La formation continue aux Etats-Unis : une entreprise florissante et un atout pour l’avenir

Dossier : Les X en Amérique du NordMagazine N°617 Septembre 2006
Par Jacques BODELLE (56)

La “Vocational Education

Elle ne béné­fi­cie pas du pres­tige qui s’at­tache à la for­ma­tion uni­ver­si­taire clas­sique, et l’en­seigne­ment sec­ondaire améri­cain, restant de ce fait très ori­en­té vers le pas­sage aux études supérieures, n’a pas sys­té­ma­tique­ment mis en place les for­ma­tions tech­nologiques cour­tes que nous con­nais­sons en France. Il laisse ain­si un espace libre impor­tant pour la “Voca­tion­al Edu­ca­tion”.

Le rôle essentiel des Etats et des “Community Colleges

Jusqu’à la mon­tée, ces trente dernières années, des pro­fes­sions de “cols blancs” du ter­ti­aire au détri­ment des “cols bleus”, l’ap­pren­tis­sage jouait un rôle impor­tant. Mais, forte­ment encadré par les syn­di­cats, il a subi leur déclin, et il ne con­cerne plus que 1% des jeunes en quête d’une pre­mière formation.

En revanche, les uni­ver­sités locales, les “Com­mu­ni­ty Col­leges” — plus de 1600 au total — se sont tail­lé un rôle absol­u­ment essen­tiel. Sou­vent acces­si­bles sans sélec­tion, au moins pour les rési­dents de l’E­tat cor­re­spon­dant, ils sont moins chers que les uni­ver­sités, car large­ment sub­ven­tion­nés par les Etats ; ils sont aus­si plus proches du domi­cile des étu­di­ants. C’est donc vers eux que se tour­nent plus de 40% des jeunes après la fin du cycle secondaire.

Pour une bonne moitié d’en­tre eux, c’en sera le terme, avec un “Cer­tifi­cate” ou un “Asso­ciate Degree” qui leur ouvri­ra l’ac­cès au pre­mier niveau de nom­breuses car­rières, paramédi­cales, par­alé­gales, com­mer­ciales ou tech­niques. Déjà là, on peut par­ler de for­ma­tion con­tin­ue, car près des deux tiers des étu­di­ants le sont à temps par­tiel ; la for­ma­tion, théorique­ment de deux années, en prend donc en moyenne près de qua­tre. Mais qu’im­porte : pour un bon “job”, rien ne vaut un peu de patience !

Des liens s’étab­lis­sent entre les “Com­mu­ni­ty Col­leges” et leur envi­ron­nement géo­graphique, d’où une spé­cial­i­sa­tion qu’au­torise leur grande autonomie de choix des pro­grammes. Le Nashville State Com­mu­ni­ty Col­lege, à prox­im­ité d’une usine chim­ique impor­tante de DuPont, offre ain­si une for­ma­tion d’opéra­teur d’in­stal­la­tions chim­iques, et Intel a passé un accord avec sept “Com­mu­ni­ty Col­leges” proches d’un des ses pôles d’ac­tiv­ités de l’Ari­zona, qui offrent un “Asso­ciate Degree” en fab­ri­ca­tion des semi-con­duc­teurs : cer­tains de ses ingénieurs y don­nent des cours, et il leur offre équipements infor­ma­tiques et stages de for­ma­tion en usine. En con­trepar­tie, il peut suiv­re les étu­di­ants et être ain­si le pre­mier leur pro­pos­er un emploi.

Les grands des tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion ne pou­vaient évidem­ment pas rester en marge de ce mou­ve­ment : Microsoft et Cis­co ont mis en place leurs réseaux d’ ”IT Acad­e­mies”, en s’ap­puyant beau­coup sur les “Com­mu­ni­ty Col­leges”, qui pré­par­ent ain­si à plusieurs cer­ti­fi­ca­tions “mai­son”.

