La simplification du cancer

Dossier : ExpressionsMagazine N°689 Novembre 2013
Par Laurent SCHWARTZ

Nous avons créé le pre­mier fichi­er où nous pou­vions vrai­ment étudi­er l’évolution de la mal­adie. On peut ain­si com­par­er l’évolution de la mor­tal­ité au cours du temps en ten­ant compte de l’évolution de la pop­u­la­tion et de son vieil­lisse­ment. Un tra­vail de titan, mais une con­clu­sion sans appel.

La mor­tal­ité par can­cer n’a bais­sé que de moins de 5% en cinquante ans

En com­para­nt ce qui est com­pa­ra­ble, et en ten­ant compte de l’accroissement de la pop­u­la­tion et de son vieil­lisse­ment, la mor­tal­ité par can­cer n’a bais­sé que de moins de 5% en cinquante ans, chez les adultes, dans quar­ante pays occidentaux.

La démarche est moins facile à suiv­re qu’à racon­ter. Cer­tains pays ont dis­paru, comme l’Allemagne de l’Est, l’URSS ou la Yougoslavie. D’autres sont apparus, comme la Croat­ie ou la Slovénie. Les clas­si­fi­ca­tions ont, elles aus­si, var­ié, devenant de plus en plus pré­cis­es. Le tra­vail d’homogénéisation et de net­toy­age des don­nées a été colossal.

Nous avons donc bâti, le plus légale­ment du monde, un fichi­er du nom­bre de morts par can­cer strat­i­fié par tranche d’âge, sexe et lieu de vie.

Forer dans les banques de données

En matière de can­cérolo­gie, tout ou presque a déjà été dit. Notre espoir est qu’il suf­fit de fouiller un peu et de s’éloigner de la Toile, en changeant de per­spec­tive, pour décou­vrir le tableau dans son unicité.

Une démarche analytique
La démarche n’est pas inédite dans l’histoire des sci­ences. Le recours à la méth­ode expéri­men­tale date à peine d’avant-hier, et ne marche pas for­cé­ment. Coper­nic et Ein­stein, par exem­ple, n’ont pas fait d’expériences. Ils ont géniale­ment analysé les mesures laborieuses et méthodiques des astronomes grecs, puis arabes, ou celles de Maxwell. Les Coper­nic et Ein­stein de la can­cérolo­gie ont déjà vécu : ils s’appelaient Vir­chow, Pas­teur et War­burg. Leurs grandes décou­vertes se sont retrou­vées noyées et oubliées sous un amon­celle­ment de pub­li­ca­tions plus récentes.

À l’instar des raiders des années 1970 – il était plus avan­tageux d’acheter au rabais une com­pag­nie pétrolière que de se lancer dans une prospec­tion hasardeuse et ruineuse –, nous avons donc décidé de for­er dans les ban­ques de don­nées sci­en­tifiques à notre disposition.

C’est-à-dire que notre méth­ode ne se fonde pas sur des « expéri­men­ta­tions sci­en­tifiques encour­ageantes » ni sur aucun « essai médica­menteux promet­teur », mais sur une ten­ta­tive de com­préhen­sion de don­nées exis­tantes. Cette démarche n’est pas clas­sique, nous en con­venons. Habituelle­ment, une expéri­men­ta­tion laborieuse con­firme une intu­ition, mais, enfin, on peut égale­ment éla­bor­er une théorie puis la com­par­er aus­si objec­tive­ment que pos­si­ble aux don­nées connues.

À force d’allers et retours, de digres­sions et de lec­tures, nous avons sim­pli­fié. Et, quand une hypothèse sim­pli­fie un prob­lème longtemps com­plexe, elle est prob­a­ble­ment cor­recte – même si elle paraît, un temps, invraisem­blable. C’est l’application à la recherche du principe de Sher­lock : quand vous avez élim­iné l’impossible, ce qui reste est sûr, même si ça paraît improbable.

Un discours mythique et faux

Dans notre société de com­mu­ni­ca­tion, notre société de spec­ta­cle, la mise en scène de la mal­adie ne compte pas pour rien. Il se tient ain­si sur le can­cer un dis­cours bien rodé, par­faite­ment mythique, et par­faite­ment faux, qui entre­tient dans l’opinion (y com­pris dans l’opinion médi­cale) un cer­tain nom­bre d’illusions.

