La nouvelle armée de terre

Dossier : La politique militaireMagazine N°570 Décembre 2001Par : le général d’armée Henri Marescaux (63), inspecteur général des armées

Ruptures et refondation

C’est en tirant les con­séquences des trois évo­lu­tions majeures qui lui sont totale­ment extérieures que l’ar­mée de terre s’est engagée dans une trans­for­ma­tion d’une telle ampleur que le néol­o­gisme de refon­da­tion s’est imposé d’év­i­dence pour la décrire.

Out­re la révo­lu­tion de l’in­for­ma­tion qui a touché, comme ailleurs, toutes les com­posantes de la Défense, l’en­vi­ron­nement des armées a effec­tive­ment subi trois rup­tures suc­ces­sives depuis le début des années quatre-vingt-dix.

La pre­mière d’or­dre géos­tratégique, car­ac­térisée par la dis­pari­tion du monde bipo­laire, s’est accom­pa­g­née de l’émer­gence de nom­breux foy­ers de ten­sion épars tan­dis que s’éloignait la men­ace claire­ment iden­ti­fiée. Cette rup­ture impo­sait une refonte de la con­cep­tion d’emploi des forces, con­sacrant le retour aux straté­gies d’ac­tion que le fait nucléaire avait mis­es en sommeil.

La deux­ième, d’or­dre budgé­taire, s’ex­prime par l’e­spoir de réduire les dépens­es de l’É­tat. Elle s’est traduite par la réduc­tion des dépens­es mil­i­taires et notam­ment par la baisse des crédits d’équipement.

La troisième enfin est d’or­dre humain, c’est la déci­sion prise en févri­er 1996 de sus­pendre la con­scrip­tion. Cette révo­lu­tion cul­turelle rompait avec les habi­tudes d’une ressource garantie, de qual­ité et apparem­ment peu coû­teuse. Le lance­ment de la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion exigeait la mise en œuvre rapi­de d’une poli­tique volon­tariste pour le recrute­ment puis pour la reconversion.

L’ar­mée de terre se trou­vait donc con­fron­tée à une prob­lé­ma­tique com­plexe : il fal­lait la ” repenser ” entière­ment pour adapter ses capac­ités à tenir son nou­veau con­trat opéra­tionnel résul­tant de la stratégie d’ac­tion, pour met­tre en œuvre une nou­velle poli­tique de ressources humaines et pour opti­miser ses coûts et s’en tenir aux moyens alloués.

À par­tir de ce con­stat qua­tre actions majeures ont été conduites.

D’abord une réduc­tion des effec­tifs de 36 % cor­re­spon­dant au départ des 130 000 appelés et au recrute­ment de 36 000 engagés volon­taires, domaine sen­si­ble puisque touchant les per­son­nels. Cette réduc­tion devait être con­duite dans la dig­nité et l’or­gan­i­sa­tion en se dotant très vite d’une capac­ité à recruter sur un marché de l’emploi haute­ment concurrentiel.

La nou­velle stratégie d’ac­tion impo­sait une pro­fonde évo­lu­tion doc­tri­nale pour don­ner à nos forces les modes d’ac­tions cor­re­spon­dant aux objec­tifs poli­tiques et mil­i­taires poursuivis.

Pour la même rai­son une réor­gan­i­sa­tion des struc­tures appa­rais­sait néces­saire afin de pou­voir pass­er, sans solu­tion de con­ti­nu­ité, de la paix à la crise dev­enue le cadre nor­mal de nos engagements.

Enfin, il fal­lait en prof­iter pour rénover les méth­odes et met­tre en œuvre résol­u­ment et sys­té­ma­tique­ment celles qui ont fait leurs preuves dans les grandes organ­i­sa­tions les plus performantes.

On le voit, il s’agis­sait bien de démon­ter l’an­ci­enne armée pour en con­stru­ire une nou­velle, tout en con­tin­u­ant à accom­plir les nom­breuses mis­sions, sur le ter­ri­toire nation­al ou à l’é­tranger, qui con­stituent la rai­son d’être de l’ar­mée de terre.

