La prospérité viendra demain de l’économie locale

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°567 Septembre 2001Par : Jean de LA SALLE (37)Rédacteur : Gérard de LIGNY (43)

Dans cet ouvrage de 235 pages Jean de La Salle (JLS) met en relief des réal­ités impor­tantes dont l’opinion publique et même l’opinion des écon­o­mistes parais­sent peu con­scientes. Trois d’entre elles méri­tent par­ti­c­ulière­ment notre attention :

1) Les insat­is­fac­tions dom­i­nantes des Français, surtout ceux des villes, sont le manque d’espace et le défaut de convivialité

2) La pro­por­tion des emplois, réels et poten­tiels, men­acés par la con­cur­rence étrangère est faible.

3) L’argent n’a pas de valeur en soi : c’est un lubri­fi­ant dont il ne faut pas se priv­er. Exam­inons ce que l’auteur nous dit sur ces trois thèmes :

1) JLS définit un indice de convivialité et un indice de dynamisme économique qu’il compare entre eux, région par région.

Dans la pre­mière il fait entr­er la fécon­dité, la pro­por­tion des jeunes et des vieux, le coût du loge­ment, et le taux de criminalité.

La deux­ième com­porte des ingré­di­ents clas­siques : crois­sance du PIB, etc.

Il appa­raît que l’échelle du dynamisme est grosso modo inver­sée par rap­port à celle de la con­vivi­al­ité : l’Île-de- France pre­mière en dynamisme est dernière en con­vivi­al­ité. Et pour­tant la pop­u­la­tion de province afflue vers l’Île-de- France…! C’est que l’indice de con­vivi­al­ité bâti par JLS est un indice de retraité : il ne com­prend pas le pre­mier fac­teur d’attractivité pour un act­if, à savoir la capac­ité de la région à lui offrir un emploi à sa convenance.

De tout temps l’économie d’échange a néces­sité la prox­im­ité, donc un cer­tain entasse­ment des êtres humains. Entasse­ment qui par ailleurs favorise d’autres échanges : ami­caux, culturels…

La démon­stra­tion de JLS aurait donc dû, pour être con­va­in­cante, invo­quer une nou­velle forme de prox­im­ité apportée par les tech­niques de com­mu­ni­ca­tion du XXIe siè­cle, et en pronos­ti­quer la progression.

2) Pour montrer que toute région a ses chances dans le développement économique,

JLS observe juste­ment que la grande majorité des échanges économiques se fait entre voisins de la même région ou du même pays : donc ces échanges ont joué à armes égales. La con­cur­rence mon­di­ale n’intervient pra­tique­ment pas sur les ser­vices ni sur les biens dif­fi­cile­ment trans­porta­bles ou hors stan­dard. À par­tir de cette con­stata­tion, JLS classe les régions français­es par degré de vul­néra­bil­ité à la con­cur­rence étrangère. Son graphique fait appa­raître que les régions les plus indus­tri­al­isées sont les plus vul­nérables alors que les régions dépourvues d’industries expor­ta­tri­ces – le record étant tenu par la Corse – seraient les plus maîtres de leur des­tin. Là aus­si la démon­stra­tion de JLS va jusqu’au para­doxe et sem­ble mécon­naître la grande dif­fi­culté pour une région sans passé indus­triel, à se dévelop­per par ses pro­pres forces. L’affirmation ini­tiale n’en était pas moins juste et utile.

3) C’est sur le problème du financement du développement économique que JLS fait les propositions les plus neuves.

Il mon­tre d’abord l’énormité des besoins vitaux qui ne sont pas sat­is­faits dans notre pays : loge­ments exi­gus, ali­men­ta­tion dou­teuse, espace encom­bré, jeunes à l’abandon…, alors qu’il existe tout à côté des chômeurs inoc­cupés, des zones indus­trielles vides, et des équipements sous-employés… Il con­naît l’objection qui l’attend : “ les acheteurs poten­tiels sont insolv­ables ”. Mais il estime que ce n’est pas une objec­tion val­able. Le Dr Schacht n’a‑t-il pas per­mis en 1933 à l’acheteur le plus insolv­able d’Allemagne de se pay­er la plus grande pro­vi­sion d’armements du monde ? Pourquoi ne pas employ­er les mêmes moyens pour une plus juste cause ?

Certes JLS n’émet pas sa sug­ges­tion de “ mon­naie gra­tu­ite ” en ter­mes aus­si sim­plistes. Mais il n’envisage pas moins une émis­sion de 250 mil­liards de francs (30 mil­liards d’euros) pen­dant dix ans, sans écri­t­ure de débit en con­trepar­tie. Out­re qu’une telle opéra­tion trans­gresse toutes les régies finan­cières français­es et européennes, ses con­séquences prévis­i­bles sur les plans économique, poli­tique et social auraient mérité de plus longues réflex­ions que celles apportées par l’auteur.

L’ouvrage de notre cama­rade JLS a donc beau­coup de faib­less­es liées à sa trop grande ambi­tion. Mais il a le mérite de nous plac­er en face de cer­taines absur­dités de notre économie : com­ment ne pas nous éton­ner, avec l’auteur, qu’au moment où le pro­grès tech­nique mul­ti­plie par deux le temps disponible et par trois ou qua­tre l’espace acces­si­ble, nous util­i­sions si mal le temps libéré et nous prof­i­tions si peu de l’espace qui nous est offert ? Et com­ment ne pas met­tre avec lui l’accent sur l’importance des petites entre­pris­es pour le développe­ment économique ? Voilà près de vingt ans qu’aux États-Unis le pro­fesseur Birch du MIT en a fait la décou­verte, et c’est en 1987 que, sur la base d’observations sim­i­laires en France, François Dalle et Jean Bou­nine-Cabalé l’ont con­fir­mé dans leur ouvrage : Pour dévelop­per l’emploi (Mas­son).

Puis­sent ces aver­tisse­ments répétés faire con­tre­poids au battage quo­ti­di­en que nous subis­sons sur les “ géants de l’industrie ” et les “ n° 1 mon­di­aux ”, et sus­citer des mesures con­crètes pour mul­ti­pli­er les créa­tions de petites entre­pris­es sur toute l’étendue de notre territoire.

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