La Banque Postale

La gestion des risques est l’affaire de tous !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Perrine KALTWASSER (X99)

Per­rine Kalt­wass­er, Group Chief Risk Offi­cer, nous explique com­ment le groupe La Banque Postale appréhende au quo­ti­di­en la ges­tion des risques dans un domaine aus­si com­plexe, mou­vant et stratégique que celui de la ban­cas­sur­ance. Entretien.

Quel est le positionnement de la Banque Postale en matière de gestion des risques ? 

La Banque Postale est d’abord un acteur majeur de l’économie française sur ses activ­ités ban­caires, assur­antielles et de ges­tion d’actifs. Placé sous la super­vi­sion de la Banque cen­trale européenne, le groupe a un très haut niveau d’exigence sur la ges­tion du cap­i­tal et de la liq­uid­ité, la gou­ver­nance, le dis­posi­tif de con­trôle interne, le risque cyber…

Notre mod­èle de ban­cas­sur­ance s’articule autour de 4 grands métiers : 

  • la Ban­cas­sur­ance France (60 % du RNPG des métiers) qui regroupe les activ­ités banque de détail de La Banque Postale ain­si que Ma French Bank et les fil­iales domes­tiques d’assurances vie et non vie ; 
  • la Ban­cas­sur­ance Inter­na­tion­al (12 %) con­sti­tuée des activ­ités de ban­cas­sur­ance inter­na­tionale de CNP Assur­ances, notam­ment au Brésil, en Ital­ie et en Irlande ; 
  • la Banque Pat­ri­mo­ni­ale et Ges­tion d’Actifs (6 %) qui regroupe notam­ment les activ­ités de la banque privée BPE et des sociétés de ges­tion d’actifs La Banque Postale Asset Man­age­ment (LBP AM), Toc­queville Finance ain­si que la co-entre­prise Ostrum AM (détenue avec Natixis) ; 
  • la Banque de Finance­ment et d’Investissement (22 %) qui regroupe les activ­ités des­tinées aux entre­pris­es, au secteur pub­lic local, aux insti­tu­tions finan­cières, les activ­ités de marché et de finance­ments spécialisés.

Le posi­tion­nement de la fil­ière risques con­siste à accom­pa­g­n­er l’ensemble de ces métiers en lien direct avec les clients dans le développe­ment de leurs activ­ités, tout en garan­tis­sant une bonne maîtrise des risques, y com­pris les risques RSE et cyber. Notre dis­posi­tif et notre organ­i­sa­tion sont cal­i­brés en fonc­tion de ce busi­ness mix et doivent suiv­re son évolution.

Dans un contexte incertain marqué par la pandémie, la gestion des risques a joué et continue à jouer un rôle central. Qu’en est-il ? Comment avez-vous appréhendé cette situation ? 

Depuis le début de la crise san­i­taire, le con­trôle des risques a joué un rôle essen­tiel pour faire face aux réper­cus­sions sur l’économie. Les équipes risques ont été, dès le départ, extrême­ment mobil­isées avec plusieurs mis­sions pri­mor­diales : assur­er la con­ti­nu­ité d’activité mal­gré les con­traintes san­i­taires et le con­fine­ment avec une atten­tion ren­for­cée aux sys­tèmes infor­ma­tiques ; con­trôler au quo­ti­di­en l’impact de la baisse des marchés financiers sur nos place­ments ; sur­veiller les risques de nos porte­feuilles de clients, par­ti­c­uliers et entre­pris­es ; tenir régulière­ment infor­més le direc­toire et le comité exé­cu­tif de la banque sur les sujets majeurs qui enga­gent sa responsabilité… 

Dans ce con­texte inédit, des risques spé­ci­fiques liés notam­ment à la « dis­tan­ci­a­tion » sont apparus (aug­men­ta­tion des risques de fraude, risque cyber…). Nos équipes risque ont dû y faire face afin de main­tenir un haut niveau de sécu­rité pour nos clients notam­ment au niveau de l’accès aux comptes et de la sur­veil­lance des ten­ta­tives de fraude ; elles ont égale­ment tra­vail­lé sur la sen­si­bil­i­sa­tion de nos clients au dan­ger que représen­tent les e‑mails qui con­ti­en­nent des liens sus­pects. Pour nos col­lab­o­ra­teurs, nous avons adap­té nos procé­dures dans le cadre du déploiement du télé­tra­vail, de la sécuri­sa­tion des accès aux sys­tèmes d’informations, de la ges­tion des risques… 

Depuis le début de la pandémie, nous sommes amenés à inter­venir dans l’urgence avec le lance­ment des prêts garan­tis par l’État (PGE) pour nos clients entre­pris­es, le traite­ment des deman­des de reports d’échéance pour nos clients par­ti­c­uliers, et l’adaptation des solu­tions, au cas par cas, pour pal­li­er la dégra­da­tion finan­cière de nos clients. 

