La prison militaire du Cherche-Midi.

La Sanction de la tradition et la Tradition des sanctions

Dossier : La Tradition et les Traditions de l'X des origines à nos joursMagazine N°331 Juin 1978Par : le Général Pierre BRIQUET (38)
N° 331 Juin 1978
Lorsque fut pro­po­sé à l’au­teur de cet article, sous le pré­texte qu’il avait été Direc­teur géné­ral de l’É­cole de 1972 à 1975 de trai­ter en quelques pages des pro­blèmes mani­chéens de fron­tière entre créa­ti­vi­té artis­tique et fan­tai­sie intem­pes­tive à l’É­cole, son hési­ta­tion, bien com­pré­hen­sible, céda aus­si­tôt que lui fut indi­qué qu’il s’a­gis­sait de trai­ter le sujet à la lumière de la Tradition.

Lorsque fut pro­po­sé à l’au­teur de cet article, sous le pré­texte qu’il avait été Direc­teur géné­ral de l’É­cole de 1972 à 1975 de trai­ter en quelques pages des pro­blèmes mani­chéens de fron­tière entre créa­ti­vi­té artis­tique et fan­tai­sie intem­pes­tive à l’É­cole, son hési­ta­tion, bien com­pré­hen­sible, céda aus­si­tôt que lui fut indi­qué qu’il s’a­gis­sait de trai­ter le sujet à la lumière de la Tradition.

Son élan d’en­thou­siasme se tem­pé­ra tou­te­fois assez vite lors­qu’il se ren­dit compte que, si le mot tra­di­tion était encore pré­sent dans les esprits des jeunes classes, son conte­nu avait besoin d’être sérieu­se­ment rafraî­chi pour sur­mon­ter l’obs­tacle des inter­pré­ta­tions trop per­son­nelles. Il jugea donc néces­saire de rele­ver son dis­po­si­tif d’un cran et de com­men­cer son expo­sé par l’illus­tra­tion de ce qui consti­tue – à ses yeux du moins – la vraie Tra­di­tion de l’École.

Une fois cette pre­mière par­tie trai­tée, pou­vait alors être abor­dée la cri­tique – au sens large du terme – des actes les plus signi­fi­ca­tifs des pro­mo­tions pas­sées, tels que l’his­toire nous les a conser­vés. Mani­fes­ta­tions de promo(s), entre­prises de grou­pus­cules, fan­tai­sies indi­vi­duelles enfin, trois facettes étaient offertes à l’exé­gèse et ont été trai­tées dans cet ordre.

Les quelque 180 pro­mo­tions offertes à la pâture de l’his­to­rien ont certes pré­sen­té assez de cas de figure pour qu’il n’ait pas été néces­saire de recou­rir à des sou­ve­nirs per­son­nels. Tou­te­fois, la der­nière décen­nie ayant ajou­té au décor quelques ara­besques nou­velles, il a bien fal­lu en tenir compte pour cou­vrir l’en­semble de la ques­tion telle qu’elle se pré­sente aujourd’­hui. Puisse cette pré­sen­ta­tion per­mettre aux apports de demain de res­ter dans le droit fil de notre École.

La vie en socié­té com­porte l’u­sage, et entraîne donc le res­pect d’un cer­tain nombre de règles faute des­quelles ne sau­rait être assu­ré à tous, – enfants, ado­les­cents, adultes et per­sonnes âgées – ce mini­mum d’aise et de qua­li­té de vie qui est indis­pen­sable au déve­lop­pe­ment pai­sible de la per­son­na­li­té de cha­cun. Géné­ra­le­ment par­lant, autant de règles, autant de contraintes, et donc autant de freins aux ins­tincts et aux pen­chants indi­vi­duels. Tout bien pesé, cepen­dant, il est facile de consta­ter que cha­cun de ces freins assure en véri­té un peu plus de liber­té et de sécu­ri­té à tous, aux autres comme à soi-même.

On ima­gine aisé­ment les consé­quences qu’en­traî­ne­rait le libre choix, par les conduc­teurs, de la prio­ri­té aux car­re­fours. Pour qui mar­que­rait trop de réti­cence à accep­ter la gêne entraî­née par l’exis­tence de ses sem­blables paral­lè­le­ment à la sienne, il existe bien une solu­tion : se faire ermite sur une île déserte. Les îles désertes se font hélas de plus en plus rares, et la voca­tion d’er­mite ne touche, de son côté, qu’un nombre de gens des plus restreints.

L’en­trée en com­mu­nau­té, à titre pro­vi­soire ou défi­ni­tif, sup­pose, en plus de ce qui vient d’être dit, l’ac­cep­ta­tion de par­ti­ci­per à une tâche par­ti­cu­lière que l’exis­tence même de la com­mu­nau­té faci­lite à cha­cun de ses membres. Cette accep­ta­tion rend théo­ri­que­ment plus aisée l’a­dap­ta­tion aux règles par­ti­cu­lières de vie que la com­mu­nau­té pro­pose à ses postulants.Car, qui dit com­mu­nau­té dit règle.

Mais qui dit règle dit sanc­tion. Il est à la por­tée de tout le monde de véri­fier qu’une loi de la Répu­blique com­porte tou­jours un article indi­quant le prix à payer par celui qui choi­si­rait de ne pas s’y confor­mer. Notons, au pas­sage, que ce prix n’est pas fixe mais com­pris dans un éven­tail aux limites plus ou moins larges. A charge pour celui qui aura à le fixer de choi­sir la poin­ture adé­quate. Mais adé­quate à quoi ? il y a là matière à une pre­mière réflexion.

Une com­mu­nau­té, quelle qu’elle soit, ne sau­rait, par exemple, faire tota­le­ment abs­trac­tion de l’é­poque où elle vit. Les par­ti­cu­la­ri­tés de l’é­poque aide­ront ou non à la réa­li­sa­tion de la tâche commune.

Au plan humain, par exemple, bien des fac­teurs évo­luent qui tan­tôt poussent au ren­for­ce­ment de la res­pon­sa­bi­li­té et du carac­tère, et tan­tôt visent à diluer le sens des res­pon­sa­bi­li­tés dans un mag­ma poé­ti­co-col­lec­ti­viste curieu­se­ment attrac­tif pour les esprits mathé­ma­tiques à la recherche des plu­ra­li­tés intel­lec­tuelles à jouis­sance immédiate.

Celui qui a la chance, comme c’est le cas à l’É­cole Poly­tech­nique, de pou­voir dis­po­ser d’une his­toire de près de deux siècles est alors sou­mis à la ten­ta­tion de ne consi­dé­rer le pré­sent que comme une des mul­tiples fluc­tua­tions du pas­sé et de fon­der la jus­ti­fi­ca­tion de son com­por­te­ment d’au­jourd’­hui sur le res­pect lit­té­ral des situa­tions anciennes, bien sou­vent tota­le­ment dépas­sées. Cette erreur d’in­ter­pré­ta­tion de la tra­di­tion vaut quelques lignes d’exégèse.

La Tra­di­tion ne sau­rait être un recueil d’où l’on extirpe, par pho­to­co­pie de telle page, la solu­tion du pro­blème du moment. Réfé­rence tou­jours dis­po­nible, elle n’offre en réa­li­té qu’une aide à dis­tin­guer les choses qui se font de celles qui ne se font pas, telles que l’ex­pé­rience de plus de cent quatre-vingts pro­mo­tions a conduit à en juger pour la meilleure tenue de l’É­cole, face à ce que le pays attend d’elle.

Car le pays attend d’elle quelque chose, assez obs­cu­ré­ment en véri­té, mais avec suf­fi­sam­ment de convic­tion pour que l’É­cole, ayant su jus­qu’i­ci répondre à cette attente, ait sur­vé­cu sans ava­tar majeur à tous les régimes qui se sont suc­cé­dé depuis sa créa­tion, y com­pris à ceux dont les tenants auraient volon­tiers ima­gi­né la dis­pa­ri­tion de notre ins­ti­tu­tion, par las­si­tude pour les uns, par exas­pé­ra­tion pour les autres ou encore pous­sés par les conseils de gens momen­ta­né­ment influents cédant à leurs ran­cunes ou à leurs utopies.

II faut recon­naître en toute fran­chise que la popu­la­tion poly­tech­ni­cienne n’a pas tou­jours, de son côté, fait montre des meilleures qua­li­tés diplo­ma­tiques dans ses mani­fes­ta­tions « tra­di­tion­nelles » de contes­ta­tion du pou­voir en place. Défi­ni­ti­ve­ment acquis aux Gracques1 depuis la pre­mière pro­mo­tion et n’ap­pré­ciant en consé­quence les pro­blèmes contem­po­rains qu’a­vec un cer­tain dépha­sage, les élèves ont ain­si long­temps mar­qué une pro­pen­sion assez accen­tuée – et que d’au­cuns jugeaient fâcheuse – au port de la cocarde du régime antérieur.

La pri­son mili­taire du Cherche-Midi. Rue des Sept-Voies,
au ci-devant Col­lège de Mon­tai­gu. Place du Panthéon.

La tur­bu­lence attei­gnit, par exemple, une inten­si­té telle en 1816, que Louis XVIII se tint pour convain­cu de la néces­si­té, dans un pre­mier temps, de dis­soudre l’É­cole ; puis, dans un second, de la rou­vrir, mais « civi­li­sée ». Ce qui fut fait.