L’am­pleur de ces boule­verse­ments impo­sait de con­duire ces change­ments sur plusieurs années : forte des expéri­ences bri­tan­nique et améri­caine, l’ar­mée de terre s’or­gan­isa pour y par­venir en six ans.

Aujour­d’hui, après cinq ans, ce pari de la refon­da­tion est en passe d’être gagné.

La bataille des effectifs

La loi de pro­gram­ma­tion mil­i­taire 1997–2002 a prévu la réduc­tion quan­ti­ta­tive des effec­tifs de l’ar­mée de terre au rythme annuel de 250 officiers, 1 000 sous-officiers et 22 000 appelés.

La défla­tion des cadres a été obtenue grâce à un dis­posi­tif d’aides au départ con­sti­tué essen­tielle­ment par l’at­tri­bu­tion de pécules.

Quelques fantassins sur la plage© SIRPA TERRE
© SIRPA TERRE

La mise en extinc­tion pro­gres­sive du ser­vice mil­i­taire s’achève en novem­bre 2001 ; elle ne pou­vait s’ef­fectuer qu’au rythme du recrute­ment des engagés et selon le cal­en­dri­er des dis­so­lu­tions et restruc­tura­tions des rég­i­ments et des étab­lisse­ments des ser­vices (grâce aux­quels les for­ma­tions opéra­tionnelles peu­vent s’in­stru­ire et s’en­traîn­er). Ce cal­en­dri­er a été respec­té grâce à la fer­meté du gou­verne­ment et au bon com­porte­ment des appelés eux-mêmes.

Le sec­ond volet de la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion était la con­sti­tu­tion et l’en­tre­tien d’une ressource de 66 500 engagés volon­taires. Pour créer cette ressource de sol­dats pro­fes­sion­nels, l’ar­mée de terre doit recruter annuelle­ment et jusqu’en 2002 env­i­ron 12 000 jeunes gens et jeunes filles, cor­re­spon­dant à l’aug­men­ta­tion annuelle et au rem­place­ment des départs.

Une fois le vol­ume visé atteint, un flux annuel de 8 500 nou­velles recrues sera néces­saire pour com­penser le seul flux de départ ; il sup­pose que ces engagés restent en moyenne huit ans dans l’in­sti­tu­tion, con­tre cinq ans jusqu’à un passé récent : cette ” fidéli­sa­tion ” est le défi des armées pro­fes­sion­nelles occidentales.

En 2002, 168 000 hommes et femmes servi­ront dans l’ar­mée de terre : 16 000 officiers, 50 000 sous-officiers, 66 500 engagés volon­taires, 5 500 volon­taires et 30 000 per­son­nels civils. À titre de com­para­i­son cet effec­tif est désor­mais inférieur à celui des per­son­nels du min­istère des Finances.

Révolution doctrinale et changement d’organisation

Après quar­ante-cinq ans d’af­fron­te­ment virtuel avec le Pacte de Varso­vie, la guerre du Golfe en 1990 son­nait le grand retour à la réal­ité des com­bats. Depuis, l’ar­mée de terre n’a plus vécu une journée sans qu’une par­tie con­séquente de ses forces ne soit engagée en opérations.

Mais la nature des crises, tou­jours plus nom­breuses, a changé. Aujour­d’hui l’af­fron­te­ment armé ne résulte plus d’É­tats lut­tant à mort pour la défense d’in­térêts nationaux mais plutôt de la faib­lesse voire de la dis­pari­tion de cer­tains d’en­tre eux. Il s’ag­it générale­ment d’y ramen­er la paix, d’éviter l’escalade de la vio­lence en la main­tenant au plus bas niveau pos­si­ble, et d’as­sur­er la sauve­g­arde des pop­u­la­tions dans le respect du droit international.

