La forêt face au changement climatique : menaces et stratégies d’adaptation

Dossier : Agriculture et environnementMagazine N°657 Septembre 2010
Par Philippe RIOU-NIVERT

REPÈRES
La forêt française cou­vre 15,7 mil­lions d’hectares, soit plus de 28% du ter­ri­toire. Cette sur­face situe la France au 3e rang européen, der­rière la Suède (28 mil­lions d’hectares, soit 54 % du ter­ri­toire) et la Fin­lande (23 mil­lions d’hectares, soit 72% du ter­ri­toire). Les trois quarts de la forêt française appar­ti­en­nent à des pro­prié­taires privés.

Les arbres plan­tés aujour­d’hui seront présents dans 150 ans

La forêt présente la par­tic­u­lar­ité d’avoir un cycle de pro­duc­tion de l’or­dre du siè­cle. C’est à la fois un avan­tage qui lui per­met de stock­er du car­bone mais aus­si un incon­vénient, ren­dant déli­cat tout essai d’adap­ta­tion au change­ment cli­ma­tique. La fil­ière forestière est aujour­d’hui en dif­fi­culté. Si des options fortes ne sont pas pris­es pour la soutenir, le risque est grand de voir se dégrad­er un pan de l’é­conomie mais aus­si un élé­ment car­ac­téris­tique du ter­ri­toire national. 

Anticiper le climat de 2100 

Une ges­tion à long terme
Par rap­port aux pro­duc­tions agri­coles, la forêt a en effet une orig­i­nal­ité forte : le long terme. Cette par­tic­u­lar­ité per­met une cer­taine sou­p­lesse comme, par exem­ple, le main­tien des bois sur pied si les cours sont trop mau­vais mais demande une adap­ta­tion con­tin­ue aux évo­lu­tions de la société. Ain­si les chênes plan­tés par Col­bert pour la marine il y a trois cents ans ont été con­ver­tis en meubles après la dis­pari­tion des bateaux en bois. Les forestiers ont donc sou­vent une cer­taine dis­tance vis-à-vis des grands prob­lèmes qui agi­tent au jour le jour la sphère médiatique.

Le grand pub­lic a sou­vent du mal à se représen­ter les effets d’une évo­lu­tion du cli­mat qui se traduirait par une aug­men­ta­tion pro­gres­sive des tem­péra­tures moyennes de 2 à 4 °C au cours des cent prochaines années. L’échéance du siè­cle paraît loin­taine lorsque la préoc­cu­pa­tion du moment est la météo des prochaines vacances. Pour le foresti­er au con­traire, 2100, c’est demain.

Pour­tant la forêt, qu’elle soit con­sid­érée comme espace naturel ou espace de pro­duc­tion de bois, est un sys­tème biologique en prise directe avec les car­ac­téris­tiques du milieu. Une ques­tion touchant au cli­mat ne pou­vait donc laiss­er les forestiers insen­si­bles. Les arbres plan­tés aujour­d’hui seront encore présents dans la majorité des cas dans cinquante ou cent ans, voire plus. Cela sup­pose qu’ils soient capa­bles de sup­port­er le cli­mat actuel mais aus­si le cli­mat futur. Le sylvicul­teur ne peut pas en effet, comme l’a­gricul­teur, adapter annuelle­ment sa pro­duc­tion aux évo­lu­tions de la conjoncture.

Incertitude climatique

Lors du renou­velle­ment de ses peu­ple­ments, le foresti­er se posait jusqu’i­ci beau­coup de ques­tions philosophiques liées directe­ment au long terme : utilis­era-t-on encore du bois dans un siè­cle, quelles essences, quels types de pro­duits, à quel prix seront-ils payés ? Mais il avait une cer­ti­tude : les con­di­tions de crois­sance resteraient sta­bles. Le sol et le cli­mat moyens, immuables dans une région don­née, per­me­t­taient au moins un choix d’essences adaptées.