Rat­ta­chée à l’In­té­rieur et pla­cée sous la férule du baron Bou­chu, l’É­coie vécut alors dans la joie une période qu’A­ra­go, lui, eut vite fait d’ap­pré­cier dans ses consé­quences. Affo­lé par la très rapide dété­rio­ra­tion de l’as­si­dui­té aux cours, la nul­li­té du tra­vail d’en­semble four­ni et la pro­di­gieuse perte de sub­stance intel­lec­tuelle engen­drée par une anar­chie sans mesure, notre cher illustre Ancien, oubliant qu’il n’a­vait pas été adver­saire de la for­mule « civile », alla, en 1821, se jeter aux pieds du monarque à qui il eut le bon­heur d’ar­ra­cher le réta­blis­se­ment, hélas seule­ment par­tiel, de la situa­tion antérieure.

Les demi-mesures n’ayant jamais cla­ri­fié les choses. l’É­coie pour­sui­vit une course d’au­tant plus boi­teuse qu’à demi mili­taire, elle n’au­rait pu, au mieux, qu’être à demi com­man­dée, même si son nou­veau gou­ver­neur, le Géné­ral Comte de Bor­de­soulle, avait bien vou­lu condes­cendre à s’en occu­per sérieu­se­ment, ce qui ne fut pas le cas2.

Se sou­ciant donc de l’É­cole comme de sa pre­mière charge de cava­le­rie, Bor­de­soulle ne fit rien pour tirer l’X de son bour­bier. Sa relève par Ara­go, en 1830, n’eut pas le temps de por­ter fruit : la Révo­lu­tion, quelques mois plus tard, chan­gea la face des choses, et l’É­cole se retrou­va tout natu­rel­le­ment sous plein régime mili­taire, à la satis­fac­tion – à l’é­poque – de tous les constituants

Péri­pé­tie, dira-t-on, sauf à bien vou­loir étu­dier les consé­quences de cette situa­tion vécue qua­torze années : 1817 à 1830. L’une de ces consé­quences est détaillée en annexe à cet article ; on y trou­ve­ra la réduc­tion éton­nante du nombre des « célé­bri­tés » issues de ces pro­mo­tions dans les domaines clas­siques où pro­mos d’a­vant et pro­mos d’a­près ont four­ni leur très hono­rable contin­gent de scien­ti­fiques de haut niveau ou clas­sés comme tels par­mi les « géo­mètres », méca­ni­ciens, « astro­nomes », phy­si­ciens et chi­mistes de leur époque.

Comme quoi les atti­tudes sont à peser devant leurs consé­quences possibles.

Cette digres­sion sur des évé­ne­ments vieux de 150 ans, intro­duite plus ou moins direc­te­ment comme suite à l’af­fir­ma­tion que le peuple de France atten­dait quelque chose de l’É­cole, per­met main­te­nant de mieux com­prendre le conte­nu de cette attente. Habi­tué pen­dant des géné­ra­tions à voir les sciences les plus abs­traites repré­sen­tées en France par bon nombre de pro­duits de l’X, mais aus­si à ce qu’on fasse appel, dans les moments dif­fi­ciles, aux facul­tés d’or­ga­ni­sa­tion, d’i­ma­gi­na­tion et de dés­in­té­res­se­ment de solides Anciens de notre École, le peuple ne com­pren­drait pas qu”« on » le prive de cette sorte de confort moral, en taris­sant la source des poly­tech­ni­ciens à qui il conti­nue de faire natu­rel­le­ment confiance.

Il semble alors que la direc­tion soit toute tra­cée : l’É­cole Poly­tech­nique doit pro­duire avant tout des poly­tech­ni­ciens. Reste à défi­nir le vocable. La Règle de la mai­son en décou­le­ra alors automatiquement.

La Salle de police à l'école polytechniqueEssayons donc une défi­ni­tion. L’hon­nê­te­té com­mande, pour ce faire, de recher­cher l’ap­pré­cia­tion du poly­tech­ni­cien sur le tas, c’est-à-dire dans les usines, les bureaux, les chan­tiers, les labo­ra­toires et autres lieux d’ac­ti­vi­té, auprès de tous ceux qui côtoient les X à tout âge : patrons ou direc­teurs. col­lègues et subor­don­nés du moment. Les résul­tats de ces enquêtes convergent rapi­de­ment vers une défi­ni­tion com­mune que l’on peut résu­mer comme suit :

Le poly­tech­ni­cien moyen est géné­ra­le­ment d’un abord plai­sant et connaît son métier aus­si bien que ses col­lègues issus de la même école de spé­cia­li­sa­tion. Ouvert au sens de la col­lec­ti­vi­té, tolé­rant par nature, tra­vailleur par goût, entre­te­nant fré­quem­ment une acti­vi­té mar­gi­nale assez sou­vent ori­gi­nale, plus sen­sible à un rai­son­ne­ment logique qu’à un dis­cours pas­sion­né, il offre un aspect sérieux pour son âge et non sans lien avec une sorte de timi­di­té qui s’es­tompe plus ou moins vite d’elle-même, au contact des réalités.

En somme, dans la vie cou­rante et quand tout va bien, il offre l’as­pect d’un cadre hon­nê­te­ment com­pé­tent et plu­tôt agréable de rapports.

Sa vraie dimen­sion n’ap­pa­raît, en fait, qu’au moment où sur­git dans son envi­ron­ne­ment un pro­blème par­ti­cu­liè­re­ment com­plexe, au moins plu­ri­dis­ci­pli­naire par ses aspects tech­niques, et devant lequel les spé­cia­listes impli­qués par l’un ou l’autre de ces aspects ont besoin d’une aune com­mune ou d’une nou­velle défi­ni­tion de l’axe unique des actions à mener par chacun.

L’ex­pé­rience montre alors que le choix de celui à qui sera confiée la direc­tion de l’a­na­lyse des obs­tacles se porte géné­ra­le­ment, de droit, sur le poly­tech­ni­cien de ser­vice. C’est sur lui que l’on compte de pré­fé­rence pour entendre cha­cun des spé­cia­listes réunis autour de la table verte tra­duire leurs expo­sés à leurs col­lègues des autres branches, écar­ter les appa­rences d’incompatibilité, déce­ler les insuf­fi­sances d’in­for­ma­tion, convo­quer les experts sup­plé­men­taires néces­saires, enger­ber pro­gres­si­ve­ment les élé­ments par­tiels et, toutes facettes fina­le­ment exa­mi­nées, dis­tri­buer les rôles pour l’ac­tion à entre­prendre qui sor­ti­ra fina­le­ment le cha­riot de l’ornière.

Aura-t-il fal­lu qu’il se recycle sur tel domaine d’une des spé­cia­li­tés en cause ? Il y aura consa­cré le temps mini­mal, de jour ou de nuit. Aura-t-il fal­lu affron­ter, devant une hor­loge arrê­tée, les contra­dic­tions suc­ces­sives d’op­po­sants qui se relaient ? Il aura offert au der­nier d’entre eux la même clar­té de convic­tion qu’au pre­mier des contes­ta­taires. Aura-t-il fal­lu choi­sir par­mi des solu­tions éga­le­ment pos­sibles ? Toutes chances seront don­nées par lui à celle qui avan­ta­ge­ra au mieux les hommes sur qui elle fera peser ses effets.

La dif­fi­cul­té une fois levée, il repren­dra volon­tiers sa place dans l’é­quipe, jus­qu’à la pro­chaine occa­sion où appa­raî­tra un nou­veau besoin d’en­ga­ger un meneur de jeu.

Cette pré­sen­ta­tion, un tan­ti­net idyl­lique, a tout de même un fond de véri­té. Il n’est évi­dem­ment pas garan­ti que tout pro­blème sera aus­si heu­reu­se­ment trai­té. mais il est vrai­ment res­sen­ti de façon très géné­rale que le poly­tech­ni­cien offre une petite chance de plus qu’un autre d’ap­pro­cher de ce type de solu­tion idéale. C’est là, dans cet « epsi­lonn » sup­plé­men­taire, que réside la rai­son de la pré­fé­rence qui lui est accordée.

Il est bien connu, par­mi les cal­cu­la­teurs de chances au jeu, que, dans les par­ties où le « ban­quier » n’a qu’une faible part régu­liè­re­ment assu­rée, il suf­fit d’une toute petite varia­tion dans l’é­qui­libre des gains et des pertes pour faire bas­cu­ler l’é­di­fice et sau­ter la banque. C’est peut-être incons­ciem­ment que bien des gens appliquent ce mode de rai­son­ne­ment dans le choix des membres de leur équipe.

Si l’en­ga­ge­ment d’un poly­tech­ni­cien n’en­traîne pas pour autant la faillite du ban­quier, il n’en repré­sente pas moins une sorte de mar­tin­gale ras­su­rante qui, dans l’en­semble, est très cor­rec­te­ment jus­ti­fiée par ses résul­tats positifs.

Comme cette défi­ni­tion sert impli­ci­te­ment de base aux acti­vi­tés de la Mai­son et donc de réfé­rence aux com­men­taires sur les mesures prises pour que l’on ne s’é­car­tât point outre mesure du but à atteindre, il faut tout de même pré­ci­ser qu’elle n’est pas for­cé­ment admise d’emblée comme article de foi par le cocon moyen.

Lors­qu’on expose à des élèves ce que l’É­coie pré­tend ain­si leur appor­ter, il n’est pas rare d’en­tendre for­mu­ler le reproche, par des adver­saires du « sys­tème », que cette pré­sen­ta­tion des choses pré­sup­pose que cha­cun occupe une place qua­si déter­mi­née et ne puisse oeu­vrer que pour l’a­mé­lio­ra­tion, ou au moins pour le main­tien de la construc­tion hié­rar­chi­sée de notre Socié­té qui fait du pro­fit son but pre­mier et dernier.

