Visite du Comité populaire pendant la construction de l’usine de Can Tho.

La construction de l’usine d’eau potable de Can Tho ou la rencontre de deux X‑Ponts

Dossier : VIÊT-NAMMagazine N°525 Mai 1997Par Huu Lan BUI (1955)
Par Thierry de PREAUMONT (1976)

1. LE CONTEXTE

Une situation actuelle préoccupante

1. LE CONTEXTE

Une situation actuelle préoccupante

Le réseau d’eau potable est très vétuste. Les pertes en dis­tri­b­u­tion sont estimées à près de 50 %, et seule une par­tie de la pop­u­la­tion est rac­cordée à un réseau qui délivre une eau impro­pre à la con­som­ma­tion. De même, les sys­tèmes d’é­vac­u­a­tion des eaux usées, sans par­ler de leur traite­ment, sont qua­si­ment inex­is­tants. Dans ces con­di­tions, le risque de trans­mis­sion de mal­adies par l’eau est impor­tant, et jus­ti­fie la pri­or­ité accordée à l’amélio­ra­tion des traite­ments d’eau. 

Des perspectives considérables

Les ressources naturelles sont abon­dantes. On compte 2 500 riv­ières au Viêt-nam. Eaux de sur­face au Nord et au Sud, com­plétées par une nappe phréa­tique con­fort­able dans le Cen­tre per­me­t­tent en théorie de répon­dre au besoin des pop­u­la­tions. Les organ­ismes inter­na­tionaux ont soutenu dans un passé récent un cer­tain nom­bre d’é­tudes préal­ables pour l’étab­lisse­ment d’un sché­ma directeur en eau potable. Elles devraient don­ner lieu au lance­ment d’ap­pels d’of­fres dans les années qui vien­nent, financés par les fonds d’aide au développement. 

2. DEGRÉMONT : UNE LONGUE HISTOIRE VIETNAMIENNE

Degré­mont a con­stru­it sa pre­mière usine d’eau potable au Viêt-nam dès 1949, puis a obtenu une deux­ième référence en rem­por­tant en 1954 la sta­tion d’eau potable de la ville impéri­ale de Huê. 

La présence de Degré­mont devient alors épisodique et lim­itée à une série de petites instal­la­tions d’eau potable dans le delta du Mekong, ou dédiée aux besoins du secteur industriel. 

La mise en vigueur en 1990 du pro­to­cole de coopéra­tion entre le min­istère de la Con­struc­tion et le groupe Lyon­naise des Eaux se traduit par l’ou­ver­ture de bureaux à Hanoi et Hô Chi Minh Ville. Dès lors, les con­trats se sont suc­cédé : con­struc­tion d’usines d’eau potable à Can Tho et Nam Dinh, travaux de réha­bil­i­ta­tion à Huê et Thu Duc (Hô Chi Minh Ville). 

3. LE PROJET DE CAN THO, UNE COOPÉRATION TECHNIQUE VIETNAMIENNE

Can Tho est la cap­i­tale du delta du Mekong, qui est le gre­nier du pays : plus de la moitié de la pro­duc­tion du riz du Viêt-nam vient de cette région fer­tile, et le Viêt-nam est le 3e expor­ta­teur mon­di­al de riz (après la Thaï­lande et les États-Unis). 

Situé sur le Hau Giang, l’un des deux prin­ci­paux bras du Mekong, Can Tho avait 300 000 habi­tants en 1990, dont 200 000 habi­tants dans la zone urbaine. On prévoit que Can Tho aura 350 000 habi­tants en l’an 2000, dont 230 000 dans la zone urbaine. 

Après Hô Chi Minh Ville (Saigon), c’est la ville la plus impor­tante du Viêt-nam du Sud, dotée d’une uni­ver­sité, d’une ving­taine d’hô­tels avec 1 000 cham­bres, de 6 hôpi­taux et dis­pen­saires avec 2 000 lits. 