Contrôler la qualité d’un système foisonnant

On peut se deman­der com­ment main­tenir à l’éd­i­fice une qual­ité raisonnable. C’est là qu’en­tre en jeu le sys­tème des “Accred­i­ta­tions”, qui s’é­tend d’ailleurs à l’ensem­ble des for­ma­tions améri­caines : des asso­ci­a­tions accor­dent, ou non, un label aux insti­tu­tions éduca­tives. Pour les for­ma­tions de type “Voca­tion­al”, l’Amer­i­can Asso­ci­a­tion of Edu­ca­tion­al Ser­vices Agency joue ce rôle, con­trôlant un demi-mil­li­er d’in­sti­tu­tions. C’est, par exem­ple, sur elle que s’ap­puie Microsoft pour inclure ou non un “Com­mu­ni­ty Col­lege” dans son réseau d’ ”IT Acad­e­mies”. Mais les Etats et le Gou­verne­ment Fédéral peu­vent eux aus­si créer leurs pro­pres critères de recon­nais­sance. De quoi y per­dre son latin … cepen­dant le sys­tème fonc­tionne ain­si, “à l’améri­caine”, fondé sur des mil­liers d’ini­tia­tives locales, faible­ment encadrées.

Les Comtés et l’enseignement de l’anglais

La société améri­caine est certes très libérale dans le domaine des langues : on peut ain­si pass­er les épreuves théoriques du per­mis de con­duire, dans de nom­breux Etats, aus­si bien en anglais qu’en espag­nol. Mais avec près de 15% d’his­panisants aux Etats-Unis, l’ap­pren­tis­sage de l’anglais pour les adultes reste cepen­dant l’un des prob­lèmes aux­quels les col­lec­tiv­ités locales ont à faire face, et il s’ag­it bien de for­ma­tion con­tin­ue, car il ne viendrait pas à l’idée des immi­grants lati­no-améri­cains d’a­ban­don­ner leur emploi pour s’y con­sacr­er à plein temps. Les Comtés ont donc organ­isé des cours d’anglais, le plus sou­vent gra­tu­its, en util­isant en soirée les enseignants et les locaux des écoles sec­ondaires placés sous leur juri­dic­tion. Près de 6 à 7 mil­lions de per­son­nes suiv­ent ces cours, plus ou moins assiduement.

Les sociétés privées de formation

On entre là dans un domaine dynamique mais un peu effrayant pour qui doit choisir entre les mille et une pub­lic­ités qui foi­son­nent, dans les jour­naux locaux ou sur la Toile. Ces sociétés de for­ma­tion à but lucratif, sou­vent dotées d’un label d’ac­crédi­ta­tion, peu­vent se don­ner le nom qu’el­lent souhait­ent, insti­tut, col­lège ou académie … au client de se ren­seign­er. Mais cha­cun peut y trou­ver son bon­heur : les horaires sont flex­i­bles, et les secteurs les plus promet­teurs en matière d’of­fres d’emploi sont pro­posés en priorité.

A côté des domaines tra­di­tion­nels, comme la main­te­nance en avi­a­tion ou la répa­ra­tion auto­mo­bile, la san­té est dev­enue une voie pri­or­i­taire, absorbant autant qu’il s’en forme, aides infir­miers ou infir­mières, Den­tal Assis­tants, ou Med­ical Radi­ographists, pour ne citer que quelques spé­cial­ités. Les tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion gar­dent encore la corde, mais depuis Sep­tem­bre 2001 la sécu­rité les talonne, et les cer­ti­fi­cats en “Dis­as­ter Man­age­ment” ont fleuri.

Les petites entre­pris­es cotoyent les géants de la for­ma­tion, comme ITT Edu­ca­tion­al Ser­vices. Coté en bourse, il affichait en 2004 un chiffre d’af­faires de 600 mil­lions de dol­lars et un béné­fice de 75 mil­lions, en aug­men­ta­tion de 10% par an depuis cinq ans ! Avec 44.000 étu­di­ants, c’est une véri­ta­ble insti­tu­tion, et cha­cun de ses 81 ITT Tech­ni­cal Insti­tutes, doté d’un label d’ac­crédi­ta­tion, fonc­tionne de façon large­ment autonome, avec un comité des pro­grammes où siè­gent des représen­tants des entre­pris­es locales.

Et le Gouvernement fédéral ?

