.

En 1998 et 1999 deux cam­pagnes con­jointes de l’AG­SO et de l’Ifre­mer ont mis en évi­dence un gise­ment d’hy­drates de gaz sous les fonds marins situés entre la Nou­velle-Calé­donie et la côte est de l’Aus­tralie. Depuis 2002 une équipe fran­co-aus­trali­enne asso­ciant l’u­ni­ver­sité de Polynésie française, l’IRD de Nouméa et un insti­tut de biolo­gie de Syd­ney explore la faune marine de Nou­velle-Calé­donie. Français et Aus­traliens col­la­borent au sein de l’I­CRI (Inter­na­tion­al Coral Reef Ini­tia­tive) pour la pro­tec­tion des récifs coral­liens, et égale­ment au sein de la CCAMLR, la Com­mis­sion pour la pro­tec­tion des ressources vivantes des eaux antarc­tiques dont le secré­tari­at per­ma­nent est instal­lé à Hobart.

Le con­ti­nent antarc­tique lui-même, vaste domaine de 14 mil­lions de km2, est devenu un espace de coopéra­tion fran­co-aus­trali­enne bien que l’Aus­tralie n’y ait que sus­pendu ses reven­di­ca­tions ter­ri­to­ri­ales. Hobart est le port d’at­tache de l’Astro­labe, le navire rav­i­tailleur de notre base de Dumont d’Urville en terre Adélie. Les chercheurs de l’u­ni­ver­sité de Tas­man­ie et de l’Aus­tralian Antarc­tic Divi­sion col­la­borent avec les équipes de l’IPEV (ex-IFRTP) de Greno­ble, Saclay et Stras­bourg. La coopéra­tion sur le site de Con­cor­dia, la nou­velle base antarc­tique fran­co-ital­i­enne, vient d’être illus­trée par la mise en place d’une sta­tion aus­trali­enne de mesure automa­tique de don­nées d’astrophysique.

Au niveau des échanges d’é­tu­di­ants et de doc­tor­ants, des accords ponctuels inclu­ant des cotutelles de thès­es ont été passés entre les étab­lisse­ments français et aus­traliens, avec des for­tunes divers­es selon l’ini­tia­tive et la per­sévérance des enseignants respon­s­ables. L’É­cole poly­tech­nique pour sa part envoie depuis plus de cinq ans des élèves-ingénieurs effectuer un stage de recherche dans les lab­o­ra­toires de l’U­ni­ver­sité nationale à Canberra.

L’ini­tia­tive la plus orig­i­nale et la plus emblé­ma­tique a vu le jour en 1991 avec le lance­ment du pro­gramme FAIR de coopéra­tion en recherche indus­trielle, soutenu par le min­istère des Affaires étrangères et le min­istère chargé de la Recherche. Ce pro­gramme, renou­velé en 1998 pour une durée de cinq ans, a précédé ou accom­pa­g­né les grandes entre­pris­es (Thalès, Lyon­naise des eaux, Viven­di, Chargeurs Réu­nis, Péchiney, Alca­tel, Pern­od-Ricard, Lima­grain, Sanofi-Syn­thélabo, Aven­tis, etc.) qui ont investi avec suc­cès dans ce con­ti­nent où elles emploient actuelle­ment plus de 50 000 personnes.

Depuis sa créa­tion FAIR a per­mis d’ini­ti­er des col­lab­o­ra­tions, main­tenant acces­si­bles à des entre­pris­es de taille mod­este, dans des domaines aus­si var­iés que les matéri­aux, l’a­groal­i­men­taire, la prospec­tion et l’ex­ploita­tion pétrolière et minière, les biotech­nolo­gies et l’in­for­ma­tique appliquée à la médecine, le traite­ment des eaux. Le pro­gramme FAIR a béné­fi­cié en France de l’ac­tion de l’As­so­ci­a­tion française de coopéra­tion en recherche indus­trielle avec l’Aus­tralie, AFCRIA, présidée par Chris­t­ian Mar­bach. Le 8e sémi­naire FAIR, organ­isé par l’AFCRIA, qui s’est tenu à Paris, Lyon, Greno­ble et Stras­bourg en novem­bre 2002, sur le thème des tech­nolo­gies médi­cales, a réu­ni à parts égales une cinquan­taine de Français et d’Aus­traliens, respon­s­ables de PME de haute tech­nolo­gie, de sociétés de val­ori­sa­tion, de lab­o­ra­toires uni­ver­si­taires ou de grands organismes.