Au-delà, nous nous attendons à une détérioration de la situation des entreprises. Qu’en est-il ? Comment anticipez-vous ce sujet ? 

Nous avons ren­for­cé notre dis­posi­tif de suivi du risque pour opti­miser la ges­tion des dossiers des clients entre­pris­es en dif­fi­cultés, trou­ver des solu­tions adap­tées, comme men­tion­né précédem­ment, anticiper les risques inhérents sur les dif­férents portefeuilles. 

Aujourd’hui, le risque avéré reste faible. Néan­moins, avec la lev­ée pro­gres­sive du sou­tien de l’État, une dégra­da­tion de la sit­u­a­tion de cer­taines entre­pris­es, plus frag­iles avant crise ou dont le mod­èle d’activité a été frag­ilisé par les change­ments d’habitudes de leurs clients, est à attendre.

En parallèle, depuis quelques années, deux nouveaux risques se sont imposés : le risque cyber et le risque climatique et environnement (RCE). Qu’est-ce que cette évolution implique pour la Banque Postale ? 

La Banque Postale a pour ambi­tion de se posi­tion­ner comme un acteur de référence en matière de ges­tion du risque cli­ma­tique et envi­ron­nemen­tal. Notre ambi­tion est de vis­er les meilleures pra­tiques et de maîtris­er l’exposition tout en répon­dant aux exi­gences régle­men­taires. Con­crète­ment, cela implique d’intégrer les risques liés aux critères extra-financiers (ESG) dans nos dis­posi­tifs de ges­tion des risques. C’est une démarche indis­pens­able pour nous engager en faveur d’une finance durable au ser­vice d’une tran­si­tion juste notam­ment pour accom­pa­g­n­er la tran­si­tion énergé­tique. Au-delà des exi­gences régle­men­taires, nous avons aus­si fait le choix d’en faire un axe de pilotage à part entière au tra­vers de l’indice d’impact glob­al (2IG). Cet indice vise à mesur­er l’impact de nos activ­ités sur les dimen­sions envi­ron­nemen­tales, socié­tales et ter­ri­to­ri­ales. Il sera pris en compte dans les déci­sions de la banque pour l’octroi de crédits ou d’investissement et per­me­t­tra aux clients de fléch­er leur épargne. C’est, d’ailleurs, l’une des appli­ca­tions con­crètes de notre rai­son d’être dévoilée en juin dernier. Pour Philippe Heim, prési­dent du direc­toire de La Banque Postale : « Notre rai­son d’être offi­cialise la volon­té de La Banque Postale d’accompagner la société dans ses grandes tran­si­tions — numérique, ter­ri­to­ri­ale, démo­graphique et écologique […] ». L’enjeu est de rechercher et de trou­ver l’équilibre le plus juste entre crois­sance économique, pro­grès socié­tal, social, et respect environnemental.

Au niveau du risque cyber, la crise san­i­taire et le pas­sage mas­sif au tra­vail à dis­tance ont ren­du les sys­tèmes infor­ma­tiques des entre­pris­es plus vul­nérables. Le nom­bre de cyber­at­taques con­tre les insti­tu­tions finan­cières dans le monde a triplé entre févri­er et avril 2020, les ten­ta­tives d’extorsion de don­nées per­son­nelles ont été mul­ti­pliées par neuf, et les vire­ments ban­caires fraud­uleux ont ain­si été le prin­ci­pal vecteur de cyber­at­taques en 2020. Pré­cisons que les cyber­at­taques sont davan­tage liées à des erreurs humaines qu’au développe­ment dig­i­tal des ban­ques. Les clients peu­vent égale­ment être vic­times de phish­ing, c’est-à-dire un vol d’identifiants au moyen d’un mes­sage élec­tron­ique ou SMS fal­si­fié pour avoir accès à leur compte ban­caire. Dans ce cadre, en com­plé­ment des com­mu­ni­ca­tions d’information et de sen­si­bil­i­sa­tion auprès de nos clients, le groupe s’est fixé trois priorités : 

  • Ren­forcer notre capac­ité à traiter les cyber­at­taques effi­cace­ment : il est aujourd’hui indis­pens­able de dis­pos­er de l’organisation et de l’expertise néces­saires pour traiter ce type de sit­u­a­tion et min­imiser les impacts pour le groupe ; 
  • Organ­is­er la pro­tec­tion des don­nées sen­si­bles : il s’agit d’un sujet cri­tique, car les don­nées sont sou­vent la cible des cyber­at­taquants, mais aus­si l’objet de mul­ti­ples exi­gences réglementaires ;

Maîtris­er effi­cace­ment la ges­tion des iden­tités et des accès.