L’i­mage du poly­tech­ni­cien telle qu’elle vient d’être four­nie leur paraît alors méri­ter les qua­li­fi­ca­tifs d’ar­chaïque et d” incongrue.

Mais il faut recon­naître que la conver­gence se retrouve assez vite après le rai­son­ne­ment sui­vant : Sup­po­sons un ins­tant que l’on veuille accro­cher un tableau à un mur nu . On se munit, pour ce faire , d’un clou et d’un mar­teau. Trois cas peuvent alors se produire :
a) on tape sur le clou ;
b) on tape à côté ;
c) on se tape sur les doigts.

Il est mani­feste, quel que soit le cas qui se pro­duise, que cela n’en­lève rien aux qua­li­tés du mar­teau. L’É­cole four­nit le marteau.

La Libre appré­cia­tion du point d’at­tache du tableau, de son sujet et de la gros­seur du clou reste de règle pour son uti­li­sa­teur, une fois la cloi­son mise à sa dis­po­si­tion. Les exemples abondent où la même for­ma­tion scien­ti­fique sou­tient ain­si avec brio les idées défen­dues par des anciens élèves, dans des domaines de pen­sée aux anti­podes les uns des autres.

Pré­tendre pour autant que les qua­li­tés du fameux mar­teau sont néces­sai­re­ment celles d’un mar­teau de la meilleure qua­li­té relè­ve­rait, bien enten­du, d’un immo­bi­lisme intel­lec­tuel trop cri­ti­quable pour être celui des arti­sans char­gés de sa fabri­ca­tion. Mais ceci est une autre his­toire qui n’entre pas dans le cadre de cet article.

Tout ceci nous conduit, sans trop d’illo­gisme, à avan­cer qu’il sera géné­ra­le­ment deman­dé à l’É­cole de livrer, chaque année, à la nation un ensemble de garçons :

  • ayant enger­bé un cer­tain nombre de connais­sances dans un cer­tain nombre de disciplines ;
  • ayant acquis, dans les domaines non scien­ti­fiques, une capa­ci­té de réflexion et de juge­ment que la mono­cul­ture scien­ti­fique des taupes ne leur avait pas per­mis de développer ;
  • s’é­tant, autant que pos­sible, ouverts aux rela­tions de com­mu­nau­té sociale, au sens éten­du du terme, hors de toute réac­tion micro­cos­mique de pro­tec­tion personnelle ;
  • ayant pris conscience de l” uti­li­té de la forme phy­sique et acquis le goût de la maintenir ;
  • convain­cus que les ser­vices atten­dus d’eux par la com­mu­nau­té n’au­ront de valeur que dans la mesure où ils seront d’a­bord capables de s’af­fir­mer comme indi­vi­dus de caractère.

Ceux qui auront pour tâche, à l” École, de veiller à ce que la com­mu­nau­té conserve intact le sens de cette for­ma­tion à don­ner aux pro­duits très divers du concours d’en­trée, devront donc s’en­ga­ger simul­ta­né­ment sur cha­cun des fronts ain­si défi­nis. Appré­ciant alors l’im­por­tance des écarts com­mis par les néo­phytes, ils auront le sou­ci constant de rec­ti­fier les dits écarts par les mesures cor­rec­tives appro­priées, y com­pris, en der­nier res­sort, par les sanc­tions propres à sti­mu­ler les réflexions de chacun.

L’af­faire n’est pas for­cé­ment facile et nous abor­de­rons le sujet3 en dis­tin­guant trois types d’op­po­si­tion aux efforts res­pon­sables de la for­ma­tion des polytechniciens :

  • les mou­ve­ments collectifs,
  • les agi­ta­tions groupusculaires.
  • les mani­fes­ta­tions individuelles.

II

L’his­toire de l’É­cole com­porte un cer­tain nombre de licen­cie­ments d’é­lèves, voire de ren­vois de pro­mo­tions. Inutile de dire que ces mesures fai­saient suite à ce que nous appel­le­rons des mou­ve­ments d’hu­meur suf­fi­sam­ment voyants pour que les auto­ri­tés du moment ne puissent faire autre­ment que de les sanc­tion­ner. La sanc­tion prise dépen­dait d’ailleurs lar­ge­ment des cir­cons­tances, et plus par­ti­cu­liè­re­ment du poids que les adver­saires de l’X pos­sé­daient, aux moments cri­tiques auprès des « déci­deurs » gouvernementaux.

Dans le domaine tou­jours fluc­tuant de la poli­tique, quelques exemples sont assez signi­fi­ca­tifs de la tona­li­té variable du dia­logue Élèves-Auto­ri­té. Lors­qu’en 1804 Napo­léon Bona­parte fut pro­cla­mé Empe­reur des Fran­çais (Car­not ayant été le seul à com­battre la motion pro­po­sée au Sénat) et que cette nou­velle trans­for­ma­tion de la Consti­tu­tion de l’An VIII eût été rati­fiée par un plé­bis­cite à plus de mille contre un, l’Em­pe­reur prê­ta ser­ment. Ceci fait, les repré­sen­tants de l’É­tat et les mili­taires eurent à prê­ter ser­ment à l’Empereur.

Et nos élèves furent conviés, dans un amphi où « ins­ti­tu­teurs » et invi­tés de marque avaient pris place, à pro­non­cer, à l’ap­pel de leur nom, un « Je le jure », après que le gou­ver­neur, le Géné­ral Lacuée, ait lu le texte de l’en­ga­ge­ment per­son­nel deman­dé à cha­cun. En fait, les « Je le jure » alter­naient avec les « Pré­sent » aux­quels un cer­tain nombre de gar­çons limi­taient la mani­fes­ta­tion de leur atta­che­ment au régime impé­rial, solu­tion ano­dine et dis­crète pour éva­cuer la difficulté.

Vint le tour de l’é­lève Bris­sot, fils du célèbre Giron­din déca­pi­té en 93, D’une voix forte , le gar­çon pro­non­ça « Non. je ne prête pas le ser­ment d’o­béis­sance à l’Em­pe­reur », ajou­tant quelques ins­tants après, alors que le gou­ver­neur don­nait l’ordre de s’emparer de sa per­sonne à un groupe sous les armes : « Indi­quez-moi le lieu où vous vou­lez que je me rende ; ne for­cez pas les élèves à se désho­no­rer en met­tant la main sur un cama­rade qui ne veut pas résister »,

Le len­de­main, Bris­sot fut « expulsé ».

Voi­là certes une exclu­sion dont l’É­cole aurait pu faire l’é­co­no­mie, ne serait-ce que pour ne pas perdre un gar­çon de carac­tère. Mais il faut bien recon­naître, en essayant de se mettre au dia­pa­son de l’é­poque, que le dérou­le­ment de l’af­faire lais­sait peu de jeu aux ini­tia­tives des gens arrangeants.

Par­tons une seconde dans le royaume de l’i­ma­gi­naire, et admet­tons que les « ser­gents » des élèves aient fait connaître au Gou­ver­neur qu’il ris­quait de se pro­duire un inci­dent d’ordre indi­vi­duel dans le cou­rant de la céré­mo­nie. Il y aurait eu alors quelque chance pour que, dans ces cir­cons­tances, une per­mis­sion de se rendre au che­vet de sa vieille mère malade ait été signée sans délai au pro­fit du jeune Bris­sot. Car il ne man­quait pas, à l’é­poque, de gens assez aver­tis, dont le Gou­ver­neur peut-être4, pour ne pas igno­rer qu’une forme d’al­lé­geance telle que celle requise, c’est-à-dire à une per­sonne humaine, n’a stric­te­ment aucune valeur5, et en a moins encore (si l’on peut dire) quand elle est impo­sée sous la menace impli­cite de repré­sailles, de quelque nature qu’elles soient. Un ser­ment d’al­lé­geance ne peut être deman­dé qu’à une enti­té : patrie, dra­peau, liber­té, etc …

Ceci dit, encore aurait-il fal­lu que Bris­sot accep­tât de lais­ser infor­mer le Gou­ver­neur de ses inten­tions, ce qui n’est pas évident et reste du domaine de sa conscience. Mais ce qui doit être éga­le­ment sou­li­gné dans cette affaire, et mis au cré­dit moral de l’in­té­res­sé, est son affir­ma­tion de vou­loir por­ter seul sa res­pon­sa­bi­li­té d’homme en déga­geant publi­que­ment celle de ses cama­rades. Cela mérite un coup de chapeau.

Or, un demi-siècle plus tard, le coup d’É­tat du 2 décembre 1851 ouvrait les portes du pou­voir abso­lu au neveu du pre­mier empe­reur6.

L’at­ti­tude des élèves au cours de la Révo­lu­tion de 1848 et leur appui sans réserve au Géné­ral Cavai­gnac, un de leurs Anciens, tout au tout au long des quatre dures jour­nées où il défen­dit la jeune Répu­blique contre le sou­lè­ve­ment des fau­bourgs pari­siens, ne pré­sa­geait rien de bon face au coup d’É­tat du 2 décembre. Il fal­lut toute l’as­tuce du Colo­nel Fros­sard, Com­man­dant en Second, pour les empê­cher de recou­rir aux armes et de ral­lier les quelques sec­teurs pari­siens ou s’or­ga­ni­sa une brève et vaine résistance.