Il reste large­ment en marge de toutes ces ini­tia­tives. Rien de bien éton­nant, d’ailleurs, quand on sait que les Etats-Unis sont une fédéra­tion d’E­tats. Il ne con­sacre à la “Voca­tion­al Edu­ca­tion” qu’un peu moins d’un mil­liard et demi de dol­lars par an — moins de 3% du bud­get du Depart­ment of Edu­ca­tion — essen­tielle­ment sous la forme de sub­ven­tions aux Etats. Ceci ne doit guère représen­ter plus de 5% du total des dépens­es cumulées des Etats et des indi­vidus. Encore faut-il not­er que l’Ad­min­is­tra­tion en place a batail­lé en 2005 pour sup­primer sa con­tri­bu­tion à ce chapitre, et que c’est le Con­grès qui en a obtenu la recon­duc­tion au bud­get de 2006.

“Continuing Education” ou “Adult Education”

Retourner sur les bancs des universités

Aux Etats-Unis, on n’hésite guère à retourn­er sur les bancs des uni­ver­sités, pour con­tin­uer à se for­mer. Qu’on en juge : si la moitié des adultes entre­pren­nent chaque année “quelque chose” pour amélior­er leur for­ma­tion, de 4 à 5% d’en­tre eux, soit plus de huit mil­lions de per­son­nes, le font sous la forme d’é­tudes à temps par­tiel en uni­ver­sité, une ten­dance qui va d’ailleurs en s’ac­cen­tu­ant d’ailleurs au fil des années. Il en résulte que la pop­u­la­tion des étu­di­ants améri­cains est net­te­ment plus âgée qu’en Europe : plus du quart a plus de 30 ans, et cette pro­por­tion grimpe à près de la moitié par­mi les étu­di­ants à temps partiel.

On peut avancer plusieurs hypothès­es pour expli­quer cet engoue­ment. Vien­nent en pre­mier lieu le sys­tème des crédits, qui per­met d’ac­cu­muler pro­gres­sive­ment de quoi obtenir un diplôme, au fil des change­ments d’u­ni­ver­sité et des affec­ta­tions pro­fes­sion­nelles, mais égale­ment l’ab­sence de dis­crim­i­na­tion par l’âge, imposée par la loi S’y ajoutent des fac­teurs psy­chologiques, non moins impor­tants : les Améri­cains ont un grand respect pour la for­ma­tion, si chère soit-elle, et peut-être même parce qu’elle est chère ; ils sont aus­si très à l’aise devant les per­spec­tives de change­ment : com­mencer des études d’av­o­cat à la sor­tie d’une uni­ver­sité d’ingénierie ne les rebute aucunement.

Les uni­ver­sités accueil­lent bien évidem­ment à bras ouverts ces étu­di­ants : non seule­ment pro­curent-ils une manne pré­cieuse en matière de frais d’in­scrip­tion, per­me­t­tant de mieux rentabilis­er locaux et équipements, mais ils sont aus­si, le plus sou­vent, très motivés, et ils appor­tent dans les salles de classe un peu de leur expéri­ence de la vie pro­fes­sion­nelle. L’é­cole d’ad­min­is­tra­tion des entre­pris­es de North­west­ern Uni­ver­si­ty, la meilleure sans doute des Etats-Unis, recom­mande ain­si forte­ment aux can­di­dats à un MBA d’avoir passé aupar­a­vant deux ou trois années en entreprise.

L’irruption de l’internet

Dès le milieu des années 80, plusieurs uni­ver­sités améri­caines avaient sen­ti le besoin d’of­frir aux étu­di­ants déjà entrés dans la vie pro­fes­sion­nelle le moyen d’ac­quérir sans trop d’in­con­vénients une for­ma­tion com­plé­men­taire, et elles avaient donc lancé un sys­tème d’en­seigne­ment par satel­lite : il suff­i­sait aux employeurs de s’équiper d’une antenne parabolique, et leurs employés pou­vaient recevoir sur place les cours des meilleurs enseignants, avec des horaires pra­tiques. La Nation­al Tech­ni­cal Uni­ver­si­ty, NTU, avait exploité à fond ce con­cept et elle était dev­enue la pre­mière uni­ver­sité entière­ment sans murs et sans cam­pus. Est arrivé soudain l’in­ter­net, qui a ren­du, en quelques années, cette façon de procéder obsolète.

