Lalique sculpteur de lumière

Dossier : Le LuxeMagazine N°620 Décembre 2006
Par Olivier MAUNY

Four de LALIQUE

Les maîtres du feu

Chercher à com­pren­dre le tra­vail du ver­ri­er, c’est ren­dre hom­mage à l’homme de l’art et à la com­plex­ité de son savoir-faire. Si la « halle » au verre chaud mène la danse — c’est là que la matière est pro­duite et que l’ob­jet prend forme, dans nos ate­liers, à Win­gen-sur-Mod­er en Alsace, les trois quarts du tra­vail sont réal­isés dans les ate­liers du verre froid, où l’ob­jet sans cesse remis sur le méti­er y atteint la perfection.

Sculpteur de lumière

Atelier de LALIQUE

D’abord, offrir l’œu­vre du ver­ri­er aux pre­miers rayons du soleil et se laiss­er éblouir par l’é­clat du cristal que fait vibr­er la lumière naturelle. Puis d’une pich­enette, éveiller des sons d’une incroy­able pureté.

La magie du cristal s’opère dans la fusion, étape par laque­lle la sil­ice, la potasse, le mini­um de plomb et le groisil se méta­mor­pho­sent, suiv­ant des dosages qui restent un secret jalouse­ment con­servé, en une matière bril­lante, lumineuse et à la sonorité si par­ti­c­ulière. Comme d’autres choi­sis­sent la pierre ou le bronze, René Lalique, au siè­cle dernier, créa des objets déco­rat­ifs et des sculp­tures en verre qui, aujour­d’hui trans­posés dans le cristal, exer­cent sur le col­lec­tion­neur un pou­voir de séduc­tion iné­galé. « Rodin des trans­parences » comme Mau­rice Ros­tand, fils d’Ed­mond, l’avait si bien nom­mé, homme-clé de l’une des plus belles mar­ques du luxe français, cet artiste de génie abor­da avec un égal tal­ent l’ar­chi­tec­ture d’in­térieur et le mobili­er aus­si bien que le bijou et la sculp­ture. Héri­ti­er de l’art et de l’œu­vre de René Lalique, le ver­ri­er d’au­jour­d’hui con­tin­ue de dompter la lumière. Jouant avec la pro­fondeur du relief, il fait naître des œuvres entière­ment réal­isées à la main et dont les admirables effets de trans­parences sont mag­nifiés par un ren­du tour à tour bril­lant ou sat­iné. Magi­cien au pou­voir qua­si illim­ité, il nous ouvre les portes translu­cides d’un univers poé­tique qui mène au pays des songes et des mystères.

Atelier de LALIQUE

La beauté du geste…

Des êtres étranges, vêtus comme des cos­mo­nautes, hantent la « halle » au verre chaud pour le change­ment de pot. Bra­vant des tem­péra­tures extrêmes — la matière en fusion atteint les 1 400 °C — dans un bal­let spec­tac­u­laire­ment orchestré, une choré­gra­phie faite de souf­fles, de tournoiements et de gestes mesurés, les ver­ri­ers « cueil­lent » le cristal au bout d’une canne, élim­i­nent, aux ciseaux, bulles et imper­fec­tions de la boule de feu avant de la met­tre en forme selon dif­férentes tech­niques, dont le pressé-moulé util­isé pour la plu­part des pièces : « cueil­li » à la canne, le cristal est coulé dans un moule puis pressé jusqu’à épouser les parois du moule. Trans­portée sur le tapis roulant de « l’arche de recuis­son », l’ébauche est ramenée en douceur à tem­péra­ture ambiante.

Finition chez LALIQUE Coupe LALIQUE Finition chez LALIQUE

L’opéra­tion dure entre vingt-qua­tre heures et cinq jours. Les pièces quit­tent la « halle » au verre chaud pour gag­n­er l’ate­lier du verre froid où sont effec­tuées retouch­es, sculp­tures et fini­tions. L’ébauche porte en sur­face les « cou­tures » lais­sées par le moule, à l’in­térieur duquel la pièce a pu con­tracter des plis ou « fris­sons ». Taille et retouch­es vien­nent remédi­er à ces défauts de jeunesse avant que ne com­mence un véri­ta­ble tra­vail de sculpture.

L’artiste ver­ri­er avive les arêtes, redonne de la ner­vosité à la pièce, cisèle une chevelure ou la colonne vertébrale d’un nu. Il se penche sur les vis­ages, fouille leurs traits jusqu’à ce qu’ils soient à la fois expres­sifs et fidèles à l’œu­vre du créa­teur. L’ensem­ble de ces opéra­tions peut dur­er jusqu’à quar­ante heures pour La Grande Nue Vénus. Au niveau des fini­tions, le jeu se joue entre par­ties bril­lantes et sat­inées, qui coex­is­tent sur la plu­part des pièces. Polies, matées, sat­inées ou sablées, les sur­faces sont par­fois rehaussées d’un émail­lage au pinceau.

Après un choix dras­tique effec­tué après chaque étape de la fab­ri­ca­tion, le con­trôle qual­ité valide les pièces une à une, en fonc­tion de critères tech­niques mais aus­si suiv­ant des critères esthé­tiques, dans le respect de l’e­sprit de la création.
Réal­isée à main lev­ée, la sig­na­ture Lalique est gravée à l’aide d’une pointe dia­man­tée. L’œu­vre sculp­tée peut alors quit­ter Wingen-sur-Moder. 

Flacon de chez LALIQUE

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