L’É­cole conser­va son amer­tume intacte, que les pro­mo­tions se trans­mirent, en même temps qu’aug­men­tait le sen­ti­ment répu­bli­cain dans le pays. En 1855, l’Em­pire avait pour­tant fière allure, et le défi­lé de l’Ar­mée vic­to­rieuse, retour de Cri­mée, s’an­non­çait comme un évé­ne­ment de por­tée natio­nale. En tête, la Garde, sui­vie de l’É­cole Poly­tech­nique, pré­cé­dait, selon l’ordre éta­bli par Napo­léon III , les troupes de toutes armes. L’u­sage vou­lait – sans que ce fût une obli­ga­tion régle­men­taire – que chaque uni­té élé­men­taire criât « Vive l’Em­pe­reur » à son pas­sage devant Napo­léon III. L’É­coie ne s’y confor­ma point, et les Com­pa­gnies pas­sèrent en ordre mais dans un silence d’au­tant plus remar­qué qu’il était sou­li­gné par les « Vive l’Em­pe­reur » soli­taires du Géné­ral, du Com­man­dant en Second, à la tête de l’Ë­cole, et des adju­dants mar­chant en serre-file des com­pa­gnies. Le maré­chal Niel (pro­mo 21) dut, le soir même, déployer tous ses charmes auprès de l’Em­pe­reur pour que l’É­cole ne soit pas dis­soute, L’on se bor­na à déci­der qu’elle ne par­ti­ci­pe­rait plus aux défi­lés mais il s’en était fal­lu de peu que l’on adop­tât une mesure plus radicale .

L’his­toire n’a pas rete­nu les détails du vote par lequel les pro­mo­tions s’é­taient liées dans ce geste. Par contre, l’on sait que, treize ans plus tard, 220 voix contre 19 se pro­non­cèrent pour un « muzo inté », lors de la revue pas­sée dans l’É­cole par le prince impé­rial, qu’ac­com­pa­gnait son pré­cep­teur, le Géné­ral Frossard.

Ce fut, dit-on l’im­pé­ra­trice Eugé­nie qui sup­por­ta le plus mal ce nou­vel accès d’an­ti­con­for­misme lors­qu’on le lui conta, ce qui per­met de sup­po­ser que le Géné­ral Fave(30) Com­man­dant l’É­cole en 1868, avait dû être pré­ve­nu, tan­dis que ce ne fut pas le cas, en 1855, du Géné­ral Eblé (pro­mo 18). L’on ne peut que regret­ter, là encore, un manque de confiance qui fait qu’entre jeunes et Anciens ne passe pas ce cou­rant indis­pen­sable pour que l’É­cole puisse faire cor­rec­te­ment face aux dif­fi­cul­tés et ser­vi­tudes de son état.

Qu’il y ait des frot­te­ments internes à l’É­cole est une chose mais que l’É­cole, Géné­ral en tête, se pré­sente en « ordre dis­per­sé » à l’ex­té­rieur, ne peut que contri­buer à accen­tuer la répro­ba­tion du plus grand nombre. L’É­cole, a tiré sa répu­ta­tion de la « geste » poly­va­lente des Antiques et a été sau­vée maintes fois par l’in­ter­ven­tion de ses anciens. Le Géné­ral est un de ces Anciens.

Si le peuple de ce pays est un jour ame­né à consta­ter une diver­gence trop grande entre les Anciens qu’il estime et des jeunes qui refusent leur « pater­ni­té », alors la fin de l’É­cole sera proche. La Tra­di­tion com­mande que le lien sécu­laire ne soit pas rompu.

Ces quelques exemples, par­mi d’autres, de mani­fes­ta­tions col­lec­tives d’ordre poli­tique montrent que le sujet n’est donc pas sans ensei­gne­ment. On ne sau­rait, par contre, s’at­tar­der à sur­vo­ler les explo­sions, internes ou externes. où les rai­sons d’a­gir sont à recou­vrir d’un voile pudique.

Le « bahu­tage » pous­sé hors des limites, non seule­ment de la bien­séance mais encore du res­pect des per­sonnes, avait conduit à un très grave inci­dent, vers la fin de 1812. Deux élèves, sur­pris en train de mal­trai­ter un « conscrit » dans les lieux d’ai­sance, sont incar­cé­rés à la pri­son de Mon­tai­gu. Le len­de­main, une affiche inju­rieuse pour l’en­ca­dre­ment est trou­vée sur les lieux du méfait. La pro­mo­tion, consi­gnée jus­qu’à ce que l’au­teur du pla­card se dénonce, brise les quin­quets, pro­fite de l’obs­cu­ri­té et couvre d’a­va­nies les cadres qui essaient de réta­blir un sem­blant de calme. Appre­nant que la force publique allait être réqui­si­tion­née, on court aux armes…

Quelques élèves, moins exci­tés que les autres, réus­sissent cepen­dant à cal­mer les esprits et l’on remet les armes en place. Huit élèves, par­ti­cu­liè­re­ment remar­qués par leur viru­lence dans cet agréable décor, sont alors affec­tés à des régi­ments7

On peut lire dans « l’É­cole Poly­tech­nique » de Cal­lot, où tous ces faits et bien d’autres sont remar­qua­ble­ment expo­sés : « Ain­si se ter­mi­na heu­reu­se­ment une affaire qui aurait pu avoir de tra­giques consé­quences. dans laquelle les élèves mon­trèrent sans doute un cou­pable empor­te­ment, mais où ils affir­mèrent avec cou­rage la soli­da­ri­té polytechnicienne « .

La revue du Prince Impérial (14 mai 1868) à l'école polytechnique
La revue du Prince Impé­rial (14 mai 1868).

Exa­mi­nons un peu cette affir­ma­tion. Le mot soli­da­ri­té est à la mode, c’est enten­du, mais il faut tout de même voir ses limites. Prendre le par­ti de deux gar­çons bru­taux, exer­çant leurs talents sur un conscrit dans des condi­tions par­ti­cu­liè­re­ment répu­gnantes, ne peut être affec­té de l’é­ti­quette de la soli­da­ri­té poly­tech­ni­cienne. Il faut savoir, même à vingt ans, faire le par­tage entre soli­da­ri­té et com­pli­ci­té. Toute socié­té com­porte des élé­ments mar­gi­naux ou irres­pon­sables qu’elle ne sau­rait absoudre a prio­ri de leurs méfaits, à l’X comme ailleurs.

Réus­sir le concours n’est en rien un label de bien­séance, ni un enga­ge­ment chez les mafio­si. Dénier à un enca­dre­ment le droit d’exer­cer son auto­ri­té face à des exac­tions mani­festes que l’on refuse, en outre, de sanc­tion­ner soi-même n’est qu’ou­vrir la voie royale aux mus­cu­la­tures domi­na­trices, tou­jours prêtes à se faire valoir.

Une telle atti­tude face aux repré­sen­tants de l’au­to­ri­té ne sau­rait se com­prendre qu’as­sor­tie de la pré­ten­tion de rendre la jus­tice soi-même. Car il y a tout de même une ques­tion de jus­tice ne serait-ce que pour assu­rer aux plus faibles un mini­mum d’es­pace vital. Il est bien dom­mage de consta­ter que, dans cet exemple, la jus­tice a dû, chez les élèves, céder le pas à la pré­ten­due solidarité.

Même dans le milieu pigal­lien. très fer­mé lui aus­si. des sanc­tions s’exercent au-delà de cer­taines limites. Et le sens des limites y est par­ti culiè­re­ment déve­lop­pé. Cela vaut tout de même réflexion . Il ne faut pas oublier non plus que, dans cette pénible affaire, des gar­çons ont tout de même réagi avec effi­ca­ci­té, bien qu’un peu tard pour un retour à la nor­male. Il eût été plus pro­fi­table qu’ils se fussent déci­dés plus tôt.

Mais là comme ailleurs se véri­fie l’i­dée que si l’im­por­tant est de savoir ce qu’il faut faire. bien des cir­cons­tances se pré­sentent où cette science perd beau­coup de sa valeur si l’on ne pos­sède aucune notion de ce qu’il faut com­men­cer par ne pas faire. L’his­toire de l’É­cole est heu­reu­se­ment assez riche en leçons de ce der­nier type pour que la tra­di­tion y puise une large dose de sagesse.

La soli­da­ri­té des élèves reste une excel­lente chose quand elle peut s’exer­cer sur un ter­rain solide. Hélas, il ne l’est pas sou­vent, miné préa­la­ble­ment par trop de bonnes inten­tions dont on sait qu’à défaut d’é­tayer une bonne lit­té­ra­ture. elles pavent ordi­nai­re­ment les infer­naux séjours. Voi­ci com­ment arri­va le désas­treux licen­cie­ment de 1816.

Rap­pe­lons que l’ac­cueil déli­rant fait à l’Em­pe­reur lors de sa visite à l’É­cole pen­dant les Cent Jours8 puis, après le retour du Roi, la fré­quen­ta­tion bruyante de salles de réunions des bona­par­tistes fer­vents par nombre d’é­lève, comme les nom­breux inci­dents publics « ejus­dem fari­nae », avaient déjà lar­ge­ment indis­po­sé contre l’É­cole un gou­ver­ne­ment royal dis­po­sé, lui aus­si, à bien faire. L’É­cole était mani­fes­te­ment dans le col­li­ma­teur de Sa Majesté.

Les élèves, incons­cients comme tou­jours de la menace, per­sua­dés qu”«ils n’o­se­raient », pour­sui­vaient leur buti­nage de faits divers propres à entre­te­nir le moral des troupes, lors­qu’un des répé­ti­teurs en poste à l’É­cole, M. Lefèvre (pro­mo 03), jugea bon d’a­jou­ter une par­ti­cule à son nom et devint Lefebvre de Four­cy pour l’état-civil.