Cette cer­ti­tude, la seule sur laque­lle il pou­vait s’ap­puy­er, vient de vol­er en éclats. Les forestiers ont com­mencé à se préoc­cu­per sérieuse­ment du change­ment cli­ma­tique au début des années 2000. La pre­mière impres­sion ne fut cepen­dant pas néga­tive : l’aug­men­ta­tion de la tem­péra­ture, accéléra­teur des réac­tions métaboliques, et celle du CO2, car­bu­rant de la pho­to­syn­thèse pro­duc­trice du bois, ne sont pas les enne­mis du sylvicul­teur. Mal­heureuse­ment, ils prirent très vite con­science que ces effets posi­tifs ini­ti­aux allaient rapi­de­ment être con­tre­bal­ancés par des effets négat­ifs bien plus importants.

Den­drochronolo­gie
Les slo­gans d’EDF prô­nant un monde sans car­bone ont tou­jours paru aber­rants aux forestiers. Le CO2 n’est pas un pol­lu­ant, c’est la vie. Il est indis­pens­able à la pho­to­syn­thèse, à l’o­rig­ine de toute matière vivante. Des études den­drochronologiques menées dans les années 1980 ont d’ailleurs mon­tré que les arbres n’avaient jamais autant poussé depuis un siè­cle qu’au­jour­d’hui, attribuant ce sur­plus de crois­sance en par­tie aux évo­lu­tions du climat.

Le mas­sif des Lan­des menacé
Le mas­sif landais, jusqu’i­ci la plus grande forêt arti­fi­cielle d’Eu­rope (un mil­lion d’hectares) a été réduit de moitié en une décen­nie. Respon­s­ables : la tem­pête Mar­tin de décem­bre 1999 (32millions de mètres cubes abat­tus), la tem­pête Klaus de jan­vi­er 2009 (43 mil­lions de mètres cubes abat­tus) et aujour­d’hui une attaque sans précé­dent de che­nilles pro­ces­sion­naires du pin qui affaib­lit les arbres et en fait la proie désignée des scolytes, petits coléop­tères ravageurs du bois.

Effets désastreux

En décem­bre 1999, deux tem­pêtes improb­a­bles bal­ayèrent toute la France, ren­ver­sant 170 mil­lions de mètres cubes (plus de qua­tre années de récoltes), 15 fois plus que les tem­pêtes précédem­ment réper­toriées de mémoire d’homme. Dix ans plus tard, la tem­pête Klaus s’achar­na à nou­veau sur les futaies de pins mar­itimes d’Aquitaine. En 2003, la plus forte canicule jamais enreg­istrée par Météo France, dou­blée d’une intense sécher­esse, provo­qua des dégâts mas­sifs, et con­tin­ue à avoir des séquelles aujourd’hui.

L’été 2003 sera un été moyen vers 2070

Si les cli­ma­to­logues ont tou­jours hésité à lier de façon sûre l’évo­lu­tion des tem­pêtes au change­ment cli­ma­tique, ils annon­cent en revanche que l’été 2003 sera un été moyen vers 2070… La dernière décen­nie a donc été une péri­ode choc pour les forestiers, pour­tant habitués aux caprices du cli­mat. Ils com­prirent que ce n’é­tait pas directe­ment la vari­a­tion des taux de gaz dans l’at­mo­sphère ou de la tem­péra­ture qu’ils devaient crain­dre, mais les phénomènes induits.

Tempêtes et sécheresses


Après la tem­pête de 1999, les attaques d’in­sectes qui ont suivi et la sécher­esse de 2003, nom­bre de peu­ple­ments forestiers ont beau­coup souf­fert : ici épicéas dans les Vosges.

Espèces à surveiller
Après 2003, de nom­breuses essences se sont retrou­vées en porte-à-faux : pin sylvestre en zone méditer­ranéenne, sapin dans les Alpes du Sud, épicéa et dou­glas dans les bor­dures du Mas­sif cen­tral, chêne pédon­culé un peu partout. Des essences qu’on croy­ait assez résis­tantes au déficit hydrique comme les chênes verts et pubes­cents, le châ­taig­nier ou le pin d’Alep ont aus­si été affectées.