On peut dire que pra­tique­ment toutes les uni­ver­sités2 , même les plus pres­tigieuses, pro­posent main­tenant un enseigne­ment sur l’in­ter­net. Mais de plus, des dizaines d’u­ni­ver­sités ain­si spé­cial­isées se sont créées, la plu­part à but lucratif. Uni­ver­si­ty of Phoenix est cer­taine­ment l’ex­em­ple le plus con­nu de cette ten­dance, elle qui offre à la fois un enseigne­ment sur l’in­ter­net et sur de très petits campus,180 au total. Il est intéres­sant de not­er qu’elle impose à ses étu­di­ants d’oc­cu­per déjà un emploi.

Les “Corporate Universities”

Pour des raisons d’ef­fi­cac­ité et pour garder leurs meilleurs employés, les sociétés privées n’ont pas voulu rester à l’é­cart de ce grand besoin de for­ma­tion con­tin­ue. Elles ont donc organ­isé leur pro­pre for­ma­tion interne, et le terme de “Cor­po­rate Uni­ver­si­ties” a sou­vent été employé, au moins pour les plus impor­tantes. On en a recen­sé jusqu’à deux mille, de tailles très divers­es, et la plus con­nue est sans doute “Ham­burg­er Uni­ver­si­ty” : on ne pou­vait mieux nom­mer celle de McDon­ald ! Créée en 1961, elle a depuis lors vu pass­er plus de 65.000 respon­s­ables de restau­rants à la mar­que des deux arch­es sur son cam­pus de l’Illinois.

Cer­tains groupes ont obtenu une accrédi­ta­tion et délivrent donc leurs pro­pres diplômes, comme Ver­i­zon, anci­en­nement Bell Atlantic, sur son cam­pus de Long Island, où elle pré­pare ses cadres au MBA. D’autres se sont asso­ciés à une uni­ver­sité clas­sique locale, comme Bech­tel et l’Uni­ver­si­ty of Ten­nessee.

Les sociétés savantes et les association professionnelles

Quand on con­naît l’é­ten­due de la palette d’ac­tiv­ités des sociétés savantes améri­caines on ne s’é­tonne pas de ce qu’elles pro­posent à leurs adhérents des cours de for­ma­tion con­tin­ue. Ain­si l’Insti­tute of Elec­tri­cal and Elec­tron­ics Engi­neers, IEEE, forte de ses 365.000 mem­bres — un record — pos­sède-elle sa pro­pre col­lec­tion, bap­tisée “Expert Now”, de cours d’ingénierie, sou­vent des “tuto­ri­als”, d’abord don­nés par des pro­fes­sion­nels lors de ses réu­nions annuelles ; enreg­istrés, ils sont ren­dus disponibles sur la Toile moyen­nant finances, bien évidem­ment. L’aspect man­agér­i­al n’est pas oublié, avec une autre col­lec­tion sur des sujets plus généraux, comme “Man­ag­ing your Pri­or­i­ties” ou “Proac­tive Lis­ten­ing”. Les sociétés qui lui sont affil­iées, plus petites, se con­tentent de pro­pos­er des “Short Cours­es” en marge de leur assem­blée annuelle.

Certes, ces activ­ités, qui com­por­tent une com­posante de sol­i­dar­ité, puisque les cours sont en général gra­tu­its pour les deman­deurs d’emploi, sont fort appré­ciées des mem­bres des sociétés savantes, mais celles-ci y voient un moyen d’ar­rondir leur bud­get : plus d’un mil­lion et demi de dol­lars de revenus, sur un bud­get de neuf mil­lions, pour l’Amer­i­can Asso­ci­a­tion of Petro­le­um Geol­o­gists ; c’est net­te­ment plus que marginal !

Les asso­ci­a­tions pro­fes­sion­nelles ne sont pas en reste : des cen­taines d’en­tre elles, tant est vivace et forte la tra­di­tion asso­cia­tive aux Etats-Unis, pro­curent à leurs mem­bres qui le désirent un label, une “cer­ti­fi­ca­tion”, moyen­nant le suivi d’un min­i­mum de cours de for­ma­tion per­ma­nente. Les médecins, ont même créé leur pro­pre “Accred­i­ta­tion Coun­cil for Con­tin­u­ing Med­ical Edu­ca­tion”, qui juge de la qual­ité des four­nisseurs de for­ma­tion per­ma­nente dans le vaste domaine qui est le leur.

