La protection paramétrique contre les risques climatiques

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°751 Janvier 2020
Par Adrien CASSEGRAIN (2010)
Par Paola FEDOU (2015)

Grâce à une offre plus trans­par­ente, plus rapi­de et plus flex­i­ble de l’assurance, le groupe AXA se posi­tionne aujourd’hui sur le secteur de l’assurance paramétrique. Le point avec Adrien Cassegrain (2010), Souscrip­teur Paramétrique Sénior et Pao­la Fedou (2015), Prod­uct Man­ag­er pour le ren­de­ment agri­cole au sein d’AXA Cli­mate.

Quelques mots sur la filiale Axa Climate.

AXA Cli­mate est la fil­iale du groupe AXA qui per­met à ses clients de béné­fici­er d’une exper­tise de pointe en matière de pro­tec­tion con­tre les risques cli­ma­tiques. Grâce à notre savoir-faire et aux com­pé­tences de notre équipe, nous pro­posons plus de 50 types d’indices pour pro­téger les entre­pris­es, les insti­tu­tions et les com­mu­nautés. Nous sommes une équipe de 80 per­son­nes qui œuvrent pour dévelop­per cet axe depuis plus de 5 ans. Parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir, AXA Cli­mate développe aus­si des ser­vices pour agir en préven­tion des dom­mages liés à ce phénomène.

Expliquez-nous la démarche derrière l’assurance paramétrique.

Con­traire­ment à l’assurance tra­di­tion­nelle où l’expert déter­min­era la valeur de l’indemnisation a pos­te­ri­ori du sin­istre, en assur­ance paramétrique, le sché­ma est un peu inver­sé. Par exem­ple, avant la sig­na­ture du con­trat et la réal­i­sa­tion du sin­istre, nous struc­tur­ons la cou­ver­ture à par­tir d’un Indice de Ren­de­ment Région­al et prédéfinis­sons le seuil déclencheur selon la moyenne sur cinq ans. Ensuite, l’idée con­siste à sur­veiller cet indice. Dès qu’il sera en dessous du seuil prédéfi­ni, le client recevra l’indemnisation après quelques jours.

Concrètement, comment accompagnez-vous vos clients à ce niveau ?

L’agriculture est l’un des secteurs économiques les plus sen­si­bles à la météo. La sécher­esse, le gel, la grêle et les mal­adies peu­vent impacter la pro­duc­tion et con­duire à des pertes finan­cières pour les entre­pris­es agri­coles. Dans des cas extrêmes, cela peut même boule­vers­er l’intégralité de leur chaîne de valeur. Pour y faire face, nous nous basons sur les don­nées his­toriques issues du ren­de­ment du client. La ges­tion des sin­istres con­stitue donc un proces­sus trans­par­ent grâce à l’utilisation de don­nées objec­tives. Ain­si, aucun expert ni vis­ite d’exploitation ne sont néces­saires pour éval­uer les pertes. Une coopéra­tive, par exem­ple, peut nous sol­liciter pour s’assurer con­tre le risque de sécher­esse. Nous fixons avec lui un indice qui reflétera une perte de ren­de­ment, donc une carence d’apport et donc par con­séquent une baisse du chiffre d’affaires.

Comment cela se traduit-il en termes d’offre ?

L’agriculture représente 60 à 70 % de notre chiffre d’affaires. Il s’agit de cou­ver­tures tous risques directe­ment sur le ren­de­ment. Cepen­dant, il y a aus­si des mon­tages plus spé­ci­fiques que nous dévelop­pons aus­si sur d’autres périls (gel, sécher­esse, etc.). Nous sommes très act­ifs sur le domaine agri­cole parce que c’est un secteur où l’assurance paramétrique s’est dévelop­pée il y a plus longtemps et où le lien entre le cli­mat et les revenus a sou­vent du sens. Nous ciblons égale­ment le secteur énergé­tique ain­si que tous les domaines sen­si­bles aux cat­a­stro­phes naturelles (trans­port aérien, mar­itime, etc.).

L’assurance paramétrique tire sa force du fait qu’environ 70 % des busi­ness mod­èles sont pro­fondé­ment impactés par les change­ments cli­ma­tiques de manière directe ou indi­recte. Cela nous per­met de pro­pos­er toute une gamme de pro­duits d’assurance spé­ci­fiques à chaque méti­er. Par ailleurs, nous tra­vail­lons avec des organ­i­sa­tions inter­na­tionales comme la Banque Mon­di­ale afin de cibler des pays où la dis­tri­b­u­tion des pro­duits d’assurance est aujourd’hui com­plexe. Enfin, nous essayons de prof­iter de la nou­veauté de l’assurance paramétrique afin de la dévelop­per sur ces marchés.

Plus particulièrement, comment appréhendez-vous la thématique de la résilience de l’agriculture face au changement climatique ?

