fret ferroviaire

Un transfert massif vers le rail s’impose !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°760 Décembre 2020
Par Frédéric DELORME (79)

La crise du coro­na­vi­rus aura consti­tué un révé­la­teur pour le monde du trans­port de fret : il est désor­mais pri­mor­dial d’opérer un trans­fert mas­sif vers le rail, seul mode de trans­port capable d’offrir un ren­de­ment éco­no­mique et éco­lo­gique crois­sant et rapide dans les pro­chaines années. Éclai­rage de Fré­dé­ric Delorme (82), pré­sident de Fret SNCF et PDG de TFMM.

Comment le secteur du fret ferroviaire a‑t-il évolué au cours de ces dernières années ?

En 30 ans, la part de mar­ché de fret fer­ro­viaire en France a été divi­sée par deux tan­dis que celle du trans­port rou­tier a été mul­ti­pliée par 2,5. Au cours de ces der­nières années, le rail n’a ces­sé de s’éroder au pro­fit du trans­port rou­tier de mar­chan­dises. Aujourd’hui, avec une part moyenne annuelle de 9 %, le fret fer­ro­viaire fran­çais stagne en milieu de tableau dans le clas­se­ment euro­péen du sec­teur, der­rière l’Italie à 14 %, l’Allemagne à 20 % et loin der­rière le duo de tête consti­tué par l’Autriche et la Suisse avec res­pec­ti­ve­ment 32 % et 35 %. Cela s’explique par plu­sieurs rai­sons, dont la dés­in­dus­tria­li­sa­tion du pays ou encore le coût de la route qui ne cesse de bais­ser du fait de l’ouverture des frontières.

Quel est le positionnement de Fret SNCF dans ce cadre ?

Pre­mier trans­por­teur fer­ro­viaire de mar­chan­dises en France et deuxième en Europe avec le réseau Cap­train, Fret SNCF conçoit des solu­tions de trans­port natio­nales et inter­na­tio­nales adap­tées à dif­fé­rentes acti­vi­tés et dif­fé­rents enjeux. Nous sommes pré­sents en Alle­magne, à tra­vers notre marque Cap­train, pour le trans­port de mar­chan­dises mais aus­si via For­war­dis, notre marque de com­mis­sion­naire de trans­port fer­ro­viaire ce qui nous per­met de cou­vrir une grande par­tie de l’Europe de l’Est. Nous sommes éga­le­ment pré­sents en Ita­lie à tra­vers Cap­train Ita­lia, en Espagne, et en Bel­gique avec Rail­traxx. Nous avons des filiales aux Pays-Bas, en Pologne, en Rou­ma­nie, et nous sommes action­naire mino­ri­taire (à 45 %) de BLS Car­go, l’un des grands opé­ra­teurs de trans­ports de mar­chan­dises en Suisse. Nous sommes donc un acteur euro­péen important !

Cepen­dant, si la France n’est qu’au milieu du clas­se­ment euro­péen du sec­teur en matière de part modale, c’est parce que, contrai­re­ment aux autres pays, elle n’avait jusqu’à pré­sent pas d’aides spé­ci­fiques à l’exploitation du trans­port de mar­chan­dises pour com­pen­ser le dif­fé­ren­tiel de com­pé­ti­ti­vi­té avec la route.

La crise sanitaire de la Covid-19 a mis en lumière l’intérêt du fret ferroviaire…

En effet, durant le confi­ne­ment, la filière a prou­vé sa robus­tesse et son effi­ca­ci­té à four­nir des ser­vices de trans­port essen­tiels au fonc­tion­ne­ment de la nation et à la vie quo­ti­dienne des citoyens. 

Aus­si, le fret fer­ro­viaire est désor­mais appe­lé à jouer un rôle impor­tant dans la tran­si­tion éco­lo­gique, éner­gé­tique et le déve­lop­pe­ment de nou­velles formes de mobi­li­té. Le ren­de­ment éner­gé­tique et éco­lo­gique du rail place éga­le­ment le fret fer­ro­viaire par­mi les solu­tions d’avenir pour décar­bo­ner le trans­port de marchandises.

Aujourd’hui, il est évident que le déve­lop­pe­ment du fret est pro­pice à la relo­ca­li­sa­tion de la créa­tion de valeur éco­no­mique au béné­fice de tous les ter­ri­toires. C’est en effet, une ques­tion de sou­ve­rai­ne­té à part entière, natio­nale et européenne. 

Et pour déve­lop­per le fret fer­ro­viaire, il faut s’y prendre col­lec­ti­ve­ment avec l’État, les régions, SNCF Réseau, les entre­prises fer­ro­viaires, les indus­triels, les citoyens… Nous devons prendre tota­le­ment notre part au « Green Deal » euro­péen visant la neu­tra­li­té car­bone en 2050, objec­tif qui nous oblige à agir de façon claire, mas­sive et col­lec­tive dès maintenant.

Le plan de relance du fret ferroviaire prévoit de doubler la part de ce mode dans le transport de marchandises en France. Comment ?

