Portrait de Gilles DOWEK (85) par Michel Simon

Gilles Dowek (85), la passion de l’enseignement

Dossier : TrajectoiresMagazine N°711 Janvier 2016
Par Pierre LASZLO

Cet enseignant-chercheur brille, out­re la vivac­ité de son intel­li­gence et l’étendue de son reg­istre, englobant math­é­ma­tiques, logique et infor­ma­tique, par la générosité de sa bienveillance.

C’est, de plus, un homme de con­vic­tions. Sa famille, orig­i­naire d’Alexandrie, eut des gènes sci­en­tifiques en partage puisque sa sœur Danielle, agrégée de physique, enseigne, elle aus­si, à l’université d’Orsay.

“ Substituer une position active à la passivité dans l’apprentissage ”

Elle tra­vaille, entre autres, sur la pho­to-ion­i­sa­tion de petites molécules. Son frère Denis, den­tiste, enseigna à la fac­ulté dentaire.

Après des études sec­ondaires à Antony, Gilles Dowek fit sa pré­pa au lycée Louis-le-Grand. Après l’École, il choisit une for­ma­tion par la recherche et soutint en 1991 une thèse de doc­tor­at à l’université Paris-VII sur « Démon­stra­tion automa­tique et cal­cul des con­struc­tions ».

Il enseigna à l’École, dans le départe­ment d’informatique, de 2002 à 2010 (l’École aurait gag­né à se l’attacher plus durable­ment, soit dit en pas­sant). Il est actuelle­ment chercheur à l’INRIA.

Une grande université

Davan­tage que du goût pour l’enseignement, c’est pour lui une véri­ta­ble pas­sion, qu’il nour­rit d’un grand bon­heur d’expression, écrite ou orale. Sa parole, bien que rapi­de, peine à suiv­re sa pensée.

Ses audi­teurs le prient par­fois de répéter ce qu’il a dit, afin d’en com­pren­dre tant la vigueur que les sub­til­ités. Il s’investit dans le pro­jet d’une grande uni­ver­sité du plateau de Saclay.

Il épouse les con­cep­tions péd­a­gogiques de Mar­tin Andler : démoc­ra­tis­er le recrute­ment des élèves ; face à des jeunes com­plexés, con­va­in­cus qu’ils vont vers un échec, leur indi­quer un objec­tif rad­i­cale­ment opposé, d’excellence ; sub­stituer une posi­tion active à la pas­siv­ité dans l’apprentissage, et donc détecter puis dévelop­per les points forts de chaque élève.

Un équilibriste

Dessin : Lau­rent Simon

Gilles Dowek est un équilib­riste : l’informatique, à l’en croire, est struc­turée par qua­tre con­cepts : algo­rithme, machine, lan­gage et infor­ma­tion. Pour l’inculquer au lycée, comme cela com­mence à se faire – il y faut des infor­mati­ciens, les pro­fesseurs de math­é­ma­tiques en pré­pas en revendiquent le mono­pole –, il faut veiller au bon équili­bre de ces qua­tre notions.

Pour bien l’enseigner, se main­tenir au barycen­tre du tétraè­dre. De plus, se posent des prob­lèmes éthiques, sur lesquels Gilles Dowek a des principes fermes.

Grand prix de philosophie

Gilles Dowek a d’ores et déjà pub­lié une dizaine d’ouvrages, seul ou en col­lab­o­ra­tion. Les Méta­mor­phoses du cal­cul. Une éton­nante his­toire de math­é­ma­tiques (2007), pub­lié aus­si en tra­duc­tion anglaise par Cam­bridge Uni­ver­si­ty Press, fut couron­né du Grand Prix de philoso­phie de l’Académie française.

L’auteur y réha­bilite le cal­cul, que les raison­nements déduc­tifs éclipsent sou­vent, à tort.

En quête d’harmonie

Pour son plaisir, pour son dés­espoir par­fois, Gilles Dowek joue du bas­son, qu’il com­mença à près de 40 ans. Dans un orchestre, cet instru­ment est poly­va­lent : accom­pa­g­ne­ment des cordes, des autres instru­ments à vent et solos – Vival­di écriv­it pour lui trente-neuf splen­dides concertos.

Plus récem­ment, les com­pos­i­teurs russ­es y eurent grand recours.

Le barycentre du tétraèdre

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POUR EN SAVOIR PLUS

Gilles Dowek, Jean-Pierre Archambault, Emmanuel Baccelli, Claudio Cimelli, Albert Cohen, Christine Eisenbeis, Thierry Viéville et Benjamin Wack,
Informatique et sciences du numérique, Spécialité ISN en terminale S, Avec des exercices corrigés et des idées de projets,
préface de Gérard Berry (67), professeur au Collège de France, Paris, Eyrolles, 2012.

Dans sa famille d’instruments, le bas­son est celui où per­durent les plus vieilles méth­odes de doigté – c’est l’une de ses difficultés.

Une autre est de pro­duire un son d’une grande clarté. Quant au tim­bre, sa qual­ité récom­pense un tra­vail assidu, de plusieurs heures heb­do­madaires. Pour bien jouer du bas­son, il importe de se main­tenir au barycen­tre d’un autre tétraè­dre, dont les som­mets se nom­ment flex­ion des lèvres, tim­bre émis, doigté, réchauf­fe­ment préalable.

Je vous le dis­ais, Gilles Dowek est un équilib­riste, con­stam­ment en quête d’harmonie, au sens fort – et ça l’enchante.

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