Les Gracques se retour­nèrent dans leur tombe et leurs mânes insuf­flèrent à la deuxième divi­sion l’i­dée de deman­der à ne plus être inter­ro­gée par ce ci-devant sans ancêtres. Demande repous­sée. Qu’à cela ne tienne : l’é­lève Auguste Comte, joyeux drille (il n’a­vait pas encore été mar­qué par le posi­ti­visme) se pré­sente pour pas­ser sa « sèche », trouve Mon­sieur de Four­cy assis dans un fau­teuil bas, ce qui ne pou­vait lui être repro­ché, mais les talons posés sur le bord du bureau, à bonne hau­teur de relaxa­tion, prê­tant ain­si le flanc à exploi­ta­tion immé­diate par notre inter­ro­gé qui entre­prend illi­co de pas­ser sa colle à cloche-pied.

Citons Cal­lot :

  • Mon enfant, vous vous tenez bien mal. dit le répétiteur.
  • Mon­sieur, j’ai cru bien faire en sui­vant votre exemple …

Mon­sieur Lefebvre de Four­cy mit l’é­lève Comte à la porte. Quelques jours plus tard, six capo­raux de la deuxième divi­sion vinrent trou­ver le répé­ti­teur pour lui expri­mer leur mécon­ten­te­ment. Il les pria de sor­tir. Ils ne bou­gèrent pas. Mon­sieur le répé­ti­teur quit­ta alors son bureau …

Le Géné­ral, enfin infor­mé, ordon­na de faire mettre les six capo­raux en salle de dis­ci­pline. Les ser­gents des deux pro­mo­tions deman­dèrent audience et sol­li­ci­tèrent la levée de la puni­tion. Le Géné­ral leur expli­qua com­ment il voyait les choses, appe­la au calme et crut l’af­faire ter­mi­née, pour apprendre quelques moments après que les pro­mo­tions s’op­po­saient à l’en­voi des capo­raux aux « locaux ». Il fit alors réunir la pro­mo des jeunes et trou­va les deux divi­sions à l’am­phi. Com­man­dant alors aux six capo­raux de gagner les arrêts, il vit tous les élèves quit­ter la salle.

Le len­de­main ne vit pas se cal­mer les choses. déjà bien par­ties comme on peut l’i­ma­gi­ner ; les élèves adres­sèrent à Mon­sieur Lefebvre une lettre lui enjoi­gnant de quit­ter l’E­cole, lettre signée en pre­mier par Auguste Comte bien enten­du. Le Géné­ral réunit le Conseil et deman­da l’ex­clu­sion de quinze élèves. Mais le Roi, bien entou­ré, tenait là un excellent pré­texte : le 14 avril, devant les pro­mo­tions à nou­veau ras­sem­blées, le Géné­ral Comte Dejean n’eut, plus qu’à lire l’or­don­nance de licen­cie­ment qui ren­dait deux cent cin­quante gar­çons au libre choix de leurs acti­vi­tés9.

On reste désar­mé devant la légè­re­té des appren­tis-sor­ciers. Pas­sons sur le carac­tère insup­por­table de la par­ti­cule sup­plé­men­taire de ce bon Mon­sieur Lefebvre : c’est de l’en­fan­tillage. Mais assis­ter à un déve­lop­pe­ment aus­si mal fago­té de pré­ten­tions com­mi­na­toires fai­sant fi du rôle de cha­cun, comme si l’É­cole n’é­tait que ses élèves et. à part eux, peu­plée d’es­claves qui n’a­vaient qu’à se sou­mettre à leur bon vou­loir, dépasse l’i­ma­gi­na­tion. Là aus­si, se trouve la démons­tra­tion que toute fric­tion interne est à sou­mettre ab ini­tio à celui qui a la mai­son en charge.

Les fric­tions entre élèves et ensei­gnants ont été de tout temps. Des exemples récents montrent que si le pro­blème est pris dans le bon sens, c’est·à·dire que si les repré­sen­tants de la pro­mo inté­res­sée viennent expo­ser ce qui cloche à l’An­cien qui est à leur tête, on trouve tou­jours le moyen de remé­dier à la situa­tion. L’en­ca­dre­ment, si faible en nombre soit-il, est d’ailleurs là pour ser­vir éven­tuel­le­ment de relais aux remarques d’é­lèves qui esti­me­raient ne pas avoir à deman­der à être reçus au som­met. pour expo­ser ce qu’ils pensent être une broutille.

L'X consigné en 1912
L’X consi­gné, 1912

Une brou­tille, cela peut en effet paraître insi­gni­fiant. Mais dix brou­tilles ? Dix brou­tilles, cela fait une ambiance. Il est bon de le savoir pour ceux que leur vie amè­ne­ra à prendre en compte une bonne part des acti­vi­tés d’un groupe d’hommes. L’É­cole est donc aus­si un lieu où l’on apprend à se frot­ter aux réa­li­tés, en l’oc­cur­rence aux obs­tacles créés par l’op­po­si­tion congé­ni­tale entre inté­rêts par­ti­cu­liers et inté­rêt géné­ral. On y apprend là une cer­taine « manière ».

C’est un peu ce que le futur com­pa­gnon tirait de l’ar­ti­san che­vron­né : un cer­tain tour de main. Certes, un appren­tis­sage auto­nome condui­rait vrai­sem­bla­ble­ment au même résul­tat, à cela près que le temps per­du ne se rat­trape jamais. même au prix d’un gas­pillage d’ou­tils abî­més et de maté­riaux à rebu­ter. Une expé­rience réus­sie est une bonne chose. une expé­rience man­quée est tout aus­si ins­truc­tive. sinon davan­tage, mais. étant man­quée, elle a coû­té quelque chose à quel­qu’un. Si c’est à l’ex­pé­ri­men­ta­teur, cela fait par­tie du jeu. Si c’est à un « expé­ri­men­té », la rebuf­fade sera rapide et il faut l’éviter .

Alors il appar­tient aux Anciens de trans­mettre leurs « conseils » et leur savoir·faire. Les ingé­nieurs de demain appren­dront vite que le « know-how » se paie cher et ils trou­ve­ront cela nor­mal. Pour­quoi sont-ils tel­le­ment réti­cents à accep­ter celui des Anciens qui est pour­tant four­ni gratuitement ?

Reve­nons à nos mani­fes­ta­tions de « masse » telles que l’his­toire de l’É­cole les a enre­gis­trées, et transportons·nous en 1903, année où le direc­teur des études, Mon­sieur Mer­ca­dier, avait déci­dé de reve­nir à la pra­tique de com­po­si­tions écrites pour la pro­mo­tion des conscrits, sur la recom­man­da­tion d’un conseil de per­fec­tion­ne­ment que l’ir­ré­gu­la­ri­té du tra­vail des élèves avait conduit à se pen­cher sur des mesures propres à en dimi­nuer l’amplitude.

La pro­mo­tion des Anciens vota alors, par 137 voix contre 28, que les conscrits ne feraient pas la com­po­si­tion d’a­na­lyse. Or, les com­po­si­tions se fai­saient par groupes suc­ces­sifs de 60. Les soixante pre­miers conscrits remirent copie blanche. Le Géné­ral infli­gea aux gré­vistes une puni­tion de prin­cipe, en rap­pe­lant que les usages auto­ri­saient le major de pro­mo à s’a­dres­ser soit à la Direc­tion des études, soit au Com­man­de­ment, et qu’il y avait ain­si, en l’oc­cur­rence, une « négli­gence vou­lue des tra­di­tions » de « nature à faire croire à l’in­ten­tion de com­mettre, a près entente préa­lable, une faute grave ».

Puis il déci­da que la com­po­si­tion serait recom­men­cée. Les élèves votèrent alors une « auto­cran­tage » et la pro­mo des anciens décré­ta que les conscrits ne remet­traient de copies que rem­plies du texte des ques­tions. Déci­sion sui­vie d’effet.

Le len­de­main de la com­po­si­tion. le Ministre licen­ciait les 60 conscrits trop … dis­ci­pli­nés, et les fai­sait diri­ger vers divers régi­ments d’ar­tille­rie comme canon­niers de 2e classe.

La pro­mo des Anciens fit alors flèche de tout bois et enta­ma une cam­pagne d’in­ter­ven­tions indi­vi­duelles auprès des Antiques déte­nant un poste influent civil ou mili­taire, aux fins de révi­sion de la mesure des soixante. Le géné­ral leur fit savoir son opi­nion sous la forme sui­vante : « Les élèves de la 1ere Divi­sion n’ont usé de leur influence sur leurs jeunes cama­rades que pour leur don­ner une idée fausse des tra­di­tions de l’É­cole et pour les encou­ra­ger à se muti­ner, dans une cir­cons­tance où l’o­béis­sance était des plus faciles.

Au lieu de son­ger à leur grande part de res­pon­sa­bi­li­té dans cet acte d’in­sou­mis­sion. ils en étaient encore, ces jours-ci, à cher­cher la forme sous laquelle il s’a­dres­se­raient direc­te­ment à d’an­ciens élèves. deve­nus des hommes émi­nents, pour quê­ter une appro­ba­tion impos­sible de leur conduite, ou tout au moins pour obte­nir une inter­ven­tion auprès de l’au­to­ri­té mili­taire dont ils avaient mécon­nu les conseils et les ordres.

