Jacques Mantoux (41)

Dossier : ExpressionsMagazine N°668 Octobre 2011Par : Gilles MANTOUX (78)

Jacques MANTOUX (41)Né en 1921, Jacques Man­toux tient de son père, Paul, nor­malien, secré­taire-inter­prète de la con­férence de paix à Ver­sailles en 1919, puis secré­taire de la sec­tion poli­tique de la Société des Nations et cofon­da­teur de l’In­sti­tut des hautes études inter­na­tionales à Genève, une con­science pré­coce de la poli­tique internationale.

En juin 1940, sa taupe de Jan­son étant repliée à Bor­deaux, il s’embarque pour Casablan­ca en vue de par­ticiper au com­bat. Mais aucun moyen ne s’y présen­tant encore, il revient en France mét­ro­pol­i­taine et entre à l’X l’an­née suiv­ante. En 1942, l’É­cole est déplacée à Villeur­banne. Il y subit des brimades dans la lignée des ” lois juives ” relayées par cer­tains cadres zélés, son père s’é­tant déclaré juif par sol­i­dar­ité avec d’autres branch­es de sa famille.

Engagement précoce

À Noël 1942, Jacques Man­toux quitte l’É­cole vers l’Es­pagne, lais­sant sur la table du gou­verneur une let­tre claire et ferme sur le but de son départ : rejoin­dre la France com­bat­tante. Les con­tacts lais­sés par un X plus ancien s’é­tant évanouis, il établit une nou­velle fil­ière via Amélie-les- Bains. Il revient à Villeur­banne, mal­gré les risques, pour ren­seign­er des cama­rades. Sept élèves de sa pro­mo­tion suiv­ront la même voie, et tous res­teront liés pour la vie. Jacques passe les Pyrénées avec Scia­ma (38).

Le but de son départ : rejoin­dre la France combattante

Ils rejoignent Barcelone à pied sans être pris, et de là Gibral­tar puis Lon­dres. Jacques y retrou­ve son cama­rade Fran­cis Rougé (41) avec qui il fera toute la guerre. For­mé à Cam­ber­ley, Jacques dirig­era une bat­terie de qua­tre canons de 105 mm au 1er rég­i­ment d’ar­tillerie de la 1re DFL (Divi­sion française libre). Par l’Afrique du Nord, il rejoint la cam­pagne d’I­tal­ie début 1944 et prend part à la bataille du Garigliano.

Il se dis­tingue ensuite lors du débar­que­ment de Provence et de la prise de Toulon en réglant le tir sur les case­mates de Saint-Man­dri­er. Lors de la meur­trière cam­pagne d’Al­sace, il est blessé, retourne aux com­bats en pre­mière ligne. Cap­turé en jan­vi­er 1945 à Oben­heim, tou­jours avec Rougé, il est emmené en Alle­magne. Ils s’é­vadent en mars par deux fois, ren­con­trent une colonne améri­caine, ren­trent enfin à Paris. 

Ingénieur de l’air

Vive­ment frap­pé par la perte de son frère aîné Éti­enne, Jacques Man­toux réin­tè­gre l’É­cole et sort dans le corps de l’arme­ment, ingénieur de l’air. Il est décoré de la croix de guerre avec palmes, de la Légion d’hon­neur, de la médaille des évadés. Affec­té au Maroc, il rejoint ensuite le cab­i­net de Bourgès-Mau­noury (35, com­pagnon de la Libéra­tion). Il en démis­sionne pour une car­rière com­mer­ciale : Decauville, puis West­ing­house France, enfin Mer­lin-Gérin (main­tenant Schnei­der Elec­tric) à Greno­ble. Directeur inter­na­tion­al, il développe les expor­ta­tions de matériels de très haute ten­sion dans le monde entier. 

Devoir de mémoire

Jacques con­sacre en par­tie sa retraite à la mémoire famil­iale : une quin­zaine de vol­umes, 1 500 pages, y com­pris ses pro­pres mémoires de guerre. Sa vie et sa car­rière sont mar­quées par une intel­li­gence des sit­u­a­tions, des rela­tions, une ténac­ité effi­cace, y com­pris dans l’aide aux plus dému­nis, par son engage­ment fidèle pour l’en­tre­prise indus­trielle créa­trice de richess­es pour son pays, enfin par une grande dis­cré­tion. Son nom restera attaché à l’hon­neur des X résis­tants, en par­ti­c­uli­er ceux de la pro­mo 1941.

Éti­enne Man­toux, frère et modèle
Obser­va­teur aérien à la 2e DB, Éti­enne Man­toux tombe en Alle­magne le 30 avril 1945, lais­sant un livre pub­lié à titre posthume, sa thèse d’é­tudes économiques : La Paix calom­niée (NRF Gal­li­mard, 1946). Cet ouvrage démonte les thès­es de Keynes en 1919 con­tre le Traité de Versailles.

Par Gilles MANTOUX (78)

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