La formation continue aux Etats-Unis : une entreprise florissante et un atout pour l’avenir

Dossier : Les X en Amérique du NordMagazine N°617 Septembre 2006
Par Jacques BODELLE (56)

La « Vocational Education »

Elle ne béné­fi­cie pas du pres­tige qui s’at­tache à la for­ma­tion uni­ver­si­taire clas­sique, et l’en­sei­gne­ment secon­daire amé­ri­cain, res­tant de ce fait très orien­té vers le pas­sage aux études supé­rieures, n’a pas sys­té­ma­ti­que­ment mis en place les for­ma­tions tech­no­lo­giques courtes que nous connais­sons en France. Il laisse ain­si un espace libre impor­tant pour la « Voca­tio­nal Edu­ca­tion ».

Le rôle essentiel des Etats et des « Community Colleges »

Jus­qu’à la mon­tée, ces trente der­nières années, des pro­fes­sions de « cols blancs » du ter­tiaire au détri­ment des « cols bleus », l’ap­pren­tis­sage jouait un rôle impor­tant. Mais, for­te­ment enca­dré par les syn­di­cats, il a subi leur déclin, et il ne concerne plus que 1% des jeunes en quête d’une pre­mière formation.

En revanche, les uni­ver­si­tés locales, les « Com­mu­ni­ty Col­leges » – plus de 1600 au total – se sont taillé un rôle abso­lu­ment essen­tiel. Sou­vent acces­sibles sans sélec­tion, au moins pour les rési­dents de l’E­tat cor­res­pon­dant, ils sont moins chers que les uni­ver­si­tés, car lar­ge­ment sub­ven­tion­nés par les Etats ; ils sont aus­si plus proches du domi­cile des étu­diants. C’est donc vers eux que se tournent plus de 40% des jeunes après la fin du cycle secondaire.

Pour une bonne moi­tié d’entre eux, c’en sera le terme, avec un « Cer­ti­fi­cate » ou un « Asso­ciate Degree » qui leur ouvri­ra l’ac­cès au pre­mier niveau de nom­breuses car­rières, para­mé­di­cales, para­lé­gales, com­mer­ciales ou tech­niques. Déjà là, on peut par­ler de for­ma­tion conti­nue, car près des deux tiers des étu­diants le sont à temps par­tiel ; la for­ma­tion, théo­ri­que­ment de deux années, en prend donc en moyenne près de quatre. Mais qu’im­porte : pour un bon « job », rien ne vaut un peu de patience !

Des liens s’é­ta­blissent entre les « Com­mu­ni­ty Col­leges » et leur envi­ron­ne­ment géo­gra­phique, d’où une spé­cia­li­sa­tion qu’au­to­rise leur grande auto­no­mie de choix des pro­grammes. Le Nash­ville State Com­mu­ni­ty Col­lege, à proxi­mi­té d’une usine chi­mique impor­tante de DuPont, offre ain­si une for­ma­tion d’o­pé­ra­teur d’ins­tal­la­tions chi­miques, et Intel a pas­sé un accord avec sept « Com­mu­ni­ty Col­leges » proches d’un des ses pôles d’ac­ti­vi­tés de l’A­ri­zo­na, qui offrent un « Asso­ciate Degree » en fabri­ca­tion des semi-conduc­teurs : cer­tains de ses ingé­nieurs y donnent des cours, et il leur offre équi­pe­ments infor­ma­tiques et stages de for­ma­tion en usine. En contre­par­tie, il peut suivre les étu­diants et être ain­si le pre­mier leur pro­po­ser un emploi.

Les grands des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion ne pou­vaient évi­dem­ment pas res­ter en marge de ce mou­ve­ment : Micro­soft et Cis­co ont mis en place leurs réseaux d” »IT Aca­de­mies », en s’ap­puyant beau­coup sur les « Com­mu­ni­ty Col­leges », qui pré­parent ain­si à plu­sieurs cer­ti­fi­ca­tions « maison ».