Le Géné­ral consi­dère comme un devoir de les pré­ve­nir que cette voie n’est pas la bonne. »

L’ap­pel fut enfin com­pris des Anciens et l’af­faire s’en tint là. Un mois plus tard, les soixante étaient réaf­fec­tés à l’E­cole et les com­po­si­tions écrites ren­traient dans le cur­sus nor­mal du contrôle des connaissances.

Il est clair que cette pénible affaire n’a­vait pas, elle non plus, sui­vi un cours des plus nor­maux. Abus de pou­voir des Anciens – alors qu’ils n’é­taient pas direc­te­ment dans le coup – vis-à-vis de leurs conscrits pour­tant « adultes et res­pon­sables » (ou pré­su­més tels), rejet sys­té­ma­tique de contacts et de dis­cus­sion, illo­gisme (ô rue Des­cartes !) dans la consi­dé­ra­tion de l’au­to­ri­té : refu­sée d’un côté, on la qué­mande de l’autre, en bref atti­tude voi­sine de celle du jeune plai­san­tin qui ayant tiré la queue du chat reçoit un coup de patte et s’en va crier à la can­to­nade ses griefs de mar­tyr contre le méchant ani­mal qui l’a griffé.

Mora­li­té constante : une affaire de pro­mo reste une affaire de pro­mo et se traite entre elle et l’au­to­ri­té légi­time. Cela ne veut pas dire que l’autre pro­mo doit se dés­in­té­res­ser de l’é­vo­lu­tion des choses mais son sou­tien – ou sa neu­tra­li­té – ou encore son oppo­si­tion à l’une ou l’autre par­tie a d’au­tant plus de prix qu’elle peut se dire « réfléchie ».

Des exemples assez récents montrent qu’une telle pro­po­si­tion n’a rien d’ir­réa­liste : on a vu des Anciens de dés­in­té­res­ser ouver­te­ment et en bloc d’un pro­ces­sus contes­ta­taire enta­mé par leurs conscrits. Il est vrai que la légè­re­té de ces der­niers les avait, en l’oc­cur­rence, pro­pul­sés vers des alti­tudes record. On n’a qu’une fois vingt ans !

De ces divers exemples. bien que non exhaus­tifs, du pou­voir créa­teur de l’i­ma­gi­na­tion géné­reuse de la jeu­nesse de toutes les époques, semble bien se tirer la leçon que la Tra­di­tion de l’É­cole ne peut se confor­ter réel­le­ment que par l’ac­tion per­ma­nente des Grands Anciens de la mai­son. On ne sau­rait trop sou­li­gner leur res­pon­sa­bi­li­té constante en ce domaine et. là comme ailleurs, for­mu­ler l’espoir qu’une infor­ma­tion conti­nue leur soit appor­tée sur les condi­tions de vie et les réac­tions d’un popu­la­tion chaque année renou­ve­lée, chaque année un peu plus dif­fé­rente de ce qu’é­tait « leur promo ».

« De mon temps » est tou­jours un sou­ve­nir agréable ; il apporte peu à ceux qui vivent l’ex­pé­rience d’au­jourd’­hui. L’a­dap­ta­tion sup­pose la com­pré­hen­sion. Le « De quoi s’a­git-il » reçoit chaque jour une nou­velle réponse, dans ce domaine comme en bien d’autres. Prendre alors vala­ble­ment par­ti sup­pose que l’on dis­pose d’une réfé­rence de valeur suf­fi­sam­ment éle­vée pour cou­vrir tous les cas de figure et per­mettre de juger rétros­pec­ti­ve­ment comme sur le tas, à la minute présente.

La tra­di­tion, on le voit aisé­ment, ne pour­ra pré­tendre à un tel rôle « d’aide à la déci­sion » que dépouillée des contin­gences et réduite au sens du meilleur ser­vice à rendre au pays. Si donc l’on· croit rendre ce ser­vice en four­nis­sant des poly­tech­ni­ciens à la col­lec­ti­vi­té natio­nale, il faut accep­ter le prix qu’im­pose cette tra­di­tion qui résume toutes celles de l’É­cole : elle est cer­tai­ne­ment étran­gère à tout ce que l’on peut s’é­ver­tuer à tirer de l’his­toire pour jus­ti­fier la dis­pa­ri­tion plus ou moins dégui­sée de Polytechnique.

Ce long déve­lop­pe­ment sur les mani­fes­ta­tions col­lec­tives et leur lien avec la tra­di­tion ne doit pas nous faire oublier de par­ler – plus briè­ve­ment – des acti­vi­tés des grou­pus­cules et des fan­tai­sies indi­vi­duelles, ain­si, bien enten­du. que des réac­tions cor­rec­tives qui leur ont été opposées.

Les grou­pus­cules ont exis­té de tout temps à l’É­cole, avec une viru­lence très variable selon les époques. De nature poli­tique, ils ont conduit cer­tains de leurs membres à par­ti­ci­per à des conju­ra­tions du type de la « Conspi­ra­tion des poudres » de 1833 où six élèves furent tra­duits devant les Assises, après cinq mois de déten­tion, sous l’in­cul­pa­tion de col­la­bo­ra­tion à la consti­tu­tion d’un dépôt d’armes et de muni­tions des­ti­né à des forces sub­ver­sives de la capitale.

Décla­rés non cou­pables par le jury, ils n’en furent pas moins ren­voyés de l’É­cole par le Ministre contre l’a­vis du Conseil de dis­ci­pline et du Géné­ral de Tho­lo­zé (pro­mo 94).

Je laisse le soin aux lec­teurs de tous âges d’ap­pré­cier la situa­tion mais je leur conseille , avant de se pro­non­cer, de lire le compte ren­du des faits repro­chés aux « délin­quants inno­cents » ain­si que la plai­doi­rie des défen­seurs. Peut-être y trou­ve­ra-t-on suf­fi­sam­ment d’ex­pli­ca­tions au fait que le Géné­ral n’ait appa­rem­ment pas deman­dé à être rele­vé de son poste où il est res­té jus­qu’en 1839.

Un topo anarchiste vers 1880.
Un topo anar­chiste vers 1880.

Il est assez rare de voir des grou­pus­cules de ce genre mili­ter dans des cercles d’ac­ti­vi­té pure­ment exté­rieurs à l’É­cole. Ce qui l’est moins – mais c’est le lot de toute col­lec­ti­vi­té actuelle – est d’as­sis­ter de ci de là à la consti­tu­tion de quelques frag­ments de « car­bo­na­ri » du moment, au centre de gra­vi­té fluc­tuant dans le voi­si­nage de la capi­tale, et se bor­nant en géné­ral à souf­fler sur les dis­sen­ti­ments occa­sion­nels ou à jouer les déto­na­teurs à l’in­té­rieur de l’É­cole, en four­nis­sant le Kami­ka­zé de ser­vice. Les inci­dents aux­quels donnent nais­sance de telles acti­vi­tés res­tent en géné­ral du domaine inté­rieur, per­sonne ne pre­nant au sérieux les com­mu­ni­qués à une par­tie de la presse tra­di­tion­nel­le­ment avide de repro­duire un libelle inva­ria­ble­ment signé « les élèves de l’É­cole Poly­tech­nique » (cela fait tou­jours bien dans le tableau, per­sonne n’al­lant jamais véri­fier le bien-fon­dé de la for­mule employée).

Que les avan­tages d’un ano­ny­mat artis­te­ment employé soient pleins d’at­trait pour les des­cen­dants de Don Bazile est certes com­pré­hen­sible, mais qu’ils aient pu séduire une pro­mo­tion vaut quelques lignes de plus.

Le direc­teur géné­ral de l’é­poque avait deman­dé que les articles du « Jour­nal des élèves » fussent signés par leurs auteurs ; il en espé­rait. à tous points de vue, une meilleure tenue. L’his­toire ne dira sans doute jamais pour­quoi cette pré­ten­tion fut jugée exor­bi­tante, atten­ta­toire à la liber­té d’ex­pres­sion et symp­to­ma­tique d’un esprit tota­li­taire abhor­ré. Moyen­nant quoi le numé­ro sui­vant du dit Jour­nal parut, pré­cé­dé d’une décla­ra­tion par laquelle les sous­si­gnés (très grande majo­ri­té de la pro­mo­tion) assu­raient prendre la res­pon­sa­bi­li­té à la fois indi­vi­duelle et col­lec­tive du conte­nu quel qu’il soit des articles ano­nymes à venir.

Bien enten­du, il fut assez vite connu que la col­lecte des signa­tures avait été effec­tuée par quelques élec­trons bien inten­tion­nés pré­sen­tant ver­ba­le­ment le futur conte­nu de la péti­tion selon la vitesse du vent domi­nant dans les caserts visi­tés, et recueillant alors les signa­tures recher­chées, mêmes celles accor­dées, de plus ou moins bonne grâce, par quelques soup­çon­neux qu’un rap­pel ultime à la soli­da­ri­té de classe ou à la paix des len­de­mains pous­sait, au besoin, au milieu du trou­peau . La pro­mo­tion fut alors ras­sem­blée par le Géné­ral qui lui tint à peu près ce langage :

« Mes­de­moi­selles et Mes­sieurs, ce qui fait que vous dis­po­sez cha­cun de quelque cré­dit per­son­nel ne pro­vient pas du conte­nu de votre por­te­feuille, de votre Jaguar ou de votre dat­cha mais de ce qui est et reste votre pro­prié­té inalié­nable quand tout le reste s’est vola­ti­li­sé : à savoir votre conscience d’être humain. Cette valeur-là, c’est votre signa­ture qui en maté­ria­lise la soli­di­té. Or, par un geste que je veux croire assez peu réflé­chi. vous venez de faire don, par votre chèque en blanc, de votre seul et unique témoi­gnage de per­son­na­li­té et à qui vou­dra bien en faire l’u­sage outran­cier que vous savez.