C’est là une sorte de “police” interne aux pro­fes­sions. Mais il en existe une autre, à car­ac­tère régle­men­taire, pour des pro­fes­sions qui ont de fortes impli­ca­tions finan­cières, comme les agents immo­biliers ou les compt­a­bles. Les Etats pren­nent alors le relai, en n’ac­cor­dant ou en ne renou­ve­lant leur license pro­fes­sion­nelle qu’après un min­i­mum de for­ma­tion per­ma­nente. Le Mary­land exige ain­si des agents immo­biliers qu’ils suiv­ent trois heures de cours d’éthique au renou­velle­ment de leur license.

Si les uni­ver­sités mesurent la for­ma­tion acquise en ter­mes de crédits, les pour­voyeurs de for­ma­tion per­ma­nente mesurent leurs pro­duits à l’aune de “Con­tin­u­ing Edu­ca­tion Units”. Ces CEU ne per­me­t­tent pas d’obtenir un diplôme, mais un employeur en saura recon­naître la valeur, sur un cur­ricu­lum vitae. Encore faut-il que le con­tenu des CEU soit lui aus­si suivi et accep­té : c’est un rôle que jouent les cen­taines de groupe­ments pro­fes­sion­nels déjà évo­qués, en ten­ant compte de critères érigés par l’Inter­na­tion­al Asso­ci­a­tion for Con­tin­u­ing Edu­ca­tion and Train­ing. Une vraie pyramide !

Le monde foisonnant des consultants

On imag­ine com­bi­en de telles promess­es d’ac­tiv­ités ont pu attir­er d’ini­tia­tives privées. Des mil­liers de con­sul­tants, sou­vent issus de l’in­dus­trie, se dépla­cent partout dans les usines et les lab­o­ra­toires. Ils ont prêché le respect de l’en­vi­ron­nement au milieu des années 90, puis la qual­ité au moment des pre­mières cer­ti­fi­ca­tions ISO, sans oubli­er la sécu­rité, et main­tenant l’éthique. Des sociétés ont occupé la niche de la for­ma­tion des for­ma­teurs ou des respon­s­ables du per­son­nel des entre­pris­es, comme l’Amer­i­can Asso­ci­a­tion for Train­ing and Devel­op­ment.

La for­ma­tion con­tin­ue en tant qu’en­tre­prise com­mer­ciale fait elle-même l’ob­jet de dizaines d’é­tudes de marché, par des sociétés comme Busi­ness Com­mu­ni­ca­tions Com­pa­ny ou Pri­ma­ry Research Group. Il faut dire que l’en­jeu financier est énorme : env­i­ron une dizaine de mil­liards de dol­lars pour les for­ma­tions uni­ver­si­taires, une somme équiv­a­lente pour les for­ma­tions internes aux entre­pris­es, de l’or­dre de cinq mil­liards de dol­lars pour les pro­grammes fédéraux et des Etats, et sans doute deux à trois mil­liards de dol­lars pour les for­ma­tions par des sociétés privées et des con­sul­tants ; soit un total de vingt-cinq à trente mil­liards de dol­lars par an. De quoi exciter bien des convoitises !

Les Agences fédérales et le “GI Bill”

Gros employeur, le Gou­verne­ment fédéral a donc une forte activ­ité de for­ma­tion con­tin­ue. A côté d’une organ­i­sa­tion com­mune à toutes ses com­posantes, réservée au per­son­nel de haut niveau — le Fed­er­al Exec­u­tive Insti­tute - chaque min­istère et chaque agence développe son pro­pre pro­gramme. Curieuse­ment, celui du Depart­ment of Agri­cul­ture est ouvert à tous : c’est une véri­ta­ble petite uni­ver­sité, créée en 1824, qui s’énorgueil­lit d’of­frir un mil­li­er de cours, en agri­cul­ture et dans bien d’autres domaines.

Mais c’est cer­taine­ment le Depart­ment of Defense qui joue sur ce plan le rôle le plus impor­tant, per­pé­tu­ant une tra­di­tion déjà anci­enne. Non seule­ment les mil­i­taires s’y for­ment et se recy­clent facile­ment dans le privé après une dizaine d’an­nées de ser­vice et sou­vent moins — ils peu­vent être ensuite pilotes, mécani­ciens, infor­mati­ciens ou tech­ni­ciens des télé­com­mu­ni­ca­tions — mais le Gou­verne­ment fédéral leur offre, à leur sor­tie de l’ar­mée, d’in­croy­ables facil­ités pour se for­mer, qu’ils sont nom­breux à saisir.