Contrôler la qualité d’un système foisonnant

On peut se deman­der com­ment main­te­nir à l’é­di­fice une qua­li­té rai­son­nable. C’est là qu’entre en jeu le sys­tème des « Accre­di­ta­tions », qui s’é­tend d’ailleurs à l’en­semble des for­ma­tions amé­ri­caines : des asso­cia­tions accordent, ou non, un label aux ins­ti­tu­tions édu­ca­tives. Pour les for­ma­tions de type « Voca­tio­nal », l’Ame­ri­can Asso­cia­tion of Edu­ca­tio­nal Ser­vices Agen­cy joue ce rôle, contrô­lant un demi-mil­lier d’ins­ti­tu­tions. C’est, par exemple, sur elle que s’ap­puie Micro­soft pour inclure ou non un « Com­mu­ni­ty Col­lege » dans son réseau d” »IT Aca­de­mies ». Mais les Etats et le Gou­ver­ne­ment Fédé­ral peuvent eux aus­si créer leurs propres cri­tères de recon­nais­sance. De quoi y perdre son latin … cepen­dant le sys­tème fonc­tionne ain­si, « à l’a­mé­ri­caine », fon­dé sur des mil­liers d’i­ni­tia­tives locales, fai­ble­ment encadrées.

Les Comtés et l’enseignement de l’anglais

La socié­té amé­ri­caine est certes très libé­rale dans le domaine des langues : on peut ain­si pas­ser les épreuves théo­riques du per­mis de conduire, dans de nom­breux Etats, aus­si bien en anglais qu’en espa­gnol. Mais avec près de 15% d’his­pa­ni­sants aux Etats-Unis, l’ap­pren­tis­sage de l’an­glais pour les adultes reste cepen­dant l’un des pro­blèmes aux­quels les col­lec­ti­vi­tés locales ont à faire face, et il s’a­git bien de for­ma­tion conti­nue, car il ne vien­drait pas à l’i­dée des immi­grants lati­no-amé­ri­cains d’a­ban­don­ner leur emploi pour s’y consa­crer à plein temps. Les Com­tés ont donc orga­ni­sé des cours d’an­glais, le plus sou­vent gra­tuits, en uti­li­sant en soi­rée les ensei­gnants et les locaux des écoles secon­daires pla­cés sous leur juri­dic­tion. Près de 6 à 7 mil­lions de per­sonnes suivent ces cours, plus ou moins assiduement.

Les sociétés privées de formation

On entre là dans un domaine dyna­mique mais un peu effrayant pour qui doit choi­sir entre les mille et une publi­ci­tés qui foi­sonnent, dans les jour­naux locaux ou sur la Toile. Ces socié­tés de for­ma­tion à but lucra­tif, sou­vent dotées d’un label d’ac­cré­di­ta­tion, peuvent se don­ner le nom qu’ellent sou­haitent, ins­ti­tut, col­lège ou aca­dé­mie … au client de se ren­sei­gner. Mais cha­cun peut y trou­ver son bon­heur : les horaires sont flexibles, et les sec­teurs les plus pro­met­teurs en matière d’offres d’emploi sont pro­po­sés en priorité.

A côté des domaines tra­di­tion­nels, comme la main­te­nance en avia­tion ou la répa­ra­tion auto­mo­bile, la san­té est deve­nue une voie prio­ri­taire, absor­bant autant qu’il s’en forme, aides infir­miers ou infir­mières, Den­tal Assis­tants, ou Medi­cal Radio­gra­phists, pour ne citer que quelques spé­cia­li­tés. Les tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion gardent encore la corde, mais depuis Sep­tembre 2001 la sécu­ri­té les talonne, et les cer­ti­fi­cats en « Disas­ter Mana­ge­ment » ont fleuri.

Les petites entre­prises cotoyent les géants de la for­ma­tion, comme ITT Edu­ca­tio­nal Ser­vices. Coté en bourse, il affi­chait en 2004 un chiffre d’af­faires de 600 mil­lions de dol­lars et un béné­fice de 75 mil­lions, en aug­men­ta­tion de 10% par an depuis cinq ans ! Avec 44.000 étu­diants, c’est une véri­table ins­ti­tu­tion, et cha­cun de ses 81 ITT Tech­ni­cal Ins­ti­tutes, doté d’un label d’ac­cré­di­ta­tion, fonc­tionne de façon lar­ge­ment auto­nome, avec un comi­té des pro­grammes où siègent des repré­sen­tants des entre­prises locales.

Et le Gouvernement fédéral ?