Telles sont les raisons qui ont présidé à la révo­lu­tion doc­tri­nale dans laque­lle l’ar­mée de terre s’est engagée et qui la place désor­mais en avance par­mi ses homo­logues occidentales.

Il s’ag­it doré­na­vant de répon­dre à la plu­ral­ité des sit­u­a­tions. L’af­fron­te­ment direct qui néces­site puis­sance et bru­tal­ité est tou­jours pos­si­ble ; mais s’y ajoutent désor­mais de nom­breuses formes d’in­ter­ven­tion ; in fine, le con­trôle du ter­rain y requiert sou­p­lesse, maîtrise de la force et capac­ité de dur­er face à des pro­tag­o­nistes qui agis­sent dans des espaces sans ligne de front.

Les forces, con­sti­tuées à la demande en fonc­tion des mis­sions, com­pren­nent donc un noy­au de coerci­tion puis­sant, où l’on retrou­ve l’ensem­ble des fonc­tions de com­bat et de feux pour men­er un engage­ment de ” haute inten­sité “, et des forces de maîtrise de la vio­lence, plus légères mais bien pro­tégées, et dis­posant d’une bonne capac­ité de con­trôle du milieu. S’y ajoutent bien sûr des capac­ités de com­man­de­ment, de ren­seigne­ment, d’aide au déploiement et de soutien.

Organigramme du commandement opérationnel de l'armée de terreOn com­prend dès lors qu’il n’é­tait plus pos­si­ble de con­serv­er une organ­i­sa­tion ajustée au seul type d’en­gage­ment de la guerre froide, mono­lithique, per­ma­nente et car­ac­térisée par la coïn­ci­dence des struc­tures du temps de paix et du temps de guerre : les grandes unités tra­di­tion­nelles, corps d’ar­mée et divi­sions, con­sti­tuées dès le temps de paix ne pou­vaient plus être engagées en opéra­tions dans leur con­fig­u­ra­tion per­ma­nente que de façon exceptionnelle.

L’ar­mée de terre en métro­pole est désor­mais organ­isée selon le principe de mod­u­lar­ité, en réser­voirs spé­ci­fiques cor­re­spon­dant à des fonc­tions opéra­tionnelles déter­minées. Les brigades rassem­blent les rég­i­ments pour la pré­pa­ra­tion opéra­tionnelle et four­nissent à la demande des mod­ules pour la con­sti­tu­tion des forces à projeter.

Les forces de l’ar­mée de terre sont donc organ­isées en qua­tre grands ensembles.

  • Pour le com­man­de­ment : les états-majors ont été repen­sés et ils ont désor­mais la capac­ité à com­man­der les struc­tures de l’OTAN. Ce sont le Com­man­de­ment de la force d’ac­tion ter­restre (CFAT) de Lille, le Com­man­de­ment des forces spé­ciales, les qua­tre états-majors de forces (EMF) de Nantes, Besançon, Mar­seille et Limo­ges, et les états-majors des brigades ; l’ar­mée de terre par­ticipe aus­si à l’é­tat-major du Corps européen à Stras­bourg et à l’Eu­ro­for à Florence.
  • Pour l’en­gage­ment : 9 brigades inter­armes, soit 51 rég­i­ments répar­tis entre 2 brigades blind­ées, 2 brigades mécan­isées, 2 brigades légères blind­ées, 2 brigades d’in­fan­terie — mon­tagne et para­chutiste — et 1 brigade aéro­mo­bile. Il faut aus­si compter la brigade franco-allemande.
  • S’y ajoutent les appuis con­sti­tués par 4 brigades d’ap­pui spé­cial­isé, soit 19 rég­i­ments : la brigade de ren­seigne­ment, la brigade de trans­mis­sions, la brigade d’ar­tillerie, avec ses canons, ses lance-roquettes mul­ti­ples et ses mis­siles anti­aériens, et la brigade du génie, avec ses moyens d’aide au déploiement et de franchissement.
  • Enfin la logis­tique avec 2 brigades d’ap­pui logis­tiques, soit 18 rég­i­ments regroupant les moyens de sou­tien et d’ad­min­is­tra­tion sous l’au­torité du Com­man­de­ment de la force logis­tique ter­restre de Montl­héry (CFLT).


