La station de recharge ultra-rapide qui redynamise les territoires

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par François HOEHLINGER

Au-delà de l’apport d’une solu­tion tech­nique pour accélér­er le déploiement de la recharge, le pro­jet Tesseract.re porté par François Hoehlinger vise à démoc­ra­tis­er l’accès à la recharge ultra-rapi­de à toutes les villes et com­munes de France. Dans cet inter­view, il revient pour nous sur la genèse du pro­jet, la solu­tion et sa valeur ajoutée tech­nologique, économique et sociale. Rencontre.

Comment êtes-vous arrivés dans le monde de la mobilité ?

Je suis diplômé de l’EM Lyon et j’ai suivi le cur­sus entre­pre­nar­i­at dans les éner­gies renou­ve­lables de l’école Poly­tech­nique. J’ai débuté ma car­rière dans la vente, puis en con­seil en stratégie avant de rejoin­dre le monde de la mobil­ité. J’ai, d’abord, tra­vail­lé au sein de Flixbus en Alle­magne où j’étais en charge de la par­tie B2B. Après la Covid, j’ai saisi l’opportunité de rejoin­dre Easy­Park. En par­al­lèle, j’ai égale­ment été con­tac­té par le prési­dent de Troopy, une entre­prise qui opérait une petite flotte de scoot­ers ther­miques partagés dans Paris. Dans le cadre d’un parte­nar­i­at avec le con­struc­teur de deux roues japon­ais Yama­ha, Troopy a reçu une flotte assez impor­tante de scoot­ers élec­triques partagés en vue de gag­n­er un appel d’offres de la mairie de Paris. Pen­dant 18 mois, nous avons tra­vail­lé au développe­ment de l’entreprise, afin de la pass­er d’une PME famil­iale à une start-up de 70 per­son­nes opérant une flotte de plus de 1 000 scoot­ers à Paris, et la posi­tion­nant ain­si comme un acteur crédi­ble de la mobil­ité. Mal­heureuse­ment, Troopy n’a pas gag­né cet appel d’offres et aujourd’hui, la start-up repense son modèle. 

Fort de ces expéri­ences et ayant dévelop­pé un réel intérêt pour le monde de la mobil­ité, à titre per­son­nel, j’ai décidé de con­tin­uer à évoluer dans ce secteur qui est à la croisée de plusieurs sujets : un méti­er pas­sion­nant, une util­ité sociale, un ser­vice aux per­son­nes, une dimen­sion envi­ron­nemen­tale…, mais qui peine à con­stru­ire aujourd’hui un busi­ness mod­el éprou­vé dans ce con­texte de pro­fondes muta­tions. Con­traire­ment au secteur de l’énergie, il est, en effet, plus dif­fi­cile de mon­ter des pro­jets prof­ita­bles dans le secteur de la mobil­ité. Pour relever ce défi, j’ai notam­ment con­tribué à la mise en place du réseau européen Inter­Mo­bil­i­ty qui regroupe des CEO, des jour­nal­istes, des asso­ci­a­tions et d’autres par­ties prenantes et com­posantes de cet écosys­tème de la mobil­ité afin de con­stru­ire la mobil­ité de demain. 

Comment est né votre projet ? 

L’idée a com­mencé à ger­mer dans le cadre du busi­ness case que je devais réalis­er pour mon diplôme de l’Exed à Poly­tech­nique. Je me suis instinc­tive­ment dirigé vers les secteurs de la mobil­ité et de l’énergie, et plus par­ti­c­ulière­ment la prob­lé­ma­tique du déploiement des sta­tions de recharge élec­trique. Con­traire­ment aux prévi­sions annon­cées et aux pro­jec­tions gou­verne­men­tales, nous accu­sons un retard impor­tant en la matière.

À par­tir de là, j’ai con­cep­tu­al­isé un pro­jet qui cap­i­tal­i­sait sur mes précé­dentes expéri­ences. Dans cette démarche, le prin­ci­pal enjeu était d’arriver à pass­er d’un pro­jet d’ingénieurs à un busi­ness case qui puisse assur­er une rentabil­ité. Si le besoin pour des infra­struc­tures de recharge est évi­dent, le chal­lenge est de dévelop­per une approche inno­vante, dif­féren­ciante et à forte valeur ajoutée. Au fil de mes réflex­ions, le pro­jet s’est affiné et s’est con­stru­it autour de l’ambition de démoc­ra­tis­er l’accès à la recharge ultra-rapi­de avec un focus sur les com­munes et villes sec­ondaires, où l’absence d’infrastructures, notam­ment élec­triques, com­plex­i­fie le déploiement de sta­tions de recharge.