Cela a com­mencé avec le fameux “GI Bill” du 22 Juin 1944, une loi qui offrait aux anciens com­bat­tants de la guerre qui s’achevait une aide sub­stantielle pour repren­dre ou entre­pren­dre des études, dans les uni­ver­sités, les écoles sec­ondaires ou les entre­pris­es elles-mêmes. Cette loi a pro­fondé­ment trans­for­mé la société améri­caine : les uni­ver­sités, exangues pen­dant la guerre, se sont mod­ernisées, recru­tant des enseignants, bâtis­sant lab­o­ra­toires et salles de classe, créant de nou­veaux cours .… des couch­es entières de la pop­u­la­tion, écartées aupar­a­vant d’un enseigne­ment supérieur jusqu’alors éli­tiste ont pu accéder à des pro­fes­sions pres­tigieuses et à l’ai­sance finan­cière … et l’habi­tude de s’asseoir sur les bancs des uni­ver­sités passée la trentaine a été prise, et gardée. Le GI Bill, devenu le Mont­gomery GI Bill, a été con­stam­ment recon­duit depuis lors, avec le même succès.

Financer sa formation continue

Ce finance­ment est un prob­lème majeur pour beau­coup, même si les “Com­mu­ni­ty Col­leges” sont qua­si­ment gra­tu­its pour les rési­dents dans cer­tains Etats, comme la Californie.

Quelques crédits sont offerts aux entre­pris­es par le Gou­verne­ment fédéral, par l’in­ter­mé­di­aire des Etats et sous forme de crédits d’im­pôts, pour la for­ma­tion de caté­gories défa­vorisées — les réfugiés ou les cas soci­aux dif­fi­ciles — mais aucune loi ne les oblige à con­sacr­er une quel­conque par­tie de leur bud­get à la for­ma­tion per­ma­nente. Elles sont cepen­dant plus de la moitié à le faire, en par­ti­c­uli­er presque toutes les grandes sociétés de plus de mille per­son­nes. Elles y voient, en effet, un moyen d’at­tir­er et de retenir les meilleurs employés.

Pour qui n’a pas la chance de se voir offrir une for­ma­tion per­ma­nente par son employeur, restent les prêts des ban­ques, qui sont assez flex­i­bles dans ce domaine, et quelques mai­gres avan­tages fis­caux qu’il serait fas­ti­dieux d’ex­pos­er, le code des impôts améri­cains n’é­tant pas des plus limpides !

En guise de conclusion…

Qui pour­rait pré­ten­dre ne pas pou­voir trou­ver chaus­sure à son pied dans un éven­tail aus­si var­ié des for­ma­tions con­tin­ues ? Une palette qui ne cesse de s’é­ten­dre, à mesure que, d’an­née en année, les “clients” sont plus nom­breux. Les employés savent bien que le temps n’est plus où l’on pou­vait espér­er pass­er la total­ité de sa vie pro­fes­sion­nelle en vivant sur les acquis d’une for­ma­tion ini­tiale, si longue fût-elle. Les entre­pris­es ont pris con­science de ce que les rentes de sit­u­a­tion qui pré­valaient il y a encore deux ou trois décen­nies ont défini­tive­ment dis­paru, et que leur plus grande richesse est la capac­ité d’adap­ta­tion de leurs employés. C’est bien pour cela qu’elles jouent un rôle moteur, si coû­teux soit-il, dans leur for­ma­tion per­ma­nente. Mais on ne saurait nier l’im­por­tance d’une car­ac­téris­tique dont la société améri­caine a tou­jours fait preuve : un opti­misme fon­da­men­tal qui lui fait accepter le change­ment et pren­dre résol­u­ment les mesures pour y faire face — la for­ma­tion per­ma­nente en est une, et cer­taine­ment pas la moindre.

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1. Voir Les uni­ver­sités nord-améri­caines, par J. Bodelle et G. Nico­laon, Edi­tions Lavoisi­er, 1995.
2. Voir aus­si l’ar­ti­cle sur Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty dans le présent numéro.

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