Out­re l’ébauche de divers­es col­lab­o­ra­tions stricte­ment bilatérales un des résul­tats de cette ren­con­tre a été la déci­sion de cer­tains par­tic­i­pants aus­traliens de s’as­soci­er à des pro­jets présen­tés par les inter­venants français dans le cadre des appels d’of­fres du 6e PCRD.

Conclusion

Il est prévis­i­ble que le développe­ment rapi­de des sci­ences et des tech­nolo­gies en Aus­tralie va mod­i­fi­er pro­fondé­ment le pro­fil socioé­conomique de l’île-con­ti­nent, his­torique­ment mar­qué par le poids des pro­duc­tions pri­maires : mines et agriculture.

L’Aus­tralie est un parte­naire à ne pas nég­liger si l’on con­sid­ère la qual­ité de son poten­tiel de R et D, ren­for­cé par une immi­gra­tion très sélec­tion­née, et son immer­sion dans le monde améri­cain, européen et asi­a­tique. Même le hand­i­cap que con­stitue l’isole­ment géo­graphique est devenu un atout, en stim­u­lant la mise en œuvre des tech­niques de com­mu­ni­ca­tion les plus avancées. Pays riche et ambitieux, ouvert à la coopéra­tion inter­na­tionale, l’Aus­tralie veut con­forter sa place au sein des pays industrialisés.

Les pro­grammes de coopéra­tion sci­en­tifiques et tech­nologiques fran­co-aus­traliens, dont cer­tains ont béné­fi­cié du sou­tien atten­tif de notre min­istère des Affaires étrangères, sont devenus un fac­teur fon­da­men­tal de rap­proche­ment entre les deux pays, l’emportant sur les malen­ten­dus qui ont pu pas­sagère­ment les oppos­er. Ils ont con­tribué à créer un cadre très favor­able aux trans­ferts de tech­nolo­gie, aux échanges com­mer­ci­aux et aux investisse­ments des entre­pris­es français­es. De nou­veaux domaines d’in­térêt com­mun appa­rais­sent où les com­pé­tences des deux pays sont com­plé­men­taires, que ce soit dans les tech­nolo­gies liées à l’en­vi­ron­nement ter­restre ou marin, la san­té, ou encore les tech­nolo­gies émer­gentes dont font par­tie les nanosciences et les biotechnologies.

Il faut souhaiter que les cadres de coopéra­tion futurs, qu’ils soient bilatéraux ou européens, lais­seront ouvertes les per­spec­tives les plus ambitieuses aux rela­tions entre la France et l’Australie. 

Gérard Siclet, pro­fesseur des uni­ver­sités, chargé de mis­sion à l’A­cadémie des sci­ences, est secré­taire exé­cu­tif du Comité français des Unions sci­en­tifiques inter­na­tionales. Il a effec­tué plusieurs mis­sions de longue durée pour le compte du min­istère des Affaires étrangères en tant qu’at­taché sci­en­tifique dans les ambas­sades de France à Can­ber­ra de 1994 à 1999, à La Haye de 1983 à 1988 et à Tokyo de 1974 à 1979.

Pour en savoir plus sur la science et la technologie en Australie

► Bul­letin élec­tron­ique d’ac­tu­al­ité sci­en­tifique et tech­nologique en Aus­tralie, pub­lié par l’am­bas­sade de France en Aus­tralie : www.ambafrance-au.org/science
► Departe­ment of Edu­ca­tion, Sci­ence, Train­ing : www.dest.gov.au
► Departe­ment of Indus­try, Tourism, Resources : www.industry.gov.au
► CSIRO : www.csiro.au
► DSTO : www.dsto.defence.gov.au
► Bureau of Mete­o­rol­o­gy : www.bom.gov.au
► Geo­science Aus­tralia (ex-AGSO) : www.ga.gov.au
► ANSTO : www.ansto.gov.au
► Coop­er­a­tive Research Cen­tres : www.dest.gov.au/crc
► Aus­tralian Uni­ver­si­ties : www.avcc.edu.au
► Aus­tralian Acad­e­my of Tech­no­log­i­cal Sci­ences and Engi­neer­ing : www.atse.org.au
► Aus­tralian Acad­e­my of Sci­ences : www.science.org.au
► Forum for Euro­pean-Aus­tralian Sci­ence and Tech­nol­o­gy Coop­er­a­tion : www.feast.org

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