Il reste lar­ge­ment en marge de toutes ces ini­tia­tives. Rien de bien éton­nant, d’ailleurs, quand on sait que les Etats-Unis sont une fédé­ra­tion d’E­tats. Il ne consacre à la « Voca­tio­nal Edu­ca­tion » qu’un peu moins d’un mil­liard et demi de dol­lars par an – moins de 3% du bud­get du Depart­ment of Edu­ca­tion – essen­tiel­le­ment sous la forme de sub­ven­tions aux Etats. Ceci ne doit guère repré­sen­ter plus de 5% du total des dépenses cumu­lées des Etats et des indi­vi­dus. Encore faut-il noter que l’Ad­mi­nis­tra­tion en place a bataillé en 2005 pour sup­pri­mer sa contri­bu­tion à ce cha­pitre, et que c’est le Congrès qui en a obte­nu la recon­duc­tion au bud­get de 2006.

« Continuing Education » ou « Adult Education »

Retourner sur les bancs des universités

Aux Etats-Unis, on n’hé­site guère à retour­ner sur les bancs des uni­ver­si­tés, pour conti­nuer à se for­mer. Qu’on en juge : si la moi­tié des adultes entre­prennent chaque année « quelque chose » pour amé­lio­rer leur for­ma­tion, de 4 à 5% d’entre eux, soit plus de huit mil­lions de per­sonnes, le font sous la forme d’é­tudes à temps par­tiel en uni­ver­si­té, une ten­dance qui va d’ailleurs en s’ac­cen­tuant d’ailleurs au fil des années. Il en résulte que la popu­la­tion des étu­diants amé­ri­cains est net­te­ment plus âgée qu’en Europe : plus du quart a plus de 30 ans, et cette pro­por­tion grimpe à près de la moi­tié par­mi les étu­diants à temps partiel.

On peut avan­cer plu­sieurs hypo­thèses pour expli­quer cet engoue­ment. Viennent en pre­mier lieu le sys­tème des cré­dits, qui per­met d’ac­cu­mu­ler pro­gres­si­ve­ment de quoi obte­nir un diplôme, au fil des chan­ge­ments d’u­ni­ver­si­té et des affec­ta­tions pro­fes­sion­nelles, mais éga­le­ment l’ab­sence de dis­cri­mi­na­tion par l’âge, impo­sée par la loi S’y ajoutent des fac­teurs psy­cho­lo­giques, non moins impor­tants : les Amé­ri­cains ont un grand res­pect pour la for­ma­tion, si chère soit-elle, et peut-être même parce qu’elle est chère ; ils sont aus­si très à l’aise devant les pers­pec­tives de chan­ge­ment : com­men­cer des études d’a­vo­cat à la sor­tie d’une uni­ver­si­té d’in­gé­nie­rie ne les rebute aucunement.

Les uni­ver­si­tés accueillent bien évi­dem­ment à bras ouverts ces étu­diants : non seule­ment pro­curent-ils une manne pré­cieuse en matière de frais d’ins­crip­tion, per­met­tant de mieux ren­ta­bi­li­ser locaux et équi­pe­ments, mais ils sont aus­si, le plus sou­vent, très moti­vés, et ils apportent dans les salles de classe un peu de leur expé­rience de la vie pro­fes­sion­nelle. L’é­cole d’ad­mi­nis­tra­tion des entre­prises de Nor­th­wes­tern Uni­ver­si­ty, la meilleure sans doute des Etats-Unis, recom­mande ain­si for­te­ment aux can­di­dats à un MBA d’a­voir pas­sé aupa­ra­vant deux ou trois années en entreprise.

L’irruption de l’internet

Dès le milieu des années 80, plu­sieurs uni­ver­si­tés amé­ri­caines avaient sen­ti le besoin d’of­frir aux étu­diants déjà entrés dans la vie pro­fes­sion­nelle le moyen d’ac­qué­rir sans trop d’in­con­vé­nients une for­ma­tion com­plé­men­taire, et elles avaient donc lan­cé un sys­tème d’en­sei­gne­ment par satel­lite : il suf­fi­sait aux employeurs de s’é­qui­per d’une antenne para­bo­lique, et leurs employés pou­vaient rece­voir sur place les cours des meilleurs ensei­gnants, avec des horaires pra­tiques. La Natio­nal Tech­ni­cal Uni­ver­si­ty, NTU, avait exploi­té à fond ce concept et elle était deve­nue la pre­mière uni­ver­si­té entiè­re­ment sans murs et sans cam­pus. Est arri­vé sou­dain l’in­ter­net, qui a ren­du, en quelques années, cette façon de pro­cé­der obsolète.