Dans le plan de relance du gou­ver­ne­ment, il y a en effet un volet très impor­tant concer­nant le fret fer­ro­viaire, et qui résulte notam­ment de la coa­li­tion 4F, « Fret Fer­ro­viaire Fran­çais du Futur », qui est une alliance inédite entre tous les acteurs de la filière en France (les entre­prises fer­ro­viaires, les opé­ra­teurs fer­ro­viaires de proxi­mi­té, les auto­routes fer­ro­viaires, l’association fran­çaise du rail, les acteurs du com­bi­né, du com­mis­sion­ne­ment…) afin de struc­tu­rer un ensemble de mesures néces­saires à la sau­ve­garde et au déve­lop­pe­ment du fret fer­ro­viaire. La coa­li­tion pro­pose une ambi­tion forte aux pou­voirs publics : dou­bler la part des mar­chan­dises trans­por­tées par le rail en France d’ici à 2030, pour pas­ser à 18 % en 2030.

L’objectif est de par­ti­ci­per à un déve­lop­pe­ment éco­no­mique durable, res­pec­tueux du cli­mat, de la mobi­li­té, de la qua­li­té de vie et de la san­té des citoyens. 

Ce rat­tra­page évi­te­rait un écart trop impor­tant entre la France et les pays euro­péens les plus avan­cés en la matière, et consti­tue­rait un pro­grès tan­gible pour mieux conci­lier éco­no­mie et éco­lo­gie dès main­te­nant. Cela néces­site une mobi­li­sa­tion sur trois niveaux d’intervention :

  • les opé­ra­teurs de fret eux-mêmes, prêts à inno­ver et à prendre le risque entre­pre­neu­rial de recon­quête du fret en France ;
  • le ges­tion­naire du réseau fer­ré natio­nal, SNCF Réseau, qui, en lien avec ces opé­ra­teurs, donne prio­ri­té à la qua­li­té de ser­vice, et dis­pose des moyens d’investir dans la réno­va­tion du réseau ;
  • l’état qui, comme le font d’autres pays, doit accom­pa­gner la décar­bo­na­tion du sec­teur des trans­ports et, à ce titre, appuyer la com­pé­ti­ti­vi­té de la com­po­sante fer­ro­viaire au sein d’une chaîne logis­tique plus durable.

De plus, le plan de relance du gou­ver­ne­ment pré­voit 1 mil­liard d’euros pour les inves­tis­se­ments sur les infra­struc­tures néces­saires au fret fer­ro­viaire et le pro­jet de loi de finance 2021 pré­voit 170 mil­lions d’euros pour le sec­teur, qui com­prend une aide sur les péages, sur le trans­port com­bi­né, sur les auto­routes fer­ro­viaires et sur le wagon iso­lé, acti­vi­té clé pour tout une par­tie de l’industrie fran­çaise (chi­mie, sidérurgie…).

La très grande majo­ri­té de ce ser­vice est offerte en France par Fret SNCF et notre outil de ges­tion capa­ci­taire per­met de prendre toutes tailles de lots de wagons pour de mul­tiples ori­gines-des­ti­na­tions pour des clients qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus en cette période de crise ache­ter un train complet.

Le développement du fret ferroviaire se fera également par la promotion du transport combiné…

En effet, selon 4F, il se fera par le tri­ple­ment des offres de trans­port com­bi­nant plu­sieurs modes (la route, le rail, le mari­time et le flu­vial) avec des com­plé­men­ta­ri­tés plus fortes au ser­vice d’une chaîne logis­tique ter­restre à la fois plus per­for­mante et plus verte. Ce modèle de trans­port mul­ti­mo­dal a voca­tion à consti­tuer un atout pour le déve­lop­pe­ment et la relo­ca­li­sa­tion d’industries favo­ri­sant l’emploi local et l’économie ter­ri­to­riale. Nous avons l’avantage d’avoir déjà plu­sieurs socié­tés spé­cia­li­sées en la matière comme Navi­land Car­go ou encore VIIA.

Aujourd’hui, le groupe SNCF repré­sente 70 % de l’activité du trans­port fer­ro­viaire en France. Nous sou­hai­tons main­te­nir cette posi­tion, et en France comme en Europe, conti­nuer d’offrir des solu­tions adap­tées et diverses à nos clients. Pour cela, nous misons éga­le­ment sur la digi­ta­li­sa­tion. Le fret fer­ro­viaire n’a pas encore effec­tué sa révo­lu­tion digi­tale. Les enjeux opé­ra­tion­nels, qui concernent à la fois les opé­ra­teurs, les char­geurs et les déten­teurs de wagons, sont majeurs : il s’agit de répondre aux pres­sions tou­jours plus impor­tantes des clients finaux, tant en termes de ser­vices (notam­ment le track & trace des camions, conte­neurs ou wagons) que de com­pé­ti­ti­vi­té tari­faire, en opti­mi­sant l’usage des flottes. Le fret fer­ro­viaire de demain sera donc connec­té, afin de deve­nir plus agile, plus per­for­mant, et de mieux s’adapter aux évo­lu­tions rapides du mar­ché à un coût tou­jours compétitif. 

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