Sur le plan technique et technologique, votre station de recharge va donc permettre de démocratiser l’accès à la recharge ultra-rapide, y compris dans des zones où le réseau électrique ne pourra pas le proposer. Concrètement, quel est votre concept ?

De manière sché­ma­tique, dans une sta­tion de basse recharge, une sta­tion de recharge va recharg­er une voiture en 8 ou 12 heures avec un courant rel­a­tive­ment faible. À l’inverse, dans les grands cen­tres villes et sur les autoroutes, des bornes de taille sig­ni­fica­tive vont dégager dix fois plus de puis­sance pour recharg­er rel­a­tive­ment rapi­de­ment une voiture inté­grale­ment ou en partie. 

Dans cette offre de recharge, nous appor­tons une nou­velle brique qui prend la forme de con­teneurs équipés de gross­es bat­ter­ies qui vont pou­voir se déplac­er, en camion, pour pro­pos­er la recharge rapi­de, là où la puis­sance élec­trique n’est pas encore suff­isante voire inexistante.

Sur un plan territorial, la station va aussi jouer le rôle de point d’attraction et d’activité dans les villages et les communes. Qu’en est-il ? 

Nous avons souhaité dévelop­per une solu­tion mod­u­laire au ser­vice des ter­ri­toires, des com­munes et des vil­lages. Dans un con­texte où la France et, de manière plus générale l’Europe, doivent mieux mailler le ter­ri­toire en matière d’infrastructures de recharge pour accom­pa­g­n­er l’accélération du déploiement de la mobil­ité élec­trique, nos sta­tions de recharge mobiles et mod­u­laires con­tribuent à désen­claver les ter­ri­toires. C’est aus­si une solu­tion per­ti­nente pour des zones insu­laires où la disponi­bil­ité du réseau élec­trique peut être lim­itée. Con­nec­tée à des pan­neaux pho­to­voltaïques, notre solu­tion, à moin­dre coût, va pou­voir venir se sub­stituer au réseau pour pro­pos­er un ser­vice de recharge. En par­al­lèle, parce qu’elle est mobile, elle peut aus­si être déployée sur des chantiers ou bien sur des festivals.

“Nous avons souhaité développer une solution modulaire au service des territoires, des communes et des villages. Dans un contexte où la France et, de manière plus générale l’Europe, doivent mieux mailler le territoire en matière d’infrastructures de recharge pour accompagner l’accélération du déploiement de la mobilité électrique, nos stations de recharge mobiles et modulaires contribuent à désenclaver les territoires.”

Au-delà, au tra­vers de ce pro­jet, il y a aus­si une volon­té forte de dévelop­per l’attraction et l’activité des villes, des com­munes sec­ondaires et des vil­lages, mais aus­si de recréer du lien social via la sta­tion de recharge. 

Aujourd’hui, où en êtes-vous et quelles sont les prochaines démarches ?

Notre enjeu aujourd’hui est de lever des fonds pour pou­voir lancer les trois pre­mières sta­tions de recharge. Nous avons iden­ti­fié plusieurs futurs emplace­ments poten­tiels. L’idée est de pou­voir implanter ces pre­mières sta­tions aux abor­ds d’une grande ville qui a ou va se dot­er d’une zone faible émission. 

Dans cette démarche, quels sont les enjeux et les freins auxquels vous êtes confronté ?

Nous avons un fort enjeu de notoriété et de vul­gar­i­sa­tion de notre mod­èle qui est à mi-chemin entre la recharge à domi­cile à un coût raisonnable et la recharge ultra-rapi­de acces­si­ble dans les grandes villes ou sur les autoroutes. À par­tir de là, il s’agit aus­si de définir notre approche com­mer­ciale afin de pou­voir servir des clients B2C, B2B mais égale­ment B2G au tra­vers de la redy­nami­sa­tion et du désen­clave­ment des villes et com­munes sur l’ensemble du territoire. 

Sur le plan financier, la mod­u­lar­ité de notre solu­tion per­met d’avoir une alter­na­tive plus com­péti­tive que les infra­struc­tures classiques.

Toute­fois, afin de pou­voir déploy­er des sta­tions de façon à cou­vrir le ter­ri­toire, nous devons lever suff­isam­ment de fonds. 

Poster un commentaire