On peut dire que pra­ti­que­ment toutes les uni­ver­si­tés2 , même les plus pres­ti­gieuses, pro­posent main­te­nant un ensei­gne­ment sur l’in­ter­net. Mais de plus, des dizaines d’u­ni­ver­si­tés ain­si spé­cia­li­sées se sont créées, la plu­part à but lucra­tif. Uni­ver­si­ty of Phoe­nix est cer­tai­ne­ment l’exemple le plus connu de cette ten­dance, elle qui offre à la fois un ensei­gne­ment sur l’in­ter­net et sur de très petits campus,180 au total. Il est inté­res­sant de noter qu’elle impose à ses étu­diants d’oc­cu­per déjà un emploi.

Les « Corporate Universities »

Pour des rai­sons d’ef­fi­ca­ci­té et pour gar­der leurs meilleurs employés, les socié­tés pri­vées n’ont pas vou­lu res­ter à l’é­cart de ce grand besoin de for­ma­tion conti­nue. Elles ont donc orga­ni­sé leur propre for­ma­tion interne, et le terme de « Cor­po­rate Uni­ver­si­ties » a sou­vent été employé, au moins pour les plus impor­tantes. On en a recen­sé jus­qu’à deux mille, de tailles très diverses, et la plus connue est sans doute « Ham­bur­ger Uni­ver­si­ty » : on ne pou­vait mieux nom­mer celle de McDo­nald ! Créée en 1961, elle a depuis lors vu pas­ser plus de 65.000 res­pon­sables de res­tau­rants à la marque des deux arches sur son cam­pus de l’Illinois.

Cer­tains groupes ont obte­nu une accré­di­ta­tion et délivrent donc leurs propres diplômes, comme Veri­zon, ancien­ne­ment Bell Atlan­tic, sur son cam­pus de Long Island, où elle pré­pare ses cadres au MBA. D’autres se sont asso­ciés à une uni­ver­si­té clas­sique locale, comme Bech­tel et l’Uni­ver­si­ty of Ten­nes­see.

Les sociétés savantes et les association professionnelles

Quand on connaît l’é­ten­due de la palette d’ac­ti­vi­tés des socié­tés savantes amé­ri­caines on ne s’é­tonne pas de ce qu’elles pro­posent à leurs adhé­rents des cours de for­ma­tion conti­nue. Ain­si l’Insti­tute of Elec­tri­cal and Elec­tro­nics Engi­neers, IEEE, forte de ses 365.000 membres – un record – pos­sède-elle sa propre col­lec­tion, bap­ti­sée « Expert Now », de cours d’in­gé­nie­rie, sou­vent des « tuto­rials », d’a­bord don­nés par des pro­fes­sion­nels lors de ses réunions annuelles ; enre­gis­trés, ils sont ren­dus dis­po­nibles sur la Toile moyen­nant finances, bien évi­dem­ment. L’as­pect mana­gé­rial n’est pas oublié, avec une autre col­lec­tion sur des sujets plus géné­raux, comme « Mana­ging your Prio­ri­ties » ou « Proac­tive Lis­te­ning ». Les socié­tés qui lui sont affi­liées, plus petites, se contentent de pro­po­ser des « Short Courses » en marge de leur assem­blée annuelle.

Certes, ces acti­vi­tés, qui com­portent une com­po­sante de soli­da­ri­té, puisque les cours sont en géné­ral gra­tuits pour les deman­deurs d’emploi, sont fort appré­ciées des membres des socié­tés savantes, mais celles-ci y voient un moyen d’ar­ron­dir leur bud­get : plus d’un mil­lion et demi de dol­lars de reve­nus, sur un bud­get de neuf mil­lions, pour l’Ame­ri­can Asso­cia­tion of Petro­leum Geo­lo­gists ; c’est net­te­ment plus que marginal !

Les asso­cia­tions pro­fes­sion­nelles ne sont pas en reste : des cen­taines d’entre elles, tant est vivace et forte la tra­di­tion asso­cia­tive aux Etats-Unis, pro­curent à leurs membres qui le dési­rent un label, une « cer­ti­fi­ca­tion », moyen­nant le sui­vi d’un mini­mum de cours de for­ma­tion per­ma­nente. Les méde­cins, ont même créé leur propre « Accre­di­ta­tion Coun­cil for Conti­nuing Medi­cal Edu­ca­tion », qui juge de la qua­li­té des four­nis­seurs de for­ma­tion per­ma­nente dans le vaste domaine qui est le leur.

