Bernard Lévi

Bernard Lévi (41 bis) l’exclusion, la clandestinité, la mémoire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°745 Mai 2019
Par Olivier HERZ (79)
Décédé le 11 mars 2019, Bernard Lévi fut l’un des grands artisans de la mémoire des polytechniciens dans la Résistance.

Les orig­ines de Bernard Lévi, né à Paris en 1921, plon­gent dans l’histoire de France. Cou­sine de Dar­ius Mil­haud, sa mère descendait des « juifs du Pape », et son père était issu d’une longue lignée de juifs d’Alsace com­por­tant notam­ment deux grands rab­bins de France : son grand-père Israël Lévi et son arrière-grand-père Zadoc-Kahn, ardent défenseur d’Alfred Drey­fus (1878).

De l’exclusion à la clandestinité

En juin 1941, au moment même où Vichy adopte le sec­ond statut des Juifs, Bernard Lévi est reçu à l’X, repliée à Lyon et Villeur­banne, classé 26e « bis ». À l’été 1942, dis­pen­sés des chantiers de jeunesse inter­dits aux juifs, les cinq élèves « bis » reçoivent un accueil sym­pa­thique de Louis Lep­rince-Ringuet (1920N) dans son lab­o­ra­toire de physique nucléaire de l’X dans les Hautes-Alpes. Lorsque l’X réin­tè­gre Paris fin 1942, pour élud­er la ques­tion du port de l’étoile jaune sur l’uniforme, il est décidé que les élèves « bis » res­teront dans leurs familles et suiv­ront les cours par cor­re­spon­dance. Leurs exa­m­ens de fin d’études seront organ­isés à Lyon en juil­let 1943. Dès août 1943, Bernard Lévi rejoint le réseau Gal­lia des Forces français­es com­bat­tantes. Agent P2 (per­ma­nent et clan­des­tin), il fab­rique des faux papiers et con­tribue à fournir des doc­u­ments détail­lés sur les défens­es alle­man­des et les nœuds ferroviaires.

De la Défense nationale à Thomson-CSF

En octo­bre 1944, il intè­gre le corps du Génie mar­itime. De jan­vi­er 1945 à la Vic­toire, il pour­suit le com­bat, comme enseigne de vais­seau sur la fré­gate L’Escarmouche basée à Portsmouth d’où il traque les sous-marins alle­mands. Après une sec­onde école d’application (télé­com), il est chargé à l’arsenal de Toulon de l’atelier radio-radar de Cuers (1948–1951) puis devient chef du bureau de l’aéronautique navale à la Direc­tion cen­trale des con­struc­tions et armes navales (1952–1958). De 1959 à 1988, en con­gé « dans l’intérêt de la Défense nationale à la CSF », il est directeur dans le secteur des tubes et des com­posants élec­tron­iques à la CSF, fusion­née en 1968 dans Thom­son-CSF, dev­enue Thales en 2000.

La mémoire et la réactivation de X‑Résistance

Comme pour nom­bre de résis­tants et de déportés, le besoin de témoign­er pour la mémoire rat­trape Bernard Lévi une fois à la retraite. Dans l’avant-propos de son très beau livre X bis. Un juif à l’École poly­tech­nique. Mémoires 1939–1945 (Cal­mann-Lévy, 2005), il racon­te l’émotion qui l’envahit lorsqu’il retrou­ve dans des vieux papiers une let­tre à en-tête : « Le gou­verneur de l’École poly­tech­nique à Bernard Lévi élève juif ». Le pre­mier arti­cle de Bernard Lévi, fin 1994, a pour titre : « Entre Vichy et Mas­sa­da » et rap­pelle ce haut lieu de résis­tance que nous avons vis­ité ensem­ble en mai 1994 lors du voy­age du bicen­te­naire de l’X en Israël.

“Garder la mémoire du combat des X contre l’occupant,
pour beaucoup au sacrifice de leur vie.”

La paru­tion en 1996 dans les Libres pro­pos de La Jaune et la Rouge d’un arti­cle visant à réha­biliter la mémoire de Jean Bich­e­lonne (1923), min­istre de Vichy, con­duit Bernard Lévi et plusieurs cama­rades anciens résis­tants à réa­gir en réac­ti­vant le groupe X‑Résistance, créé peu après la guerre, pour garder la mémoire du com­bat des X con­tre l’occupant, pour beau­coup au sac­ri­fice de leur vie. Une asso­ci­a­tion est créée, présidée par Jacques Mail­let (1931), com­pagnon de la Libéra­tion. Bernard Lévi en est l’inlassable et dévoué secré­taire général.

Il con­tribue à la créa­tion de l’exposition itinérante « Des poly­tech­ni­ciens dans la Résis­tance » et à l’organisation d’un impor­tant col­loque, puis à la créa­tion d’un site inter­net et d’un blog. Il passe le relais en 2006 mais il con­tin­ue de rassem­bler des archives pour la bib­lio­thèque de l’École, et il restera jusqu’à sa dis­pari­tion un fidèle admin­is­tra­teur de X‑Résistance.

Bernard Lévi était offici­er de la Légion d’honneur, com­man­deur dans l’ordre nation­al du Mérite, croix de guerre 1939–1945 et médail­lé de la Résistance.


Son père Robert Lévi (1914) « peut être con­sid­éré comme le père de la voie mod­erne, qui a per­mis la réal­i­sa­tion du TGV » (in memo­ri­am, J&R 372).

Ils sont cinq juifs admis dans le numerus clausus de 3 %, payants et privés d’accès aux corps de l’État.

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