S’il veut rat­trap­er ses drag­ons voisins (Corée, Hong-Kong, Tai­wan, Sin­gapour), le Viêt-nam doit indus­tri­alis­er le pays qui est, jusqu’à l’heure actuelle, à voca­tion agri­cole. En par­ti­c­uli­er, à Can Tho, on prévoit deux zones indus­trielles. Aucun doute que le machin­isme agri­cole et les indus­tries agro-ali­men­taires auront un bel avenir dans cette cap­i­tale du Delta. 

On prévoit un besoin en eau de 80 000 m3 par jour en l’an 2000, y com­pris les besoins pour les zones indus­trielles. L’u­sine des eaux de Can Tho, con­stru­ite au début des années 70, a une capac­ité de 40 000 m3/j. Il faut donc trou­ver 40 000 m3/j sup­plé­men­taires. Ce sont les pro­to­coles financiers de 1991 et de 1993 signés entre la France et le Viêt-nam qui appor­tent la solu­tion : 33 mil­lions de FF (dont 23 MF d’emprunt au Tré­sor français) sont des­tinés à la con­struc­tion d’une nou­velle usine des eaux de 40 000 m3/jour.

Le pro­jet va de A à Z, c’est à dire du pom­page d’eau brute sur le fleuve Hau Giang jusqu’à l’a­menée d’eau traitée aux zones de con­som­ma­tion, en pas­sant par une usine de traite­ment. L’ex­péri­ence a mon­tré que l’omis­sion d’une étape quel­conque dans ce cir­cuit com­plet (pour faute de crédit par exem­ple) créera une perte de temps par­fois con­sid­érable et une immo­bil­i­sa­tion infructueuse des investissements. 

La répartition des tâches entre Français et Vietnamiens

La Société Degré­mont a été choisie par les deux gou­verne­ments pour la four­ni­ture des équipements et des con­duites, les études, l’as­sis­tance tech­nique et la for­ma­tion des tech­ni­ciens, dont le coût des presta­tions est de 33 MF. 

Le Viêt-nam con­tribue à hau­teur de 26 000 M.dong (l’équiv­a­lent de 13 MF) pour les dépens­es locales : travaux de Génie civ­il et de mon­tage, acqui­si­tion du ter­rain, trans­port local, etc. Cette répar­ti­tion des charges (72 % et 28 %) est une bonne répar­ti­tion en faveur du pays béné­fi­ci­aire ; elle est nor­male­ment 2/3 et 1/3. Le coût uni­taire est de 1 150 FF/m3/j de capac­ité, ce qui est très économique par rap­port aux normes inter­na­tionales (1 500 FF à 2 000 FF/m3/j de capacité). 

En ce qui con­cerne les études, Degré­mont est chargé des études d’ensem­ble, de mécanique et d’élec­tric­ité. Un bureau d’é­tudes viet­namien (Waseco) fait les études de Génie civ­il. La désig­na­tion d’un bureau d’é­tudes local pour le Génie civ­il est une déci­sion appro­priée et réal­iste : l’ex­péri­ence a mon­tré qu’au cours des travaux d’exé­cu­tion, il y aura sou­vent des mod­i­fi­ca­tions de détails à faire sur le ter­rain, et qu’au lieu de se référ­er à Paris, un bureau d’é­tudes local peut pren­dre des déci­sions rapi­des sur place. 

La coopération dans les études

Les études ont com­mencé fin 1993. Waseco fait les études de Génie civ­il en se bas­ant sur les plans guides de Génie civ­il étab­lis par Degrémont. 

