Raison d'être Danone

La première entreprise à mission cotée en bourse

Dossier : Raison d'être des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Emmanuelle BELY

L’évolution de Danone vers le statut d’entreprise à mis­sion s’enracine dans une his­toire qui précède large­ment la créa­tion de ce statut dans le droit français en 2019. Dès 1972, Antoine Riboud avait don­né un dou­ble pro­jet économique et social au groupe, une ori­en­ta­tion reprise et appro­fondie par ses successeurs.

Danone a adop­té la qual­ité de société à mis­sion en juin 2020. Quelles sont les raisons de notre pas­sage en société à mis­sion, nos objec­tifs soci­aux et envi­ron­nemen­taux, nos leviers de trans­for­ma­tion ? On peut tir­er de tout ça quelques élé­ments de réflex­ion sur nos apprentissages.

Une forme de continuité

Il y a trois raisons prin­ci­pales qui nous ont poussés à faire ce choix. La pre­mière, c’est une forme de con­ti­nu­ité : Antoine Riboud a défi­ni un dou­ble pro­jet économique et social pour Danone en 1972, devant le Medef de l’époque. Ce dou­ble pro­jet est encore aujourd’hui au cœur de notre ADN. En 2005 son fils, Franck Riboud, a créé notre rai­son d’être : apporter la san­té par l’alimentation au plus grand nom­bre. Puis Emmanuel Faber s’est engagé à ce que toutes les entités de Danone soient cer­ti­fiées B Corp avant 2025. À ce jour, plus de 50 % de nos ventes sont faites par des entités cer­ti­fiées. Cette démarche exigeante est totale­ment com­plé­men­taire à la qual­ité de société à mis­sion. Enfin, nous avons défi­ni notre cadre d’action One Plan­et One Health en 2017, qui recou­vre une grande par­tie des enjeux de mis­sion défi­nis dans le cadre de la société à mis­sion. Notre rai­son d’être et nos objec­tifs ont ain­si été péren­nisés par l’adoption de la qual­ité de société à mission.


REPÈRES

Avec plus de 100 000 salariés et des pro­duits ven­dus dans plus de 120 pays, Danone a réal­isé un chiffre d’affaires de 23,6 mil­liards d’euros en 2020.


Un destin commun

La deux­ième rai­son, c’est l’idée de définir un des­tin com­mun. Quand vous êtes un groupe inter­na­tion­al comme Danone avec des activ­ités dans de mul­ti­ples pays avec des cul­tures dif­férentes, devenir société à mis­sion per­met de définir un des­tin com­mun, une unité com­mune. Cela nous per­met de soud­er les salariés autour d’une stratégie commune.

Une demande de la société

La troisième rai­son est une volon­té d’accélération : à l’occasion de la crise Covid, nous nous sommes ren­du compte à tra­vers une série d’études, notam­ment celles d’Edelman, que les con­som­ma­teurs demandaient de plus en plus aux entre­pris­es d’avoir un impact social et envi­ron­nemen­tal posi­tif. Les attentes des con­som­ma­teurs vis-à-vis des entre­pris­es sont d’ailleurs au même niveau que vis-à-vis des gou­verne­ments. Le cli­mat est devenu un sujet aus­si sérieux que la Covid pour les con­som­ma­teurs. Cette accéléra­tion est aus­si demandée par les salariés. Le sens est devenu aujourd’hui très impor­tant dans le choix d’un emploi.

Nos objectifs sociaux et environnementaux

En juin 2020, Danone a inscrit dans ses statuts sa rai­son d’être et ses objec­tifs soci­aux et envi­ron­nemen­taux. Ces objec­tifs, en ligne avec les objec­tifs de développe­ment durable des Nations unies, cou­vrent qua­tre dimen­sions. D’abord amélior­er la san­té grâce à un porte­feuille de pro­duits plus sains, à des mar­ques qui encour­a­gent de meilleurs choix nutri­tion­nels et à la pro­mo­tion de meilleures pra­tiques ali­men­taires au niveau local. Ensuite préserv­er la planète et renou­vel­er ses ressources en sou­tenant l’agriculture régénéra­trice, en pro­tégeant le cycle de l’eau et en ren­forçant l’économie cir­cu­laire des embal­lages, sur l’ensemble de son écosys­tème, afin de con­tribuer à la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique. Ensuite encore con­stru­ire le futur avec ses équipes en s’appuyant sur un héritage unique en matière d’innovation sociale, don­ner à cha­cun de ses salariés le pou­voir d’avoir un impact sur les déci­sions de l’entreprise au niveau tant local que glob­al. Enfin, pro­mou­voir une crois­sance inclu­sive en agis­sant pour l’égalité des chances au sein de l’entreprise, en accom­pa­g­nant les acteurs les plus frag­iles de son écosys­tème et en dévelop­pant des pro­duits du quo­ti­di­en acces­si­bles au plus grand nombre.

