La mobilité : une question de cohésion sociale et de développement économique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°746 Juin 2019
Par Pascal BERTEAUD (X83)
Entretien avec Pascal Berteaud (83), directeur général du Cerema. Il revient pour nous sur la question de la mobilité et sur la manière dont le Cerema appréhende et contribue à cette thématique à une échelle nationale.

Pouvez-vous nous rappeler les missions du Cerema ?

Le Cere­ma a vu le jour il y a 5 ans. Cet organ­isme a été créé pour rassem­bler l’essentiel de l’expertise du min­istère de l’Écologie de l’époque, soit essen­tielle­ment les cen­tres d’études tech­niques de l’équipement, le ser­vice d’études tech­niques de la route et l’autoroute, le cen­tre d’études sur les réseaux, les trans­ports, l’urbanisme et les con­struc­tions publiques et le cen­tre d’études tech­nique de la mer et des fleuves… L’enjeu était alors de pou­voir rassem­bler l’essentiel de cette exper­tise publique en France autour d’un ensem­ble de sujets ayant trait à l’aménagement. Aujourd’hui, le Cere­ma est donc un étab­lisse­ment pub­lic nation­al chargé de cap­i­talis­er l’expertise sur ces dif­férents domaines de l’aménagement afin de la pro­pos­er à l’État, aux col­lec­tiv­ités locales et aux entreprises.

Dites-nous-en plus sur ces expertises.

Elles cou­vrent les prin­ci­paux domaines de l’aménagement du ter­ri­toire. His­torique­ment, il s’agit de tout ce qui a trait aux infra­struc­tures linéaires et aux ouvrages d’art. Au-delà de ces deux axes, il y a bien évidem­ment aus­si la ques­tion de la mobil­ité, mais aus­si du bâti­ment avec le volet effi­cac­ité énergé­tique et ges­tion pat­ri­mo­ni­ale des bâti­ments. À cela s’ajoutent des prob­lé­ma­tiques tour­nant autour de la mer et du lit­toral (sécu­rité mar­itime, ges­tion du lit­toral…). Nous tra­vail­lons égale­ment sur des ques­tions liées aux risques et à la maîtrise de l’ensemble des nuisances.

Notre force réside dans notre capac­ité à inté­gr­er ces dif­férentes com­pé­tences et exper­tis­es dans ces dif­férents domaines afin d’en faire de l’ingénierie des ter­ri­toires et de con­seiller les col­lec­tiv­ités pour qu’elles puis­sent égale­ment les inté­gr­er dans leurs pro­jets de territoire.

Plus particulièrement, comment appréhendez-vous la question de la mobilité durable ?

La mobil­ité est une thé­ma­tique qui découle naturelle­ment de notre posi­tion­nement sur les infra­struc­tures et les réseaux de trans­ports urbains. Les évo­lu­tions que nous avons con­nues et que nous con­tin­uons de vivre actuelle­ment nous ont poussés à dévelop­per une logique où le domaine des infra­struc­tures rejoint celui de la mobil­ité avec une plu­ral­ité de modes et de formes. En effet, la mobil­ité ce n’est plus sim­ple­ment faire rouler des bus et des voitures. Avec l’émergence des véhicules élec­triques ou partagés, l’émergence de nou­velles façons de con­som­mer la mobil­ité, comme le cov­oiturage, il n’y a plus d’usage unique des infra­struc­tures. En quelques années, nous sommes passés d’une util­i­sa­tion mono­lithique ou binaire de l’infrastructure au développe­ment de sys­tèmes de mobil­ité où l’infrastructure en tant que telle ne joue plus le rôle cen­tral. Et cela cou­vre aus­si tous les moyens qui per­me­t­tent d’éviter de se déplac­er comme le télétravail.

Quelles sont les initiatives que vous déployez dans ce cadre ? Vos principaux partenariats ?