L’ac­croisse­ment des acci­dents vio­lents est par­ti­c­ulière­ment red­outé. Hormis les tem­pêtes (pre­mier fac­teur de dégâts aux forêts), la pre­mière inquié­tude des forestiers est l’aug­men­ta­tion de la fréquence et de l’in­ten­sité des sécher­ess­es esti­vales, corol­laire de celle des températures.

Les sécher­ess­es con­stituent le prin­ci­pal fac­teur déclen­chant des dépérisse­ments forestiers en per­tur­bant et en affaib­lis­sant durable­ment les arbres.

Incendies et parasites

Les incendies de forêt sont directe­ment liés aux sécher­ess­es. Ils risquent donc de s’am­pli­fi­er et de con­cern­er des zones où ils étaient jusqu’alors peu red­outés et où les infra­struc­tures de pro­tec­tion ne sont guère dévelop­pées (cen­tre et ouest de la France…). Ain­si en 2003 les sur­faces brûlées ont-elles atteint le record de 73000 hectares.

En 2003 les sur­faces brûlées ont atteint le record de 73 000 hectares.

Les attaques par­a­sitaires (insectes ravageurs et champignons pathogènes) inquiè­tent égale­ment les sylvicul­teurs. Si le change­ment cli­ma­tique peut en favoris­er cer­tains et en défa­voris­er d’autres, le bilan sem­ble bien être à l’a­van­tage des pre­miers. Les par­a­sites de faib­lesse (scolytes, armil­laires) ont de belles per­spec­tives devant eux avec la mul­ti­pli­ca­tion des peu­ple­ments en dif­fi­culté après sécher­esse, tem­pête ou incendie. Mais de nom­breux autres par­a­sites sont favorisés par l’aug­men­ta­tion des tem­péra­tures. Les insectes (comme la che­nille pro­ces­sion­naire du pin) ou les pathogènes (comme les phy­toph­tho­ras) qui étaient lim­ités par les froids hiver­naux ne sont plus régulés. D’autres comme les pucerons ou les scolytes du tronc voient le nom­bre de leurs généra­tions mul­ti­plié en été. 

Une carte forestière chamboulée

Men­aces nouvelles
Des par­a­sites exo­tiques envahissants pour­raient trou­ver, dans une France plus chaude, des con­di­tions favor­ables à un développe­ment rapi­de sur des essences qui n’y sont pas habituées et en l’ab­sence de leurs enne­mis naturels. Cer­tains sont déjà iden­ti­fiés et font l’ob­jet de sur­veil­lance aux fron­tières et de mesures de quar­an­taine : néma­todes du pin, ” flétrisse­ment améri­cain” du chêne…

Les aires poten­tielles de végé­ta­tion devraient logique­ment suiv­re les évo­lu­tions du cli­mat, dans la mesure où chaque essence ne peut croître que dans des con­di­tions de tem­péra­ture et de plu­viosité bien définies1. En 2004, les résul­tats de la pre­mière étude impor­tante sur ce sujet, dans le cadre du pro­gramme Car­bo­for, firent beau­coup de bruit chez les forestiers et, ce qui est rare, eurent des échos dans les grands médias. Il y était mon­tré que les aires bio­cli­ma­tiques actuelles devaient pro­gress­er vers le nord de l’or­dre de 500 km en un siè­cle, soit à une vitesse dix fois plus rapi­de que la capac­ité pro­pre de migra­tion de la plu­part des essences forestières. Si ces sim­u­la­tions sont cor­rectes, cer­taines espèces auront peu de chances de se main­tenir dans des zones dev­enues inhos­pi­tal­ières (sauf dans cer­tains refuges micro­cli­ma­tiques) mais elles n’au­ront pas non plus le temps d’oc­cu­per d’elles-mêmes les nou­velles aires favor­ables. De nom­breuses incer­ti­tudes sub­sis­tent encore quant aux pos­si­bil­ités d’adap­ta­tion géné­tique des essences au nou­veau con­texte cli­ma­tique, à l’évo­lu­tion des cortèges de par­a­sites et sym­biotes et à la com­péti­tion avec de nou­velles espèces végé­tales. De grandes essences forestières français­es comme le chêne pédon­culé, le hêtre, le sapin et l’épicéa (5 mil­lions d’hectares à elles qua­tre, soit un tiers de la forêt française) sont désor­mais sur la sellette.