Le Viêt-nam a des Règles tech­niques en béton armé. Mais c’est comme nos règles BAEL, les règles viet­nami­ennes ne con­cer­nent pas les con­struc­tions de car­ac­tère par­ti­c­uli­er telles que cuve­lages, réser­voirs. C’est donc aux règles par­ti­c­ulières français­es rel­a­tives à la con­struc­tion des réser­voirs que les ingénieurs viet­namiens se réfèrent pour le cal­cul des bassins de décan­ta­tion, de fil­tra­tion, des réser­voirs, des bâch­es de pom­page du pro­jet de Can Tho. Plus tard, au début de 1995, le min­istère de la Con­struc­tion viet­namien a pris une bonne déci­sion en entéri­nant ce fait : 

  • les bureaux d’é­tudes viet­namiens peu­vent utilis­er les règles de con­struc­tion de cinq pays : États-Unis, Grande-Bre­tagne, France, Alle­magne, Japon et de l’ISO (Inter­na­tion­al Stan­dard Organ­i­sa­tion) sans autori­sa­tion préal­able du Ministère ; 
  • pour les règles provenant d’autres pays : il faut une autori­sa­tion préal­able du Min­istère pour chaque ouvrage spécifié. 


L’ingénieur viet­namien a appliqué avec suc­cès les procédés locaux pour traiter les fon­da­tions en ter­rain mau­vais. Le sol à Can Tho, comme partout dans le Delta, est un mau­vais sol argileux : on a “ser­ré” le mau­vais sol par des petits pieux en bois de “tram” pour obtenir une meilleure por­tance, à rai­son de 25 pieux de 4,5 m de long, de 8 cm de diamètre, par mètre car­ré de sur­face. Le bois de “tram”, répan­du dans les régions marécageuses du Delta, peut “vivre” éter­nelle­ment dans la terre humide. Aux épreuves et essais en eau des ouvrages, le tasse­ment, uni­forme et min­ime, est com­pat­i­ble avec les exi­gences de service. 

Si l’on util­i­sait de façon clas­sique les pieux en béton armé, on aurait payé 5 fois plus cher. 

Les plans de cof­frage faits par Waseco ont été véri­fiés par Degré­mont, pour assur­er que le “Génie civ­il” est com­pat­i­ble avec “l’Hy­draulique”, “la Mécanique” et “l’Élec­tric­ité”. 

La coopération dans les travaux de montage

Degré­mont délègue de France un ingénieur pour super­vis­er le mon­tage des équipements et la mise en ser­vice de l’in­stal­la­tion. L’équipe de mon­tage viet­nami­enne, com­posée de 6 tuyau­teurs, 2 soudeurs, 12 mon­teurs et 30 aides tra­vail­lent pen­dant six mois pour ter­min­er les travaux de mon­tage de la 1re tranche (20 000 m3/j) en 1995. Le mon­tage de la 2e tranche se fera en 1997. 


Vis­ite du Comité pop­u­laire pen­dant la con­struc­tion de l’usine de Can Tho.

C’est donc au cours des travaux de mon­tage, sous la super­vi­sion d’un ingénieur français, que les tech­ni­ciens et ouvri­ers viet­namiens se per­fec­tion­nent dans leur méti­er. La for­ma­tion des ouvri­ers et tech­ni­ciens qual­i­fiés est “à l’or­dre du jour” ; ceci est absol­u­ment néces­saire à l’in­dus­tri­al­i­sa­tion du pays. C’est la poli­tique annon­cée par le Gou­verne­ment viet­namien au début de 1997. 

Conclusion

Le pro­jet d’al­i­men­ta­tion en eau potable de Can Tho jette les bases d’une coopéra­tion entre la France et le Viêt-nam dans le développe­ment du delta du Mekong. 

La France est un pays indus­triel, mais son orig­ine est agri­cole et son poten­tiel agri­cole est très élevé à l’heure actuelle. Ses indus­tries agro-ali­men­taires sont de répu­ta­tion mon­di­ale. Nul doute que ses expéri­ences sur l’in­dus­tri­al­i­sa­tion d’un pays à voca­tion agri­cole con­tribueront aus­si de façon effi­cace au développe­ment du delta du Mekong. 

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