En out­re 9 000 hommes et femmes con­stituent le dis­posi­tif nation­al out­re-mer, comme forces de sou­veraineté dans les DOM TOM ou comme forces de présence en Afrique : 4 000 hommes y sta­tion­nent à titre per­ma­nent, les autres sont four­nis par tous les rég­i­ments des brigades selon le sys­tème des unités tour­nantes pour des durées de qua­tre mois. L’outre-mer n’est donc plus l’a­panage de quelques rég­i­ments spécialisés.

Un commandement modernisé

Organigramme de l'armée de terreAu sein des forces, les états-majors se con­sacrent à leur seule mis­sion de pré­pa­ra­tion opéra­tionnelle et ils ont été dégagés de toute autre responsabilité.

Par­tant de cette néces­sité, l’ar­mée de terre a décidé de met­tre fin au principe selon lequel, à tous les niveaux, les chefs con­cen­traient la total­ité des respon­s­abil­ités du com­man­de­ment. Désor­mais chaque com­man­de­ment au-dessus du niveau du rég­i­ment est spé­cial­isé dans un seul domaine. Les respon­s­abil­ités cor­re­spon­dantes sont nationales ou régionales.

Les pre­mières con­cer­nent la pré­pa­ra­tion opéra­tionnelle des forces et l’ap­ti­tude immé­di­ate à la pro­jec­tion, la for­ma­tion, la doc­trine et l’en­seigne­ment mil­i­taire supérieur, la ges­tion du per­son­nel et le fonc­tion­nement des ser­vices. Ce sont :

  • le Com­man­de­ment de la force d’ac­tion terrestre
  • le Com­man­de­ment de la force logis­tique terrestre
  • le Com­man­de­ment de la for­ma­tion de l’ar­mée de terre
  • le Com­man­de­ment de la doc­trine et de l’en­seigne­ment mil­i­taire supérieur
  • la Direc­tion du per­son­nel mil­i­taire de l’armée de terre
  • la Direc­tion cen­trale du génie (pour l’infrastructure)
  • la Direc­tion cen­trale des télé­com­mu­ni­ca­tions et de l’informatique,
  • la Direc­tion cen­trale du matériel de l’ar­mée de terre,
  • la Direc­tion cen­trale du com­mis­sari­at de l’ar­mée de terre.


Les sec­on­des sont assurées par les 5 régions terre de Paris, Metz, Lyon, Bor­deaux et Rennes. Ce com­man­de­ment région­al est respon­s­able du sou­tien financier, admin­is­tratif et matériel des forces sta­tion­nant sur son ter­ri­toire ; il est fixe et non pro­jetable et il a autorité en per­ma­nence sur les rég­i­ments, sauf dans le domaine opérationnel.

Cette nou­velle organ­i­sa­tion du com­man­de­ment s’est accom­pa­g­née du recen­trage de l’é­tat-major de l’ar­mée de terre (EMAT) sur son rôle de con­cep­tion de poli­tiques glob­ales et de pilotage con­forme aux principes d’un con­trôle de ges­tion bien com­pris : déf­i­ni­tion des mis­sions et des moyens con­sen­tis à chaque com­man­de­ment ou direc­tion, désen­gage­ment de la con­duite, mais con­trôle de l’at­teinte des objectifs.>

Simul­tané­ment a été instau­ré un dia­logue de pilotage irriguant les pris­es de déci­sion de flux récipro­ques d’in­for­ma­tion et reposant sur des procé­dures de con­cer­ta­tion régulière.

Enfin la mise en place de méth­odes de ges­tion plus effi­caces et plus lis­i­bles est pour­suiv­ie avec déter­mi­na­tion. Dans cet esprit une mis­sion de mod­erni­sa­tion des tech­niques admin­is­tra­tives a été lancée en vue de sup­primer et de sim­pli­fi­er tout ce qui peut l’être ; ses résul­tats sont l’ob­jet d’une réelle attente des per­son­nels et con­di­tion­nent la réduc­tion de la durée du travail.