Quand un geste d’hu­meur de votre part voit le jour entre les murs de cette École, sachez qu’il ne doit jamais prendre une forme qui vous abais­se­rait au rang de robots pas­sifs. Que cha­cun reste soi-même. Un nombre suf­fi­sam­ment grand de vos Anciens – peut-être les pères de cer­tains d’entre vous – réduits à l’é­tat de loques phy­siques par des geô­liers impla­cables et ne pos­sé­dant plus rien que leur conscience de ser­vir leur pays. ont pré­fé­ré la mort à l’a­ban­don, pour que vous soyez libres d’être vous-mêmes.

N’a­ban­don­nez jamais à qui que ce soit le soin de répondre de vos faits de gestes : choi­sis­sez bien vos ser­vi­tudes : il y en a qui gran­dissent l’homme et d’autres qui le ruinent. Votre choix est tou­jours entre vos mains. »

Le remue-ménage ulté­rieur que ce rap­pel à la vraie tra­di­tion déclen­cha dans la pro­mo­tion, fut assez vif mais de courte durée, et l’af­faire fut enter­rée d’un tacite accord.

Les cas indi­vi­duels ne sont pas for­cé­ment les plus faciles à trai­ter. Ils repré­sentent en fait une charge constante, et lourde, à un enca­dre­ment sou­cieux de rem­plir sa mis­sion. Celle-ci peut se résu­mer de la manière sui­vante : le métier de res­pon­sable de la qua­li­té du tra­vail d’un groupe d’hommes – la qua­li­té du tra­vail com­pre­nant aus­si, bien enten­du, la qua­li­té de condi­tions dans les­quelles il s’ef­fec­tue – consiste quel­que­fois à dire « oui » et le plus sou­vent à dire « non »10. Pour pou­voir dire non à d’autres, il est indis­pen­sable de savoir se le dire à soi-même. L’ex­pé­rience humaine dénie, en effet, toute valeur à la pra­tique du « Faites ce que je vous dis et ne faites pas ce que je fais ».

Cet ensei­gne­ment n’est hélas pas de ceux qui se trans­mettent par cours poly­co­piés. II s’exerce dif­fé­rem­ment sur chaque indi­vi­du. et son effi­ca­ci­té dépend direc­te­ment du sens dans lequel doivent se lus­trer les poils de cha­cun des sys­tèmes pileux de la popu­la­tion des novices.

Comme les cir­cons­tances sont nom­breuses où cha­cun, à un moment ou à un autre, est ten­té de se croire jus­te­ment celui à qui ne s’ap­plique pas la règle, l’en­ca­dre­ment a fort à faire pour rame­ner le year­ling éga­ré devant la barre, en lui rap­pe­lant que le jeu consiste à la fran­chir et non à pas­ser à côté.

Ceci bien enten­du, n’a pour objet que la per­fec­tion des atti­tudes indi­vi­duelles mais l’on ne sau­rait s’en tenir là. Puis­qu’il s’a­git de l’É­cole, il faut viser tout autant à l’a­mé­lio­ra­tion de la race, et cela se fait en ne per­dant pas de vue la phrase citée par Tho­mas Mer­ton dans « La nuit pri­vée d’é­toiles » qui peut s’ap­pli­quer à tous les conscrits, à leur entrée à l’É­cole : Tout ce que vous ferez désor­mais ren­dra la com­mu­nau­té meilleure ou pire ».

Les prin­cipes étant ain­si posés, il reste à pas­ser à l’ap­pli­ca­tion. Les fautes de par­cours sont jour­na­lières. tou­jours variées et par­fois ori­gi­nales. Bien des rubriques existent pour leur clas­se­ment entre le far­niente pro­lon­gé et les débor­de­ments d’ac­ti­vi­tés, bien enten­du étran­gers au ser­vice ou dom­ma­geables pour le maté­riel de l’État.

Les sanc­tions cor­res­pon­dantes se répar­tissent donc sur un éven­tail assez large, allant de l’a­ver­tis­se­ment pri­vé au séjour mikra­lien, cer­taines fac­tures étant en outre adres­sées à la Kès qui se charge de leur recou­vre­ment éven­tuel. L’a­dap­ta­tion à la vie cou­rante joue aus­si son rôle et il est clair que la mul­ti­pli­ca­tion de fausses clés n’a pas le même sens – à l’ère des bou­tiques- minute – que celui décou­lant d’un long tra­vail d’ar­tiste du « pitaine-c1é », sur un éta­bli de for­tune, entre deux colles d’ana.

Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes si le double ban­deau posé sur les yeux de la jus­tice poly­tech­ni­cienne ne venait entra­ver la pour­suite du Krime.

Il est en effet admis que cer­taines mani­fes­ta­tions indi­vi­duelles. bien qu’ayant un carac­tère artis­tique cer­tain. ne sau­raient béné­fi­cier de ce fait d’une impu­ni­té qui serait trop visi­ble­ment sacri­lège. La règle du jeu est alors la sui­vante. selon les deux cas de figure clas­siques suivants :

  • ou bien l’au­to­ri­té légi­time ne peut décem­ment lais­ser croire qu’elle ignore le nom de l’ar­tiste : une puni­tion est alors pro­non­cée, assor­tie d’un motif savam­ment étu­dié pour saluer l’o­ri­gi­na­li­té du fait sans com­pro­mettre pour autant le res­pect dû à l’ordre républicain .
  • ou bien les oreilles peuvent être hon­nê­te­ment décla­rées sourdes et la Kès sera priée de bien vou­loir dési­gner un cou­pable qui sup­por­te­ra la mani­fes­ta­tion dosée de l’ire offi­cielle. Il faut bien en effet saluer en Uri le cha­peau de Ges­ler. Les « crans schick­sa­lés », bien que d’une injus­tice criante pour les tenants de Mon­tes­quieu, sont une des ori­gi­na­li­tés de l’É­cole, qu’il serait à notre avis regret­table de voir dis­pa­raître, un gent­le­man’s agree­ment fai­sant sou­vent plus pour arran­ger les choses qu’un texte bar­dé de cachets de cire armo­riés. et dont chaque vir­gule colle irré­mé­dia­ble­ment à son parchemin.

Ce pre­mier ban­deau, légè­re­ment trans­pa­rent, volon­tai­re­ment appli­qué sur les yeux de la Jus­tice, est mal­heu­reu­se­ment dou­blé d’un second, plus épais, et de fabri­ca­tion plus récente. Un cer­tain nombre de faits pen­dables voient en effet leurs auteurs, sys­té­ma­ti­que­ment cou­verts par le silence de leurs cama­rades, échap­per à la sanc­tion pour­tant méri­tée à tous égards.

Bien qu’ex­trê­me­ment sévères pour tout acte com­mis à leur égard sans port préa­lable de gants beurre frais, les pro­mo­tions sont deve­nues d’une man­sué­tude sans limites pour ceux de leurs membres qui fran­chissent celles de la bien­séance. Le « Ne jugez point » de la loi semble appli­qué par elles, à la lettre, en leur sein, quitte à se rat­tra­per à brides abat­tues sur l’en­vi­ron­ne­ment. Ceci ne fait l’af­faire de per­sonne, sauf des tru­blions, bien entendu.

Pour­tant. deux mesures avaient long­temps été pra­ti­quées qui éta­blis­saient un cer­tain équi­libre. Un élève avait-il fau­té contre la cama­ra­de­rie, que ce soit « intra muros » ou dans ses rap­ports avec l’ex­té­rieur, l’au­to­dé­fense jouait, allant jus­qu’à la mise en qua­ran­taine du fau­tif, sanc­tion tota­le­ment indé­pen­dante des « crans » qui pou­vaient lui tom­ber sur la tête de la part d’un com­man­de­ment tra­di­tion­nel­le­ment poin­tilleux sur les ques­tions d’honneur.

Géné­ra­le­ment, d’ailleurs, la qua­ran­taine jouait seule car, si l’en­ca­dre­ment ne pou­vait igno­rer que la mesure frap­pait tel élève, il ne pou­vait décem­ment s’en pré­va­loir pour « cran­ter » le fau­tif qu’il n’au­rait pas connu sans elle. Cette logique, assez par­ti­cu­lière. était elle aus­si obser­vée taci­te­ment des deux bords.

L’autre pro­cé­dé ne se pra­ti­quait que lorsque l’af­faire en cause débor­dait les murs, ren­dant l’a­no­ny­mat impos­sible. Il consis­tait à déci­der, entre repré­sen­tants des élèves et com­man­de­ment, de la contri­bu­tion de cha­cun au règle­ment du « délit ». La part était alors faite entre ce qui était dû au cha­peau de Gess­ler et ce que la pro­mo pre­nait à son compte. Cela se pra­ti­quait dans les cas où, des tiers étant en jeu, la Kès inter­ve­nait auprès d’eux et tenait le com­man­de­ment infor­mé du résul­tat de ses tractations.

Toutes garan­ties étant alors acquises, le fau­tif, mikra­li­sé dès le départ de l’af­faire, appre­nait par un motif soi­gneu­se­ment pesé la part offi­cielle à payer, et la Kès se char­geait de lui faire un des­sin pour le reste.

Il est bien évident que de telles pro­cé­dure n’en­traî­naient, pour le Com­man­de­ment aucun droit à la moindre gra­ti­tude et que le cas trai­té ne pou­vait jamais ser­vir de réfé­rence de sa part au règle­ment d’af­faires d’un autre ordre. Moyen­nant quoi la vie sui­vait son cours.