Etab­lisse­ment nation­al d’expertise, notre rôle est de pou­voir dévelop­per des méthodolo­gies, men­er des expéri­men­ta­tions et dif­fuser ces méthodolo­gies à l’ensemble des acteurs et par­ties prenantes (entre­pris­es, maîtres d’ouvrages, col­lec­tiv­ités locales) afin de les con­seiller dans leur appli­ca­tion. Ain­si, en parte­nar­i­at avec le min­istère des Trans­ports, nous tra­vail­lons sur la dif­fu­sion sur le ter­rain de ces méthodolo­gies au tra­vers de l’initiative nationale « France Mobil­ités ». Nous tra­vail­lons aus­si à une échelle nationale sur une plate­forme de cap­i­tal­i­sa­tion des expéri­ences afin de per­me­t­tre à chaque maître d’ouvrage de présen­ter un cas sur lequel il est inter­venu, d’expliquer com­ment il a traité ce sujet, de partager son retour d’expérience et d’en faire ain­si béné­fici­er l’ensemble des acteurs et des par­ties prenantes. Au côté de l’ADEME et de la Banque des Ter­ri­toires, nous avons mis en place des cel­lules d’appui région­al, tou­jours dans une optique de con­seil et d’accompagnement des col­lec­tiv­ités dans la mise en place d’initiatives. Aujourd’hui, nous sommes encore dans une phase de sen­si­bil­i­sa­tion, d’explication, de vul­gar­i­sa­tion et d’expérimentation.

Quels sont les enjeux qui persistent ?

La mobil­ité est plus que jamais une ques­tion d’actualité. Il ne faut pas oubli­er que la crise des gilets jaunes est intime­ment liée à la mobil­ité au tra­vers de l’augmentation des prix et de son impact sur le niveau de vie des Français. La mobil­ité est un enjeu fon­da­men­tal en ter­mes de cohé­sion sociale et de développe­ment économique. S’il y a une trentaine d’années la mobil­ité était perçue comme une ques­tion de qual­ité de vie, elle est, aujourd’hui, au cœur du fonc­tion­nement même de la société. Les nou­velles formes de mobil­ité ont pour voca­tion de ren­dre le fonc­tion­nement et la ges­tion de la vie au quo­ti­di­en plus sup­port­able et agréable. Cela sous-tend égale­ment que nous sommes arrivés au bout d’un sys­tème basé exclu­sive­ment sur les infra­struc­tures de trans­port et qui, encore à l’heure actuelle, n’irrigue pas par­faite­ment l’ensemble du ter­ri­toire nation­al, notam­ment les zones péri­ur­baines. Le prin­ci­pal défi est donc com­ment les nou­veaux modes de mobil­ité vont per­me­t­tre de répon­dre à ces prob­lé­ma­tiques tout en accom­pa­g­nant la trans­for­ma­tion de la société française.

Qu’en est-il des perspectives ?

Dans ce cadre, nous con­sid­érons la révo­lu­tion numérique et écologique comme de véri­ta­bles vecteurs d’opportunités. Il ne se passe plus une seule année sans que l’on invente une nou­velle façon de faire les choses ! Ces deux révo­lu­tions élar­gis­sent aus­si con­sid­érable­ment notre capac­ité d’innovation. Reste à encadr­er cette effer­ves­cence et ce bouil­lon­nement pour que les inno­va­tions et les nou­veaux modes de fonc­tion­nement et de con­som­ma­tion se dévelop­pent de manière inté­grée et com­plé­men­taire. Nous sommes con­va­in­cus que les évo­lu­tions soci­ologiques dont nous avons besoin seront portées par l’innovation tech­nologique. Dans une dizaine d’années, nous ne nous déplacerons plus ou autant qu’à l’heure actuelle.


En bref

Chiffres-clés du Cere­ma (au 31 décem­bre 2018) :

  • 2 812 agents ;
  • 20 lab­o­ra­toires et cen­tres d’essais ;
  • 32 pro­jets européens en cours ;
  • 1 953 équipements et instal­la­tions sci­en­tifiques et tech­niques de plus de 10K€ ;
  • 2 600 références dans la bou­tique en ligne ;
  • 247 M€ de bud­get dont 30 M€ de ressources propres.

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