Il s’agit d’un axe stratégique sur lequel nous nous investis­sons. Aujourd’hui, le pour­cent­age de la valeur agri­cole assurée est de 0.4 %. En effet, ce phénomène est lié au fait que dans cer­tains pays, la notion d’assurance n’existe pas. Même en France, mal­gré la sub­ven­tion des assur­ances à hau­teur de 60 %, dans le cadre de la poli­tique agri­cole com­mune et des sub­ven­tions éta­tiques, le taux des agricul­teurs assurés ne dépasse pas 20 %.

Nous sommes donc par­tis du con­stat que d’un côté, l’agriculteur fait face à de nom­breux risques cli­ma­tiques qui frag­ilisent sa sta­bil­ité finan­cière, et de l’autre, les offres d’assurances disponibles sur le marché ne per­me­t­tent pas de combler ce décalage. Nous avons donc décidé de nous dif­férenci­er à tra­vers de nou­velles solu­tions non seule­ment d’assurance mais aus­si de ser­vices. En effet, nous nous ori­en­tons vers plusieurs pro­jets tels que les solu­tions d’irrigation pour lut­ter con­tre la sécher­esse. L’idée est donc d’aller au-delà de l’activité assur­antielle afin de pro­pos­er un pan­el de solu­tions pour mit­iger le risque cli­ma­tique pour les agriculteurs.

Quelle est la valeur ajoutée de ce montage paramétrique ?

Notre mod­èle per­met d’avoir plus de trans­parence puisque le mon­tant de l’indemnisation est fixé à l’avance en accord avec le client. Ain­si, en instau­rant une rela­tion de con­fi­ance, celui-ci béné­ficiera d’un rem­bourse­ment plus rapi­de. En par­al­lèle, nous aurons un proces­sus de ges­tion plus court en interne. Cela nous per­met aus­si de nous libér­er de la charge du con­trôle de la valeur finale du sin­istre par l’un de nos experts. Au-delà de ces avan­tages, nous sommes capa­bles de pal­li­er le décalage entre l’assurance tra­di­tion­nelle où aucune com­pag­nie ne pren­dra le risque d’assurer un com­merçant vis-à-vis de son chiffre d’affaires. De cette façon, l’assurance paramétrique pour­ra être pro­posée aux agricul­teurs en Inde par exem­ple, à très grande échelle.

Quels sont vos principaux enjeux mais également les perspectives qui peuvent se profiler ?

Les change­ments cli­ma­tiques sont au cœur des sujets qui nous mobilisent. Aujourd’hui, nous avons très peu de vis­i­bil­ité sur les évo­lu­tions d’un point de vue météorologique et cli­ma­tique. Cepen­dant, nous remar­quons une hausse de l’impact des cat­a­stro­phes naturelles. Cela oblige l’État et cer­taines insti­tu­tions à trou­ver des straté­gies pour se recon­stru­ire et s’assurer. Le chal­lenge est de pou­voir pro­pos­er des assur­ances de qual­ité à un plus grand nom­bre d’acteurs. C’est un défi qui dépasse notre équipe ou même notre groupe. La dernière vague d’incendies en Aus­tralie ou en Cal­i­fornie par exem­ple, mon­trent qu’il ne s’agit plus d’un risque lim­ité aux pays émergents.

En tant qu’assureurs, notre rôle est donc de trou­ver des offres à court et à moyen ter­mes. In fine, nous pour­rons accom­pa­g­n­er cette tran­si­tion et l’émergence de nou­velles méth­odes qui per­me­t­tront de mieux faire face à ces risques. L’assurance est un élé­ment pri­mor­dial, et même vital, notam­ment pour les per­son­nes les plus exposées à ces change­ments cli­ma­tiques. Notre ambi­tion est donc d’être leur « bouclier ».

Enfin, comment voyez-vous l’assurance paramétrique évoluer à moyen et long terme ?

Nous sommes aujourd’hui au début d’une grande aven­ture puisqu’il y a un écart de pro­tec­tion qui n’est pas comblé par l’assurance « clas­sique ». En effet, nous sommes aujourd’hui capa­bles de pro­pos­er l’assurance paramétrique aux pays en développe­ment qui n’ont pas encore de struc­tures d’assurance assez solides. Nous pour­rons ain­si miser sur les nou­velles tech­nolo­gies, notam­ment les satel­lites et les sta­tions météo pour pro­pos­er des offres d’assurance sans avoir à se déplacer.

Les per­spec­tives de développe­ment sur la pro­tec­tion cli­ma­tique sont donc très impor­tantes. Néan­moins, nous sommes sou­vent con­traints par les don­nées disponibles. Toute­fois, nous avons la chance de voir les gou­verne­ments, les insti­tu­tions ain­si que les entre­pris­es fournir plus d’efforts afin d’améliorer et de ratio­nalis­er la col­lecte des données.

Par ailleurs, les acteurs sur le marché de l’assurance sont très deman­deurs de solu­tions sim­ples, rapi­des et trans­par­entes, que nous sommes en mesure de pro­pos­er. Nous cher­chons donc à démoc­ra­tis­er l’assurance paramétrique et à la pro­pos­er comme une aide face à l’instabilité causée par le réchauf­fe­ment climatique.

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