Tout cela sup­po­sait, bien évi­dem­ment, que la Kès fût fon­dée à repré­sen­ter la pro­mo­tion, ce qui allait de soi il n’y a pas encore très long­temps. Cer­taines consi­dé­ra­tions phi­lo­so­phiques, un ins­tant à la mode, ont conduit cer­taines pro­mo­tions à élire des Kes­siers sans la condi­tion fon­da­men­tale qu’ils ne pour­raient faire le moindre geste qui ne fût pesé, avant et après, par des assem­blées dites géné­rales où les appro­ba­tions et refus se déci­daient à main levée (ce qui, comme on le sait, laisse à la liber­té de cha­cun la pos­si­bi­li­té de s’ex­pri­mer de la façon la plus démo­cra­tique et sereine, selon la façon dont est posée la ques­tion par le meneur de jeu du moment). Comme quoi tout est une ques­tion de confiance. La confiance se mérite.

Cet expo­sé sur le trai­te­ment des cas indi­vi­duels serait tou­te­fois incom­plet si un aspect très par­ti­cu­lier des sanc­tions appli­quées n’é­tait pas abor­dé. Les plus récents règle­ments de dis­ci­pline géné­rale. appli­cables à l’E­cole sous sta­tut mili­taire, ne sau­raient avoir, sur­tout à l’X, la pré­ten­tion de pré­voir tous les cas de figure, comme le barème qui s’y trouve en bonne place peut en don­ner l’impression.

Un direc­teur géné­ral avait donc fait savoir que, dans la mesure où les faits qui lui seraient pré­sen­tés rele­ve­raient du dit barême, il tâche­rait de s’y confor­mer ; mais, avait-il ajou­té, son expé­rience per­son­nelle et la confiance qu” il por­tait aux facul­tés d’i­ma­gi­na­tion de la gent poly­tech­ni­cienne, lui per­met­taient de sup­po­ser qu’il aurait à juger de cas ori­gi­naux sor­tant de la dite épure.

Dans ce cas, avait-il alors affir­mé, toute réfé­rence régle­men­taire étant alors sans objet, il déci­de­rait sans appel du carac­tère « buvable » ou non des faits incri­mi­nés. Ce qu” il eut l’oc­ca­sion de mettre en pra­tique sans aucune contes­ta­tion de qui que ce soit. Tout l’art de l’o­pé­ra­tion rési­dait, là encore. dans la rédac­tion du motif.

Les années à venir seront dif­fi­ciles pour ceux, Anciens et Jeunes, qui croient au ser­vice ren­du par l’E­cole au pays. Parce qu’ils y croient pour bien des rai­sons et aus­si qu’elle n’est pas une Ecole comme les autres. Elle est la der­nière à pré­tendre que la res­pon­sa­bi­li­té majeure devant des hommes ne se jus­ti­fie que dans la reven­di­ca­tion de sa propre part des fautes com­mises, et, par consé­quent, dans l’ac­cep­ta­tion du prix à payer. Elle est la der­nière à livrer au pays des gar­çons et des filles un peu mieux por­tés que d’autres à savoir que l’er­reur ou la faute du res­pon­sable ont des consé­quences qui pèsent tou­jours trop lourd sur leurs conci­toyens, pour la bonne rai­son qu’on les a habi­tués à payer d’a­bord eux-mêmes leurs erreurs ou leurs fautes.

Même si le décor a quelque chose de fic­tif ou d’ar­bi­traire – et par­tant de cri­ti­quable – la leçon y est don­née et, mal­gré tout, com­prise. C’est cela que notre peuple sent intui­ti­ve­ment et c’est pour cela qu’il fait a prio­ri confiance à ceux qui ont vécu la règle don­née par la Tradition.

Nous avons affir­mé que cette Tra­di­tion ne pou­vait se per­pé­tuer que dans un cer­tain cli­mat de confiance entre Anciens et Jeunes, comme entre « Com­man­de­ment » et éléves. Nous avons vu aus­si com­ment elle avait ris­qué d’être inter­rom­pue à jamais par la mécon­nais­sance des limites.

Ces limites, les Anciens les sentent mieux que les Jeunes et nous sommes alors rame­nés au pro­blème pré­cé­dent : il faut choi­sir la confiance. L” École a tout à y gagner.

Refu­ser cette confiance revien­drait en effet à prendre le risque de perdre le sens des limites et de voir alors un pays déso­rien­té ou excé­dé, res­ter sans réac­tion devant la situa­tion que sou­haitent in pet­to nombre d’ir­ré­duc­tibles enne­mis de Poly­tech­nique : la dis­pa­ri­tion de l’É­cole dans les décombres de la Tradition.

Il y a quelques années, deux élèves par­ti­cu­liè­re­ment doués pour tirer à deux sur la queue du chat s’é­taient, une fois de plus, mis en vedette. Le « motif » affi­ché pour célé­brer l’é­vé­ne­ment fut per­son­na­li­sé de la façon sui­vante : pour le pre­mier : « s’est trom­pé d’en­droit pour épan­cher ses états d’âme » et pour le second : « N’a pas su som­mer une série divergente ».

Que cha­cun fasse en sorte que per­sonne n’ait un jour le loi­sir de fon­der sur des motifs de ce genre une mise à l’ombre de l’École.

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1. Tibé­rius et Caius Grac­chus, tri­buns démo­crates réfor­mistes, en 133 et 123 avant J .C . morts vic­times de la noblesse romaine.
2. Une expli­ca­tion peut en être recher­chée dans le fait que, chef d’E­tat Major de Mar­mont, en 1814, M. de Bor­de­soulle était plu­tôt mal pla­cé pour par­ler de fidé­li­té sinon de patrio­tisme aux « des­cen­dants » très proches des ser­vants de la bat­te­rie de la Bar­rière du Trône
3. On ne peut le faire hon­nê­te­ment sans tenir compte d’une remarque pré­li­mi­naire. École mili­taire ou sous sta­tut du même nom, l’É­cole n’a jamais coû­té très cher aux gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs en per­son­nel d’en­ca­dre­ment. Le « com­man­de­ment » y a tou­jours été assu­ré et c’est aus­si une tra­di­tion (avec un « t » minus­cule) par un très petit nombre de cadres. Chaque pro­mo est actuel­le­ment confiée, à un offi­cier supé­rieur – dis­po­sant ou non d’un adjoint – et cha­cune de ses quatre « com­pa­gnies » à un capi­taine, dou­blé d’un adju­dant ou d’un adju­dant-chef. C’est dire que la « par­ti­ci­pa­tion » est la règle puisque là, plus qu’ailleurs, com­man­der c’est convaincre.
4.Le fait d’a­voir accep­té les « pré­sent » comme ayant valeur de « je le jure » semble por­ter à ran­ger le Gou­ver­neur dans la caté­go­rie indiquée.
5. aux yeux des chré­tiens, par exemple.
6. Approu­vé par le plé­bis­cite du 21 décembre four­nis­sant 7 349 000 « oui » contre 646 000 « non », il condui­sait à l’Em­pire qui fut pro­cla­mé le 2 décembre 1852, après qu’un nou­veau plé­bis­cite, le 20 novembre, ait ali­gné 7 839 000 oui contre 253 000 non.
7. Pour la petite his­toire, ces huit « meneurs » déployèrent d’autres talents dans leurs uni­tés, furent nom­més sous-lieu­te­nants et retrou­vèrent leurs anciens « cocons » à l’É­cole de Metz, ce qui, connu à l’É­cole, y pro­vo­qua une illu­mi­na­tion géné­rale (les quin­quets avaient été réparés).
8. autre témoi­gnage de l’at­ta­che­ment congé­ni­tal de l’É­cole aux cas désespérés
9. L’É­cole rou­vrit ses portes à de nou­veaux élèves le 17 jan­vier 1817, sous le sta­tut civil. On connaît la suite.
10. l’Exemple clas­sique est celui de la pré­ven­tion des acci­dents sur un chantier.

Une tra­di­tion constante
Le schik­sal des punitions

Le Temps – 12 décembre 1910

Les « tra­di­tions » à Poly­tech­nique . – Par­mi les vieilles « tra­di­tions » que les pro­mo­tions de Poly­tech­nique se trans­mettent avec un soin jaloux, il en est une, inof­fen­sive, et qui révèle l’es­prit de soli­da­ri­té ani­mant les élèves de la grande école, c’est celle qui consiste à tirer au sort les noms des vic­times expia­toires d’une faute col­lec­tive. Un inci­dent, d’ailleurs sans gra­vi­té, qui s’est pro­duit hier montre que cette tra­di­tion n’a pas été abandonnée.
Le jour de la Sainte-Barbe, des poly­tech­ni­ciens, s’im­pro­vi­sant arti­fi­ciers, et non sans ingé­nio­si­té, avaient, grâce à un dis­po­si­tif spé­cial de fils élec­triques, tiré un superbe feu d’ar­ti­fice sur la cou­pole du grand amphi­théâtre. Mais, paraît-il, la charge de poudre était un peu forte, et la pièce fit quelques dégâts.
Le géné­ral Kreit­mann , com­man­dant l’É­cole, réso­lut de sévir. Mais au lieu de deman­der des noms, les adju­dants dési­gnèrent des cou­pables. C’est pour­quoi , hier, les deux pro­mo­tions se soli­da­ri­sant avec ces der­niers, res­tèrent volon­tai­re­ment consignées.

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