La Suisse, grande puissance chimique

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011
Par Pierre LASZLO

REPÈRES
La Suisse est un des pays dont les expor­ta­tions chim­iques et phar­ma­ceu­tiques sont sans com­mune mesure avec sa taille. L’in­dus­trie chim­ique et phar­ma­ceu­tique suisse réalise l’un des excé­dents expor­ta­teurs par habi­tant les plus élevés du monde. Celui-ci atteignit en 2008 plus de 2 240 euros, qua­tre fois celui de l’Alle­magne. Il est même supérieur à celui de la Bel­gique (1 700 euros).

Un petit pays peut se révéler une grande puis­sance chim­ique. Le cas de la Bel­gique, présen­té dans La Jaune et la Rouge de décem­bre 2010, dont les expor­ta­tions de pro­duits chim­iques la pla­cent au troisième rang mon­di­al, der­rière l’Alle­magne et les États-Unis, n’est pas le seul. On s’es­saie ici à en élu­cider les raisons et à en tir­er les leçons.

Les expor­ta­tions chim­iques de la Con­fédéra­tion con­stituent le tiers de son com­merce extérieur

Les ventes helvètes de pro­duits chim­iques et de médica­ments s’ori­en­tent autant vers l’Eu­rope et l’Amérique, cha­cune le dou­ble de celles vers l’Asie (40, 40, 20 %). L’emploi affiche des chiffres sim­i­laires, 14% en Suisse seule­ment, pour 35 % dans le reste de l’Eu­rope, 30% en Amérique et 22 % dans le reste du monde, reflé­tant la délo­cal­i­sa­tion des unités de pro­duc­tion. La recherche, par con­tre, reste local­isée en Suisse. En 2009, les dix prin­ci­pales entre­pris­es de la branche ont dépen­sé pour celle-ci 7,5 mil­liards de francs suiss­es. Cette même année, le chiffre d’af­faires réal­isé par ces entre­pris­es en Suisse res­ta inférieur à 2,5 mil­liards. Le main­tien de la recherche et des fonc­tions de direc­tion cen­trales en Suisse serait donc impens­able sans le rap­a­triement de béné­fices issus du reste du monde.

Prépondérance de la pharmacie


L’u­ni­ver­sité de Bâle est réputée pour les biotechnologies.

Ces ventes total­i­saient en 2009 env­i­ron 47,5 mil­liards d’eu­ros, ce qui met la Suisse au 9e rang des pays expor­ta­teurs pour la chimie, der­rière les États-Unis, le Japon et les autres grands pays européens : Alle­magne, Bel­gique, Pays- Bas et Grande-Bre­tagne. De 2008 à 2009, la Suisse a reculé d’une place dans ce classe­ment, au prof­it de la Chine. Cette dernière bon­dit, de 2008 à 2009, de la neu­vième à la six­ième place.

Les expor­ta­tions chim­iques de la Con­fédéra­tion con­stituent le tiers de son com­merce extérieur. À titre de com­para­i­son, l’hor­logerie n’en représente que 8 %. Ces ventes se ven­ti­lent en trois grands secteurs, les pro­duits phar­ma­ceu­tiques (50%), les spé­cial­ités et la chimie fine (26 %), et la pro­tec­tion des récoltes (10%). La part des pro­duits phar­ma­ceu­tiques n’a cessé d’aug­menter durant les trois décen­nies écoulées. S’il était per­mis d’ex­trapol­er, elle atteindrait 100 % vers 2020. En effet, à l’indice 100 en 1980, ils se situ­aient à la cote 1 466 en 2008, con­tre 151 pour les col­orants, 404 pour les pro­duits de traite­ment des plantes, 409 pour les autres spé­cial­ités et 416 pour les saveurs et arômes.

À l’in­star de cette spé­cial­i­sa­tion crois­sante, les prin­ci­paux pro­duc­teurs helvètes ont choisi, ces dix dernières années, par le biais aus­si de leurs fusions et acqui­si­tions, de se focalis­er sur un petit nom­bre de créneaux.

Matière grise


La Suisse est cham­pi­onne du monde au nom­bre de prix Nobel par habitant.

La chimie suisse, tirée par la phar­ma­cie, investit mas­sive­ment dans la recherche et le développe­ment. Si l’on mesure cet effort de recherche par le rap­port R&D/CA, la Suisse se retrou­ve en pointe par rap­port aux autres pays indus­tri­al­isés : plus de 7 %, à com­par­er avec 2,8% pour le Japon, 2 % pour les États-Unis et 1,8% pour l’Eu­rope des Quinze (chiffres Cef­ic 2006). Con­damnée à innover, la Suisse mise aus­si sur les biotech­nolo­gies, le nom­bre de ces entre­pris­es start-ups tripla en Suisse entre 2000 et 2003. Le Biozen­trum, à l’u­ni­ver­sité de Bâle, fondé en 1971, s’est tail­lé une flat­teuse répu­ta­tion inter­na­tionale et compte plusieurs nobélisables.

Les prin­ci­paux pro­duc­teurs ont choisi de se focalis­er sur un petit nom­bre de créneaux

La Con­fédéra­tion peut puis­er dans son gise­ment de matière grise, son sys­tème d’en­seigne­ment uni­ver­si­taire est très bon. Notons à cet égard l’ex­cel­lente posi­tion, 24e, de l’É­cole poly­tech­nique fédérale de Zürich (ETH) dans le classe­ment dit de Shang­hai. Comme on sait, la Suisse est cham­pi­onne du monde au nom­bre de prix Nobel par mil­lion d’habi­tants (2,4). En dernière analyse, le haut niveau de l’in­dus­trie chim­ique et phar­ma­ceu­tique en Suisse lui vient de la qual­ité de ses for­ma­tions de doc­tor­at en chimie.

Excel­lence du sys­tème édu­catif et une véri­ta­ble sym­biose sci­ence-indus­trie : tels sont les ingré­di­ents de la réus­site de nos voisins helvètes en chimie-pharmacie.

Spé­cial­i­sa­tion
Novar­tis, qui résul­ta en 1996 des fusions suc­ces­sives de Ciba, Geigy et San­doz, est à présent essen­tielle­ment une firme phar­ma­ceu­tique. À par­tir de 1998, ses polymères de haut de gamme se com­mer­cial­i­saient sous la mar­que Ciba SC, et ses pro­duits pour l’a­gro-indus­trie pas­saient en 2000 sous la ban­nière de Syn­gen­ta, qui résul­ta de la fusion des activ­ités ” agri” de Novar­tis et AstraZeneca. Simul­tané­ment, Roche se spé­cial­i­sait dans les pro­duits de diag­nos­tic et les antibiotiques.

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