C’est là une sorte de « police » interne aux pro­fes­sions. Mais il en existe une autre, à carac­tère régle­men­taire, pour des pro­fes­sions qui ont de fortes impli­ca­tions finan­cières, comme les agents immo­bi­liers ou les comp­tables. Les Etats prennent alors le relai, en n’ac­cor­dant ou en ne renou­ve­lant leur license pro­fes­sion­nelle qu’a­près un mini­mum de for­ma­tion per­ma­nente. Le Mary­land exige ain­si des agents immo­bi­liers qu’ils suivent trois heures de cours d’é­thique au renou­vel­le­ment de leur license.

Si les uni­ver­si­tés mesurent la for­ma­tion acquise en termes de cré­dits, les pour­voyeurs de for­ma­tion per­ma­nente mesurent leurs pro­duits à l’aune de « Conti­nuing Edu­ca­tion Units ». Ces CEU ne per­mettent pas d’ob­te­nir un diplôme, mais un employeur en sau­ra recon­naître la valeur, sur un cur­ri­cu­lum vitae. Encore faut-il que le conte­nu des CEU soit lui aus­si sui­vi et accep­té : c’est un rôle que jouent les cen­taines de grou­pe­ments pro­fes­sion­nels déjà évo­qués, en tenant compte de cri­tères éri­gés par l’Inter­na­tio­nal Asso­cia­tion for Conti­nuing Edu­ca­tion and Trai­ning. Une vraie pyramide !

Le monde foisonnant des consultants

On ima­gine com­bien de telles pro­messes d’ac­ti­vi­tés ont pu atti­rer d’i­ni­tia­tives pri­vées. Des mil­liers de consul­tants, sou­vent issus de l’in­dus­trie, se déplacent par­tout dans les usines et les labo­ra­toires. Ils ont prê­ché le res­pect de l’en­vi­ron­ne­ment au milieu des années 90, puis la qua­li­té au moment des pre­mières cer­ti­fi­ca­tions ISO, sans oublier la sécu­ri­té, et main­te­nant l’é­thique. Des socié­tés ont occu­pé la niche de la for­ma­tion des for­ma­teurs ou des res­pon­sables du per­son­nel des entre­prises, comme l’Ame­ri­can Asso­cia­tion for Trai­ning and Deve­lop­ment.

La for­ma­tion conti­nue en tant qu’en­tre­prise com­mer­ciale fait elle-même l’ob­jet de dizaines d’é­tudes de mar­ché, par des socié­tés comme Busi­ness Com­mu­ni­ca­tions Com­pa­ny ou Pri­ma­ry Research Group. Il faut dire que l’en­jeu finan­cier est énorme : envi­ron une dizaine de mil­liards de dol­lars pour les for­ma­tions uni­ver­si­taires, une somme équi­va­lente pour les for­ma­tions internes aux entre­prises, de l’ordre de cinq mil­liards de dol­lars pour les pro­grammes fédé­raux et des Etats, et sans doute deux à trois mil­liards de dol­lars pour les for­ma­tions par des socié­tés pri­vées et des consul­tants ; soit un total de vingt-cinq à trente mil­liards de dol­lars par an. De quoi exci­ter bien des convoitises !

Les Agences fédérales et le « GI Bill »

Gros employeur, le Gou­ver­ne­ment fédé­ral a donc une forte acti­vi­té de for­ma­tion conti­nue. A côté d’une orga­ni­sa­tion com­mune à toutes ses com­po­santes, réser­vée au per­son­nel de haut niveau – le Fede­ral Exe­cu­tive Ins­ti­tute - chaque minis­tère et chaque agence déve­loppe son propre pro­gramme. Curieu­se­ment, celui du Depart­ment of Agri­cul­ture est ouvert à tous : c’est une véri­table petite uni­ver­si­té, créée en 1824, qui s’é­nor­gueillit d’of­frir un mil­lier de cours, en agri­cul­ture et dans bien d’autres domaines.

Mais c’est cer­tai­ne­ment le Depart­ment of Defense qui joue sur ce plan le rôle le plus impor­tant, per­pé­tuant une tra­di­tion déjà ancienne. Non seule­ment les mili­taires s’y forment et se recyclent faci­le­ment dans le pri­vé après une dizaine d’an­nées de ser­vice et sou­vent moins – ils peuvent être ensuite pilotes, méca­ni­ciens, infor­ma­ti­ciens ou tech­ni­ciens des télé­com­mu­ni­ca­tions – mais le Gou­ver­ne­ment fédé­ral leur offre, à leur sor­tie de l’ar­mée, d’in­croyables faci­li­tés pour se for­mer, qu’ils sont nom­breux à saisir.