Bilan et préoccupations

En cinq ans, l’ar­mée de terre a changé de visage.

Son effi­cac­ité opéra­tionnelle a con­sid­érable­ment aug­men­té ; le nom­bre de mil­i­taires pro­fes­sion­nels disponibles pour les opéra­tions extérieures a plus que triplé. Il est proche de 90 000 aujour­d’hui et l’ob­jec­tif visant à con­stituer un ” réser­voir ” de 100 000 hommes ” pro­jeta­bles ” sera atteint fin 2002.

Les états-majors opéra­tionnels se con­sacrent stricte­ment à la pré­pa­ra­tion et à la con­duite des opéra­tions dans un cadre multi­na­tion­al. Ils s’en­traî­nent en anglais selon les procé­dures de l’OTAN et ils utilisent des sys­tèmes d’in­for­ma­tion opéra­tionnelle fonc­tion­nant en réseaux.

La pro­fes­sion­nal­i­sa­tion s’achève selon le plan prévu. Ces cinq dernières années, 30 000 postes de sol­dats pro­fes­sion­nels ont été créés tout en assur­ant le renou­velle­ment des engagés par­tis au terme de leur con­trat. Comme prévu, 8 000 cadres ont quit­té l’institution.

Un nou­veau sys­tème de réserve a été mis sur pied, totale­ment inté­gré aux forces d’ac­tive. La part prise par le per­son­nel civ­il, dont les effec­tifs cibles restent sta­bles, est très impor­tante notam­ment dans les ser­vices. Les fonc­tion­naires de caté­gorie A exer­cent des respon­s­abil­ités croissantes.

Depuis l’été 2000 la nou­velle organ­i­sa­tion du com­man­de­ment est en place. Le principe du com­man­de­ment glob­al et unique a été aban­don­né au prof­it de com­man­de­ments spé­cial­isés, décon­cen­trés, fonc­tion­nant en réseaux et util­isant les méth­odes de pilotage et de con­trôle de gestion.

Mais tout au long de ces cinq années, l’ar­mée de terre a aus­si essuyé quelques tem­pêtes.

Hélicoptère de l'armée de terre en montagne

© SIRPA TERRE

La sur­chauffe due aux activ­ités a eu son apogée en 1999 et au pre­mier semes­tre 2000, en rai­son de la con­jonc­tion des opéra­tions extérieures nom­breuses, des cat­a­stro­phes naturelles et d’un réser­voir de forces en cours de con­sti­tu­tion et donc inachevé. Désor­mais, les forces vivent au rythme accept­able d’une mis­sion de qua­tre mois tous les seize mois, même si cer­taines fonc­tions opéra­tionnelles demeurent plus sol­lic­itées que d’autres.

La réal­i­sa­tion con­crète des effec­tifs du per­son­nel civ­il tarde à venir en rai­son des rigid­ités du sys­tème admin­is­tratif et budgé­taire : 3 000 per­son­nes man­quent encore au moment même où leur présence est indis­pens­able en rai­son du départ des derniers appelés ; c’est une réelle préoc­cu­pa­tion dont la solu­tion n’est mal­heureuse­ment pas entre les mains de l’ar­mée de terre.

La disponi­bil­ité des matériels a subi le con­tre­coup de la restruc­tura­tion du ser­vice du matériel mais aus­si des indus­tries d’arme­ment, d’un manque de prévi­sions et du par­cours d’ob­sta­cles que con­stitue la pas­sa­tion des marchés de l’É­tat. La disponi­bil­ité qui avait atteint un niveau inquié­tant dans les unités et qui pénal­i­sait l’en­traîne­ment com­mence à se redress­er grâce à un plan d’ac­tion énergique.

