La production de menthol

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011
Par Pierre LASZLO

REPÈRES
Le men­thol qui, comme son nom l’indique, fleure la men­the, est l’arôme le plus ven­du au monde, à rai­son d’une ving­taine de kilo­tonnes par an. Son prix de gros est d’en­v­i­ron 19 dollars/kg. Ses util­i­sa­tions vont des den­ti­frices et cig­a­rettes à l’in­dus­trie alimentaire. 

La plante d’où on tire le men­thol par entraîne­ment à la vapeur, Men­tha arven­sis, est une cul­ture asi­a­tique : d’abord au Japon, puis en Chine, et surtout en Inde à présent. Ce dernier pays peut en fournir 16 kt/an, les bonnes années : cette cul­ture est sujette, avec un rythme décen­nal, aux caprices de la mous­son et à ses dévastations. 

Ce men­thol naturel est l’é­nan­tiomère lév­o­gyre ou (-)-men­thol. Le (+)-men­thol a lui aus­si une odeur de men­the. Mais le seul (-)-men­thol apporte une sen­sa­tion de fraîcheur, par son inter­ac­tion, non seule­ment avec des récep­teurs olfac­t­ifs, mais aus­si avec des récep­teurs du froid. 

Le men­thol de syn­thèse est donc indis­pens­able, compte tenu aus­si de l’ac­croisse­ment de la demande. Trois voies d’ac­cès exis­tent actuelle­ment vers cette molécule cible chi­rale, redev­able donc d’é­nan­tiosélec­tiv­ité dans son obten­tion. La société nip­ponne Takasa­go part du myr­cène, de la famille des ter­pènes. Son procédé, en cinq étapes, le con­ver­tit d’abord en un précurseur du cit­ronel­lal, l’aldéhyde respon­s­able de l’arôme de cit­ronelle, par le biais d’une isoméri­sa­tion asymétrique et d’un catal­y­seur chi­ral au rhodi­um mis au point par le pro­fesseur Noy­ori Ryo­ji, prix Nobel de chimie en 2001. Un procédé rival est celui de la société Sym­rise (issue en 2002 de la fusion en 2002 de Drago­co et de la suc­cur­sale Haar­mann & Reimer de Bayer). 

Une con­cur­rence entre Occi­den­taux et Asiatiques 

Il part du meta-cré­sol pour aboutir, en six étapes, au men­thol. La troisième voie de syn­thèse est celle mise en oeu­vre par BASF, dans une nou­velle unité à la capac­ité de 3 à 5 kt/an, à Lev­erkusen, en Alle­magne. La matière pre­mière en est le (Z)-citral, ou néral, con­ver­ti en men­thol en qua­tre étapes, via le (+)-®-cit­ronel­lal, par hydrogé­na­tion cat­aly­tique asymétrique, suiv­ie d’une cycli­sa­tion en (-)-isop­ulé­gol, qu’il ne reste plus qu’à hydrogén­er en (-)-men­thol.

La fab­ri­ca­tion du men­thol illus­tre plusieurs ten­dances actuelles de l’in­dus­trie chim­ique : l’indis­pens­able syn­thèse, lorsqu’un com­posé naturel est sujet à des fluc­tu­a­tions d’ap­pro­vi­sion­nement, quelles qu’en soient les caus­es ; la tout aus­si indis­pens­able énan­tiosélec­tiv­ité dans la syn­thèse d’une sub­stance naturelle ; la con­cur­rence entre indus­triels occi­den­taux et asiatiques. 

Pierre Laszlo

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