Nos leviers de transformation

Nous avons eu plusieurs leviers de trans­for­ma­tion sur notre chemin de société à mis­sion. La société à mis­sion, c’est un voy­age et non une des­ti­na­tion. Ça prend du temps. D’abord, l’adoption de notre rai­son d’être en 2005 nous a per­mis de trans­former nos caté­gories. Nous nous sommes recen­trés sur trois métiers prin­ci­paux : les pro­duits laitiers et d’origine végé­tale, la nutri­tion spé­cial­isée et l’eau. Nous avons ven­du nos activ­ités dans la bière et dans les bis­cuits. Nous avons fait une acqui­si­tion majeure en 2017 (White­Wave) pour devenir leader de l’industrie des pro­duits d’origine végé­tale. L’adoption de notre rai­son d’être et celle de la qual­ité de société à mis­sion nous poussent aus­si à trans­former nos pro­duits et ser­vices. 90 % de nos pro­duits appar­ti­en­nent à des caté­gories saines. Aujourd’hui 96 % de nos vol­umes sont ven­dus avec un éti­que­tage nutri­tion­nel. Nous allons vers plus de trans­parence. Nous changeons nos embal­lages : en France, nous avons lancé une brique d’eau en car­ton. Nous avons pris un engage­ment de sor­tie du poly­styrène d’ici à 2024 pour nos pro­duits laitiers frais et d’origine végé­tale. En juin 2021, Blé­d­i­na a lancé la pre­mière gamme de petits pots con­signés pour bébés. Nos objec­tifs sont portés par nos mar­ques. Ils sont au cœur du business. 

Le rôle majeur des salariés

Nos salariés sont bien enten­du un levi­er de trans­for­ma­tion extra­or­di­naire. Être société à mis­sion, c’est essen­tiel pour eux. Sur le fonde­ment des enquêtes que nous faisons auprès d’eux, avec générale­ment plus de 90 % de retour, la réponse prin­ci­pale à la ques­tion : qu’est-ce qui fait la colonne vertébrale de Danone ? c’est bien sou­vent la rai­son d’être qui est citée, ou notre cadre d’action One Plan­et One Health. À tra­vers notre pro­gramme One Per­son, One Voice, One Share, nous façon­nons une entre­prise qui invite ses salariés à exprimer leur point de vue sur sa stratégie pour con­stru­ire les feuilles de route locales et mon­di­ales, afin de pro­gress­er vers nos objec­tifs. Tous les salariés ont reçu une action de notre société et sont devenus copro­prié­taires de Danone. Nous les invi­tons à exercer leur droit de vote sur les dif­férentes réso­lu­tions que notre con­seil d’administration soumet à l’assemblée générale, dont l’adoption du mod­èle entre­prise à mis­sion par Danone en juin 2020.

Et les partenaires

Tra­vailler ensem­ble avec des parte­naires est égale­ment une clé pour se trans­former. Nous pen­sons qu’une révo­lu­tion de l’alimentation est en cours et nous choi­sis­sons de nous met­tre à son ser­vice. Nous ne réus­sirons cepen­dant pas seuls : c’est en nous appuyant sur l’expertise de nos parte­naires que nous pour­rons créer des solu­tions pour chang­er les pra­tiques agri­coles, les modes de pro­duc­tion, de pro­mo­tion, de dis­tri­b­u­tion et de con­som­ma­tion. Nous con­tin­uerons donc à nouer des alliances (par exem­ple pour lut­ter con­tre les iné­gal­ités (Busi­ness for Inclu­sive Growth) ou con­tre la perte de la bio­di­ver­sité (comme One Plan­et Busi­ness for Bio­di­ver­si­ty) et à tra­vailler main dans la main avec nos agricul­teurs parte­naires, nos four­nisseurs, nos dis­trib­u­teurs, nos clients, la société civile, les gou­verne­ments et les pro­fes­sion­nels de la san­té publique. L’instauration d’une rela­tion de con­fi­ance avec toutes les par­ties prenantes est un levi­er essen­tiel de transformation.