Évo­lu­tion simulée des aires bio­cli­ma­tiques poten­tielles des prin­ci­paux groupes biogéo­graphiques en France
(Badeau et al., Car­bo­for, 2010)
Cette étude, util­isant un scé­nario d’évo­lu­tion du cli­mat pour­tant très mod­éré du GIEC2 (scé­nario B2, aboutis­sant à une aug­men­ta­tion de 2,5 °C de la tem­péra­ture moyenne en un siè­cle), prévoit une évo­lu­tion con­sid­érable des aires poten­tielles de végé­ta­tion. Ain­si l’aire favor­able aux espèces méditer­ranéennes passerait de 9% du ter­ri­toire actuelle­ment à 28% en 2100 et celle des espèces du Sud-Ouest de 17% à 46%. Par­al­lèle­ment, les zones cor­re­spon­dant aux essences con­ti­nen­tales du Nord-Est seraient réduites et celles favor­ables aux espèces de mon­tagne seraient ramenées de 16% à 6% du territoire.

Stratégies d’adaptation

Le sylvicul­teur est for­cé­ment dému­ni face à une évo­lu­tion aus­si rapi­de à l’échelle des rythmes forestiers. Le besoin de con­nais­sances est cru­cial dans de nom­breux domaines.

Le chêne pédon­culé, le hêtre, le sapin et l’épicéa sont sur la sellette

Le diag­nos­tic ” prospec­tif ” des sta­tions3 est devenu indis­pens­able pour décider de l’in­stal­la­tion de nou­velles essences ou du main­tien d’essences en place. Com­ment les fac­teurs lim­i­tants de la crois­sance vont évoluer en un siè­cle sous la pres­sion du cli­mat ? L’auté­colo­gie des essences est un sec­ond point à pré­cis­er, notam­ment pour réori­en­ter les pro­grammes d’amélio­ra­tion génétique.

Sylvi­cul­ture dynamique

La sylvi­cul­ture dynamique est car­ac­térisée par des éclair­cies pré­co­ces et fortes et par des den­sités de peu­ple­ments plus faibles, avec réduc­tion des révo­lu­tions, lorsque c’est pos­si­ble, autour de cinquante ans. Le but est de main­tenir des peu­ple­ments sains, sta­bles, plus résis­tants à la sécher­esse mais aus­si aux tem­pêtes et aux attaques de par­a­sites. Cette voie sem­ble promet­teuse, mais n’emporte pas l’ad­hé­sion de tous. Sa mise en œuvre s’op­pose notam­ment aux ten­dances à main­tenir très longtemps sur pied les arbres, prônées par les ten­ants de la “sylvi­cul­ture naturaliste”.

Sylvi­cul­ture dynamique
La sylvi­cul­ture dynamique est car­ac­térisée par des éclair­cies pré­co­ces et fortes et par des den­sités de peu­ple­ments plus faibles, avec réduc­tion des révo­lu­tions, lorsque c’est pos­si­ble, autour de cinquante ans. Le but est de main­tenir des peu­ple­ments sains, sta­bles, plus résis­tants à la sécher­esse mais aus­si aux tem­pêtes et aux attaques de par­a­sites. Cette voie sem­ble promet­teuse, mais n’emporte pas l’adhésion de tous. Sa mise en œuvre s’oppose notam­ment aux ten­dances à main­tenir très longtemps sur pied les arbres, prônées par les ten­ants de la « sylvi­cul­ture naturaliste ».