L’enjeu est plus que jamais de développer une véritable culture risque dans le monde de la banque et de l’assurance. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? 

La cul­ture risque fait par­tie inté­grante de notre cul­ture d’entreprise. C’est la nature même du méti­er de ban­cas­sureur que de pren­dre des risques, mais de manière maîtrisée, raisonnable et accep­tée. Les oblig­a­tions règle­men­taires qui incombent aux acteurs majeurs du secteur financier nous oblig­ent, certes, mais il ne faut pas s’arrêter là. Il faut aller au-delà ! La cul­ture risque con­tribue à garan­tir une crois­sance saine et durable de l’entreprise. C’est réelle­ment l’un des fac­teurs clés de suc­cès pour attein­dre les objec­tifs stratégiques que nous nous sommes fixés à hori­zon 2030.

Con­crète­ment, une cul­ture risque saine et solide repose sur qua­tre piliers fon­da­men­taux : le lead­er­ship (le ton adop­té et les mes­sages portés par les dirigeants à l’ensemble des col­lab­o­ra­teurs sur les sujets risques) ; l’organisation (l’application des codes et des procé­dures édic­tées par l’organisation pour prévenir les col­lab­o­ra­teurs dans leur activ­ité quo­ti­di­enne) ; le dis­posi­tif de ges­tion des risques (la com­préhen­sion et la con­nais­sance par tous les col­lab­o­ra­teurs des enjeux de la maîtrise des risques et des procé­dures d’alertes et de remon­tée en cas de sur­ve­nance d’un inci­dent) et les inci­ta­tions (les dif­férents leviers que sont la ges­tion de car­rière, la poli­tique de rémunération). 

La cul­ture risque doit pass­er par une infor­ma­tion régulière auprès de l’ensemble des col­lab­o­ra­teurs, une com­mu­ni­ca­tion flu­ide à tous les niveaux de l’entreprise, une ges­tion doc­u­men­taire effi­cace ain­si que par des actions régulières de sen­si­bil­i­sa­tion et de for­ma­tion sur les dif­férents sujets pour acquérir les bons réflex­es. Les risques ne con­cer­nent pas unique­ment les équipes risques, c’est l’affaire de tous les col­lab­o­ra­teurs ! D’ailleurs, nous avons récem­ment copro­duit avec l’EBR (l’école de la banque et du réseau) un mod­ule de for­ma­tion « Les risques, tous con­cernés » visant à accélér­er l’acculturation de tous à ce sujet stratégique et critique. 

Et pour relever l’ensemble de ces défis, le capital humain, les talents et les compétences sont essentiels. Pour renforcer vos équipes, quels sont les profils dont vous avez besoin ? 

La fil­ière risque du groupe La Banque Postale regroupe aujourd’hui plus de 1 160 col­lab­o­ra­teurs exerçant plus de 40 métiers d’expertise autour des 4 grands pôles métiers. Nos besoins sont à la hau­teur de la diver­sité de nos métiers d’expertise ! Les équipes risques cou­vrent l’ensemble des risques (opéra­tionnel, crédit, con­trepar­tie, marché, RSE, liq­uid­ité, assur­ance…). Aujourd’hui, nos prin­ci­paux défis sont d’adapter notre organ­i­sa­tion et le dimen­sion­nement des équipes au regard de l’accroissement et de la com­plex­i­fi­ca­tion de nos activ­ités ; de con­tin­uer à dévelop­per les com­pé­tences et les exper­tis­es au sein de la fil­ière risques ; de pro­pos­er des évo­lu­tions de car­rières moti­vantes notam­ment en créant des passerelles entre les métiers au sein du groupe. Nous opérons dans un envi­ron­nement stim­u­lant et en con­stante évo­lu­tion ; nous sommes donc con­stam­ment à la recherche de nou­veaux talents ! 

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