“Il faut passer d’un modèle RSE limité à un modèle qui privilégie l’impact.”

Adapter la gouvernance à la mission

C’est enfin une trans­for­ma­tion de notre sys­tème de gou­ver­nance. La société à mis­sion nous per­met de mieux nous organ­is­er. Bien sou­vent nous avions des comités de par­ties prenantes à dif­férents niveaux, mais ils n’étaient pas très for­mal­isés. Aujourd’hui nous avons un comité de mis­sion avec des mem­bres d’experts inter­na­tionaux sur les dif­férentes par­ties de la mis­sion, que ce soit la san­té, la gou­ver­nance, l’environnement, le social. Notre comité de mis­sion exam­ine et dis­cute la feuille de route et les pro­grès de Danone, notam­ment sur des sujets tels que la san­té et la nutri­tion, l’eau, l’agriculture, la bio­di­ver­sité, les embal­lages, l’innovation sociale, les enjeux humains et soci­aux. Il nous aigu­ille sur nos indi­ca­teurs et enri­chit ain­si notre stratégie. Il est con­sti­tué de per­son­nal­ités qui, mal­gré leurs agen­das chargés, se sont déjà réu­nies qua­tre fois depuis la créa­tion du comité. Il est exigeant. Le prési­dent du comité de mis­sion a indiqué lors de notre dernière assem­blée générale des action­naires que le comité avait demandé au nou­veau prési­dent du con­seil d’administration et obtenu des garanties sur le fait que la nou­velle direc­tion de Danone était bien décidée à pour­suiv­re dans cette voie. Ce qui change aus­si, c’est le report­ing extra­fi­nancier. Nous avions de nom­breux indi­ca­teurs financiers chaque année. Le comité de mis­sion en suit douze aujourd’hui. Tout cela nous per­met de pour­suiv­re le voy­age pour aller chaque fois un peu plus loin.

Nos apprentissages

Avoir un impact envi­ron­nemen­tal et socié­tal posi­tif ne me sem­ble pas être une option pour une société, quelle qu’elle soit. Il est impor­tant d’être sincère. En ayant l’historique de Danone, l’adoption du statut de société à mis­sion s’inscrivait dans l’ADN de l’entreprise. C’est la rai­son pour laque­lle plus de 99 % de nos action­naires ont voté en faveur de l’adoption de ce statut. Pour qu’un mod­èle pro­duise du sens, il faut être cohérent dans le temps et s’inscrire dans un temps long. Il faut par­tir de l’existant et inté­gr­er une démarche de pro­grès en dévelop­pant des indi­ca­teurs de moyens mais aus­si des indi­ca­teurs d’impact. Il ne faut pas le faire seul. Il faut embar­quer les par­ties prenantes au sens large. Il est aus­si essen­tiel d’intégrer au busi­ness les objec­tifs soci­aux et envi­ron­nemen­taux. Il faut qu’ils soient au cœur du busi­ness mod­èle. Les mar­ques doivent être le moteur. Ce n’est pas si facile de trans­former un mod­èle. Il faut pass­er d’un mod­èle RSE lim­ité à un mod­èle qui priv­ilégie l’impact et qui soit durable. Pour cela nous avons besoin que les objec­tifs s’inscrivent au cœur de nos activités.

Finale­ment, le lead­er­ship est essen­tiel. Si le pas­sage en société à mis­sion a néces­sité le courage du dirigeant et sa con­vic­tion auprès des action­naires, des employés et des autres par­ties prenantes, l’engagement de Danone dépasse la per­son­ne puisque, mal­gré le change­ment de gou­ver­nance récent, l’importance du statut d’entreprise à mis­sion a été réaf­fir­mée tant par notre prési­dent du con­seil d’administration que par notre nou­veau directeur général. Mais c’est bien évidem­ment aus­si le rôle de tous les salariés chez Danone. Cha­cun prend sa part pour aider Danone à aller chaque fois un peu plus loin. C’est vrai­ment l’affaire de tous.

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