Quelles sont les essences les plus résis­tantes au stress hydrique ? La ten­ta­tion est grande d’ap­pel­er à la rescousse des essences exo­tiques, notam­ment résineuses, mais dont les car­ac­téris­tiques sont encore large­ment incon­nues. Au niveau tech­nique, on a quelques idées à con­firmer pour réori­en­ter la sylvi­cul­ture, axées sur la réduc­tion du stress hydrique aus­si bien au moment de la plan­ta­tion et des entre­tiens que de la con­duite des peu­ple­ments. Il sem­ble judi­cieux de priv­ilégi­er, par exem­ple, les peu­ple­ments à den­sité faible (futaie claire) ou de favoris­er les mélanges d’essences ou de prove­nances (à la plan­ta­tion ou en enrichisse­ment de peu­ple­ments exis­tants) bien qu’ils soient plus dif­fi­ciles à con­duire, pour ne pas met­tre tous ses oeufs dans le même panier.

Les réseaux de sur­veil­lance seront aus­si à ren­forcer, tant au niveau phy­tosan­i­taire que visà- vis des incendies (infra­struc­tures à prévoir). Tous ces axes sont débat­tus dans le cadre d’un “réseau mixte tech­nologique“4 qui réu­nit depuis 2008 une douzaine d’or­gan­ismes forestiers.

Cap­ture du CO2
> Le CO2 atmo­sphérique est cap­té et stocké dans le bois sur pied. En fin de course, après la chute des feuilles, des branch­es ou la mort de l’ar­bre, il se retrou­ve stocké dans le sol. En cas d’ex­ploita­tion et après trans­for­ma­tion, il est séquestré dans les pro­duits mis en oeu­vre (char­p­entes, meubles, iso­la­tion…) en lieu et place des plas­tiques, alu­mini­um, béton, aci­er, de fab­ri­ca­tion très éner­gi­vore et con­som­ma­trice de car­bone fossile.

Une importance nouvelle

La forêt est recon­nue comme le sec­ond puits de car­bone après l’océan et est en ce sens sus­cep­ti­ble de con­tribuer à la réduc­tion du taux de CO2 atmo­sphérique. Le bois util­isé directe­ment comme énergie per­met aus­si d’éviter de dés­tock­er du car­bone fos­sile. Cette sub­sti­tu­tion est per­ma­nente dans le temps et cumu­la­tive, le car­bone “biologique” étant du car­bone atmo­sphérique recy­clé indéfin­i­ment grâce à la photosynthèse.

Tous ces avan­tages don­nent à la forêt une impor­tance nou­velle. L’aug­men­ta­tion des sur­faces boisées aurait donc un intérêt fort, d’au­tant qu’elle peut se faire sans regret puisque présen­tant des atouts mul­ti­ples dans d’autres domaines, écologiques (réser­voir de bio­di­ver­sité ou de ressources géné­tiques, pro­tec­tion des sols, purifi­ca­tion de l’eau…) ou soci­aux (accueil du pub­lic, paysage…). Il faut néan­moins pren­dre garde à éviter cer­taines erreurs comme le stock­age de vol­umes trop impor­tants de bois sur pied (peu­ple­ments dens­es) qui les rendrait plus frag­iles aux effets mêmes du change­ment cli­ma­tique qu’on veut atténuer (sécher­ess­es) et aux tem­pêtes. Il y a donc là un créneau à saisir, mais de façon judicieuse.

Un capital à entretenir

La forêt occupe plus du quart de la sur­face nationale mais reste le par­ent pau­vre au sein du min­istère de l’A­gri­cul­ture dont elle dépend. Le long terme qui la car­ac­térise ne favorise pas les spécu­la­tions économiques et bien peu de pro­prié­taires forestiers privés (qui déti­en­nent trois quarts des sur­faces) vivent de leur forêt.