Mais la répéti­tion de ces dis­cours men­songers fab­rique la vérité sur laque­lle s’appuie tout le sys­tème pour sur­vivre. Quel dis­cours ? « Le can­cer, c’est com­pliqué. » « La recherche, c’est hors de prix. » « Seul le high-tech peut nous sauver – et pas tout de suite. »

Rapprocher les intelligences

Essayons, pour voir, un autre dis­cours. La sci­ence forme un tout. Il n’y a pas de grands sor­ciers, il faut rap­procher les intel­li­gences pour repenser la recherche, et la médecine n’existe pas indépen­dam­ment des math­é­ma­tiques, de la physique, de la chimie et de toutes les autres sci­ences. Tout spé­cial­iste qui récuse a pri­ori les idées de dis­ci­plines con­nex­es est un fier-à-bras.

Quand on a élim­iné l’impossible, ce qui reste est sûr, même si ça paraît improbable

Aucune utopie dans ces propo­si­tions. Nous décou­vrîmes une mine d’informations – ces objets désuets que l’on appelle les livres. Pas ceux que l’on a écrits récem­ment et que l’on trou­ve sur Inter­net, mais ceux qui sont dans les bib­lio­thèques depuis longtemps, par­fois même imprimés en gothique.

À force d’allers et retours, de digres­sions et de lec­tures, nous pou­vions sim­pli­fi­er. Quand une hypothèse sim­pli­fie un prob­lème longtemps com­plexe, elle est prob­a­ble­ment correcte.

Couper les vivres

Livre : CANCER Guérir toutes les maladies par Laurent SCHWARTZ et Jean-Paul BRIGHELLILa suite n’est que logique. Chaque année, plusieurs dizaines de mil­liers de molécules sont testées au lab­o­ra­toire pour traiter le can­cer. Si une seule molécule pou­vait guérir le can­cer, elle aurait prob­a­ble­ment déjà été isolée.

D’où l’idée de tester sys­té­ma­tique­ment une com­bi­nai­son de traite­ments seuls à même de couper les voies métaboliques anormales.

C’est l’intendance qui fait la force des armées, et son défaut qui explique les déroutes.

Il faut donc couper les vivres au can­cer. La tumeur ne peut digér­er le sucre et donc con­somme des lipi­des et des pro­téines. Sans un afflux de nour­ri­t­ure, bien supérieur à celui des tis­sus nor­maux, elle ne peut survivre.

Encore faut-il couper toutes les voies métaboliques. Rien ne sert d’empêcher l’arrivée de bétail aux assiégés s’ils peu­vent pêch­er tout le pois­son néces­saire dans la riv­ière. Couper une seule voie métabolique n’a pas de sens, car la cel­lule can­céreuse priv­ilégiera d’autres ali­ments. Mais détourn­er la riv­ière et blo­quer l’arrivée du bétail peut suffire.

Parier sur la simplicité

Le dia­bète s’explique par le déficit en insu­line. Par­i­ons que le can­cer, lui aus­si, est simple.

Don­ner de l’espoir
Le hasard nous pousse sou­vent dans nos retranche­ments. J’avais peur de l’essai clin­ique, nous n’étions pas prêts. Un ami, Antonel­lo, avec qui je partageais mes rêves, dévelop­pa un can­cer du côlon métas­ta­tique incur­able. Il se savait con­damné, et demandait de l’espoir.
Même si les molécules étaient con­nues et que les souris sup­por­t­aient le traite­ment sans appar­ente tox­i­c­ité, je n’osais les con­seiller. Je con­seil­lai donc à cet ami de pren­dre de l’acide lipoïque et de l’hydroxycitrate avec sa chimiothérapie.
Qua­tre ans plus tard, Antonel­lo est retourné au tra­vail. Son can­cer est au repos, peut-être est-il guéri ?

C’est un pari pas­calien. Car s’il faut blo­quer des dizaines de voies métaboliques au prix de dizaines d’inhibiteurs, nous n’y arriverons pas. Notre seule chance est que le nom­bre de portes à ouvrir ou à fer­mer soit limité.

Pour dépis­ter l’activité anti­cancéreuse, nous avons fui ces boîtes de Pétri où poussent des cel­lules can­céreuses bien nour­ries par du sérum de veau foetal et chauf­fées dans un incu­ba­teur à 37° avec une atmo­sphère con­tenant 5 % de gaz carbonique.

Ce n’est pas le vrai can­cer qui dévore son hôte. Nous avons injec­té à des souris des cel­lules can­céreuses et ce can­cer-là se nour­rit du rongeur qui le porte, comme le can­cer humain. Quand la tumeur devint pal­pa­ble, nous avons testé nos asso­ci­a­tions. L’immense majorité a été inef­fi­cace. Mais une, par­mi les cen­taines testées, ralen­tis­sait la crois­sance de ces can­cers murins.

