Honoré d’Estienne d’Orves (1921) est l’un des polytechniciens Résistants les plus connus.

La résistance ou l’appel du refus

Dossier : Le Grand Magnan 2017Magazine N°727 Septembre 2017
Par Vianney BOLLIER (64)

La deux­ième guerre mon­di­ale, dite de 39–45, a con­nu en France qua­tre péri­odes de longueur et d’intensité très dif­férentes : d’abord la « drôle de guerre » de sep­tem­bre 1939 à mai 1940, puis la « Blitzkrieg » alle­mande de mai et juin 1940, ensuite l’occupation de juil­let 1940 ou novem­bre 1942 à juin ou décem­bre 1944 selon les régions, et enfin la recon­quête avec les Alliés de juin 1944 à mai 1945. 

La péri­ode de l’occupation a été à la fois la plus longue et la plus pénible, matérielle­ment comme morale­ment. Matérielle­ment car l’Allemagne a ponc­tion­né l’économie et imposé de lour­des restric­tions mais surtout morale­ment car le régime de Pétain a effec­tué de son pro­pre chef un retourne­ment d’alliances qui a prôné la col­lab­o­ra­tion avec un régime nazi et a accep­té ou même accom­pa­g­né les dérives idéologiques et les exac­tions de celui-ci. 

L’HEURE DU CHOIX

Dans ce con­texte, les poly­tech­ni­ciens ont été con­fron­tés comme tous les Français, mais un peu plus forte­ment en rai­son de leur for­ma­tion, à un choix ter­naire : apporter un con­cours engagé au régime de Pétain, con­tribuer tech­nique­ment à la bonne marche économique du pays en lim­i­tant au mieux les effets de l’occupation, ou résis­ter soit mil­i­taire­ment dans la France Libre, soit de façon var­iée dans les Mou­ve­ments ou les Réseaux de l’intérieur.

“ Quelques-uns ont refusé de se soumettre et sont devenus des Résistants ”

Cer­tains, on le sait, ont choisi la pre­mière voie mais, heureuse­ment, peu ont pour­suivi jusqu’à la fin et le ral­liement des autres à la Résis­tance a le plus sou­vent été le bien­venu. Beau­coup ont évidem­ment choisi le deux­ième chemin et par­mi eux, beau­coup aus­si ont ensuite regret­té ce qu’ils ont perçu eux-mêmes comme un manque de courage. 

Quelques-uns enfin ont refusé de se soumet­tre et sont devenus des Résis­tants : en voici qua­tre, des pro­mo­tions 1921 à 1938, qui ont été dis­tin­gués comme « Com­pagnons de la Libéra­tion » par le général de Gaulle. 

RÉSISTANT DÈS LA PREMIÈRE HEURE


Hon­oré d’Estienne d’Orves (1921) est l’un des X Résis­tants les plus con­nus. © COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE 

Le plus ancien, et l’un des plus con­nus, est Hon­oré d’Estienne d’Orves (1921), offici­er de marine, qui se trou­ve au large de la Syrie après l’armistice. Il ne sup­porte pas les ordres de Vichy et, alors qu’il est père de famille, n’hésite pas à démis­sion­ner dans des con­di­tions qui l’assimilent à un déserteur. 

Ayant rejoint Lon­dres dès sep­tem­bre 1940, il demande et obtient de par­tir en mis­sion en France pour met­tre sur pied un ser­vice de ren­seigne­ment et assis­ter la Résis­tance naissante. 

Il arrive en Bre­tagne le 21 décem­bre 1940 mais est trahi par son radio et est arrêté le 21 jan­vi­er 1941, non sans que l’Abwehr ait eu le temps d’identifier trop de mem­bres de son réseau. 

Après une procé­dure com­plexe qui les con­damne à mort, il est exé­cuté avec plusieurs de ses cama­rades au mont Valérien le 21 août 1941. 

EN MISSION DANS LE RENSEIGNEMENT

Jacques Mail­let (1931) était en mis­sion aux USA en 1940 afin de com­man­der du matériel pour l’aviation française. 

Jacques Maillet (1931) résistant polytechnicien
Jacques Mail­let (1931)
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE

De retour en France en 1941, il se met en rap­port avec les ser­vices secrets de la France Libre (BCRA) et leur four­nit des renseignements. 

Sur ordres, il rejoint Lon­dres en jan­vi­er 1943 en pas­sant par l’Espagne puis revient en France en octo­bre. Obligé de rester en France, il intè­gre le Comité français de Libéra­tion nationale et jouera un rôle de pre­mier plan dans la région Sud-Est, en sauvant notam­ment de nom­breux résis­tants pris­on­niers au fort de Montluc. 

Dans la France libérée, Jacques Mail­let portera haut les couleurs de l’industrie française aéro­nau­tique et spa­tiale, avec Snec­ma puis Intertechnique. 

Il accordera beau­coup d’importance à la mémoire de la Résis­tance et a été le prési­dent de la nou­velle asso­ci­a­tion X‑Résistance de 1997 à 2006. 

UN COURAGE HORS DU COMMUN

André Rondenay (1933) Résistant polytechnicien
André Ron­de­nay (1933) 
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE

André Ron­de­nay (1933) n’a pas eu autant de chance que son cama­rade. Il s’évade d’Allemagne après la cam­pagne cat­a­strophique de 1940 et rejoint rapi­de­ment l’Angleterre par l’Espagne. Il est affec­té lui aus­si au BCRA et, lorsque les per­spec­tives de débar­que­ment se pré­cisent, demande égale­ment à être envoyé en mis­sion en France où il est para­chuté en sep­tem­bre 1943. 

“ Rondenay est assassiné sans jugement le 15 août 1944 ”

Il met au point le plan « Tortue » de paralysie des chemins de fer puis devient délégué mil­i­taire en région parisi­enne puis pour le Nord. Très act­if après le débar­que­ment et par là même très exposé, il est arrêté le 20 juil­let 1944 et assas­s­iné sans juge­ment dès le 15 août à Domont dans l’Oise.

UN PILOTE DE CHASSE SUR TOUS LES FRONTS

Marcel Langer (1938) Résistant polytechnicien
Mar­cel Langer (1938)
© COLLECTIONS ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Mon dernier exem­ple sera celui de Mar­cel Langer (1938) qui, envoyé en école d’application en sep­tem­bre 1939, est pilote de chas­se en mai et juin 1940. Il rejoint Lon­dres dès juil­let 1940 et est affec­té en Afrique où il enchaîne les mis­sions de bom­barde­ment puis de convoyage. 

Il com­bat ensuite en France de sep­tem­bre 1943 à juil­let 1944 et con­tin­ue en Extrême-Ori­ent jusqu’en sep­tem­bre 1945. 

Cap­i­taine mais à nou­veau élève, il porte le dra­peau de l’École à la reprise des cours en octo­bre 1945. 

Après quelques années dans l’aviation com­mer­ciale, Mar­cel Langer entre­prend une car­rière dans l’industrie. Il a, comme Jacques Mail­let, veil­lé à ce que la flamme de la Résis­tance ne s’éteigne pas. 

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