Peu de pro­prié­taires privés vivent de leur forêt

Les risques impor­tants, notam­ment de tem­pêtes, ne sont générale­ment pas cou­verts par les assur­ances, et les cat­a­stro­phes suc­ces­sives, tout comme la réduc­tion régulière des aides au boise­ment, con­stituent des élé­ments impor­tants de démotivation.

Un dan­ger perceptible
La dis­pari­tion de l’é­tat boisé et le développe­ment des frich­es, déjà per­cep­ti­bles suite aux récentes tem­pêtes, notam­ment dans les Lan­des, seraient dra­ma­tiques car sources à leur tour d’ac­croisse­ment des risques (incendies), de dés­tock­age de car­bone, de désor­gan­i­sa­tion de la fil­ière bois et de dis­pari­tion de nom­bre d’a­van­tages écologiques et sociaux.

Dans ce con­texte, les incer­ti­tudes sup­plé­men­taires liées au change­ment cli­ma­tique posent prob­lème. S’il s’avérait que des dépérisse­ments impor­tants se généralisent dans les cinquante ans à venir, il est peu prob­a­ble que les sylvicul­teurs puis­sent faire face seuls au renou­velle­ment des peu­ple­ments. On assis­terait alors à un dés­in­térêt pour la forêt que seuls les aspects affec­tifs et pat­ri­mo­ni­aux per­me­t­tent aujour­d’hui de contrer.

Il en résul­terait un aban­don des sur­faces dépéris­santes à elles-mêmes, une dis­pari­tion par­tielle de l’é­tat boisé et un enfriche­ment général­isé qui suiv­rait la remon­tée des influ­ences méditer­ranéennes vers le nord. Seul un pro­gramme foresti­er ambitieux, amor­cé en 2009 par le dis­cours pronon­cé à Urmatt (Bas-Rhin), par le prési­dent de la République (19mai 2009), mais éten­du à l’a­mont de la fil­ière, pour­ra con­tre­car­rer ces tendances.

Une période charnière

La forêt française est aujour­d’hui dans une sit­u­a­tion charnière, à la fois cible du réchauf­fe­ment et moyen de l’at­ténuer. Plusieurs de nos essences ances­trales sont men­acées, des cer­ti­tudes tech­niques sont à recon­sid­ér­er, des recherch­es sont à réorienter.

La forêt, à la fois cible du réchauf­fe­ment et moyen de l’atténuer

Après un grand dynamisme de reboise­ment jusqu’à la fin des années qua­tre-vingt soutenu par le Fonds foresti­er nation­al, le souf­flet est retombé sous l’ef­fet de la réduc­tion des investisse­ments et de cat­a­stro­phes à répéti­tion. Les évo­lu­tions cli­ma­tiques, bru­tales à l’échelle des cycles forestiers, lui porteront-elles le coup de grâce ou seront-elles l’oc­ca­sion de redy­namiser la filière ?

1. Ces besoins pro­pres à chaque essence car­ac­térisent son ” autécologie”.
2. Groupe inter­gou­verne­men­tal d’ex­perts sur l’évo­lu­tion du climat.
3. Une sta­tion est une éten­due de ter­rain béné­fi­ciant de con­di­tions homogènes de cli­mat, sol, topogra­phie et végétation.
4. RMT AFORCE : http://www.foretpriveefrancaise.com/aforce

BIBLIOGRAPHIE

• BADEAU V. et al., 2010. “Cli­mate change and the bio­geog­ra­phy of French tree species : first results and per­spec­tives “. In For­est, Car­bon Cycle and Cli­mate Change, Denis Lous­tau (Ed.), QUAE, ISBN 978–2‑7592–0384‑0, 231–252.
• RIOU-NIVERT P. et al., 2008. Dossier “Change­ment cli­ma­tique : ques­tions des sylvicul­teurs et répons­es des chercheurs”. Forêt Entre­prise, n° 180, p. 11–45.
• RIOU-NIVERT P. et al., 2008. Dossier “Change­ment cli­ma­tique : pré­par­er l’avenir”. Forêt Entre­prise, n° 182, p. 18–48.

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