Ce tra­vail de Romain a été fas­ti­dieux, il a duré plusieurs années et a néces­sité le sac­ri­fice de mil­liers de rongeurs. Quelques mil­liers de souris plus tard nous avions trou­vé un traite­ment effi­cace. Le fait que, chez la souris, trois ou qua­tre molécules (et non une cen­taine) suff­isent à arrêter la crois­sance tumorale sug­gère que le can­cer résulte d’un faible nom­bre d’anomalies enzymatiques.

6 Commentaires

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MARQUET JFrépondre
19 décembre 2013 à 9 h 35 min

La sim­pli­fi­ca­tion du can­cer
Cet arti­cle sug­gère qu’il y a eu une avancée tout à fait majeure (notam­ment dans sa con­clu­sion et plus encore dans le dernier encadré).
Quels espoirs à grande échelle, apparem­ment rapi­des, peut-on espérer ?
Quels est l’ac­cueil de la com­mu­nauté médicale ?

Mer­ci

JF MARQUET

dedel­reurépondre
13 janvier 2014 à 23 h 36 min

con­va­in­cant, mais reste dif­fi­cile, avec risque de déception

Ayant lu le livre Can­cer guérir tous les malades, par L. Schwartz, je trou­ve très con­va­in­cant, cette approche de recon­sid­ér­er et de repren­dre à la base, pour voir ce qui a échap­pé par le passé, surtout que les méth­odes de soins actuelles restent vio­lentes. On a envie de pren­dre préven­tive­ment ces pro­duits sim­ples, au moins dans les ali­ments, cit­rons, fruits et du poivre, à faible dose ?

Mais par le passé, aus­si, cer­tains ont eu des solu­tions sim­ples qui mar­chaient, pleines d’e­spoir, mais qui n’ont pas suf­fit, comme William Coley, il y a un siè­cle, qui guéris­sait mieux qu’on fait actuelle­ment (Nature,Vo504 pS4 19 décem­bre 2013) , en repro­duisant des vraies guérisons spon­tanées, suite à des infec­tions graves, du genre con­tre feu stop­pant un feu, preuve qu’il existe des solu­tions sim­ples possibles.

Le can­cer sem­ble être lié à tous les mécan­ismes de notre vie cel­lu­laire que l’évo­lu­tion a dévelop­pé en 600millions d’an­nées, en con­trôlant la dis­sémi­na­tion spon­tanée des cel­lules folles, dans les organ­ismes mul­ti­cel­lu­laires, qu’il est néces­saire de découvrir.

28 avril 2014 à 20 h 56 min

Témoin de rémis­sions
Je con­nais deux per­son­nes arrivées au bout de leur can­cer ayant tout essayé dans les traite­ments con­ven­tion­nels et qu’on s’ap­pre­tait à met­tre en con­tact avec les unités de soins pal­li­at­ifs étant dans l’in­ca­pac­ité de leur pro­pos­er un traite­ment effi­cace et qui ont essayé le traite­ment pre­con­isé par M.Schwartz , elles sont en rémis­sion totale !
Ce qui est curieux dans cette his­toire de can­cer c’est dès que quelqu’un annonce une méth­ode qui est ou qui sem­ble effi­cace, apparem­ment ça ne plait pas à tout le monde, comme si il y avait une volon­té de faire en sorte de ne jamais trou­ver de remèdes mais d’en­tretenir la mal­adie et la mort qui s’en suit!!!!

Rivarépondre
16 août 2015 à 19 h 26 min

À pro­pos des traite­ments
Com­ment se pro­cur­er les com­plé­ments ali­men­taires pré­con­isés par le Dr schwartz

ROMANOrépondre
27 octobre 2016 à 12 h 57 min

can­cer de mon époux oesophage car­dia
je suis avec atten­tion toutes les pub­li­ca­tions, et ai acheté deux livres du dr schwartz (un que j’ai con­fié pour lec­ture à notre jeune médecin trai­tant) j’au­rais voulu con­tac­ter ce medecin mais je ne sais pas comment.
l’as­so­ci­a­tion can­cer et métab­o­lisme a des diver­gences avec le Dr SCHWARTZ je ne le suis pas dans ces divergences.
Donc mon espoir de con­tac­ter ce médecin s’est évanoui par les posi­tions de Mr de LA BRIERE.
Mer­ci d’es­say­er de me répondre
cordialement
D. ROMANO

19740256répondre
7 novembre 2016 à 16 h 52 min

Dr Schwartz

Bonjour, 

J’ai qques élé­ments de réponse à votre questionnement. 

Voir le site http://guerir-du-cancer.fr/

Si vous souhaitez plus d’in­fos, me con­tac­ter at claire.villien (at) polytechnique.org.

Cor­diale­ment, CLV (X74)

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