Cela a com­men­cé avec le fameux « GI Bill » du 22 Juin 1944, une loi qui offrait aux anciens com­bat­tants de la guerre qui s’a­che­vait une aide sub­stan­tielle pour reprendre ou entre­prendre des études, dans les uni­ver­si­tés, les écoles secon­daires ou les entre­prises elles-mêmes. Cette loi a pro­fon­dé­ment trans­for­mé la socié­té amé­ri­caine : les uni­ver­si­tés, exangues pen­dant la guerre, se sont moder­ni­sées, recru­tant des ensei­gnants, bâtis­sant labo­ra­toires et salles de classe, créant de nou­veaux cours .… des couches entières de la popu­la­tion, écar­tées aupa­ra­vant d’un ensei­gne­ment supé­rieur jus­qu’a­lors éli­tiste ont pu accé­der à des pro­fes­sions pres­ti­gieuses et à l’ai­sance finan­cière … et l’ha­bi­tude de s’as­seoir sur les bancs des uni­ver­si­tés pas­sée la tren­taine a été prise, et gar­dée. Le GI Bill, deve­nu le Mont­go­me­ry GI Bill, a été constam­ment recon­duit depuis lors, avec le même succès.

Financer sa formation continue

Ce finan­ce­ment est un pro­blème majeur pour beau­coup, même si les « Com­mu­ni­ty Col­leges » sont qua­si­ment gra­tuits pour les rési­dents dans cer­tains Etats, comme la Californie.

Quelques cré­dits sont offerts aux entre­prises par le Gou­ver­ne­ment fédé­ral, par l’in­ter­mé­diaire des Etats et sous forme de cré­dits d’im­pôts, pour la for­ma­tion de caté­go­ries défa­vo­ri­sées – les réfu­giés ou les cas sociaux dif­fi­ciles – mais aucune loi ne les oblige à consa­crer une quel­conque par­tie de leur bud­get à la for­ma­tion per­ma­nente. Elles sont cepen­dant plus de la moi­tié à le faire, en par­ti­cu­lier presque toutes les grandes socié­tés de plus de mille per­sonnes. Elles y voient, en effet, un moyen d’at­ti­rer et de rete­nir les meilleurs employés.

Pour qui n’a pas la chance de se voir offrir une for­ma­tion per­ma­nente par son employeur, res­tent les prêts des banques, qui sont assez flexibles dans ce domaine, et quelques maigres avan­tages fis­caux qu’il serait fas­ti­dieux d’ex­po­ser, le code des impôts amé­ri­cains n’é­tant pas des plus limpides !

En guise de conclusion…

Qui pour­rait pré­tendre ne pas pou­voir trou­ver chaus­sure à son pied dans un éven­tail aus­si varié des for­ma­tions conti­nues ? Une palette qui ne cesse de s’é­tendre, à mesure que, d’an­née en année, les « clients » sont plus nom­breux. Les employés savent bien que le temps n’est plus où l’on pou­vait espé­rer pas­ser la tota­li­té de sa vie pro­fes­sion­nelle en vivant sur les acquis d’une for­ma­tion ini­tiale, si longue fût-elle. Les entre­prises ont pris conscience de ce que les rentes de situa­tion qui pré­va­laient il y a encore deux ou trois décen­nies ont défi­ni­ti­ve­ment dis­pa­ru, et que leur plus grande richesse est la capa­ci­té d’a­dap­ta­tion de leurs employés. C’est bien pour cela qu’elles jouent un rôle moteur, si coû­teux soit-il, dans leur for­ma­tion per­ma­nente. Mais on ne sau­rait nier l’im­por­tance d’une carac­té­ris­tique dont la socié­té amé­ri­caine a tou­jours fait preuve : un opti­misme fon­da­men­tal qui lui fait accep­ter le chan­ge­ment et prendre réso­lu­ment les mesures pour y faire face – la for­ma­tion per­ma­nente en est une, et cer­tai­ne­ment pas la moindre.

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1. Voir Les uni­ver­si­tés nord-amé­ri­caines, par J. Bodelle et G. Nico­laon, Edi­tions Lavoi­sier, 1995.
2. Voir aus­si l’ar­ticle sur Nova Sou­theas­tern Uni­ver­si­ty dans le pré­sent numéro.

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