Les préoc­cu­pa­tions d’au­jour­d’hui con­cer­nent essen­tielle­ment la sta­bil­ité de cette nou­velle armée de terre.

La ” fidéli­sa­tion ” et le renou­velle­ment de la ressource humaine exi­gent de façon impérieuse qu’une atten­tion par­ti­c­ulière soit apportée à la con­di­tion du per­son­nel, car la pré­car­ité du statut (les deux tiers du per­son­nel mil­i­taire sont sous con­trat à durée déter­minée) et la spé­ci­ficité du méti­er méri­tent des com­pen­sa­tions que la mod­ic­ité des sol­des ne cou­vre pas.

À ce titre, la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion, c’est la trans­for­ma­tion des con­di­tions d’héberge­ment pour les met­tre aux normes d’une armée pro­fes­sion­nelle, et le développe­ment d’in­fra­struc­tures de loisirs, notam­ment dans les gar­nisons qui offrent peu de facil­ités dans ce domaine. C’est encore l’ex­ten­sion du parc de loge­ments en secteur civ­il pour ceux qui fondent une famille (à la dif­férence des gen­darmes, les mil­i­taires non céli­bataires ne sont pas logés).

C’est aus­si la dif­fi­cile recherche d’emplois pour les con­joints dont le taux de tra­vail est inférieur de moitié à celui de la pop­u­la­tion française, la réso­lu­tion de l’épineux prob­lème de la garde des enfants lié aux horaires de tra­vail en gar­ni­son, aux manœu­vres et aux mis­sions opérationnelles.

C’est à ce prix que l’ar­mée de terre rénovée pour­ra assur­er la péren­nité de son pro­jet, d’au­tant que le can­ton­nement juridique qui car­ac­térise l’é­tat mil­i­taire n’of­fre pas au sol­dat la fac­ulté d’at­tir­er l’at­ten­tion du pub­lic sur sa condition.

C’est enfin le renou­velle­ment des liens entre la société civile et son armée, lesquels passent par l’im­pli­ca­tion indi­vidu­elle dans la vie de la cité et par le développe­ment du parte­nar­i­at entre les for­ma­tions et leur environnement.

Le corps de l’État qui se prête le mieux aux réformes radicales

L’ar­mée de terre vient de vivre l’une des remis­es en cause les plus fon­da­men­tales de sa longue his­toire. En 2002, après six années d’ef­forts et de sac­ri­fices, elle touchera au but qu’elle s’é­tait fixé.

Au terme de ce prodigieux boule­verse­ment, elle aura abat­tu l’éd­i­fice ancien et en aura recon­stru­it un autre, dif­férent dans ses final­ités, ses formes et ses matéri­aux, et ceci tout en assur­ant la con­ti­nu­ité du ser­vice, à un moment où jamais depuis la fin de la guerre d’Al­gérie, un tel engage­ment ne lui avait été demandé au plan opérationnel.

Le tabou de la con­scrip­tion, longtemps con­sid­éré comme un héritage de la Révo­lu­tion et de la République, a cédé devant la néces­sité de l’ar­mée de méti­er révélée par la guerre du Golfe.

La cohérence du pro­jet, le niveau d’or­gan­i­sa­tion pour le con­duire et la ferme con­ti­nu­ité dans l’exé­cu­tion des réformes con­stituent une des raisons de sa réus­site. Mais aucune trans­for­ma­tion n’au­rait eu lieu sans l’ad­hé­sion de ses cadres qui l’ont admise puis com­prise et finale­ment accep­tée comme un défi à relever.

S’il en est ain­si, c’est que l’ar­mée de terre sait recruter, for­mer et employ­er des per­son­nels qui, en dépit des dif­fi­cultés, allient pro­fes­sion­nal­isme, moti­va­tion, imag­i­na­tion et éthique véri­ta­ble du ser­vice pub­lic. Sa pop­u­lar­ité qu’at­tes­tent les sondages en con­stitue à la fois une recon­nais­sance et un encouragement.

Poster un commentaire